vendredi 21 décembre 2012

Lettres d'un maître soufi - Le sheikh Al-'Arabi Ad-Darqâwî - Traduit par Titus Burckhardt - Lettre 12 - "Puisque tu sais que le diable ne t'oubliera jamais, à toi de ne pas oublier Celui qui tient la mèche de ton front"


 
 
 
 
 
 
 
Traduit par Titus Burckhardt
 
 
Lettre 12

La maladie qui afflige ton coeur, ô faqir, vient des passions qui le traversent; si tu les quittais et t'occupais de ce que Dieu t'ordonne, ton coeur ne souffrirait pas de ce dont il souffre. Entends donc ce que je te dis, et que Dieu te prenne par la main: Si chaque fois que ton âme (nafs) t'attaque, tu te dépêchais à faire ce que Dieu t'ordonne et que tu Lui remettais entièrement ta volonté, les suggestions psychiques et sataniques et toutes épreuves t'épargneraient sans aucun doute. Par contre, si dans les moments où ton âme t'attaque, tu te mets à réfléchir là-dessus, à peser le pour et le contre et à te noyer dans le bavardage (intérieur), les suggestions psychiques et sataniques reflueront vers toi en légions jusqu'à te subjuguer et te submerger, et il ne te restera plus aucun bien mais rien que du mal; que Dieu nous guide, nous et toi, sur le sentier de Ses saints, Amen.

Le vénérable maître, le saint Ibn Atâï-Llâh dit dans ses Hikam: "Puisque tu sais que le diable ne t'oubliera jamais, à toi de ne pas oublier Celui qui tient la mèche de ton front" (Coran, XI, 59)! Et notre maître disait:

"La vraie manière de faire du tort à l'ennemi, c'est de s'occuper de l'amour de l'Ami; par contre, si tu t'occupes à faire la guerre à l'ennemi, il aura obtenu ce qu'il a voulu de toi, et tu auras perdu en même temps l'occasion d'aimer l'Ami."

Et nous disons: tout bien est dans le souvenir (dhikr) de Dieu, et la voie qui mène vers Lui ne passe pas ailleurs que par la résignation à l'égard du monde, l'isolement à l'égard des gens et la discipline extérieure et intérieure. "Rien n'est plus utile au coeur que la solitude, car par elle il entre dans l'arène de la méditation", comme l'a dit le vénérable maître, le saint Ibn 'Atâi-Llâh (que Dieu soit satisfait de lui) dans ses Hikam. Et nous disons: rien n'est plus utile au coeur que l'abnégation à l'égard du monde et le fait d'être assis devant les saints de Dieu.

La détrônisation de l'ego est pour nous et pour tous les maîtres de la Voie une condition nécessaire; et en ce sens l'un d'eux a dit: "Cela même que vous craignez de moi, mon coeur le désire". Mais il ne faut pas, ô faqir, que tu en dises autant, avant de l'avoir dit à ta propre âme obligée à marcher sur ce chemin, et non par ailleurs.

'Tenir la mèche de son front" est une expression arabe et se réfère au fait qu'un cheval peut être dominé en le saisissant par la mèche de son front.

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