lundi 29 octobre 2012

Les mosquées et les zaouias de la Medina de Tunis






La visite de la Médina, ville ancienne, revêt une signification particulière, Elle est l'occasion d'un voyage dans le temps qui introduit, pas à pas, et à travers un dédale aux subtiles compositions d'ombres et de lumières, au coeur historique de la ville de Tunis, ce lieu vénérable qu'Il faut savoir le découvrir d'un regard attentif  avant de se laisser conquérir par son charme.

Par son importance géographique et humaine par son style architectural et son organisation spatiale typiques, cette cité représente un modèle accompli de la civilisation urbaine arabe en terre du Maghreb, et que l'organisation internationale de l'UNESCO a élue au patrimoine culturel de l'humanité et dont la sauvegarde concerne désormais la communauté universelle.



Elle fut fondée il y a de cela 13 siècles, sur une étroite bande de terre séparant le lac Sedjoumi du lac de Tunis, sur le site d'un marché rural où convergeaient, jadis les  grandes routes sillonnant l'Africa romaine.

C'est en ce lieu favorable à la rencontre et au commerce des hommes que Hassen Ibn Nooman, vainqueur de la Carthage byzantine, choisit de bâtir une mosquée -La  Zitouna- de l'olivier au nom emblématique, Acte fondateur par excellence, la construction du monument sacré devait décider du tracé futur de la ville qui évinça Kairouan et Mahdia et assuma, seule le rôle de capitale en ses multiples fonctions : religieuses, résidentielle, politique et économique.

La ville est un espace clos, ceinturé de remparts et communicant par des portes avec l'extérieur. Se suffisant à elle même, la ville abrite demeures, palais, cimetières, mausolées, hammams, écoles, médersas, fours, entrepôts, échoppes d'artisans, places et jardins.

Placée sous la protection de son saint patron sidi Mehrez, couronnée de blanches coupolesm de terrasses et de minarets élancés, la médina se developpe en une trame serrée de constructions assemblées en grappes et parcourues par un dense réseau de rues, ruelleset impasses. L'ensemble du plan de la cité obéit à la règle de préservation de l'espace intime - Haram -et la séparation entre quartier résidentiels et d'activité commerçante.

Ainsi, le quartier commerçant initial s'est installé autour de la mosquée, formant un quadrilatère où sont rassemblés - comme autants d'alvéoles d'une ruche, les corps de métiers nobles : libraires, parfumeurs, soyeux, fabricants de chéchias, brodeurs tailleurs, bijoutiers, céliers, épicieries fines, la hérarchie des corporations repoussant les métiers plus bruyants ou polluants vers la périphérique de la cité.

Corps vivant, la médina conserve son mystère et son charme indéfinissable, tout en sachant se faire accueillante.


Les mosquées de la Medina


Mosquée de la Kasbah ou Mosquée Almohade

Date du monument:629-633 de l’Hégire / 1231-1235 J.-C.

Période / Dynastie: Hafside

Commanditaire(s): Abou Zakariya al-Hafsi, fondateur de la dynastie hafside.

Architecte(s) / maître(s) d’œuvre: Ali ibn Mohamed ibn Kacem.

Description:

La salle de prière de plan rectangulaire est plus profonde que large, contrairement aux modèles courants dans les mosquées ifriqiyennes. Elle est divisée en sept nefs et neuf travées. La couverture, en voûtes d'arêtes séparées par des arcs en fer à cheval, est soutenue par des colonnes à chapiteaux hafsides et imposte en longs parallélépipèdes.

Le mihrab est revêtu de panneaux de marbre. Il est surmonté d'une belle coupole à stalactites (mouqarnas) en plâtre et flanqué de colonnettes à chapiteaux finement sculptés et dorés à la feuille. Lors de l'affectation de la mosquée au rite hanafite, le minbar en bois a disparu, laissant place à un minbar en maçonnerie revêtue de marbre.

L'élément le plus important de la mosquée de la Casbah est indéniablement son minaret. Il reprend, dans son décor, les dispositions essentielles du minaret de la casbah de Marrakech, plus ancien d'une cinquantaine d'années. Le décor exécuté en pierre – et non en brique, comme dans le modèle marocain – se développe en arcs polylobés partant du bas et se prolongeant en s'entrelaçant. Il forme ainsi un réseau losangé qui se détache sur le fond en pierre ocre. Il se déploie sur les quatre faces de la tour carrée. Une inscription datant le monument meuble deux losanges de la face est.

Histoire:

Après avoir déclaré son indépendance vis-à-vis des Almohades de Marrakech, le premier souverain hafside, Abou Zakariya, se fit construire dans la casbah, siège du  gouvernement, un palais auquel faisait suite cette mosquée. De simple oratoire de cour, elle accéda au statut de mosquée du vendredi, alors que seule la mosquée Zitouna jouait ce rôle jusque-là. Dès l'installation des Turcs, elle fut affectée à la prière selon le rite hanafite, propre aux nouveaux maîtres de l'Ifriqiya.

C’est le sultan en personne qui, à la fin des travaux, lance le premier appel à la prière le vendredi 7 Ramadan de l’an 633 de l’hégire (juillet 1235). La mosquée est, à l’origine, réservée au sultan et à la cour mais dès l’arrivée des turcs, elle est affectée à la prière selon le rite hanéfite, propre à ces nouveaux maîtres.

L’intérêt du monument réside dans le décor de son minaret, le premier du genre et qui n’a cessé de servir de modèle à tous les minarets postérieurs, dont celui de la Grande Mosquée construit au XIXème siècle. Il reprend les dispositions de la Koutoubia de Marrakech et de la Giralda de Séville. Sur chaque côté, des arcs polylobés partent du bas, se prolongeant en s’entrelaçant, formant ainsi un réseau en losanges, fait de pierre claire sur fond ocre. La plaque commémorative a immortalisé, aux côtés du nom du souverain, celui du maître-maçon qui a supervisé les travaux de ce chef d’œuvre, il s’agit de Ali Kacem el Arif.

La petite histoire : L’histoire du mat au sommet du minaret

Au sommet de la mosquée de la Kasbah est fixé un mat sur lequel est hissé un étendard blanc aux heures de la prière, pour donner le signal à toutes les mosquées de la ville qui, à leur tour, lancent l’appel au même moment.

Le privilège revient à la mosquée de la Kasbah pour deux raisons. La première émane du caractère royal de la mosquée à son origine ; la deuxième tient de sa position, au point le plus élevé de la Médina qui permet de voir l’étendard de partout. Un spécialiste, nommé par décret, veillait jadis à l’exactitude de l’heure.

Aujourd’hui, les moyens techniques étant ce qu’ils sont, on pourrait se passer de ce signal. Eh bien non ! L’étendard blanc continue à flotter, cinq fois par jour, au sommet du minaret de la Kasbah. Par contre, ce qui a changé c’est la généralisation des haut-parleurs qui lancent un adhan (appel) dans un crissement désagréable. Où sont les voix mélodieuses des muezzins, choisis jadis autant pour leur piété que pour leurs qualités vocales ?

Place de la Kasbah


Mosquée Youssef Dey

Date du monument: 1020 de l’Hégire / 1612 J.-C.

Période / Dynastie: Husseinite-ottomane

Commanditaire(s): Youssef Dey.

Architecte(s) / maître(s) d’œuvre: Ibn Ghaleb al-Andalousi.

Description:

La mosquée qui porte le nom de son fondateur présente un intérêt particulier car, tout en introduisant des éléments nouveaux dans le plan et le programme architectural, elle conserve plusieurs aspects de la mosquée ifriqiyenne.

