mercredi 28 septembre 2011

Les arbres dans le Coran



Le terme shajar (ashjâr au pluriel) désigne dans le vocabulaire coranique aussi bien les arbres proprement dits que tout végétal, plus précisément « ce qui pousse avec une tige grosse ou fine ». Certains arbres sont désignés, comme l’olivier, le palmier dattier, le grenadier, l’acacia et le figuier, mais d’autres comme l’arbre du paradis n’y sont pas identifiés.
Le Coran affirme qu’ils sont une grâce dont Dieu a fait don aux hommes, grâce à l’eau qu’il répand et qui est le plus souvent associée à la vie. Cette grâce est de deux ordres : elle est la manifestation miraculeuse de la beauté et le don divin de la subsistance accordée aux hommes. Les arbres sont aussi le signe de l’impuissance des hommes à produire d’eux-mêmes la beauté de la nature, comme le rappelle la sourate al-naml (27,60).

La Tradition considère que les végétaux furent créés en troisième après la terre et les montagnes, et comme toutes les choses créées, les arbres sont supposés se prosterner devant Dieu, se remémorer Dieu et proclamer sa gloire. Ils ont parfois été utilisés par le Prophète comme métaphores pour décrire les hommes, et un de ses propos déclare par exemple que le palmier est l’arbre qui ressemble le plus à l’homme et qu’il a été créé de la même argile qu’Adam. Les traditions insistent aussi sur l’importance de planter des arbres, et en font l’une des aumônes les plus nobles ; elles rapportent plusieurs cas où Mahomet aurait interdit de couper les arbres de certaines zones considérées sacrées à Médine et à La Mecque. Le Coran utilise abondamment les végétaux pour ce qui concerne la vie des hommes, dans la mesure où ils leur assurent une subsistance naturelle, et dans ses descriptions eschatologiques. L’utilisation métaphorique du végétal pour parler des hommes permet de désigner « les arbres excellents » dont les racines sont saines, qui poussent vers le ciel et donnent de bons fruits à chaque saison, et « les arbres mauvais », plantes éphémères sans racines, faciles à arracher (14, 24-26). De même que les arbres sont associés à la vie et à l’eau et qu’ils fournissent de nombreuses images pour décrire l’atmosphère du paradis, certains arbres sont associés à l’enfer et à ses châtiments.
Le paradis est désigné par le terme janna qui signifie jardin, il est doté de multiples végétaux qui procurent une ombre apaisante et fraîche et de fruits dont les élus se délectent sans efforts. Les arbres du paradis donnent aussi des plats cuisinés faits de viandes et de volailles délicieuses, bien que cuites sans être bouillies ou rôties, et exhalant des parfums de musc et d’ambre. La description de ces mets accumule les métaphores tirées du monde végétal, soulignant ainsi par hyperbole l’importance extrême attachée au végétal dans la compréhension de la récompense promise aux croyants.
Les arbres du paradis sont d’un vert sombre, le vert jouant un rôle symbolique important dans l’islam, et le Coran mentionne parmi eux le lotus, le grenadier, le palmier, la vigne, l’acacia à gomme, le bananier sauvage et des plantes aromatiques. Un arbre du paradis porte sur chacune de ses feuilles le nom de chaque homme, et quand un individu doit mourir, « sa » feuille tombe. Certains ont identifié cet arbre au lotus, une mention qui renvoie aussi à l’une des conceptions que le Coran offre de la création et à la résurrection des hommes : le processus est comparé à la germination et à la croissance des plantes, de même que la littérature concernant l’ascension céleste du Prophète compare la naissance des houris à l’apparition des plantes.
Des traditions attribuées au Prophète indiquent en outre que les arbres et les pierres attestent de sa prophétie, et une tradition en particulier mentionne un arbre nommé al-shajara al-sumra auquel il se serait référé pour prouver sa qualité de prophète à un Bédouin qui l’interrogeait, et qui aurait prononcé cette attestation trois fois.
Des arbres spécifiques sont mentionnés dans le Coran, souvent au moyen de périphrases :
L’arbre vert (al-shajara al-khadrâ’) contient un feu rappelant le feu infernal aux hommes, mais qui a été trempé deux fois dans l’eau de manière à en diminuer l’effet et à permettre à ceux-ci d’en tirer profit.
« C’est lui qui, pour vous,
a dans l’arbre vert placé du feu
dont vous utilisez la flamme. » (36, 80)
« Avez-vous considéré le feu
que vous obtenez par frottement ?
Est-ce vous qui en faites croître le bois ?
Ou bien en sommes-nous les producteurs ?
.
Nous avons fait tout cela
comme un Rappel et une chose utile
pour les voyageurs du désert. » (56, 72-73)
Selon les exégètes, il s’agirait d’arbres poussant dans le désert. D’abord verts, ils se dessécheraient en vieillissant et s’enflammeraient spontanément ; ce sont des arbustes comme le markh et le ‘afâr.
L’arbre de l’immortalité (al-shajara al-khuld) « et du royaume perpétuel » est celui dont Dieu a interdit à Adam et Eve de s’approcher.
« Le Démon le tenta en disant :
Ô Adam !
T’indiquerais-je l’Arbre de l’immortalité
et d’un royaume impérissable ? (20, 120)
Il est aussi désigné par la littérature religieuse comme « arbre interdit ». Le Coran n’attribue aucune caractéristique physique à cet arbre qui permettrait de l’identifier.
L’arbre béni (al-shajara al-mubâraka) est mentionné dans la sourate de la Lumière :
« Dieu est la lumière des cieux et de la terre.
Sa lumière est comparable à une niche
où se trouve une lampe.
La lampe est dans un verre ;
Le verre est semblable à une étoile brillante.
.
Cette lampe est allumée à un arbre béni :
l’olivier qui ne provient ni de l’Orient, ni de l’Occident
et dont l’huile est près d’éclairer
sans que le feu la touche. » (24, 35)
assimilé à un olivier hors de toute orientation dont l’huile est lumineuse par essence.
L’arbre de la satisfaction (al-shajara al-ridwân) est celui sous lequel les musulmans sont censés avoir prêté allégeance au Prophète en l’an 6 de l’hégire (627 de l’ère commune), lors de la bataille d’al-Huday-biyya.
« Dieu était satisfait des croyants
quand ils te prêtaient serment sous l’arbre. » (48, 18)
L’arbre Thoubaa fait partie des arbres du paradis. Son nom se rapporte à une chose délicieuse, la meilleure chose, la beauté, la béatitude et la félicité. La Tradition considère que la communauté des musulmans sera réunie sous cet arbre au jour du Jugement. Le Prophète de surcroît aurait indiqué qu’il ne ressemble à aucun arbre existant dans le monde, on l’a donc décrit en utilisant les images les plus merveilleuses – son tronc immense est fait de rubis et il est parfumé de musc et d’ambre. Il a des fruits comme des perles au goût de miel et de gingembre, et ses racines laissent s’écouler des sources de vin. (voir en commentaires pour plus d’informations données par les hadiths)
L’ensemble des espèces citées parmi lesquelles dominent les arbres fruitiers dispense une ombre aussi rafraîchissante que durable (4, 57 ; 13,35). Enfin les branches pendant bas sont à portée de main (55, 54 ; 69, 23 ; 76, 14).
La végétation qui pousse dans le brasier infernal n’est à l’inverse composée que d’un seul arbre et d’un arbuste qui dispensent l’un et l’autre « de fumée noire, ni fraîche, ni généreuse » (56, 43-44) qui s’oppose comme telle à celle dispensée par les espèces paradisiaques.
L’arbre maudit (al-shajara al-mal’unâ) désigne pour sa part l’arbre nommé Zaqqoum, qui est l’opposé de l’arbre Thoubaa et qui pousse en bas de l’enfer. Il fait partie des châtiments réservés aux damnés : ses fruits sont des démons qui déchirent leurs entrailles.
« L’arbre de Zaqqoum
est l’aliment du pêcheur.
Il bout dans les entrailles comme du métal en fusion,
comme de l’eau bouillante. » (44, 43-46)
« N’est-ce pas un meilleur lieu de séjour que l’arbre de Zaqqoum ?
Nous l’avons placé comme une épreuve pour les injustes ;
c’est un arbre qui sort de la Fournaise ;
ses fruits sont semblables à des têtes de démons. » (38, 62-65)

