On peut être surpris par les lettres qui précèdent et débutent certaines sourates coraniques, telles que : A L M (Alif. Lam. Mîm.)… ce sont des clefs qui appartiennent à la Science sacrée. Forcer la serrure par de faux raisonnements ou par notre seule volonté, non seulement est inutile mais dangereux. Dieu sait et nous ne savons pas ; nous ne savons que dans la mesure où Il nous fait savoir.
Comme dans l'alphabet hébraique, chaque lettre de l'alphabet arabe, non seulement correspond à un son mais à un chiffre. La première lettre : A (Alif) a la préséance dans l'arrangement de la combinaison des 28 lettres qui compose l'alphabet arabe : en nombre, il vaut Un. Or l'Unité est un attribut d'Allah, première lettre du mot, qui « embrasse toute chose» (Coran, XLI, 54). C'est le symbole du mystère de l'Etre, avec son unité fondamentale et sa diversité innombrable résultant de ses combinaisons… Quant à la lettre N (nûn) qui fait partie de la deuxième révélation donnée au Prophète (Coran, LXVIII, 1) et inaugure l'énonciation de ces lettres énigmatiques, a pour rang 14, pour valeur numérique 50 et termine la première moitié de l'alphabet ; et l'on peut constater que cette lettre est constituée par la moitié inférieure d'une circonférence, et par un point qui est ainsi le centre de cette circonférence. Or la demi-circonférence inférieure est aussi la figure de l'arche flottant sur les eaux, et le point représente le germe qui y est contenu ou enveloppé.
« …le mot nûn signifie aussi « poisson » ; et c'est en raison de cette signification que Seyidnâ Yûnus (le Prophète Jonas) est appelé Dhûn-Nûn. Ceci est naturellement en rapport avec le symbolisme général du poisson…et d'une certaine façon, la figure de toute individualité, en tant que celle-ci porte le « germe d'immortalité » en son centre représentée symboliquement comme le cœur. […] Le développement du germe spirituel implique que l'être sorte de son état individuel, et du milieu cosmique qui en est le domaine propre, de même que c'est en sortant du corps de la baleine que Jonas est « ressuscité ».[…] La « nouvelle naissance » suppose nécessairement la mort à l'ancien état, qu'il s'agisse d'un individu ou d'un monde : mort et naissance ou résurrection, ce sont là deux aspects inséparables l'un de l'autre, car ce ne sont en réalité que les deux faces opposées d'un même changement d'état. Le nûn dans l'alphabet, suit immédiatement le M (mîm), qui a parmi ses principales significations celle de la mort (el-mawt), et dont la forme représente l'être complètement replié sur lui-même, réduit en quelque sorte à une pure virtualité, à quoi correspond rituellement l'attitude de la prosternation ; mais cette virtualité, qui peut sembler un anéantissement transitoire, devient aussitôt, par la concentration de toutes les possibilités essentielles de l'être en un point unique et indestructible, le germe même d'où sortiront tous ses développements dans les états supérieurs […] Dans l'alphabet sanscrit, la lettre correspondante : na, ramenée à ses éléments géométriques fondamentaux, se compose également d'une demi-circonférence et d'un point ; mais ici, la convexité étant tournée vers le haut, c'est la moitié supérieure de la circonférence, et non plus sa moitié inférieure comme dans le nûn arabe […] deux figures rigoureusement complémentaires l'une de l'autre ; en effet, si on les réunit, on a le cercle, figure du cycle complet avec le point au centre qui est en même temps le symbole du Soleil dans l'ordre astrologique et celui de l'or dans l'ordre alchimique […] la figure du na sanscrit correspond au Soleil levant et celle du nûn arabe au Soleil couchant […] l'accomplissement du cycle, tel que nous l'avons envisagé, doit avoir une certaine corrélation, dans l'ordre historique, avec la rencontre des deux formes traditionnelles qui correspondent à son commencement et à sa fin, et qui ont respectivement pour langue sacré le sanscrit et l'arabe ; la tradition hindoue, en tant qu'elle représente l'héritage le plus directe de la Tradition primordiale, et la tradition islamique, en tant que « sceau de la Prophétie », et, par conséquent, forme ultime de l'orthodoxie traditionnelle pour le cycle actuel ».
(Symboles de la Science Sacrée, René Guenon, Gallimard)
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