La salle de prière n'est plus précédée d'une cour mais encadrée de cours sur trois côtés à l'est, au nord et à l'ouest. Le long de la façade nord, le portique joue le rôle de la galerie-narthex des mosquées locales. à l'angle nord-ouest s'élève un minaret octogonal, au-dessus d'une base carrée. Il se termine par un balcon protégé par un auvent en bois, le tout est couronné par un lanternon à toit pyramidal recouvert de tuiles vertes. Cette tour octogonale servira de modèle à la mosquée de Hammouda Pacha, la mosquée el-Jedid et celle de Youssef Sahib el-Tabaa.

Le mausolée ou tourbet, longeant la façade, inaugure à Tunis la mosquée funéraire dans laquelle le tombeau du fondateur s'associe au lieu de culte. Celui de Youssef Dey est de plan carré à toit pyramidal de tuiles vertes. Il présente sur chaque face une grande arcature centrale, flanquée de deux étages de défoncements en niches à fond plat. Les colonnes d'angle posées aux deux niveaux en allègent considérablement la masse. Les pavements de marbre blanc sont rehaussés de claveaux alternés noirs et blancs. Une inscription sur l'arcature centrale date le tourbet.

Les innovations, à savoir la cour en U, le minaret octogonal et l'adjonction du tourbet, sont extérieures à la salle de prière. Celle-ci perpétue le plan classique de la salle hypostyle, de forme rectangulaire, composée de 9 nefs et 7 travées. La nef centrale et la travée parallèle au mur de qibla, plus larges que les autres, se croisent en T au devant du mihrab. Les colonnes, de provenances diverses, portent des chapiteaux de type hafside, hormis quelques exemplaires antiques. La couverture est en voûtes d'arêtes ; une coupole sur base octogonale et trompes en coquille marque le devant du mihrab. La  seule note nouvelle dans cet oratoire est le minbar en maçonnerie revêtu de panneaux de marbres polychromes, alors qu'il est exécuté en bois dans les mosquées malékites.

L’Histoire : La première mosquée hanéfite

Une quarantaine d’années après l’installation des Turcs dans le pays (1574) et après une période de réorganisation administrative et grâce à l’accumulation des richesses que procure la Course, Youssef Dey offre à Tunis sa première mosquée hanéfite, en 1615.

Il s’agit d’une mosquée suspendue, ce qui a permis la construction d’une série de boutiques au rez-de-chaussée (l’ancien souk des bchamkia pour les fabricants de bichmak : pantoufle à la turque). L’usufruit des boutiques était constitué habous au profit de la mosquée, servant au financement de son entretien.

Le tourbet, abritant la tombe de Youssef Dey et celles des siens, est considéré à juste titre comme un chef d’œuvre de l’architecture du XVIIème siècle. De l’extérieur, il présente sur chaque face, une grande arcature centrale flanquée de deux étages de niches. Les colonnes d’angle posées aux deux niveaux sont là pour alléger ce cube de marbre noir et blanc au toit pyramidal vert. L’intérieur n’en est pas moins riche : des façades en marbre à assises bicolores sous un plafond à caissons en bois de style mauresque.

La petite histoire : Dualité de rites, dualités de lieux de culte

L’arrivée des Turcs de rite hanéfite dans un pays où le malékisme est dominant voire seul aura des conséquences sur la vie de la cité. Les lieux de culte et d’enseignement seront envisagés selon leur appartenance à l’un ou l’autre rite.

Avant la fondation de la mosquée Youssef Dey, au lendemain de la conquête ottomane, c’est la mosquée de la Kasbah qui fut affectée à la prière selon le rite hanéfite. Quoi de plus normal pour une mosquée située sur les lieux mêmes du pouvoir. Mais voilà que le nombre d’adeptes de ce rite se multiplie par les naissances, les nouvelles arrivées, les conversions de renégats et il leur faut une nouvelle mosquée. On raconte que le gouvernement turc a lorgné du côté de la Mosquée Zitouna mais ni les milieux savants malékites ni l’opinion publique n’auraient admis une telle‘spoliation’. On renonce à l’intention à peine formulée et on se contente de transformer l’oratoire du Ksar en mosquée du vendredi pour les hanéfites en attendant l’inauguration de la mosquée Youssef Dey.

Rue Sidi Ben Ziad


Mosquée el Ksar

L’Histoire : Une mosquée d’un autre temps

Le Ksar (château), dont cette mosquée fut la dépendance, était la demeure officielle des souverains de la dynastie des Beni Khorassan (1063-1156). Il s’élevait à l’emplacement  de l’actuel Dar Hussein. L’ensemble, palais et mosquée, remontait, peut-être, à l’Emir Ahmed Ibn Khorassan (1100-1128) réputé pour avoir été un grand bâtisseur.

Une tradition tenace affirme qu’il s’agit d’une église antique transformée en mosquée.

Cette hypothèse a été étayée par l’absence, dans les sources historiques, de la mention du nom du fondateur du sanctuaire. Or une telle œuvre n’aurait pas manqué d’être attribuée à un bienfaiteur ou même revendiquée par son auteur.

Le mihrab, de faible profondeur, n’a pas été conçu comme tel ; c’est une simple niche creusée dans l’épaisseur du mur.

On ajoute comme autres arguments la largeur des murs (2,5 mètres) et la présence, ça et là, de pierres portant inscriptions latines. Il est certain que le monument présente un caractère archaïque indéniable : il est fortement encaissé par rapport au niveau de la rue, ses colonnes et ses chapiteaux antiques sont remployés.

Vers 1598, lorsque les Turcs décidèrent de l’annexer à la prière, selon le rite hanéfite, il bénéficia de travaux de restauration importants et de l’adjonction d’une cour latérale, nettement surélevée par rapport au niveau de la salle de prière et entourée de portiques à colonnes et chapiteaux turcs.

En 1622, la mosquée est dotée d’un minaret unique en son genre. Sans base, il est élevé directement sur les murs de l’oratoire, tant ceux-ci sont épais et robustes.

La petite histoire : Délices de Tunis au temps des Beni Khorassan

Au XIème siècle, Tunis devient capitale de la principauté des Beni Khorassan. La période est à l’invasion nomade (les Beni Hillal et les Beni Suleim) et aux incursions des Normands de Sicile.

Au milieu de ces dangers, les maîtres de Tunis sauront trouver la paix en acceptant de payer tribut aux premiers et en concluant des accords de commerce avec les autres.



Leur principauté prospère, voici ce que Oubeid Allah el Bekri nous rapporte à propos des délices de Tunis : « Il y a surtout une amande qu’on nomme ferik (friable) parce que la coque est si mince qu’on peut l’écraser avec la main…Citons encore la grenade tendre dont les grains ne renferment pas de pépins, et ce fruit, rempli de suc, est d’une odeur parfaite ; le gros citron, d’un goût délicieux, d’une odeur agréable et d’un aspect séduisant ; la figue qui est nommée el kharami, qui est noire, grande, mince de peau, pleine de suc mielleux ; le coing qui n’a pas de pareil pour la grosseur, la douceur et le parfum…

Le poisson est très abondant à Tunis, et on y trouve plusieurs espèces inconnues ailleurs ; chacune d’elles fréquente alternativement la mer de Tunis pendant un mois de l’année, puis elle disparait tout à fait jusqu’au même mois de l’année suivante. Ce changement permet de se livrer aux jouissances du goût sans interruption et sans éprouver de la satiété».

1, rue du Château


Mosquée Sidi Mehrez

Nom du Monument: Mosquée Mohamed Bey al-Mouradi

Autre(s) nom(s): Mosquée Sidi Mehrez en raison de son emplacement en face du souk Sidi Mehrez

Localisation: souk Sidi Mehrez, dans la médina, Tunis, Tunis

Date du monument: de 1104 à 1110 de l’Hégire / 1692-1699 J.-C.

Période / Dynastie: Mouradite

Commanditaire(s): Mohamed fils de Mourad Bey II.