« Oui, vraiment, ô vous les égarés, les négateurs !
Vous mangerez les fruits de l’arbre Zaqqoum » (56, 51-52)
Considéré par les exégètes comme un arbre propre à l’enfer, le Zaqqoum était pourtant connu du botaniste Dînawâri (vers 281/894): il s’agit selon lui, d’un arbre qui pousse au Yemen, de couleur poussière, au tronc noueux, sans épines, aux fleurs malodorantes et amères, et aux petites feuilles arrondies dont les extrémités sont très laides.
(cet arbre avec des fruits semblables à des têtes rappelle étrangement l’arbre Waq Waq).
Outre cet arbre, d’autres végétaux tapissent l’enfer, en particulier des plantes sèches, pestilentielles et qui écorchent les corps.
Enfin, l’arbre Yaqtin est associé à Jonas. Selon le Coran (37, 146), lorsque celui-ci fut rejeté sur la terre et qu’il se trouvait nu, Dieu fit croître cette plante afin qu’il se couvre de sa feuille. D’après la Tradition, il s’agirait d’une sorte de courge.
Il faut aussi signaler que le buisson ardent de la tradition biblique [1] n’est pas mentionné en tant que tel dans le texte coranique, même si cet épisode qui concerne Moïse est décrit dans trois longs passages (20, 9-14 ; 27, 7-9 ; 28, 29-30).___
Le Coran, traduit et annoté par Denise Masson, éditions La Pléiade, 1967.
Dictionnaire du Coran, Mohammad Ali Amir-Moezzi, pp.78-79-260-353-899

lundi 26 septembre 2011

Histoire des Prophètes : Adam (sur lui le salut et la paix)


                                               Le Pic d'Adam au Sri Lanka


par Cheikh Khaled Bentounès



Lorsque Ton Seigneur dit aux Anges : « Je vais établir un lieutenant sur la terre. Ils dirent : « Vas-Tu y établir quelqu’un qui fera le mal et qui répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ? » - Il dit : « En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas ! ».
Et Il apprit à Adam tous les noms (de toutes choses), puis Il les présenta aux Anges et dit : « Informez-Moi des noms de ceux-là, si vous êtes véridiques ! ».
[…] Il dit : « Ô Adam, informe-les de ces noms. » Puis quand celui-ci les eut informés de ces noms, Dieu dit : « Ne vous ai-Je pas dit que Je connais les mystères des cieux et de la terre, et que Je sais ce que vous divulguez et ce que vous cachez ? »
Et lorsque Nous demandâmes aux Anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent à l’exception d’Iblis qui refusa, s’enfla d’orgueil et fut parmi les incrédules.




(sourate 2, versets 30-31 et 33-34)


Le vouloir divin
Dans la création infinie, l’homme n’est qu’un être parmi une multitude de créatures dont certaines nous sont inconnues. Il n’en représente pas plus qu’un grain de sable. Cependant, la volonté divine l’a choisi comme dépositaire de la conscience. Plus celle-ci est imprégnée par le Divin, plus l’homme est transfiguré et devient à Son image. A l’inverse, plus il s’en éloigne, plus il devient ténébreux et commet le mal.
Dieu a aussi choisi l’homme comme Son représentant (khalifat), à qui Il délègue le pouvoir de gérer les biens qu’Il lui a confiés.
Les anges trouvèrent l’homme indigne de remplir cette tâche et le firent savoir : « Vas-tu y établir quelqu’un qui va faire le mal et répandra le sang ? »
C’est par le monde angélique que transite le décret divin. Il s’y élabore et prend forme avant de se matérialiser dans le monde manifesté (mulk). Ainsi, selon la Tradition, ce sont les anges qui déposent l’âme et le destin dans le fœtus le cent vingtième jour après la fécondation, et qui viennent reprendre ce dépôt au moment de la mort.
L’ange ne connaît qu’un seul versant, celui de la lumière et de la servitude. Il prie, adore et obéit. Il ignore la partie ténébreuse (l’orgueil, l’usurpation de pouvoir, la mortalité), que Dieu a insufflée en Adam. Il méconnaît les opposés, contrairement à Adam qui seul est capable d’aimer et de haïr, de construire et de détruire, d’obéir et de se rebeller. Pur et impur, il est différent de l’ange auquel, à certains égards, il est supérieur puisqu’il possède et supporte les deux natures.


Les Noms divins
Avant que la terre ne soit, Adam existait déjà dans la prééternité, comme nous tous avant notre création. La terre a été préparée pour lui afin qu’il y réside et qu’il y acquière la connaissance du tout. L’Adam physique est passé par toutes les étapes de la création - le minéral, le végétal, l’animal - pour aboutir à la forme humaine. Il intègre toutes ces étapes en lui. C’est son héritage, légué par Dieu. Il a été choisi et préparé pour accomplir une mission, celle d’engendrer l’humanité.
Il a la capacité de découvrir en lui tous les Noms, insufflés par Dieu et qui contiennent la création entière avec ses contradictions et ses complémentarités, telles que le bien, le mal, la beauté, la laideur. Chaque Nom est la clef d’une connaissance, d’une science. Dieu a ainsi appris à Adam la Connaissance qui concerne toute la création.
Dans la prééternité, Adam possédait la connaissance de tout ce que l’humanité sait aujourd’hui et de tout ce qu’elle saura dans l’avenir et ce jusqu’à la fin. Ainsi, lorsque certains Noms comme la Puissance, la Royauté, la Sagesse sont manifestés par des hommes, ce sont celles de Dieu qui sont exprimées mais à l’échelle humaine. L’homme possède tous les Noms mais n’en réalise que quelques-uns. S’il avait le souvenir de tous les Noms que Dieu lui a insufflés, il pourrait agir sur les mondes supérieurs et modifier le monde physique. Ce qui explique les miracles des prophètes et de certains saints.
Adam : le lieutenant de Dieu sur la terre
Lorsque Dieu eut montré et prouvé aux anges la supériorité d’Adam, Il leur demanda de se prosterner devant lui. Ce fut une épreuve difficile pour ces êtres de pure lumière de se prosterner devant un être fait de chair et de sang et possédant une double nature : celle du bien et celle du mal, la lumière et l’ombre. Les anges reconnurent en lui un être exceptionnel et, par soumission à Dieu, ils se prosternèrent devant lui. L’être qui se prosterne s’engage à obéir, aider et apporter tout ce dont l’autre a besoin. Par cette action, l’ange est devenu le serviteur de l’homme.
Dès son avènement, l’homme possède le titre de noblesse de khalifat (lieutenant) et toute la création se prosterne devant lui : la vache en offrant le lait et la viande, la mer en donnant le poisson, l’air en fournissant l’oxygène. Mais, inconscient de cette élection et des responsabilités qu’elle implique, l’homme abuse malheureusement de son pouvoir. Il n’est pas reconnaissant et agresse la création.


