Traduit par Titus Burckhardt
Lettre 12
La
maladie qui afflige ton coeur, ô faqir, vient des passions qui le traversent;
si tu les quittais et t'occupais de ce que Dieu
t'ordonne, ton coeur ne souffrirait pas de ce dont il souffre. Entends donc ce
que je te dis, et que Dieu te prenne par
la main: Si chaque fois que ton âme (nafs) t'attaque, tu te dépêchais à faire
ce que Dieu t'ordonne et que tu Lui remettais
entièrement ta volonté, les suggestions psychiques et sataniques et toutes
épreuves t'épargneraient sans aucun
doute. Par contre, si dans les moments où ton âme t'attaque, tu te mets à
réfléchir là-dessus, à peser le pour et le
contre et à te noyer dans le bavardage (intérieur), les suggestions psychiques
et sataniques reflueront vers toi en légions
jusqu'à te subjuguer et te submerger, et il ne te restera plus aucun bien mais
rien que du mal; que Dieu nous guide,
nous et toi, sur le sentier de Ses saints, Amen.
Le
vénérable maître, le saint Ibn Atâï-Llâh dit dans ses Hikam: "Puisque tu
sais que le diable ne t'oubliera jamais, à toi
de ne pas oublier Celui qui tient la mèche de ton front" (Coran, XI, 59)!
Et notre maître disait:
"La
vraie manière de faire du tort à l'ennemi, c'est de s'occuper de l'amour de
l'Ami; par contre, si tu t'occupes à faire la
guerre à l'ennemi, il aura obtenu ce qu'il a voulu de toi, et tu auras perdu en
même temps l'occasion d'aimer l'Ami."
Et
nous disons: tout bien est dans le souvenir (dhikr) de Dieu, et la voie qui
mène vers Lui ne passe pas ailleurs que par
la résignation à l'égard du monde, l'isolement à l'égard des gens et la discipline
extérieure et intérieure. "Rien n'est
plus utile au coeur que la solitude, car par elle il entre dans l'arène de la
méditation", comme l'a dit le vénérable maître,
le saint Ibn 'Atâi-Llâh (que Dieu soit satisfait de lui) dans ses Hikam. Et
nous disons: rien n'est plus utile au coeur
que l'abnégation à l'égard du monde et le fait d'être assis devant les saints
de Dieu.
La
détrônisation de l'ego est pour nous et pour tous les maîtres de la Voie une
condition nécessaire; et en ce sens l'un d'eux
a dit: "Cela même que vous craignez de moi, mon coeur le désire".
Mais il ne faut pas, ô faqir, que tu en dises autant,
avant de l'avoir dit à ta propre âme obligée à marcher sur ce chemin, et non
par ailleurs.
'Tenir
la mèche de son front" est une expression arabe et se réfère au fait qu'un
cheval peut être dominé en le saisissant
par la mèche de son front.
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