Description: Il s'agit de l'unique mosquée à coupole en Tunisie. D'inspiration turque, elle rappelle Sainte-Sophie, la mosquée du sultan Ahmed à Istanbul et la Pêcherie à Alger.

L’Histoire : L’emblème de Tunis

La Mosquée M’Hammed Bey est davantage connue sous le nom de mosquée Sidi Mehrez, du nom de la zaouia à laquelle elle fait face.

Cette œuvre commencée par M’Hammed Bey en 1692 et continuée par son frère Romdhane Bey resta inachevée. Le programme, s’inspirant des mosquées mouradites antérieures (celles de Youssef Dey et de Hammouda Pacha) prévoyait un minaret octogonal à l’angle nord-ouest de la cour et deux tourbet familiaux. La mort de M’Hammed Bey, l’assassinat de Romdhane Bey et les troubles survenus sous Mourad III empêchèrent la réalisation de ce programme.

La salle de prière, de plan carré, est entourée sur trois côtés de galeries et de cours. A l’intérieur, quatre gros piliers soutiennent une coupole hémisphérique qui s’élève à 29 mètres au-dessus du sol. Quatre demi-coupoles la contrebutent sur les côtés. Aux angles, des coupolettes achèvent cet ensemble de dômes blanchis à la chaux qui surplombe la ville ; figure tellement emblématique que la Municipalité en a fait le centre de ses armoiries.

Mode de datation:

L'édification de cette mosquée est évoquée par des actes notariés des habous des beys mouradites qui sont consignés dans les archives du domaine de l'état.

La petite histoire : Le maître-maçon prévoyant

La première coupole de cette envergure et l’arrêt des travaux, suite à la mort de M’Hammed Bey, ont nourri une anecdote que les tunisois racontent volontiers comme un fait historique.

Alors que les coupoles s’étageaient, les tunisois commentaient ce tour de force. Un matin, le bruit de la disparition du maître-maçon, responsable du chantier, se répand comme une trainée de poudre à travers la cité. Le Bey, saisi de l’affaire, lance ses agents à la recherche du disparu, sans résultat.

Un an plus tard, le maître-maçon se présente et demande audience au Bey. « Sidna (notre Seigneur), lui dit-il, je me remets à vous et accepte le châtiment que vous voudriez m’infliger mais auparavant, accordez-moi le temps de vous expliquer les raisons de mon absence.

C’est la première fois que je construis une coupole aussi imposante et, malgré tous mes calculs et toutes les précautions que j’ai prises, j’étais rongé par le doute et l’effroi de voir l’œuvre s’écrouler sur la tête des fidèles, au point de ne plus fermer l’œil de la nuit. J’ai donc décidé d’arrêter le chantier pour empêcher l’inauguration du sanctuaire et de laisser le temps à toute éventualité de tassement du sol. Aujourd’hui, je peux vous assurer, ô Sidna, de la solidité de cette couverture. Je m’engage, si vous me l’ordonnez, à achever mon œuvre. Si vous en jugez autrement, ma tête est entre vos mains ».

Le Bey apprécie l’initiative du maître-maçon qui reçoit une belle récompense et l’ordre d’achever la mosquée.

87, rue Sidi Mehrez


Mosquée Sahib el Tabaa
                                                               La mosquée en 1899

Période / Dynastie: Husseinite-ottomane

Commanditaire(s): Le ministre Youssef Sahib el-Tabaa.

Architecte(s) / maître(s) d’œuvre: Haj Sassi ibn Frija.

Description: La mosquée Sahib el-Tabaa domine la place Halfaouine (les marchands d'alfa). Elle  s'élève au-dessus de magasins et d'entrepôts. La salle de prière est encadrée de trois galeries. De la place, un escalier coudé aboutit à la galerie est, qui offre une double colonnade et cinq arcs ouverts sur la place. Un minaret octogonal en occupe l'extrémité droite. étant resté inachevé à la mort du fondateur de l'édifice, le minaret ne recevra son lanternon que dans les années 1970. Cette galerie présente un mihrab extérieur pour la prière par temps chaud.

La salle de prière proprement dite est formée de 9 nefs et 7 travées. Chacune des deux travées extrêmes (longeant le mur de la qibla et le mur antérieur) s'enrichit de trois coupoles, une au centre et une à chaque angle. Les nefs sont couvertes de voûtes en berceau terminées en arc de cloître. . Ailleurs se conjuguent les marbres les plus  précieux : le blanc éclatant des colonnes cannelées, la marqueterie de marbre rose, rouge et brun du mihrab et du minbar…



La décoration de cette mosquée reflète une influence occidentale plus nette que dans tout autre oratoire tunisien. Les éléments en marbre, plus abondants qu'ailleurs, sont directement importés de Carrare (Italie). Les colonnes élancées sont cannelées et surmontées de chapiteaux composites, résultant d'une interprétation italienne du modèle tunisien de l'époque turque. Les arcs, à peine outrepassés, abandonnent le dessin classique en fer à cheval. Les linteaux s'alourdissent de sculptures en bas-relief néo-baroque. Le placage de marbre, sur l'ensemble des murs, laisse peu de place aux carreaux de céramique placés sur les hauteurs au niveau des tympans des arcs. La décoration du mihrab et du minbar fixe, faite de marbre polychrome, mêle à des arcatures pseudo-gothiques une ornementation florale rehaussée de quelques touches de dorure.

Elle est la dernière grande mosquée construite à Tunis avant l'instauration du protectorat français en 1881. Son minaret de forme octogonale est resté inachevé jusqu'en 1970, lorsque des travaux de restauration ont terminé son lanternon.

Elle porte le nom du grand vizir Youssef Saheb Ettabaâ qui l'inaugure en 1814. Sa construction dure six ans, à partir de 1808, sous la houlette de Sassi Ben Frija1 avec une main d'œuvre constituée principalement d'esclaves européens capturés par les corsaires de Tunis et mis à la disposition du ministre par Hammouda Pacha, d'où l'influence italienne dans l'architecture de l'édifice : colonnes à fûts cannelés, chapiteaux de type unique et surtout placage de marbre polychrome.

 Comme plusieurs bâtiments de la médina, tout le soubassement de la mosquée est composé de pierres d'appareil réguliers provenant des ruines de Carthage.

L’Histoire : Un mamlouk riche et généreux

Le fondateur de cette mosquée, du nom de Youssef Sahib el Tabaa, était un mamlouk d’origine moldave, acheté à Istanbul pour le compte de Baccar el Jellouli, caïd de Sfax et offert par ce dernier au bey Hammouda Pacha à l’occasion de son avènement au trône. Elevé à la cour, on le dit intelligent, juste et généreux. Il gagne l’estime du souverain qui le nomme garde des sceaux ou sahib el tabaa.

La mosquée dont il finance la construction fait partie d’un vaste programme comprenant deux medersa et un tourbet, attenants au lieu de culte ; un hammam, où a été tourné le film « Halfaouine, l’enfant des terrasses », un foundouk, un souk et, donnant sur la place, son propre palais. L’opération vise la promotion du faubourg nord, quartier choisi pour sa proximité du Bardo, siège de la cour où Sahib el Tabaa devait se rendre quotidiennement pour assister le Bey dans la gestion des affaires de l’Etat. Par la suite, d’autres mamlouks choisiront ce quartier pour construire leur palais tels Khaznadar, ou Caïd el Sebsi.

L’influence italienne constatée dans les monuments tunisois du XVIIIème siècle est ici plus nette. Le fait s’explique par l’emploi d’une main d’œuvre en grande partie formée d’esclaves d’origine italienne, tombés entre les mains des corsaires tunisiens, lors de l’attaque de l’île sarde de Saint Pierre, le 2 septembre 1798. Les archives ont conservé une liste de 27 esclaves italiens que Hammouda Pacha a mis à la disposition de son ministre pour les besoins du chantier de la mosquée de Halfaouine. Le marbre quant à lui a été taillé spécialement et transporté de Livourne à Tunis sur l’un des navires de Sahib el Tabaa, navire dont il fit don au capitaine Hassouna el Mourali pour le remercier de ses services à la fin des travaux.