Satan

Nous avons dit : « O Adam ! Habite avec ton épouse dans le jardin ; mangez de ces fruits comme vous le voudrez ; mais ne vous approchez pas de cet arbre, sinon vous seriez au nombre des injustes. »
Le Démon les fit trébucher et il les chassa du lieu où ils se trouvaient. Nous avons dit : « Descendez, et vous serez ennemis les uns des autres. Vous trouverez, sur la terre, un lieu de séjour et de jouissance éphémère. »
Adam accueillit les paroles de son Seigneur et revint à lui, repentant. Dieu est, en vérité, celui gui revient sans cesse vers le pécheur repentant ; il est miséricordieux.
Nous avons dit : « Descendez tous ! Une Direction vous sera certainement donnée de ma part. » - Ni crainte, ni tristesse n’affligeront ceux qui suivent ma Direction.

(Sourate 2, versets 35-38.)


Un ange, Iblis, va désobéir à cet ordre divin. En refusant, par orgueil, d’obéir à Dieu, il est déchu et devient Chaïtan : le Démon. C’est lui qui entraînera Adam et Eve dans la désobéissance et, par là même, dans la chute.
Une question se pose : comment un être de lumière comme Iblis a-t-il pu connaître l’orgueil qui appartient aux ténèbres ? Si Iblis intervient dès le début de l’humanité, c’est par décret divin. Dieu a préparé Iblis autant qu’Adam. Il l’a créé par amour pour Adam. Sa fonction est d’égarer l’homme car s’il n’y avait pas d’erreur et d’égarement, il ne pourrait y avoir de direction et de salut, et l’humanité n’existerait pas. Le mal participe à l’équilibre de la création.
Iblis a été chassé du paradis avec l’homme et nous ne pouvons pas éliminer cette dimension. Chacun porte Iblis en soi, comme les deux faces d’une médaille, l’une est angélique et l’autre démoniaque. Iblis symbolise notre ego (nafs), notre part d’ignorance et d’erreur. Mais c’est en nous attirant vers l’erreur qu’il nous renvoie vers la vérité. Iblis restera jusqu’au jugement dernier. Il sera le dernier que l’ange de la mort viendra chercher.
Un jour un faqir, en quittant Mostaganem, rencontra un homme qui lui demanda de l’emmener sur son cheval. Le faqir l’invita à monter et ils poursuivirent leur route. Soudain l’homme ceintura le faqir, le jeta à terre et s’enfuit avec la monture. Aussitôt le fakir lui cria : « Attends ! Attends ! Ne dis pas que tu as volé ce cheval. Je te le donne ! » Surpris, le voleur fit volte-face et lui dit : « Comment ! Je te vole ton cheval et tu me le donnes ? - Oui, je te le donne, car on saura vite en ville que je t’ai emmené sur mon cheval pour te rendre service et que tu me l’as volé. Alors plus personne n’osera rendre ce service à un autre. » Le faqir, voyant que ce vol deviendrait un préjudice pour la communauté, convertit ainsi le mal en bien.
Une histoire rapportée par Abderrahman al-Çafouri donne une autre compréhension de la désobéissance d’Iblis. Moïse demanda à Iblis : « Pourquoi ne t’es-tu pas prosterné devant Adam ? » Et il répondit : « Je n’ai pas voulu être comme toi, car moi, je prétends L’aimer et je n’ai pas voulu me prosterner devant un autre que Lui. J’ai préféré le châtiment. Toi, tu prétendais L’aimer. Il t’a dit : « Regarde la montagne » et tu as regardé la montagne. Il fallait fermer les yeux, tu L’aurais vu. »

Eve
Lors de la fécondation, la première cellule qui se forme est indifférenciée. Elle n’est ni mâle ni femelle. De la même manière, l’être adamique, celui qui va recevoir tous les Noms, celui devant qui les anges vont se prosterner, n’est ni masculin ni féminin. Il est l’androgyne primordial qui était déjà potentiellement contenu dans le minéral, puis dans le végétal, puis dans l’animal. C’est seulement au bout de ce processus, et comme parachèvement de la création, que naît l’être adamique. De lui, par dédoublement, viendra Eve et l’humanité. Eve symbolise, en vérité, la partie féminine et réceptive qui se trouve dans chaque être humain.
C’est Adam qui a fait le serment du dépôt. Eve ne s’est donc pas sentie autant concernée par cet engagement. C’est pour cette raison que, dans les Traditions, Eve tente Adam. La tentation, symbolisée par le principe féminin, a un sens. Elle est nécessaire à l’acte de création. Dans l’absolu elle oscille toujours entre le bien et le mal. La partie féminine que chaque être humain a en soi est la part créative, portant le penchant de la tentation. Mais en passant à l’acte, elle devient le moyen de créer. Si elle n’était pas là, la création ne pourrait se réaliser. Quant à notre partie masculine, elle est le principe actif de l’esprit totalement impliqué par le serment primordial. Normalement, il ne devrait pas désobéir. C’est le principe féminin qui provoque la désobéissance, par la tentation, pour que la création commence.
L’homme réalisé se situe dans la transcendance du bien et du mal, dans le juste milieu, la voie de l’harmonie. Si sa négativité est pacifiée, elle ne perturbe plus le déroulement de sa vie. Il est alors situé dans cette limite où le bien et le mal se rencontrent et créent une harmonie. Dans cette situation, l’inspiration divine intervient pour le guider et neutraliser la confrontation intérieure entre le bien et le mal. C’est là le triomphe de l’homme équilibré qui agit dans la vie sans se blesser et sans blesser autrui.

La désobéissance
Nous avons reçu de Dieu tous les Noms sauf un, celui de l’immortalité, symbolisé par le fruit défendu. C’est par ce biais que Chaïtan tenta le couple. Il leur fit croire qu’en mangeant de ce fruit ils accéderaient à l’immortalité, c’est à-dire qu’ils se hisseraient au niveau de la Divinité.
La désobéissance, c’est faire dans l’oubli. Désobéir à Dieu, c’est L’oublier, se détourner de Lui ou Lui donner des associés matériels ou spirituels. A l’instant où il commet une faute, l’homme oublie Dieu. S’il réalisait que Dieu est présent, témoin de ses actes, il ne commettrait pas l’acte de désobéissance.

