- Recueil
posthume -
Réponses
dans le Speculative Mason
Dans la
rubrique Notes and Queries (Notes et Questions). Réponses collectées dans les
années 1934 à 1940 de la revue et traduites de l’anglais par Anton
Kerssemakers.
Volume
XXVII, avril 1935, page 77 :
H.R.A. —
Est-ce le double triangle ou l’étoile à cinq branches (five-pointed star) qu’il
est correct d’appeler « Bouclier de David » ? J’ai entendu appliquer ce nom aux
deux symboles sans distinction, mais lequel est alors le « Sceau de Salomon » ?
A.W.Y. — «
Le double triangle est appelé par les Kabbalistes indifféremment “Sceau de
Salomon” et “Bouclier de David”, et de même “Bouclier de Mikaël”
(Mikael-Malaki, “Mon Ange”, c’est-à-dire “L’Ange en qui se trouve Mon Nom”) ;
également en arabe il est désigné comme “Khâtem Seyidnâ Suleymân” et “Dir’a
Seyidnâ Dawûd”. Aucune de ces désignations ne peut être appliquée de façon
correcte à l’étoile à cinq branches, le pentalpha ou pentagramme des
pythagoriciens, lequel est l’étoile flamboyante maçonnique. Cette dernière,
dans sa signification générale, est un symbole “microcosmique”, alors que le
double triangle est un symbole “macrocosmique”. Il existe un autre symbole
arabe, nommé “Uqdat Seyidnâ Suleymân” ou “Noeud de Salomon”, dont la
signification est très proche de celle du sceau de Salomon, en rapport avec
l’adage hermétique : “Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas.” »
Khâtem Seyidnâ Suleymân ou “Sceau de Salomon”
Dans le
même numéro, page 78 :
Étudiant. —
Les Colonnes d’Hénoch sont-elles en relation avec les Colonnes du Porche ? Dans
ma Loge personne ne semble savoir quelque chose au sujet des Colonnes d’Hénoch.
A.W.Y. — «
Il est dit que les Colonnes d’Hénoch ou de Seyidnâ Idris, comme il est appelé
dans la tradition islamique, ont été construites par lui en deux matériaux
différents, l’un pouvant résister à l’eau et l’autre au feu ; sur chacune était
gravé l’essentiel de toutes les sciences. Il est dit qu’elles furent placées
respectivement en Syrie et en Éthiopie, et que celle qui avait résisté aux eaux
du Déluge existe encore en Syrie. En fait, la Syrie est ici rapportée au Nord,
en connexion avec l’eau, et l’Éthiopie au Sud, en connexion avec le feu ; cela
justifie donc pleinement la relation établie entre ces Colonnes d’Hénoch et
celles du Porche. D’autre part, partout où on trouve deux colonnes, elles
auront en commun une signification générale “binaire”, que ces colonnes soient
de Salomon, d’Hénoch, d’Hercule, etc. On peut également remarquer que la Syrie
et l’Éthiopie, dans la tradition précitée, ne s’identifient pas nécessairement
avec les pays actuellement connus sous ces noms, car elles ont elles-mêmes un
sens symbolique et caché ; en tout cas, les Colonnes d’Hénoch représentent deux
centres spirituels et initiatiques auxquels était confié le dépôt de la
connaissance primordiale, en vue de la préserver au cours des époques
successives. »
Dans le
même volume XXVII, juillet 1935, pp. 118-119 :
V.C. — Pourquoi
d’abord le pied gauche (left foot) ?
A.W.Y. — «
Cette prééminence du pied gauche n’est pas uniformément reconnue par tous les
rites maçonniques : là où elle existe, on se réfère généralement au fait que le
coté gauche est le côté du coeur, explication admise également, et peut-être à
plus juste titre, pour la position du bras gauche sur le bras droit dans le
grade écossais de R.C. Bien que le symbolisme du coeur soit en effet très
important, et cela dans toutes les traditions (mais à vrai dire tout à fait
différent de ce qu’en pensent les gens modernes), il y a peut-être quelque
chose de spécifique en ce qui concerne au moins le pied gauche : il est évident
que ceci est en rapport étroit avec les circumambulations exécutées de gauche à
droite, et ainsi la question est ramenée à un problème d’un ordre beaucoup plus
général. Il y a bien des différences à cet égard, selon les diverses traditions
: en Inde et au Tibet, les circumambulations se font aussi de gauche à droite
(c’est-à-dire en ayant le centre à sa droite, et de cela vient la désignation
pradakshina) ; dans la tradition islamique, c’est l’inverse ; et l’on peut dire
que ceci est en relation directe avec le sens de l’écriture dans les langues
sacrées (le sanskrit et l’arabe) dans lesquelles les deux traditions trouvent
respectivement leur expression. Le mouvement de 1a droite vers la gauche est
encore connu dans la Maçonnerie opérative : il est “polaire”, alors que
l’inverse est “solaire”, et les formes “polaires” sont toujours plus anciennes
que les formes “solaires”. Quant à prééminence de la droite ou de la gauche, il
y a eu parfois, et dans la même tradition, des changements pour des périodes
déterminées, en relation avec certaines lois des cycles cosmiques ; de tels
changements se trouvent surtout dans la Chine ancienne, mais en les examinant
de plus près, on verra que le coté d’honneur, qu’on le considère “polairement”
comme la droite ou “solairement” comme la g--che, y a toujours été l’Orient.