L’amine maçon Sassi Ben Frija supervise la construction de la mosquée dont le plan s’inspire de celui de la mosquée Hammouda Pacha le mouradite. Nous retrouvons les trois galeries précédées de cours, encadrant la salle de prière. La cour Est, pourvue d’une double galerie et d’un mihrab, est utilisée en été comme lieu de prière.

Le minaret octogonal inachevé suite à l’assassinat du fondateur en 1815 le restera jusqu’en 1968 à cause d’une superstition qui prédisait la même mort tragique à quiconque oserait finir la tour.

La salle de prière est couverte de voûtes en berceau dont la sculpture sur plâtre constitue la seule référence à l’art local. Ailleurs se conjuguent les marbres les plus précieux : le blanc éclatant des colonnes cannelées, la marqueterie de marbre rose, rouge et brun du mihrab et du minbar…

 La petite histoire : Carrière et fin d’un mamlouk

Un mamlouk est un jeune esclave chrétien, converti à l’islam, qui bénéficie d’une éducation solide le préparant à des postes de responsabilité.

Un mamlouk a son équivalent féminin, il s’agit de l’odalisque qu’on cantonne dans le rôle de favorite procurant le plaisir et assurant la qualité et la beauté de la progéniture. Rares sont celles qui ont joué un rôle politique (voir La dernière odalisque de Faïcal Bey)

Notons que les mamlouks, coupés de leur origine, ont perdu toute filiation. On leur attribue un prénom musulman et pour patronyme leur titre qu’ils transmettent à leur descendance en tant que nom. C’est ainsi que nous avons aujourd’hui la famille Khaznadar (trésorier), Caïd el Sebsi (préposé à la pipe du bey), Khojet el Khlil (responsable des écuries), Bach Baouab (chef portier) et la liste est longue.

Youssef Sahib el Tabaa a aussi une fortune considérable car, à côté de ses fonctions à la cour, il fait des affaires dans le commerce,« il se montre dans toutes les spéculations concurrent dangereux, dit de lui un voyageur anglais, et peu de particuliers osent lutter contre lui sur la place de Tunis mais encore sur les marchés de France et d’Italie ». D’autre part, il est armateur de bateaux de course, activité alors licite et lucrative.

Au faîte de sa gloire, jouissant d’une grande influence même après la mort de son protecteur, le bey Hammouda Pacha, il n’a pas manqué de susciter la jalousie et la haine des courtisans du Bardo. On l’accuse de fomenter des intrigues contre la personne du prince et la sûreté de l’Etat. Le bey décide de le faire comparaitre devant lui pour l’interroger en présence de ses accusateurs.

Craignant cette confrontation, les conjurés décident de l’empêcher en assassinant à coups de poignard Youssef Sahib el Tabaa, dans le couloir qui devait le conduire à la salle d’audience, prétextant qu’il venait de déclarer la révolte contre le bey.

Son corps est livré à la populace, excitée par l’or distribué par ses ennemis et le bruit, sans fondement bien évidemment, de sa trahison et de sa collaboration avec les chrétiens. Son corps mutilé est trainé dans les rues de Tunis et jeté finalement dans le cimetière chrétien. Il a fallu l’intercession du Saint Sidi Brahim Riahi auprès du bey pour que la famille du ministre puisse inhumer ses restes dans le tourbet construit par lui dans la mosquée Halfaouine.

Le complexe de Sahib el-Tabaa comporte en outre deux madrasa et le tombeau du fondateur, auxquels on accède par la façade nord.







Mosquée El Zitouna


Nom : Grande Mosquée Zitouna

Date/période de construction : 241-249 H. / 856-864 J.C., sur un ancien bâtiment construit en 78 H. / 698 J.C.

Matériaux de construction : Pierre de taille ; marbre ; bois ; stuc ; plomb ; brique

Décor architectural : Pierres de couleur, stuc

Destinataire/mandataire : L’émir aghlabide Abû Ibrahim Ahmed ; le calife abasside al-Musta’în (r. 962 – 866). Mandataire : Nusair, l’esclave du calife abasside

Inscriptions : - Sous la coupole précédant le mihrâb, en kufique anguleux : « Voici ce qu’a ordonné de faire l’imâm al-Musta’în billah, émir des croyants, l’Abbâside, dans la recherche de la récompense de Dieu et dans le désir de Son agrément, par les mains de Nusair, son client, en l’année 250 (864)…Façon de Fath. »

La Grande Mosquée est située au coeur de la médina. Elle a été édifiée sur les vestiges d’une basilique chrétienne. La légende raconte qu'à l'endroit où se trouve la mosquée se trouvait un lieu de prière et un olivier. Certaines rumeurs font penser au tombeau de sainte Olive qui se trouverait à l'endroit de la mosquée (zitouna veut dire « olive » en arabe

La Grande Mosquée occupe le cœur de la cité dont elle est l’élément ordonnateur, à partir duquel rayonnent les grandes artères pour aboutir aux portes perçant la muraille.

Sa fondation remonte au gouverneur Abdallah Ibn el-Habhab (732) ou peut-être à Hassan Ibn Noomane c'est-à-dire à la naissance même de la Médina qui succéda à Carthage en 698.

Cette polémique importe peu car nous savons que sur ordre de l’Emir aghlabide Ibn Ahmed, la première mosquée a été totalement reconstruite pour être agrandie et embellie ; elle prendra globalement l’aspect que nous lui connaissons.

Comme les mosquées de Cordoue et de Kairouan qui lui sont antérieures, elle se compose d’une salle de prière hypostyle, précédée d’une cour. L’ensemble couvre une emprise au sol d’environ 5000m² dont 1344m² de surface couverte. Le plafond en charpente est soutenu par 184 colonnes et chapiteaux antiques, délimitant 15 nefs et 6 travées.

Elle assumait un rôle défensif, incarné par les deux tours d’angle (nord-est et sud-est), que l’on retrouve à la Grande Mosquée de Mahdiyya. La façade est percée de plusieurs entrées menant dans la cour pavée à quatre portiques (rajoutés au Xe siècle) ou dans la salle de prière.

Celle-ci est composée de quinze nefs perpendiculaires au mur qibli et de six travées couvertes en charpente portées par des arcs en plein cintre outrepassés posés sur des colonnes à chapiteaux antiques provenant sans doute des ruines de Carthage. La nef médiane et la travée devant la qibla sont plus larges. A leur croisée se situe la coupole du mihrâb, à base carrée, tambour octogonal à trompes et coupole à cannelures.

A l’entrée de la salle de prière, sous le portique, une seconde coupole ajoutée au XIe siècle met en valeur l’axe du mihrâb. L’extérieur du dôme est orné, comme en Égypte fatimide[1], de niches, ici parées de pierre ocre et de brique rouge.

Le plan et la typologie sont manifestement largement inspirés de la Grande Mosquée de Kairouan et de la Grande Mosquée de Cordoue. La ressemblance entre la Grande Mosquée de Kairouan et la Zitouna est si poussée que l’on peut envisager le concours du même architecte. La croisée de la nef médiane et de la travée qibli forme ici un carré parfait pour la coupole du mihrâb, ce qui n’était pas le cas à Kairouan vingt-cinq ans plus tôt. L’axe du mihrâb est également magnifié par la présence, au niveau du portique côté qibla, d’un arc plus haut et plus large qui, flanqué de deux arcs plus étroits, rappelle fortement les arcs de triomphe romains. Trois colonnes flanquent chaque côté de cet arc central ; ce principe sera repris plus tard à la mosquée al-Azhâr au Caire (970-972).