La chute
Un majdhûb raconte : « En croquant la pomme, Adam et Eve ont fait chacun, isolément et individuellement, une expérience unique. Leur être s’est agrandi à un point tel qu’il est devenu aussi grand que l’univers. Ils ont reçu des éclairs de lumière et de feu. Le vide de leur être s’est rempli de matière et d’énergie. Ils ont contemplé, médusés, l’univers qui se défaisait et se reconstruisait en eux. Savoir, connaissance, créativité, discernement, responsabilité, science, conscience, tout venait vers eux ! Ils se sont transformés en un gigantesque aimant qui attire inexorablement toute chose et son contraire : matière et antimatière, ténèbres et lumières, joies et peurs, amour et haine, vie et mort, force et faiblesse, pouvoir et antipouvoir, apparent et caché, premier et dernier. Ils veulent refuser mais ne font que subir. Ils sont le tout mais ils ne sont rien. Ils sont dans chaque grain de poussière, dans chaque atome, dans chaque molécule, dans chaque cellule. Ils voient les créatures se faire et se défaire. Les galaxies, les planètes, les soleils, les étoiles se construisent et se détruisent, là, sous leurs yeux, en eux. Une force immense les habite, ils peuvent tout. Leur souffle résonne tel un tonnerre dans les fins fonds de l’univers. Leur être immense remplit tout. Leur unicité se démultiplie sans cesse. Que de formes, que de créations ! Du microcosme au macrocosme, tout s’agite, vibre, réclame sa part de l’être gigantesque qu’ils sont devenus. »
En péchant, Adam et Eve se sont vus. Ils ont vu le Soi, ils ont vu Dieu ! Auparavant, ils vivaient dans l’instant éternel. Maintenant ils vont vivre dans le temps ! Et c’est ainsi que nous assistons au premier jour de la nouvelle création. Adam et Eve vont changer de planète. Du paradis, ils vont tomber sur terre. C’est la chute !
Au paradis, Adam ne se connaissait pas. Plongé en permanence dans la lumière divine, illuminé, ébloui, il n’avait pas conscience de ce qu’il était. Il était dans l’état de celui qui s’est aspergé de parfum au point qu’il ne le sent plus, tant il en est imprégné. Il est devenu parfum. Adam et Eve étaient enivrés du parfum divin, le parfum de la Connaissance. En désobéissant, ils sont retombés dans l’ignorance. La Connaissance qu’ils avaient reçue leur a échappé, et ils se sont voilés. Ils ont chuté du monde spirituel au monde matériel, du monde subtil au monde grossier.
L’histoire d’Adam et Eve nous concerne tous. Ils sont en nous, dans notre descendance. S’ils étaient restés au paradis, nous ne serions pas. Ils ont désobéi afin que l’humanité existe. Pour revenir vers Dieu, vers l’état premier, les humains doivent reprendre le chemin en sens inverse, aller du monde matériel au monde spirituel. Cette expérience de réalisation est le combat de toute une vie pour retrouver le paradis perdu.

La miséricorde
Malgré la chute du couple primordial, Dieu, dans Sa miséricorde, revient vers nous sans cesse et nous octroie Son pardon. Il nous appelle continuellement au repentir pour nous diriger par tous les moyens dans ce retour vers Lui.
D’après un hadith du Prophète, l’homme est accompagné en permanence par deux anges. L’un, placé à sa droite, note les bonnes actions et l’autre, à sa gauche, les mauvaises. Celui de droite est supérieur à celui de gauche, il le commande. Ainsi, quand un homme commet une faute, l’ange de gauche veut l’inscrire immédiatement. Mais celui de droite intervient pour lui demander d’attendre le repentir de l’homme et de suspendre l’inscription du péché jusqu’au lever du jour prochain. Si le fauteur ne se repent pas, la faute est alors inscrite. L’homme a donc toujours un temps pour le repentir.
Dieu a chassé Adam du paradis, mais il a envoyé des messagers pour guider sa descendance. C’est la mission des prophètes. Celui qui n’a pas l’espoir du Divin en lui, qui ne se repent pas de ses fautes et ne revient pas vers Lui s’éloigne de Sa miséricorde. Mais ceux qui suivent Sa direction n’auront « ni crainte ni tristesse ». Si nous connaissons la relativité de ce monde éphémère, les conditions dans lesquelles il a été créé et les drames qui s’y jouent, nous n’avons alors plus rien à craindre ou à déplorer car si nous suivons Sa direction, nous retrouverons notre condition originelle de pur esprit.

L’histoire se renouvelle
Le drame d’Adam et Eve se rejoue à travers nous et se reproduit, malgré nous, à travers nos enfants. L’histoire de la tentation et de la chute se répète tous les jours. Elle nous ramène à la gestation et à l’accouchement. Tant que l’enfant se trouve dans le ventre de la mère, il ne connaît ni faim, ni soif, ni froid. Il vit en symbiose avec elle, dans un état comparable à l’état paradisiaque où rien ne manque. Au paradis comme dans l’état fœtal et en Adam comme dans le petit enfant, le côté négatif est latent. Le nouveau-né est un homme complet comme Adam. D’abord, c’est l’innocence et la pureté qui s’expriment
« C’est un petit ange ! » s’exclament les parents. Par la suite, l’enfant grandit et les parents le protègent, le nourrissent et lui inculquent le bien et le mal, le permis et l’interdit, jusqu’au jour où, pour s’affirmer, il se révolte contre ses parents et leur désobéit sciemment. Par honte et par crainte de la punition, il fuit et se cache. C’est l’expérience de la chute, le drame se répète. La connaissance des Noms commence alors, avec le bonheur, la honte, l’amour, le malheur, la tristesse, le beau, le laid.
Adam ne pouvait connaître le mal avant d’en avoir fait l’expérience. Il est donc dans l’itinéraire de l’homme de faire pleinement l’expérience du mal. Mais pour que l’existence soit considérée comme positive, il faut que la somme du bien l’emporte sur celle du mal. Au moment du bilan, s’il y a plus de mal que de bien, l’homme devra compenser par le châtiment et le passage en enfer. Le feu purifiera l’homme du mal qu’il a commis, il élargira sa conscience. Il est une miséricorde divine.
Toute la vie consiste à prendre conscience du bien et du mal et à choisir entre les deux. Pour l’homme, c’est un affrontement entre la conscience et le moi égocentrique, un combat intérieur motivé par le seul désir de retrouver le bonheur perdu.
Si Dieu donne la « direction », c’est pour permettre à l’homme de revenir vers Lui. Avec l’épreuve, Il a aussi donné Sa miséricorde. Il pardonna à Adam. Réfléchissons et tentons d’élargir notre vision. C’est l’un des aspects fondamentaux de l’histoire d’Adam.

Adam, le premier prophète
C’est à partir de matériaux contenus dans notre corps que s’est déroulé le processus de la chaîne de la création, jusqu’à la naissance de l’homme, l’être le plus élaboré physiquement et surtout spirituellement. Ce processus ne cessera de se poursuivre jusqu’à l’émergence de l’être spirituel.
Si les sages sont des exceptions, dans le futur, le processus de la réalisation spirituelle de l’homme se généralisera, comme l’exprime le Coran :

« Et ma terre sera l’héritage de mes serviteurs saints »
(sourate 10, verset 62).


Cheikh Bentounès, « L’homme intérieur à la lumière du Coran »  éditions Albin Michel

Histoire des Prophètes : Abraham (sur lui le salut et la paix)





par Cheikh Khaled Bentounès

Le « hanif »

Abraham n’était ni juif ni chrétien mais il était un vrai croyant soumis à Dieu ; il n’était pas au nombre des polythéistes.
Les hommes les plus proches d’Abraham sont vraiment ceux qui l’ont suivi, ainsi que ce Prophète et ceux qui ont cru. - Dieu est le Maître des croyants -.


(Sourate 3, versets 67-68.)


