Les preuves rationnelles décisives ne font qu’établir qu’Il est une divinité unique, aussi pour les théologiens comme pour les gens du dévoilement : il n’est de divinité que Lui !
Après
qu’aient été établies la preuve rationnelle de Son unicité
ainsi que la science évidente et non moins rationnelle de Son «
existence » (note du trad. toute expression, étant forcément
limitative, ne saurait s’appliquer de manière totalement adéquate
à Allâh…), nous avons vu que les « gens de Dieu », qu’il
s’agisse de saints, de prophètes ou d’envoyés, apportent des
éléments de connaissance relatifs aux attributs divins que la
raison condamne bien qu’ils soient confirmés par les descriptions
des prophéties et par les indications divines. Les gens de la Voie
ont étudié ces significations (hermétiques) pour obtenir une
connaissance qui les distingue des théologiens, lesquels se sont
arrêtés là où les avait conduit leur cogitation, malgré la foi
qu’ils ajoutent aux indications divines ; c’est pourquoi ils ont
dit : « Nous savons qu’il y a une étape de la connaissance qui
dépasse celle de la perception rationnelle dont elle est
indépendante et qui appartient aux prophètes ; c’est par elle que
les grands saints acceptent les inspirations qui leur sont
communiquées à propos de la Majesté divine. »
Ce
groupe (de connaissants) a œuvré pour l’obtenir en pratiquant des
retraites spirituelles (khalawât) et (en
répétant) des litanies recommandées par la Loi en vue de purifier
leur cœur et d’en ôter les souillures de réflexion ; car le «
penseur » ne médite que sur les créatures (non sur l’Essence
divine) et sur ce qu’il convient d’attribuer à Celui qui a reçu
ce Nom de « Dieu ». Ne trouvant pas d’attributs personnels à Lui
attribuer (çifa ithbât nafsiyya), il se met à examiner tous
les attributs qui ont un correspondant possible chez la créature en
niant qu’un tel attribut puisse être divin afin de ne pas
soumettre (la Divinité) à son statut de la même façon que la
créature. C’est ainsi qu’ont procédé certains théoriciens en
matière de théologie affirmant l’existence de tel attribut dans
le monde sensible et le niant comme attribut du non-manifesté (vice
versa). Or, il est impossible que l’Essence soit associée en
quelque façon à la créature dans un attribut quelconque, car
chaque attribut propre au possible (à la créature) disparaît avec
la disparition même de ce possible (note du trad. En clair, le mort
ne peut être qualifié de « vivant » par exemple), ce qui est le
cas des attributs personnels, ou encore disparaît en dépit de (la
prolongation de) l’existence de ce possible, ce qui peut être le
cas des attributs.
D’autre
part, ces attributs que les théologiens voudraient tantôt accorder
et tantôt nier dans le monde sensible ou dans le non-manifesté
relèvent en eux-mêmes (tels qu’ils les ont envisagés) du
possible ; ce faisant, c’est comme s’ils avaient décrit l’Etre
nécessaire en lui-même par ce qui est possible par nature. Or, le
Nécessaire ne S’accommode pas de ce qui peut être ou ne pas être,
et si une telle description est impossible compte tenu de la nature
réelle de ces attributs, il ne reste plus qu’une communauté
d’attributs purement verbale puisque cette association
(d’attributs) est nulle et non avenue, que l’on considère leur
nature ou leur définition. Jamais l’Attribut divin ne sera
assimilé (associé) à l’attribut créé dans une définition
commune, si bien qu’il est vain de vouloir rejeter ce que les
théologiens ont soutenu ou au contraire nié en affirmant que tel
attribut appartient au monde sensible ou n’appartient pas au
non-manifesté.
Aussi,
lorsque nous soutenons que Dieu est savant, cela n’a pas la même
signification que lorsque nous disons d’un homme qu’il est
savant, car ni la signification ni la nature de la science ne sont
identiques dans les deux cas. L’attribution de la science à Dieu
est radicalement différente de son attribution à la créature. Si
la Science éternelle et la science créée étaient d’une Essence
unique, elles auraient reçu une même définition essentielle et ce
qui eût été impossible pour l’une l’eût été pour l’autre
en vertu de leur commune nature. Or, nous avons vu que les choses
n’étaient pas ainsi.
(Muhyî-d-Dîn
Ibn Arabî, Extraits du Chap.50 des Futûhât : De la connaissance
des hommes de la perplexité et de l’impuissance ; traduit par
A.Penot)
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