Des changements du même genre se sont effectués également dans le passage de la
Maçonnerie Opérative à la Maçonnerie Spéculative. De tout cela, il ressort que
cette question est extrêmement compliquée, liée comme elle est à l’origine même
des Traditions. »
J.B.V. — On
m’a dit qu’il y avait en Égypte, il y a peu de temps, des Guildes de Maçons
Opératifs. Est-ce qu’elles existent encore ? Peut-être que A.W.Y. pourrait m’en
informer ?
A.W.Y. — «
Il n’y a aucun doute qu’il y avait, voici quelques siècles, non seulement en
Egypte, mais encore en d’autres parties du monde musulman, des Guildes de
Maçons Opératifs ou d’autres ouvriers ; ces Maçons orientaux utilisaient même
des marques similaires à celles de leurs collègues occidentaux du Moyen Âge, et
qui étaient appelées en arabe Khatt el-Bannâïn (c’est-à-dire “écriture des
bâtisseurs” ; mais tout cela appartient à un passé déjà assez lointain. D’autre
part, dans les turuq islamiques ou confréries ésotériques (qui sont également
“opératives” en fait, mais évidement dans un autre sens plus profond que le
sens purement “professionnel”), certains éléments ont été conservés qui
ressemblent étrangement au Compagnonnage occidental, par exemple : le port du
ruban ; le port du bâton qui a exactement la même forme ; et en ce qui concerne
le symbolisme de ces bâtons, il y aurait beaucoup à dire en rapport avec les
sciences secrètes qui sont spécialement attribuées à Seyidnâ Suleymân (car
chacun des grands Prophètes possède ses sciences à lui, caractérisées par le
ciel sur lequel il préside). Il y a aussi d’autres points d’intérêt plus
spécialement maçonnique : par exemple, dans quelques-unes des turuq, le dhikr
ne peut être accompli rituellement s’il n’y a pas la présence d’au moins sept
frères ; dans l’investiture d’un naqîb, il y a quelque chose qui ferait penser
au cable-tow, etc. D’ailleurs, il y a une interprétation symbolique des lettres
arabes qui forment le nom d’Allah et qui est purement maçonnique, provenant
probablement des Guildes en question : l’alif est la règle ; les deux lâm le
compas et l’équerre ; le ha le triangle (ou le cercle selon une autre
explication, la différence entre les deux correspondant à celle entre Square et
Arch Masonry), le nom entier était donc un symbole de l’Esprit de la
Construction Universelle. Ces quelques faits ne sont que de simples références
à un sujet qui nous est connu par expérience directe et par tradition orale. »
Octobre
1935, p. 156 :
Étudiant. —
Je suis particulièrement intéressé par une phrase de la réponse de A.W.Y. à la
demande sur le Sceau de Salomon. Il dit : Le « Uqdat Seyidnâ Suleymân » ou
Noeud de Salomon, dont la signification se rapproche de celle du Sceau de
Salomon, etc. Quelle est la forme de cet Uqdat Seyidnâ Suleymân ?
A.W.Y. — «
Voici la figuration du “Noeud de Salomon”.
Il en
existe, bien entendu, plusieurs variantes plus ou moins compliquées, mais
celle-ci présente symboliquement l’essentiel.
La phrase :
“tout à fait différent de ce que pensent les gens modernes” veut dire que le
vrai symbolisme du coeur, dans toutes les traditions, se rapporte à l’intellect
pur (en tant que distinct de la raison) et jamais au sentiment ou à l’émotion.
Il faudra toujours en tenir compte lorsqu’il est question, non seulement du
coeur de l’homme, mais également du “Coeur du Monde” ».
Volume
XVIII, janvier 1936 :
Étudiant —
Les trois montagnes sacrées des maçons opératifs sont le Sinaï, le Tabor et le
Moriah. Prenant cette dernière comme centre, le Tabor est situé vers le Nord et
le Sinaï au Sud. Pourquoi a-t-on choisi spécialement ces trois montagnes ? Le
Tabor, dans l’ancien testament, n’est pas particulièrement sacré. J’aimerais
aussi être renseigné sur la signification de ces trois montagnes.