Si Adam est considéré comme le père de l’humanité et Noé son sauveur, Abraham (Saydina Ibrahim’) représente le père du monothéisme. Il est un hanif, c’est-à-dire un homme immergé dans la Présence, imprégné par l’Unicité et totalement soumis à la volonté divine, en référence à la tradition primordiale. Il n’est ni juif ni chrétien et se situe au-dessus de tout esprit dogmatique. Il est au sommet de la pyramide, point de convergence du monothéisme dans ses nuances et sa diversité. Les religions monothéistes constituent une grande famille divisée en trois branches dont Abraham est l’aïeul. C’est par le retour à lui que ces trois familles spirituelles peuvent communiquer et dialoguer.


Abraham appartenait à sa communauté.
Il vint à son Seigneur avec un cœur pur ;
il dit à son père et à son peuple : « Qu’adorez-vous ?
« Cherchez-vous, dans votre égarement, des divinités en dehors de Dieu ?
« Que pensez-vous du Seigneur des mondes ? »


(Sourate 37, versets 83-87.)


A cette époque, les Assyriens et les Babyloniens étaient experts en astrologie. Des mages prédirent au roi la naissance d’un enfant qui professerait une nouvelle religion. Le roi décida alors de faire exécuter tous les enfants mâles nés cette année-là. Le père d’Abraham, vizir du roi, eut connaissance de cette décision et éloigna de la cité sa femme, qui donna naissance à Abraham dans une caverne.
Ce bébé était différent des autres... On dit que les anges veillèrent sur lui et lui apprirent à sucer son doigt pour recevoir une nourriture qui accéléra sa croissance. Quand il revint dans la cité, nul ne soupçonna son âge. Par ailleurs, il était doté d’une intelligence supérieure qui l’amena à s’interroger très jeune sur l’origine de la création.

Le chemin dans la lumière

Dans sa méditation et sa quête de la Vérité, Abraham, qui possédait le savoir de son temps, l’astrologie, contemplait la création et s’interrogeait sur ses origines. L’observation des étoiles, de la lune et du soleil le conduisit d’étape en étape, de découverte en découverte, à la vérité céleste. Au plan symbolique, les astres constituent son cheminement intérieur et ses états successifs dans la progression vers la réalisation, de l’étoile à la lune et au soleil, c’est-à-dire de la lumière la plus faible à la plus forte.
A travers l’expérience d’Abraham, tous les hommes en quête de Vérité pourront cheminer, d’état en état, jusqu’à la disparition des illusions par une purification intérieure. Ce qu’attestent clairement les versets 76 à 79 de la sourate 6 :


Lorsque la nuit l’enveloppa, il vit une étoile et il dit « Voici mon Seigneur ! » Mais il dit, lorsqu’elle eut disparu « Je n aime pas ceux qui disparaissent. »
Lorsqu’il vit la lune qui se levait, il dit : « Voici mon Seigneur ! » Mais il dit, lorsqu elle eut disparu : « Si mon Seigneur ne me dirige pas, je serai au nombre des égarés. »
Lorsqu’il vit le soleil qui se levait, il dit : « Voici mon Seigneur ! C’est le plus grand ! » Mais il dit, lorsqu’il eut disparu : « Ô mon peuple ! Je désavoue ce que vous associez à Dieu. Je tourne mon visage, comme un vrai croyant, vers relui qui a créé les cieux et la terre. Je ne suis pas au nombre polythéistes. »


Destruction des idoles


Puis il regarda attentivement les étoiles et il dit : « Oui, je vais être malade ! » et les gens lui tournèrent le dos.
Il se glissa auprès de leurs divinités et il dit : « Quoi donc ? Vous ne mangez pas ? Pourquoi ne parlez-vous pas ? »
Il se précipita alors sur elles en les frappant de sa main droite.
Les gens vinrent à lui en courant, il dit : « Adorez vous ce que vous avez sculpté, alors que c’est Dieu qui vous a créés, vous et ce que vous faites ? »


(Sourate 37, versets 88-96)


Son père était gardien du temple des idoles. Abraham l’interrogea en présence des prêtres : « Qu’adorez-vous ? Cherchez-vous dans votre égarement des divinités en dehors de Dieu ? Que pensez-vous du Seigneur des mondes ? ». Ces questions ébranlèrent profondément les convictions de l’assistance et semèrent le doute dans les cœurs.
Le comportement de ses contemporains asservis par l’idolâtrie et la corruption rendait malade cet homme au cœur pur. Lorsque les gens se dispersèrent, il resta seul et provoqua les idoles par cette question : « Vous ne mangez pas ? Pourquoi ne parlez-vous pas ? »
Ne recevant pas de réponse, il prit une hache de la main droite représentant l’autorité, la justice et la vérité, et décapita les idoles. La destruction accomplie, il mit la hache dans la main de la plus grande des idoles. Quand les gardiens du temple constatèrent le désastre, ils l’en accusèrent. Il répondit que c’était l’œuvre de la grande idole. Qu’on l’interroge ! Après une longue hésitation, ils dirent à Abraham que l’idole ne pouvait pas parler. Il leur dit alors : « Vous adorez ce que vous avez sculpté, alors que c’est Dieu qui vous a créés, vous et ce que vous faites ? »
La fournaise
Après le décès de son père qui le protégeait en dépit de leurs divergences, les prêtres décidèrent de le condamner.


Ils dirent : « Construisez pour lui une bâtisse et jetez-le dans la fournaise »


(sourate 37, verset 97).


La sentence allait donc être exécutée. Abraham devait subir l’épreuve comme tous ceux qui sont venus au cours des siècles défendre des idées généreuses et universelles. Il fut donc condamné au bûcher. Au moment où il entrait dans la fournaise, Gabriel lui apparut et lui demanda, de la part de Dieu, ce qu’il souhaitait. Abraham imperturbable répondit qu’il s’en remettait à Lui. Au même instant, le Très-Haut le nomma « Son ami », et dit au feu :


« O feu ! Sois, pour Abraham, fraîcheur et paix ! ».
Ils voulaient dresser des embûches contre lui, et nous en avons fait les plus malheureux des perdants »


(sourate 21, versets 69-70).


Pour que le décret divin se réalise, sous le bûcher jaillit une source qui préserva Abraham. Devant ce miracle, il fut libéré mais invité à quitter Ur et la terre babylonienne.

L’exil
L’exode d’Abraham commença. Il partit avec sa femme Sarah et ses compagnons, parmi lesquels Loth qui s’arrêta à Sodome. Le reste de la caravane traversa la Syrie, la Palestine et arriva en Égypte où la beauté de Sarah attira l’attention du pharaon qui en tomba amoureux. Mais, étrangement, chaque fois qu’il essayait de l’approcher, sa main était frappée de paralysie. A la première tentative, il s’arrêta stupéfait et renonça. La deuxième fois, le même phénomène se reproduisit. A la troisième, il demanda :
« Qui es-tu et qui est cette femme qui t’accompagne ? » Abraham répondit : « C’est ma sœur [dans la foi]. » Impressionné, Pharaon donna alors à Abraham tout ce dont il avait besoin et offrit à Sarah une servante nommée Agar.
Ils repartirent dans le désert. Un certain temps s’écoula et Abraham n’avait toujours pas de descendance. Sarah pensait qu’elle était stérile. Lassée d’attendre, elle finit par lui offrir sa servante afin qu’il puisse avoir un enfant. Ismaël naquit d’Abraham et Agar. Sarah devint alors extrêmement jalouse et pria Abraham d’éloigner Agar et son fils. Il emmena l’enfant et la mère dans un endroit désertique et aride, la vallée de La Mecque, où il revint de temps en temps les voir. Le rituel du pèlerinage musulman à La Mecque a pour origine cet événement. La jalousie de Sarah eut des conséquences positives que nous verrons plus tard. Même nos faiblesses peuvent avoir une répercussion déterminante sur le déroulement de l’histoire.