Le mimétisme entre les deux édifices se trace même dans leurs évolutions respectives : la deuxième coupole à l’entrée de la salle de prière sera ajoutée dans une seconde phase de construction dans les deux mosquées.

Un minaret carré haut de 43m fut ajouté au nord-ouest à l’époque hafside (1228 – 1574), sur le modèle almohade[2]. Comme celui de la Mosquée de la Casbah voisine (1235), il est orné d’entrelacs de pierres. Il fut reconstruit sous les Husseïnites.

De la période hafside date également la réfection de la façade de la bibliothèque, qui fut percée de fenêtres à baies géminées. Les portes de la salle de prière furent également remplacées et la façade est fut agrémentée d’une colonnade double.

Après les invasions hilaliennes et surtout à partir de l'époque hafside, la mosquée Zitouna subira nettement l'influence hispano-mauresque, inspirée elle-même des réalisations aghlabides. Celle-ci est visible à travers les décors de stuc, à décor géométrique et floral, qui se présentent sous forme de panneaux ornés de rinceaux englobant des feuilles de vigne et des palmettes polylobées composant des motifs axés contenant parfois des pommes de pin et des rosaces. Quant aux motifs géométriques, ils consistent en des cercles dans lesquels s’inscrivent des étoiles et des carrés posés sur la pointe.

La coupole du portique précédant la salle de prière est aussi emblématique de l’influence andalouse. Des niches aux arcatures polylobées encadrées de deux arcs en plein cintre se déploient sur deux niveaux. Les arcs en plein cintre sont constitués de claveaux alternés en pierres polychromes, que l’on retrouve dans la salle de prière de la Grande Mosquée de Cordoue. Ils évoquent aussi l’art byzantin oriental. L’utilisation des niches comme élément de décor est un procédé courant dans l’architecture islamique. On l’observe non seulement en Tunisie aux Xe-XIe siècles, mais aussi en Égypte et en Algérie[3].

Le devant du Mihrab est marqué par une coupole portant une inscription la datant de 864. De l’extérieur, le dôme est une calotte hémisphérique à cannelures dans la pure tradition aghlabide.

Depuis, il n’est pas une dynastie qui n’ait voulu laisser une trace de son passage ici bas.

Aux Zirides (Xème siècle), on doit la galerie narthex et la belle coupole du bahou.

Le sultan hafside Abou Yahya Zakaria, en 1316, isole la salle de prière par une série de portes en bois, dote la cour de trois galeries qui l’encadrent et ajoute à l’extérieur, au devant de la façade est, une cour qui sera couverte au XVIIème siècle. Elle constitue aujourd’hui une belle galerie à double arcade, à laquelle on accède par un large escalier.

 Le mur de fond de cette galerie a conservé un pan de muraille du IXème siècle, construit en gros appareil de pierre, flanqué à l’angle nord-est par une tour ronde qui témoigne du rôle défensif que jouaient les premières mosquées.

Les turcs rénovent le décor de la salle de prière par l’ajout du plâtre sculpté. Au milieu du XIXème siècle, le ministre Khaznadar agrémente la cour sur trois côtés de colonnes et de chapiteaux composites en marbre blanc directement importés de Carrare (Italie).

La dernière retouche apportée à ce prestigieux monument a été l’édification d’un nouveau minaret (1894). Il a remplacé le minaret du XVIIème siècle qui, par le fait de l’extension des habitations, ne dominait plus l’ensemble urbain. Le nouveau minaret, haut de 43m, est l’œuvre de deux grands maîtres maçons : Sliman Nigrou et Tahar Ibn Saber. Il emprunte sa forme et sa décoration au minaret almohade de la Kasbah qui s’est imposé comme modèle depuis le XIIIème siècle.

La petite histoire : L’enseignement zitounien

Dès le XVIIIème siècle, les hafsides donnent une impulsion à l’enseignement. La medersa, institution nouvellement introduite au Maghreb, offre aux étudiants l’hébergement. La Grande Mosquée se distingue comme un brillant centre universitaire.

Le voyageur Khaled el Balawi (1330-1340) exprime son admiration devant le nombre de jurisconsultes de valeur tels, entre autres, les cadis Ibn el Rafii, Ibn el Salam, l’illustre Ibn Arafa. La rivalité qui oppose ce dernier au savantissime Ibn Khaldoun est restée dans les annales. Elle n’est que le reflet de la vivacité intellectuelle de l’époque.

L’occupation espagnole (1535-1574) a été, d’après les chroniqueurs, désastreuse pour l’enseignement et le savoir. La bibliothèque de la Grande Mosquée, qui ne comptait alors pas moins de 30 000 ouvrages, a été saccagée. Il va falloir attendre le début du XVIIIème siècle, avec Hussein Ben Ali et son successeur Ali Pacha, pour assister à une renaissance de l’enseignement qui sera réorganisé grâce aux réformes de Ahmed Bey (1842).

Parmi les illustres savants de la dernière génération formés à la Zitouna, il suffit de nommer le théologien Mohamed Tahar Ben Achour et le poète Abou el Kacem el Chebbi.

On ne peut pas évoquer les zitouniens sans rappeler leur participation active à la lutte nationale. Six des leurs sont tombés sous les feux des autorités françaises lors d’une manifestation le 15 mars 1952.

Mais le fait le plus étonnant a eu lieu un mois auparavant, lorsque le 2 février, un groupe de femmes, formé de dames de la bourgeoisie dont la princesse Fatma, petite-fille de Moncef Bey, mais aussi de femmes du peuple, décide d’organiser un sit in au sein de la Grande Mosquée et d’observer une grève de la faim qui a duré trois jours.

Rue Jemaa Zitouna
Visite virtuelle ici : http://www.vvt360.com/item/mosquee-zitouna



NOTE

[1] Mausolée de Sayyida Ruqayya, Égypte, Le Caire, 1133.

[2]Voir au Maroc les minarets de la mosquée Hassan (Rabat, XIIe s.) et de la Kutubiyya (Marrakech), et en Algérie celui de la mosquée de Tlemcen (1136).

[3] Façade orientale de la Grande Mosquée de Sfax (Xe siècle) ; façade de la mosquée Sidi Ali Ammar ; Qubba ibn al-Qhaoui et la Qal'a des Banu Hammad remontant au XIe s.


Mosquée Hammouda Pacha

Nom : Mosquée Hammûda Pasha

Lieu : Tunis, Tunisie

Date/période de construction : 1066 H./1655 J.C.

Matériaux de construction : Grès ; marbre ; tuiles vernissées

Décor architectural : Marbre ; stuc.

Destinataire/mandataire : Muhammad Bey connu sous le nom de Hamouda Pacha al-Mouradi (Hammûda Pasha al-Murâdî)

Le monument est situé dans la médina de Tunis, près de la Grande Zitouna. Sa fondation correspond à une tentative des Turcs, nouveaux maîtres du pays depuis 1574, de contrecarrer le rite malékite auquel adhérait la population locale en imposant le rite hanifite.

Cette mosquée, influencée par celle de Yûsuf Dey (Tunis, 1613-1614), reflète les divers apports qui marquèrent la Tunisie, un siècle après l'avènement des Ottomans. Elle offre un document remarquable sur l'élaboration de la nouvelle personnalité artistique tunisienne qui, tout en réalisant un amalgame entre différents courants, ne manque pas d'originalité.

L’ensemble regroupe la mosquée, un minaret et le tombeau du fondateur.

Un escalier à double volée débouche dans la cour, dans l’axe de l’entrée de la salle de prière, encadrée de trois portiques à toiture en pente[1].