A.W.Y. — «
Le Sinaï, le Moriah et le Tabor sont trois hauts-lieux de “vision”, bien que,
en ce qui concerne le Sinaï, “audition” serait une désignation plus correcte
que “vision” (et la forme de beaucoup des pierres qu’on y trouve ressemble de
façon étrange à l’oreille humaine) ; mais quand il s’agit de révélation,
“vision” et “audition” sont presque équivalentes. Ainsi, dans la tradition
hindoue, il est dit que les Rishis (littéralement “voyants”, comme en hébreu
rouh, le terme ancien pour nabi ou prophète) ont “entendu” les Védas. De notre
propre point de vue islamique, ces trois montagnes sont liées respectivement
aux trois grandes époques prophétiques de Seyidnâ Mûsa (Moïse), de Seyidnâ
Dawûd et Seyidnâ Suleymân (David et Salomon) et de Seyidnâ Aïssa (Jésus), et,
par la suite, aux trois grands livres de la révélation divine : Et-Tawrâh (le
Pentateuque), Ez-Zabûr (les Psaumes) et El-Injîl (l’Évangile). Concernant le
Sinaï, il est intéressant de noter que cette région était, très anciennement,
le siège de mystères en relation avec l’art des métallurgistes, c’est-à-dire
les mystères “Cabiriques”. Ces métallurgistes étaient des “Kénites”, dont le
nom se lit parfois “Caïnites”, et cela, en tout cas, est en rapport très étroit
avec la signification de “Tubalcaïn”, bien connu en maçonnerie. »
Volume
XXIX, janvier 1937, page 29 :
Q. —
J’aimerais savoir quelque chose au sujet de la « Maison de la sagesse » du
Caire. Maqrizi décrit des initiations, des grades, etc., et quelques auteurs
occidentaux pensent qu’il y a dans cela beaucoup de Maçonnerie, peut-être même
l’origine de la Franc-Maçonnerie occidentale. Von Hammer cite Maqrizi, mais
puisque je ne peux pas lire l’arabe, je n’ai aucun moyen de savoir si on peut
se fier a Von Hammer en cette matière. À l’occasion de deux séjours en Egypte,
j’ai essayé, sans y avoir réussi, de découvrir s’il existe actuellement en
Égypte un enseignement ésotérique, maçonnique ou autre. Je serais très
reconnaissant à A.W.Y., s’il pouvait me fournir une réponse à cette question
très sérieuse et très sincère.
A.W.Y. — «
La “Maison de la sagesse” (Dar El-Hekmah) était à l’époque des Fatimites, un
centre ismaélien ; mais, bien qu’elle ait été appelée de façon erronée “grande
loge” par quelques auteurs occidentaux, elle n’a rien à voir avec la Maçonnerie,
ni avec son origine (il serait plus exact de dire une de ses origines, car la
Maçonnerie, en réalité, a plus d’une origine). Il est vrai que les Ismaéliens
avaient, et ont encore, des initiations et des grades, comme en ont tant
d’autres, par exemple les Duruz
(Druses) de Syrie, qui emploient même certains signes très similaires à ceux de
la Maçonnerie ; mais de telles ressemblances sont trouvées un peu partout, et,
s’il y a une origine commune, il faudrait la chercher très loin. D’autre part,
les Ismaéliens, les Druses, les Nosaïris, etc., ne sont que des “sectes”
(firâq), dans lesquelles il y a toujours une certaine confusion entre
l’exotérique et l’ésotérique ; dans leurs initiations, il y a un certain côté
“obscur” dû à leur déviation de la tradition authentique ; ce sont les
altérations, non la “source” de l’initiation. De telles sectes n’ont aucun
rapport avec les vraies turuq, qui sont au nombre de 72 (ceci pourrait être un
nombre symbolique, mais, d’après une liste établie par feu Seyid Tawfiq
El-Bakri, il paraît que c’est également le nombre exact). Cet enseignement
ésotérique, à coté de la doctrine supérieure, inclut nombre de sciences
inconnues à l’Occident, au moins à l’époque actuelle (car le cas semble avoir
été différent pendant le Moyen Âge) et quelques-unes d’entre elles ne peuvent
être comprises que par l’intermédiaire de la langue arabe, à laquelle elles
sont intimement liées (comme certaines parties de la Kabbale le sont à la
langue hébraïque). Du côté copte (donc chrétien) on dit que quelques moines
conservent encore une sorte de connaissance ésotérique, mais il est extrêmement
difficile pour les Musulmans d’obtenir des précisions à ce sujet. »
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