Zemzem et le destin d’Ismaël
Agar était restée seule avec son enfant dans ce pays de la soif. Ismaël était sur le point de mourir. L’enfant pleurait et sa mère affolée courait d’une colline à l’autre pour chercher du secours. En pleurant, Ismaël frappait le sable de ses talons si bien qu’une source en jaillit avec force et abondance. Pour la tempérer, Agar dit à la source : « zemzem », « calmement-calmement ». Cette source coule encore aujourd’hui à La Mecque, désaltérant et purifiant les pèlerins. La course éperdue d’Agar entre les collines de Safa et Marwa est réactualisée lors du rituel du pèlerinage.
Agar symbolise l’âme assoiffée de vérité. Elle a le même cheminement qu’Abraham qui cherchait la Vérité à travers les croyances de son temps, puis à travers l’astronomie et l’astrologie. Mais chaque fois qu’il croyait l’avoir atteinte, il se retrouvait insatisfait. La Vérité était encore au-delà. Telle Agar, l’âme dans sa quête court d’une hésitation à l’autre, d’une fausse certitude à l’autre, d’une question à l’autre, cherchant l’eau de Vérité dans la Source de la vie.
Cet événement de la vie d’Abraham a suscité cette question : comment un prophète peut-il abandonner dans le désert une mère et son enfant à cause de la jalousie d’une femme ? Aujourd’hui, cette histoire nous révèle son secret et éclaire ce mystère : la volonté divine a voulu cacher la descendance d’Abraham. Ceci est explicité clairement dans la Genèse.
Abraham est le père des grandes traditions monothéistes : le judaïsme, le christianisme et l’islam. Il eut par la suite un autre fils avec Sarah : Isaac, qui donna Jacob et les douze tribus d’Israël.
Selon la version islamique de l’histoire, Dieu ordonna à Abraham de lui sacrifier son fils unique Ismaël au lieudit Mina. Comme l’explique le Coran, c’est après le miracle du sacrifice que Sarah, stérile et d’un âge fort avancé, donna naissance à Isaac. Etonnée, elle dit aux anges venus annoncer à Abraham la nouvelle d’un héritier :


La femme d’Abraham se tenait debout et elle riait. Nous lui annonçâmes la bonne nouvelle d ’Isaac, et de Jacob, après Isaac.
Elle dit : « Malheur à moi ! Est-ce que je vais enfanter, alors que je suis vieille, et crue celui-ci, mon mari, est un vieillard ? Voilà vraiment une chose étrange ! »
Ils dirent : « L’ordre de Dieu te surprend-il ? Que la miséricorde de Dieu et ses bénédictions soient sur vous, ô gens de cette maison ! Dieu est digne de louange et de gloire ! »


(Sourate 11, versets 71-73.)


Cette lignée est celle de Moïse jusqu’à Zacharie, Jean et enfin Marie qui donnera naissance à Jésus. Mais ce dernier n’a pas d’enfants. La lignée d’Ismaël prend alors le relais. Comme une graine mystérieusement cachée, les fils d’Ismaël vivaient au milieu d’un désert que personne n’avait pu posséder, ni les Byzantins ni les Perses, bien qu’il fût un point d’eau incontournable, un carrefour caravanier important, un sanctuaire et un lieu de pèlerinage réputés. D’Ismaël naîtra, après plusieurs générations, Mohammed, le lien entre les deux ascendances

L’épreuve du sacrifice
Dans le désert mecquois, Abraham vit en songe qu’il devait sacrifier son fils. Au réveil, il lui raconta sa vision. Ismaël, serein, dit à son père : « Fais ce qui t’est ordonné, évite de te salir de mon sang afin que ma mère l’ignore. » Ils partirent tous deux vers la plaine de Mina où devait avoir lieu l’immolation. En cours de route, Satan tenta par trois fois de le dissuader. Pour éloigner le diable, Abraham lança des pierres dans la direction de la voix.
Quelle épreuve dure et pénible que d’immoler son propre fils pour obéir à l’ordre divin ! Un fils unique qu’il a attendu si longtemps et qui hériterait de son enseignement spirituel ! Et pourtant Abraham n’hésite pas un instant. Son amour de Dieu est plus fort que sa souffrance. L’ordre sera exécuté car il sait que le Divin connaît ce qui échappe à l’entendement humain. A l’instant où, dans une soumission parfaite, il allait égorger son fils, la voix de Dieu arrêta son geste : « O Abraham, tu as été fidèle à ton songe, rachète ton enfant avec le mouton que voici. » Il prit la bête et l’immola en signe de gratitude et de remerciement.
Cette épreuve atteste la profondeur de l’attachement d’Abraham à Dieu.
Si nous croyons aimer un être, aimons-le en Dieu. Celui que nous aimons parce qu’il nous aime, nous ne faisons que lui rendre la monnaie de sa pièce. Mais si nous sommes capables d’aimer les autres, jusqu’à nos propres ennemis, nous avons plus de mérite et l’amour devient alors libérateur. Si j’aime une personne en Dieu et que demain elle me déçoit, mon cœur sera apaisé car c’est Dieu que j’ai aimé à travers elle. Quant aux êtres disparus, si nous continuons à les aimer en Dieu, ils resteront toujours vivants dans nos cœurs car Dieu est l’éternel Vivant.
Depuis ce jour, les pèlerins musulmans sacrifient le mouton le jour de la fête de l’Aïd et lapident à trois reprises Satan à Mina, après les sept circumambulations autour de la Ka’ba (reconstruite par Abraham et Ismaël) et les sept va-et-vient d’Agar entre les collines de Safa et Marwa.
Le symbole du sacrifice se retrouve dans les trois traditions, évoquant ainsi le souvenir de leur appartenance commune à ce père unique : Abraham. Par cette offrande du fils, Dieu racheta à Abraham toute sa descendance qui lui fut désormais totalement consacrée. Ses enfants appartiennent à Dieu, et de leur descendance seront issus tous les prophètes.
L’itinéraire d’Abraham représente tout le symbole, la densité et l’harmonie du monothéisme. Elle recèle en elle toutes les clefs d’accès à la compréhension des trois grandes religions du Livre. Le premier élément du message est le cheminement vers la Vérité en partant du niveau des étoiles, qui représentent les initiés dépositaires de la connaissance, à celui de la lune, qui signifie le guide spirituel ou le pôle (el qutub) de la Connaissance, afin d’arriver au soleil, qui symbolise le prophète-messager. Le parcours d’Abraham est l’archétype des étapes de l’initiation pour revenir à la perfection adamique avant son voilement par la désobéissance.
Le deuxième élément du message est l’amitié dans l’intimité de Dieu et de l’homme. Désormais Il n’est plus adoré dans l’éloignement de la majesté écrasante, mais dans l’intimité secrète de la proximité du cœur.