Trois portes aux piédroits ornés de marbre finement sculpté mènent à la salle de prière. L’intérieur est divisé en cinq travées et sept nefs perpendiculaires au mur de qibla. La travée du mur de qibla et la nef médiane sont élargies, reprenant ainsi un plan élaboré en Ifrîqiya aghlabide[2]. La coupole sur trompes à coquilles à l’avant du mihrâb participe du même héritage. Quarante-huit colonnes en marbre de Carrare à chapiteaux néo-ioniques supportent la retombée d’arcs en fer à cheval par l’intermédiaire de hautes impostes bicolores. Les murs sont couverts de lambris de marbre jusqu’à hauteur des tympans, puis de panneaux de stuc dans la zone supérieure. Les voussures des arcs sont sobrement animées par la présence de quelques claveaux noirs. Certains éléments, tels les chapiteaux, semblent d’influence italienne. Les revêtements de marbre polychrome relèvent d’une tradition existant dès le début de l’Islam, qui prit une grande importance dès le XIVe siècle en Égypte, en Italie, et au XVIe siècle sous les Ottomans.

À la base de la coupole court une inscription donnant la date de construction. La niche s’ouvre sur la salle par un arc en plein cintre outrepassé à claveaux noirs et blancs, retombant sur deux colonnettes en pierre noire à chapiteaux néo-ioniques. L’intérieur est orné d’arcatures réalisées en placages de marbre rose, blanc et gris.

A l'angle nord-ouest se dresse le minaret à l’élégante silhouette, à base carrée et à fût octogonal. Il est couronné d'un balcon à auvent évoquant des formes ottomanes[3] et est coiffé d'un lanternon à toit pyramidal. Ce type de minaret, qui nous renvoie à l’Anatolie[4] et au Proche-Orient, devint le trait distinctif des mosquées construites pour la communauté ottomane en Tunisie. Il est présent dans plusieurs villes de la régence de Tunis, notamment celles abritant une minorité ottomane et particulièrement une garnison turque[5].

 La salle de prière est une salle hypostyle des plus classiques où on peut cependant voir les deux éléments spécifiques aux mosquées hanéfites qui sont le minbar (chaire à prêche) en maçonnerie et la sedda (mezzanine centrale).



Dans les mosquées malékites, le minbar en bois est monté sur rails ; on peut le dissimuler dans un réduit, après la prière. Dans la mosquée hanéfite, il est fixe, aussi soigneusement décoré que le mihrab, matérialisant l’importance de l’imam.

La sedda est la marque du privilège des khouja, lettrés qui, à des moments précis de la prière, récitent en chœur certains versets du Coran alors que les fidèles, en rangs, tantôt écoutent et tantôt participent, dans un cérémonial bien réglé.

Le minaret et le tourbet ont pris à leur compte les dispositions architecturales de ceux de la Mosquée Youssef Dey. La mosquée Hammouda Pacha n’en constitue pas moins un jalon important dans l’histoire de l’art en Tunisie. Elle porte la marque d’un style nouveau d’influence italienne qui vient se greffer aux traditions hafsides et andalouses.

L’usage du marbre noir et blanc en assises ou en incrustations trouve sa belle expression sur la façade principale de la salle de prière et les façades intérieures et extérieures du tourbet. Au style andalou, celui-ci emprunte la composition d’un superbe plafond en bois sculpté et peint ainsi que la frise de stuc à arceaux. La nouveauté s’affirme dans l’usage du marbre polychrome qui éclate surtout dans la décoration baroque des façades du tourbet.

Le mausolée du fondateur est dans l'angle opposé au minaret. L'adjonction du mausolée du fondateur à l'oratoire constitue une manifestation de l'influence ottomane.

De plan carré, il est surmonté d'une coupole pyramidale couverte de tuiles vernissées vertes. Chaque façade est occupée au centre par une arcature flanquée de panneaux à décors géométriques de marbre blanc et noir dans la partie basse, tandis que la zone supérieure est occupée par deux baies géminées aux voussures alternées noires et blanches faisant écho à l’arc central.

La coupole pyramidale, les toitures en tuiles et certains décors géométriques et floraux, déjà visibles dans les mausolées tunisiens hafsides[6], révèlent une influence andalouse.

Un jalon important dans l’histoire de l’art en Tunisie

La tradition de la mosquée funéraire associe le tombeau familial au lieu de culte, tradition introduite par Youssef Dey, est reprise par Hammouda Pacha, à peine quarante ans plus tard. La construction de la mosquée, datant de 1656-57, est attribuée à un maître d’œuvre andalou du nom de Nigrou.

La petite histoire : Une dynastie issue d’un renégat

Le Tunis du XVIIème siècle s’enrichit de nouveaux apports humains composés de Morisques, de Turcs et de renégats appelés aussi « Turcs de profession ».

Il s’agit d’européens venus à l’Islam pour échapper à leur condition d’esclave et accéder aux hautes charges. Ils s’imposent par leur dynamisme, leurs connaissances et leur technicité. On les trouve aux postes de confiance : gérants dans les grandes familles tunisiennes ou turques, conseillers ou secrétaires de personnages officiels.

L’un d’eux, d’origine corse, nommé Mourad, de son vrai nom Jacques Senty, est Bey du camp en 1612. Il est donc chargé de lever les impôts en nature ou en espèces parmi les tribus, au cours des tournées qui ont lieu deux fois par an. Homme habile et intelligent, il s’enrichit par la Course et réussit à gagner, grâce à ses largesses, l’estime de la milice, des corsaires et de la Porte. Il obtient le titre de Pacha et le droit de transmettre sa charge de Bey à son fils et héritier Mohamed dit Hammouda.

Ainsi nait la dynastie mouradite dont le dernier représentant est le sanguinaire Mourad III, assassiné en 1702 ainsi que toute la descendance mouradite.

 NOTE

[1] Ce schéma existe déjà, mais sans cour, à Istanbul : mosquée de Piyale Pacha (1565-1573).

[2] Grande Mosquée de Kairouan, Tunisie, 836.

[3] Les auvents apparaissent en effet fréquemment dans l’architecture ottomane, notamment dans les bâtiments à usage funéraire (tombeau de Soliman le Magnifique, Istanbul, 1558) et également dans les réalisations civiles (Fontaine d’Ahmed III, Turquie, 1907 (reproduit la fontaine érigée en 1729 devant la porte extérieure du palais de Topkapi), bois, nacre, ivoire et marbre polychrome, Istanbul, Yildiz Sarayi Müzesi, inv.364).

[4] Les minarets de la Suleymaniye (Istanbul, Turquie, 1550-1557) ainsi que de nombreux minarets ottomans présentent, bien que plus élancée, une silhouette comparable à celle de ce minaret.

[5] Grande Mosquée de Bizerte (1060 H./1650 J.C.) ; Mosquée Slimane Hamza de Mahdiyya (XIe-XVIIe siècle).

[6] Mausolée de Sidi Abid (XIVe et XVIIe siècles) ; mausolée de Sidi Kacem al-Jellizi  (XVe siècle).






Les zaouias de la Medina

Zaouia Sidi Mehrez

L’Histoire : Soltan el Medina

Une zaouia qui ne désemplit pas car elle abrite le tombeau de Sidi Mehrez, saint patron de Tunis, décrété Soltan el Medina par ses habitants.

Mehrez Ibn Khalef est né dans la banlieue de l’Ariana où il commence une paisible carrière de meddeb (précepteur). Puis il se déplace à Tunis, y acquiert une maison près de Bab Souika où il sera inhumé en 1022. La croyance populaire et les largesses des souverains vont muer les lieux en une fastueuse zaouia.

Poète, pieux et vertueux, Sidi Mehrez s’est surtout distingué par son engagement dans la lutte contre le rite chiite, introduit par les fatimides et imposé comme religion officielle dans un pays de tradition sunnite malékite.