La résurrection
Le dernier élément, celui de la résurrection, réside dans l’interrogation d’Abraham à Dieu :
« Mon Seigneur ! Montre-moi comment tu rends la vie aux morts. » Dieu dit : « Est-ce que tu ne crois pas ? » Il répondit « Oui, je crois, mais c’est pour que mon cour soit apaisé. »
(Sourate 2, verset 260.)


Dans la tradition islamique, on situe ce récit à la fin de la vie d’Abraham, qui croyait en la résurrection mais voulait en connaître le secret. Alors Dieu lui envoya l’ange de la mort à qui il recommanda de ne prendre l’âme d’Abraham qu’avec son consentement. Embarrassé, l’ange prit la forme d’un vieillard en pleine décrépitude. Celui-ci demanda l’hospitalité à Abraham qui le fit entrer et lui présenta un repas. Voyant que le vieillard était incapable de porter la nourriture à sa bouche, le prophète lui demanda son âge. « Je suis bien plus vieux que toi », répondit le visiteur. Devant ce spectacle affligeant, Abraham souhaita ne pas en venir à une telle décrépitude et accepta la mort. Mais il en ignorait toujours le mystère et la certitude intérieure par la Connaissance. Dieu lui dit alors de prendre quatre oiseaux d’espèces différentes, de les tuer, de les découper et d’en éparpiller au loin les morceaux. Un vent se leva qui les réunit dans les quatre formes initiales. Cette histoire révèle que même si le corps est totalement dispersé, une force surnaturelle est capable d’en réunir tous les atomes pour reconstituer la forme originelle, comme si chaque particule reconnaissait sa propre constitution. Là résident toute la puissance et le mystère de l’ordre divin « Sois ! ».


Cheikh Bentounès, « L’homme intérieur à la lumière du Coran » , éditions Albin Michel

dimanche 25 septembre 2011

Histoire des Prophètes : Noé (sur lui le salut et la paix)




par Cheikh Khaled Bentounès

Oui, nous avons envoyé Noé à son peuple : « Avertis ton peuple avant qu’un douloureux châtiment ne l’atteigne ! »
Il dit : « O mon peuple ! Je suis pour vous un avertisseur explicite.
« Adorez Dieu ! Craignez-le ! Obéissez-moi !
« Il vous pardonnera vos péchés ; il vous accordera un délai jusqu’à un terme fixé ; mais quand vient le terme fixé par Dieu, il ne peut être différé. - Si vous saviez ! »
Il dit : « Mon Seigneur ! J’ai appelé mon peuple nuit et jour et mon appel n’a fait qu’augmenter son éloignement. »


(Sourate 71, versets 1-6.)

L’appel à l’adoration
Le prophète Noé (Saydina Nûh) est l’avertisseur du déluge. Il apporte à son peuple la promesse du pardon de Dieu mais l’avertit de l’imminence d’une catastrophe, avec un terme fixé, s’il ne remplit pas ses devoirs. De même, l’homme qui s’obstine dans une conduite irresponsable le mettant en danger et qui ne revient pas à la direction juste et universelle s’expose à un avenir très douloureux.
Noé et son message sont restés vivants pendant neuf cent cinquante ans, c’est-à-dire une trentaine de générations. Cela signifie que les dernières générations ont été averties directement de l’imminence du châtiment. Hélas ! le peuple s’en est détourné, sourd à l’appel et réfractaire à l’adoration.
Cet appel commence en vérité par un respect mutuel entre les êtres. Quant à la crainte de Dieu, elle n’est pas celle de Son courroux, ni des flammes de l’enfer. Elle est avant tout dans l’appréhension de nuire à l’autre et à la création. Le message de Noé est donc aussi actuel qu’à son époque.

La sourde oreille



Chaque fois que je les ai appelés pour que tu leur pardonnes, ils ont mis leurs doigts dans leurs oreilles ; ils se sont enveloppés dans leurs vêtements ; ils se sont obstinés ; ils se sont montrés orgueilleux.
je les ai ensuite appelés à haute voix ; j’ai fait des proclamations et je leur ai parlé en secret.
(Sourate 71, versets 7-9.)


Si Noé s’adressait à nous aujourd’hui, il ferait l’inventaire de tous les dangers qui touchent la terre et avec elle l’humanité : la surpopulation, la prolifération chimique et nucléaire, les génocides, le mépris des enfants, la dévastation des forêts, les manipulations génétiques. Il nous appellerait à la raison avant le point de non-retour.
Comme au temps de Noé, les hommes ne veulent pas entendre le message. Les pollueurs savent qu’ils ont tort mais font la sourde oreille pour sauvegarder leurs pouvoirs et leurs intérêts. Ils opposent toute sorte d’arguments pour ne pas entendre le cri d’alarme alors qu’ils connaissent parfaitement la gravité du problème. Si un discours n’est pas vrai, je peux le contester. S’il l’est, le lâche et l’incrédule préfèrent ne pas l’entendre et se boucher les oreilles. Mais notre époque, contrairement à celle de Noé, est tellement médiatisée qu’il est impossible de feindre l’ignorance.



« Ils se sont enveloppés dans leurs vêtements »

signifie se réfugier derrière les systèmes économiques, idéologiques ou philosophiques et, pour se déculpabiliser, accuser l’autre ou une autorité supérieure.





« Je leur ai parlé en secret. »

S’il était parmi nous, Noé tenterait de sensibiliser les décideurs à la gravité de la situation et à l’urgence d’agir avant qu’il ne soit trop tard.



Un monde meilleur





J’ai dit : « Implorez le pardon de votre Seigneur ; il est celui qui ne cesse de pardonner ; il vous enverra, du ciel une pluie abondante ; il accroîtra vos richesses et le nombre de vos enfants ; il mettra à votre disposition des jardins et des ruisseaux.



(Sourate 71, versets 10-12.)



Le Coran révèle ensuite comment Noé essaie de convaincre les dirigeants de changer d’attitude. Il les invite à revenir à l’adoration de Dieu, au respect de la nature et à l’amour du prochain en leur promettant un monde meilleur. Les versets 13 et 14 confirment cette idée :

« Pourquoi n’attendez-vous pas de Dieu un comportement digne de Lui alors qu’il vous a créés par phases successives ? »





L’homme s’entête à croire en sa puissance et en sa capacité d’améliorer le monde par ses nouvelles découvertes scientifiques et technologiques, alors que Dieu lui rappelle qu’il n’est qu’une infime partie d’un univers créé par étapes successives. C’est un avertissement à son orgueil pour le ramener à plus de sagesse et à un comportement plus digne de la confiance et de l’immense générosité de Dieu qui peut donner toujours plus, car Il est le plus Grand et le plus Savant.
Les deux versets suivants introduisent une nouvelle acception de cette guidance

:





« N’avez-vous pas vu comment Dieu a créé sept cieux superposés ? Il y a placé la lune comme une lumière ; il y a placé le soleil comme une lampe »



(sourate 71, versets 15-16).


Les jours divins correspondent chacun à un ciel et chaque ciel correspond à une étape. Le soleil est la vie et la vérité. Il symbolise le prophète. La lune, signe de sagesse, représente le sage en éveil. Dans l’obscurité, c’est par elle que l’on se guide pour retrouver son chemin. Ainsi, le ciel est toujours éclairé et l’homme n’est jamais laissé sans guidance.

Un maillon de la chaîne





Dieu vous a fait croître de la terre comme les plantes puis il vous y renverra et vous en fera ensuite surgir soudainement.
Dieu a établi pour vous la terre comme un tapis afin que vous suiviez des voies spacieuses.



(Sourate 71 , versets 17-20.)


Ce passage évoque l’origine commune de l’homme et de la création. Nous avons obéi au même processus car nous ne sommes qu’un maillon de la chaîne et sans doute le plus faible, étant le dernier après les minéraux, les végétaux et les animaux. Mais ce maillon est, en même temps, le plus fort car il porte en lui le principe actif de l’esprit qui le distingue du reste de la création. Même s’il est un animal pensant, il n’en demeure pas moins rattaché, par certains aspects, au minéral, au végétal et à l’animal auquel il n’est supérieur que par cette présence divine (les attributs divins dont Dieu a paré Adam) qui le vivifie en alimentant sa conscience.
Dieu a confié à l’homme la pleine jouissance de la terre qu’Il a déroulée sous ses pieds comme un tapis rouge sous les pas du roi. Il lui a tracé une voie royale et spacieuse faite de tolérance, de fraternité et de partage. Mais l’homme, pensant mieux faire, se perd dans les voies étroites et tortueuses. Se détournant de la voie universelle du partage, il s’enlise dans des systèmes politiques, économiques et idéologiques artificiels, souvent inopérants, voire catastrophiques.

Les nouvelles idoles





Noé dit : « Mon Seigneur ! Ils mont désobéi ; ils ont suivi celui dont les richesses et les enfants n’ont fait qu’accroître la perte. »
Ils ont tramé une immense ruse et ils ont dit : « N’abandonnez jamais vos divinités : n’abandonnez ni Wadd, ni Souwa ; ni Yaghout, ni Ya ôuq, ni Nasr ! »



(Sourate 71, versets 21-23.)


L’homme attiré par les biens matériels immédiats et éphémères est sourd et récalcitrant à ce message. Il dédaigne les richesses nobles et spirituelles qui sont son capital le plus précieux et qui font de lui l’être d’exception, et s’en éloigne. Là réside toute sa faiblesse ! Comme hier, il s’obstine à adorer les mêmes idoles : pouvoir, honneur, argent, prestige, sexe. Depuis Noé, l’homme a peu changé. Il est capable de prouesses technologiques mais, en esprit, il n’a guère évolué. Il est aveugle et dupe d’un système où l’argent facile et la frénésie de consommation règnent en maîtres. Conditionné par ce miroir aux alouettes, il veut toujours davantage, et tout de suite. Il est prêt à léser l’autre pour arriver à ses fins et assouvir ses passions. S’il ne prend pas conscience de ce mirage, de ces fausses valeurs, tôt ou tard, il en paiera le prix. A moins que, dans un sursaut de sagesse, il ne décide de se mettre à l’écoute du message de tolérance, de patience et des vraies valeurs que ne cesse de lui adresser Noé à travers la Révélation.
Si rien ne semble avoir changé dans la société humaine, et qu’à chaque naissance le scénario adamique se répète et se perpétue, la création et l’homme sont cependant en constante évolution. Toutefois le sort du monde se joue dans ce duel permanent entre ceux qui, porteurs d’espérance, vivent le message de Noé à travers l’épanouissement et l’apaisement de leur intériorité, et ceux qui sont portés par leurs désirs et leur soif inextinguible de jouissance matérielle.
Face à cette profonde contradiction, le discours de Noé continue de s’adresser à tous et à chacun. L’homme social est libre de mener ou non son combat intérieur (son grand jihad) pour refuser un système qu’il juge néfaste et choisir la voie de la sérénité, de la paix, de la tolérance et de la fraternité, dans l’harmonie entre la nature et la satisfaction de ses besoins. Il peut y parvenir par un développement maîtrisé, une technologie mise au service du bien-être de tous et une science non conditionnée par le profit mais fondée sur l’éthique.
Plus que jamais, le Veau d’or est objet d’adoration à travers ses divers symboles et représentations : Palme d’or pour le cinéma, Disque d’or pour la musique. Quant à l’art, il a rompu avec le sacré en devenant objet de spéculation. Le stade aussi a ses idoles qui valent des millions. Cela dit, je ne nie pas la valeur du sport ni son utilité dans l’épanouissement de l’homme. Mais hélas, je crains qu’il ne soit perverti pour devenir l’alibi du pouvoir et de l’argent. Il suffit de voir les milliards consacrés aux jeux olympiques qui symbolisent soit-disant la fraternité entre les peuples alors que les deux tiers de la population mondiale vivent dans la famine. Ces milliards dépensés pour quelques instants de festivité et de spectacle ne seraient-ils pas mieux utilisés s’ils permettaient d’irriguer, de soigner, de planter, d’instruire ? Il ne s’agit pas de révolutionner le monde mais de tenter de revenir à une vision plus juste, à une attitude plus humaine et plus solidaire.
La véritable révolution est d’abord intérieure et silencieuse. C’est à ce prix qu’elle produira ses fruits pour l’ensemble de l’humanité. L’homme a des besoins et tant mieux si le progrès lui apporte une vie meilleure. Mais il lui faut agir pour éradiquer le danger de l’asservissement à la seule consommation qui génère, malheureusement, un malaise profond lié à l’oubli des véritables valeurs comme l’intégrité, la morale, la fraternité, l’entraide et le partage. Seules ces valeurs d’essence divine peuvent nous amener à nous interroger lucidement sur nos actes : « Suis-je en harmonie avec la création ? » Elle est le témoignage vivant de Sa présence et nous interpelle à chaque instant. Si, dans chaque acte ou projet que nous élaborons, nous prenions en considération le Divin, nous nous placerions dans une perspective universelle où personne ne serait lésé. Car Dieu est omniprésent, Il anime aussi bien l’homme que l’animal, la lune, le soleil et toutes les galaxies dans ce merveilleux et harmonieux mouvement qu’est la vie.

Le cri d’alarme

La sourate de Noé se termine ainsi :



Ceux-ci ont pourtant égaré un grand nombre d’hommes. Tu ne fais qu’accroître l’égarement des injustes.
Ils furent engloutis et introduits dans un Feu, à cause de leurs fautes. Ils ne trouvèrent aucun protecteur en dehors de Dieu.
Noé dit : « Mon Seigneur ! Ne laisse sur la terre aucun habitant qui soit au nombre des incrédules. Si tu les épargnais, ils égareraient tes serviteurs et ils n’engendreraient que des pervers absolument incrédules. Mon Seigneur ! Pardonne moi ainsi qu’à mes parents ; à celui qui entre dans ma maison en tant que croyant ; aux croyants et aux croyantes. Augmente seulement la perdition des injustes ! »



(Sourate 71, versets 24-28.)


Les propos de Noé sont hélas accablants ! Mais la corruption se développa à un degré tel qu’il fallut le sacrifice d’une grande partie de l’humanité pour sauver celle qui pourrait repeupler la terre et vivre une nouvelle aventure humaine plus juste, plus universelle, plus conviviale. Ce fut le déluge.
Aujourd’hui, il suffit qu’un irresponsable appuie sur un bouton pour déclencher le cataclysme nucléaire. Soyons à l’écoute de ce verset, méditons-le car cette prière finale de Noé est d’une actualité brûlante et un cri d’alarme pour l’humanité et la planète.
 Cheikh Bentounès, « L’homme intérieur à la lumière du Coran » Albin Michel