Il est aussi connu pour son rôle économique. C’est lui qui, après le saccage de Tunis par le kharijite Abou Yazid, en septembre 945, incite la population à reconstruire l’enceinte endommagée et à réorganiser le commerce.

La tradition unanime lui attribue la fondation du quartier juif de la Hara, situé à quelques distances de sa zaouia, sans doute pour retenir cette population active, au bénéfice de l’économie de la ville. Jusque là, les juifs ont accès à la cité le jour et doivent la quitter le soir pour un quartier du côté de Mellassine où ils résident.

Pour sauver Tunis, Sidi Mehrez use aussi de ses pouvoirs‘surnaturels’. Ne lui attribue-t-on pas la mort à distance de l’Emir ziride Ibn Badis ?

Une nuée de tentes déployées près de Sijoumi fait trembler les tunisois. Leur saint les rassure et, du haut de la colline de la Kasbah, prie Dieu pour que périsse Badis et que soit protégée Tunis. Le lendemain, on retrouve l’Emir transpercé de sa propre épée, sous sa tente de soie. De crainte, son successeur el Moez promulgue un dhahir (édit) ordonnant que « les autorités veillent à ce qu’on ne touche pas à la personne de Sidi Mehrez ni à ses biens et ni à la personne ni aux biens de ses partisans ».

Sa renommée, établie pour « l’éternité », dépasse le cadre de l’Ifriqia. Dans son guide des lieux de pèlerinage, le géographe El Hawari, mort à Alep en 1215, signale « le sanctuaire de Sidi Mehrez qu’invoquent les marins lorsque la mer devient mauvaise et auquel ils font des vœux ».

Tunisois et non-tunisois continuent de visiter la zaouia de Sidi Mehrez pour adresser des supplications, faire des vœux et des offrandes. Notons que les juifs, lorsqu’ils étaient nombreux à la Hara vouaient le même culte au Soltan el Medina.

La zaouia était considérée comme un refuge offrant l’immunité absolue, même au plus dangereux des malfaiteurs. Ce n’est qu’en 1888, après l’organisation de la justice, qu’on a mis fin à cette tradition en évacuant de force un criminel pour le présenter à la justice.

La cour, remaniée dans les années 80, précède une salle couverte d’une coupole sur trompes. C’est là où se trouve le puits qu’on dit «béni ». La ziara (visite) n’est pas complète si on ne boit pas de son eau. Il est de tradition d’y emmener le garçonnet le jour de sa circoncision et la jeune fille la veille de ses noces pour boire et se laver le visage et les mains. Cette eau fraîche procure la sérénité pour affronter en paix le rite de passage.

Salle et chambre funéraire datent de la fin du XIXème siècle, sous Sadok Bey. Plus imposante par sa coupole ovoïde, la deuxième se distingue par le plâtre sculpté où l’arabesque se mèle au thème du vase à bouquet.

Le catafalque en bois ajouré à deux registres est protégé par un grillage en fer ouvragé, doublé d’une balustrade en bois

La petite histoire : Poème de Sidi Mehrez sur les ruines de Carthage

J’ai vu ces murs comme un mirage

Cette fierté dans la misère

Qu’une larme soit un hommage !

Pourquoi ce vide après la joie ?

Ce dénuement après la gloire ?

Ce néant qui fut une ville ?

Qui répondra ? Rien que le vent

Qui remplace le chant des prêtres

Et disperse les âmes jadis rassemblées.

87, rue Sidi Mehrez


Sidi Kacem Jellizi

Nom : Zawiyya de Sidi Qasim Jelizi

Date/période de construction : XVe siècle ; adjonctions au XVIIe siècle (cour) et au XVIIIe siècle (salle de prière)

Matériaux de construction : Pierre sous forme de moellons, de plaques et de voussoirs en grès coquillier, marbre.

Décor architectural : Marbre, panneaux de revêtement de céramique en cuerda seca.

Destinataire/mandataire : Abu al-Fadhl Qasim Ahmed al-Sadfi al-Fassi, dit Sidi Qasim Jelizi ; Abu al-Gith al-Kachech (Saint tunisois d'origine andalouse, du XVIIe siècle)

Dimensions : à peu près 2700 m² (bâtiment et ses dépendances)

Ce monument porte le nom d’un saint tunisois, originaire de Fès, mort à Tunis en 1496, qui exerça durant une partie de sa vie le métier de fabricant de Jaliz (carreaux émaillés) dont il s'était procuré les techniques en Andalousie. A l’origine, le bâtiment consistait uniquement en une chambre funéraire couverte d’une toiture pyramidale. Il a subi l’adjonction de la cour et des pièces qui l’entourent au cours du XVIIe siècle, et de la salle de prière sous le règne de Hussein ben Ali (1705-1735).

L’Histoire : Entre l’art ifriqien et l’art andalou

Kacem el Jellizi, de son vrai nom, Abou el Fadhl Kacem el Fessi (de Fès), doit vraisemblablement son nom au métier du jelliz (carreaux de céramique) qu’il exerçait avec une rare habileté technique et un grand sens esthétique. La tradition lui attribue une origine andalouse.

Artiste mais aussi très pieux, il fut élevé au rang des saints personnages, vénéré par la population et jouissant de la considération des sultans hafsides.

A sa mort en 1496, le Sultan en personne assista à ses funérailles. Enterré dans sa propre demeure, celle-ci ne tarda pas à devenir un lieu de culte, zaouia, où, sans discontinuer, on vient à la recherche de la baraka du saint ! Les lieux furent plusieurs fois restaurés mais les travaux les plus importants sont dus à Abou el Ghaith el Kachech, le cheikh des andalous de Tunis, qui affecta la zaouia comme gite aux morisques chassés d’Espagne.

Au début du XVIIIème siècle, Hussein Ben Ali ajouta au complexe une mosquée qui abrite aujourd’hui un atelier de céramique moderne.

Le monument présente une magnifique cour à portique dominée sur un côté par l’imposante silhouette de la chambre funéraire alors que se distribuent sur les trois autres côtés des pièces réservées à l’origine aux indigents et aux pèlerins..

La coupole pyramidale en tuiles vertes couvrant la chambre funéraire est d’un type fréquemment utilisé en Tunisie pour la construction des couvertures de certains mausolées des médinas de Tunis et de Kairouan (mausolée de Sidi Abid à Kairouan, seconde moitié du XIVe siècle, mausolée de Sidi Ouhaychi à Kairouan, XVIIe siècle).

Les murs sont construits en moellons et couverts d’enduit incrusté de panneaux de carreaux en cuerda seca, selon une technique décorative bien connue en Espagne, au Maroc, et en Orient. Les motifs étoilés du décor sont surmontés par une double frise à entrelacs et à chevrons. Cependant, comme dans le cas des chapiteaux hispano-maghrébins, il serait vain de chercher ailleurs qu'en Tunisie des exemples de revêtements parfaitement identiques à ces derniers. On constate en effet des différences assez sensibles, surtout dans les couleurs, dues probablement à l'utilisation de colorants d'une composition chimique particulière.

La technique de la cuerda seca consiste en la réalisation d’un décor cloisonné destiné à éviter la fusion entre les glaçures colorées au cours de la cuisson. Dans le décor à cuerda seca (« corde sèche ») les surfaces glacées, cernées d'un trait mat réalisé avec une matière gréseuse, gardent un léger relief. Il faut distinguer cette technique de celle dans laquelle les lignes du dessin, établies en creux dans un moule, se trouvent reproduites en relief sur le carreau de telle sorte que de fines crêtes séparent des surfaces en faible dépression, destinées à recevoir des couleurs diverses.

De la chambre funéraire, on accède à la cour encadrée de portiques, dans laquelle les surfaces murales sont décorées de grandes figures géométriques et un décor d'entrelacs rectilignes et de disques, le tout obtenu par l'incrustation de galons de marbre noir se détachant sur le marbre blanc. On retrouve des motifs semblables à la midhat al-Sultan (Tunis, 1448-1450), à la zawiyya de Sidi Abid (Kairouan, seconde moitié du XIVe siècle) et dans des cours de maisons tunisiennes des XVIe-XVIIe siècles. Le même type de décor, hérité de l’art byzantin et déjà utilisé à l’époque omeyyade, orne l'intérieur de plusieurs édifices du Caire[1]. S'agit-il d'éléments directement empruntés à l'Égypte mamluke ou bien ont-ils plutôt fait leur apparition tardivement à l’époque ottomane ?

La salle de prière, hypostyle, possède un plan assez peu répandu au Maghreb : les nefs sont disposées parallèlement au mur de qibla, tradition héritée de la Grande Mosquée de Damas.

En conclusion, le modèle architectural de cette zawiyya évoque celui de la madrasa de Sidi al-Uhayshi à Kairouan (milieu XVIIe siècle) et de la zawiyya de Sidi Abid à Tunis, mais rappelle aussi celui de certains mausolées maghrébins de type hispano-mauresque[2].

 La petite histoire : Les Morisques chassés d’Espagne

« Les morisques jugés indésirables par Philippe III sont chassés d’Espagne ; ils affluent à la Régence (1609). Un bon nombre de citadins se fixent à Tunis, non sans choquer les habitants par leur accoutrement, leur langue…Comment ces apparences d’infidèles peuvent seoir à de bons musulmans ?

Il faut faire confiance au Dey Othman qui les traite comme tels et leur réserve le meilleur accueil ainsi qu’au pieux Sidi Belghith el Kachech qui prend soin de leur installation. Sa propre zaouia, celle de Sidi Kacem, leur servait de lieu de transit avant de leur trouver un asile plus confortable que leur offraient volontiers les familles tunisoises.

Petit à petit, ils se regroupent dans deux quartiers, l’un autour de l’actuel rue des andalous, l’autre dans houmet el andalous ou quartier des andalous dans les environs de Tronja et Hammam el Remimi » (Jamila Binous – Tunis à l’ombre de ses remparts).

31, rue Sidi Kacem Jellizi

Tel : +216 71 57 24 23

NOTE

[1] Complexe de sultan Hasan, Egypte, Le Caire, 1356.

[2] Mausolée de Moulay Idriss , Mekhnès, Maroc, XVIe siècle.


Zaouia Sidi Ali Chiha

L’Histoire : La confrérie issaouia

La zaouia Sidi Ali Chiha était la plus vaste de la confrérie issaouia. C’était la zaouia mère par rapport à plusieurs «succursales » élevées à travers le pays pour les adeptes de cette confrérie. Cette dernière fut fondée au XVIème siècle par Mohamed Ben Issa, enterré à Meknès au Maroc, pour vous dire l’étendue des réseaux confrériques à travers le Maghreb et au-delà.

La zaouia Sidi Ali Chiha a été construite en 1852, sur ordre du ministre Mustapha Khaznadar, lui-même affilié à la confrérie issaouia. Il en fit don au cheikh de la confrérie, Sidi Ali Chiha, qui y fut enterré en 1854.

Au lendemain de l’indépendance, les confréries, taxées de collaboration avec le régime colonial, ont vu leurs activités interdites, leurs bien habous confisqués par l’Etat et leurs locaux désaffectés. La zaouia Sidi Ali Chiha a perdu ses colonnes et chapiteaux en marbres qu’on a remplacés par des poteaux en béton. Elle menaçait ruine lorsque dans les années 80, le service des monuments historiques décide la restaurer et d’y installer le Centre de la Calligraphie Arabe.

On est accueilli, face à l’entrée par une belle composition calligraphique, exécutée dans le cuivre, souhaitant la bienvenue.

L’intérêt architectural du monument réside dans la grande salle et le préau qui la précède. Ce dernier est couvert d’une coupole aplatie, décorée par un savant enchevêtrement d’étoiles en naqch hadida. La salle est couverte d’une imposante coupole ovoïde, complétée par quatre coupoles sur les côtés.

Derrière la cloison en bois se trouve la tombe de Sidi Ali Chiha et de ses proches.

La petite histoire : Le miracle de Sidi Chiha

Les récits hagiographiques qui racontent la vie des saints leur attribuent des karamet (miracles).

On raconte à propos de Sidi Chiha qu’un jour, pendant le déroulement du chantier du monument, il demande aux maçons de le suivre dans les rues du quartier. Arrivé à un endroit, il s’arrête, frappe le sol de sa canne et leur ordonne de creuser. Au bout de quelques temps, les ouvriers déterrent deux gigantesques colonnes de pierre. Il les fait transporter sur le chantier et ordonne d’en faire le support de la grande coupole où elles sont encore visibles !

Rue du Salut


Zaouia Sidi Brahim Riahi

L’Histoire : La demeure d’un grand savant

La zaouia a été édifiée en 1854 par Ahmed Bey et achevée en 1878 par Sadok Bey, autour de la tombe de Brahim Riahi, mort en 1850.

L’homme est né à Testour en 1766. Il rejoint la Grande Mosquée et, comme tout étudiant étranger à la ville, il trouve à se loger dans la medersa el Achouria puis dans la medersa Bir Lahjar situées toutes deux dans le quartier du Pacha où il s’installera dans la vie comme dans la mort.

Il termine brillamment ses études et ne tarde pas à être unanimement reconnu comme un grand savant. Poète, pétri de mysticisme, il s’initie, au Maroc, à la tariqa Tijania (confrérie) qu’il introduit dans la Régence. C’est pour la propagation de la Tijania qu’il jette les fondements de la zaouia.

La vie spirituelle ne l’a pas empêché d’endosser de hautes charges. Il a été professeur, puis grand mufti et premier imam de la Grande Mosquée ; il s’est acquitté de missions diplomatiques auprès du roi du Maroc et du Sultan d’Istanbul. Il meurt en août 1850, quelques mois après la mort de son fils, emportés tous les deux par la peste.

L’entrée en chicane conduit à une cour tout en marbre blanc de Carrare : dallage, encadrements des portes et des fenêtres, colonnes et chapiteaux à volutes soutenant les arcs des galeries opposées.

La cour distribue une salle d’ablution ainsi que des chambres pour les visiteurs qui viennent nombreux prier et faire des vœux.

Sur le côté droit, une grande salle sous coupole est réservée aux mi’ad (réunions liturgiques) qui groupent les Tijani tous les vendredis. La coupole sur trompes est un joyau de l’architecture hispano-mauresque. Des maalem sont venus spécialement du Maroc pour l’exécution des sculptures sur plâtre.

Dans la petite salle face au mihrab se trouve le tombeau du saint : surmonté d’un catafalque, drapé de soierie de couleurs vives, don des fidèles de la Tijania et de quelques visiteuses dont les vœux ont été exaucés.

La petite histoire : Le rituel des jeunes filles

La jeune fille qui tarde à se marier peut espérer voir «affluer » les prétendants si elle se soumet à une pratique encore en vigueur à la zaouia de Sidi Brahim : elle doit nettoyer à grand eau le sol de la zaouia pendant sept semaines consécutives.

Elle choisit un jour fixe et se présente avec tout le nécessaire à l’opération : balais, serpillère, produits qui resteront à sa disposition jusqu’à la fin. Le nettoyage commence par le seuil des salles puis la cour et enfin les sqifa.

A la fin des sept séances, la jeune fille se doit d’offrir une kassaa, grand plat de couscous bien garni qui sera partagé entre les visiteurs. « C’est le rhan (les arrhes)» précise la naqiba, gardienne des lieux, chargée de l’intendance.

11, rue Sidi Brahim Riahi

http://www.discoverislamicart.org/index.php


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                                        Si ça vous plait, on en fera d'autres incha Allâh...







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