mercredi 8 mai 2013

Jésus dans l’islam - Yahya Pallavicini


 

 

Yahya Pallavicini

« Lorsque nous avons conclu l’Alliance avec les Prophètes, avec toi, avec Noë, Abraham, Moïse et Jésus, fils de Marie ; nous avons conclu avec eux une alliance solennelle, afin que Dieu demande des comptes aux véridiques de leur sincérité ; mais Il a préparé, pour les incrédules, un châtiment douloureux ».1

Nous voudrions témoigner que l’on peut, à travers quelques aspects de la Tradition islamique souvent ignorés ou mal interprétés, bénéficier de certains des innombrables enseignements et manifestations de la Divine Providence. C’est justement par le moyen de tels signes qu’il est possible de mieux connaître et de mieux approfondir la réalité dans laquelle nous vivons et la Vérité qui se cache en chacun de nous.

Peu nombreux sont, en effet, ceux qui savent que le Saint Coran, manifestation de la Parole de Dieu pour les musulmans, recèle de nombreux passages se référant à Marie, vierge aussi pour l’islam, et à son fils Jésus, en arabe ‘Isâ , alayhi-s-salâm, sur lui la paix.

Nous nous limiterons essentiellement à trois moments de la fonction spirituelle et eschatologique de Jésus : la naissance, la crucifixion et la seconde venue. Nous citerons en premier lieu les versets relatifs à la naissance de Jésus, tels qu’ils ont été révélés dans la Sourate de Marie :

« Mentionne Marie, dans le Livre. Elle quitta sa famille et se retira en un lieu vers l’Orient. Elle plaça un voile entre elle et les siens. Nous lui avons envoyé notre Esprit : il se présenta devant elle sous la forme d’un homme parfait. Elle dit : “Je cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux; si toutefois tu crains Dieu !” Il dit : “Je ne suis que l’envoyé de ton Seigneur pour te donner un garçon pur”. Elle dit :

“Comment aurais-je un garçon ? Aucun mortel ne m’a jamais touchée et je ne suis pas une prostituée”. Il dit : “ C’est ainsi :

Ton Seigneur a dit : ‘Cela m’est facile’. Nous ferons de lui un Signe pour les hommes ; une miséricorde venue de nous. Le décret est irrévocable.”

« Elle devint enceinte de l’enfant puis elle se retira avec lui dans un lieu éloigné. Les douleurs la surprirent auprès du tronc du palmier. Elle dit : “Malheur à moi ! Que ne suis-je déjà morte, totalement oubliée !”

« L’enfant qui se trouvait à ses pieds l’appela : “Ne t’attriste pas !

Ton Seigneur a fait jaillir un ruisseau à tes pieds. Secoue vers toi le tronc du palmier ; il fera tomber sur toi des dattes fraîches et mûres. Mange, bois et cesse de pleurer. Lorsque tu verras quelque mortel, dis : ‘J’ai voué un jeûne au Miséricordieux ; je ne parlerai à personne aujourd’hui’.”

« Elle se rendit auprès des siens, en portant l’enfant. Ils dirent :

“Ô Marie ! Tu as fait quelque chose de monstrueux ! Ô soeur d’Aaron ! Ton père n’était pas un homme mauvais ta mère n’était pas une prostituée”.

« Elle fit signe au nouveau-né et ils dirent alors : “Comment parlerions-nous à un petit enfant au berceau ?” Celui-ci dit :

“ Je suis, en vérité, le serviteur de Dieu. Il m’a donné le Livre ;

Il a fait de moi un Prophète ; Il m’a béni, où que je sois. Il m’a recommandé la prière et l’aumône — tant que je vivrai — et la bonté envers ma mère. Il ne m’a fait ni violent, ni malheureux.

Que la Paix soit sur moi, le jour où je naquis ; le jour où je mourrai ; le jour où je serai ressuscité”. Celui-ci est Jésus, fils de Marie. Parole de Vérité dont ils doutent encore. Il ne convient pas que Dieu se donne un fils ; mais Gloire à Lui !...

Lorsqu’Il a décrété une chose, Il lui dit : “Sois !”... et elle est. Dieu est, en vérité, mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-le ! Voilà la voie droite ! »2

Certains commentateurs interprètent l’éloignement de Marie au désert, pour s’isoler des siens, comme une hégire, un exode, un exil ou une retraite spirituelle voulus par Dieu pour ceux qu’Il a choisi comme modèles de servitude parfaite. D’autres personnages des Saintes Ecritures qui sont proches de la figure de Marie ont aussi pleuré et souffert dans l’abandon et la solitude du désert.

La première d’entre tous, Agar, servante de Sarah, épouse d’Abraham et mère du peuple arabe, qui reçoit une première fois, dans le désert, l’annonce de la naissance de son fils Ismaël, chef de lignée des arabes. Et c’est en fuyant une fois encore dans le désert et au désespoir devant les larmes de son fils Ismaël assoiffé, que lui viennent à nouveau le réconfort et le secours d’un ange.

Dans la tradition islamique, l’ange Gabriel est aussi appelé l’Esprit fidèle (ar-Rûh al-amîn), et c’est proprement en tant que tel qu’il peut transmettre, à la vierge Marie, la parole et l’esprit divins. Rûhunâ, le terme arabe traduit généralement par « notre Esprit », signifie plus exactement l’Esprit de Dieu qui donne la vie, et qui est insufflé, à la Vierge Marie, par l’intermédiaire de Son ange fidèle manifesté sous la forme d’un homme parfait.

Seul le réceptacle immaculé de la Vierge, exemple de pureté et de dévotion sublimes, peut être digne de recevoir l’esprit de Dieu. En ce sens, l’annonce de cette bonne nouvelle a ici valeur de transmission de la parole de Dieu et de Son ordre, afin que Marie puisse non seulement s’ouvrir à une nouvelle connaissance plus élevée de la Réalité de Dieu, mais qu’en en comprenant aussi la profondeur, elle soit aidée à intégrer et préserver la parole de Dieu qui vient de lui être insufflée. Par là même, elle se trouve en mesure d’apprendre à nourrir vraiment cette forme qu’elle-même va devoir engendrer. L’ange a donc pour fonction d’être l’ « Esprit fidèle » de la Volonté de Dieu qui a décrété la providentielle nécessité de se voiler à nouveau, de se re-voiler (révéler), en se manifestant, cette fois, sous la forme d’un homme parfait. C’est précisement cet aspect de perfection humaine que revêt l’ange, comme pour anticiper l’aspect extérieur, nécessairement parfait, qu’aura le nouveau message divin.

La déclaration de l’ange révèle que la conception de Jésus est un pur mystère de l’omnipotence de Dieu, et de Sa miséricorde. La réaction (a‘udhu birRahmâni) de Marie à la vue de l’homme —

« Je cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux ; si toutefois tu crains Dieu ! » —, est celle d’une personne pure qui craint Dieu. C’est bien en raison d’une telle crainte qu’elle se tourne vers Dieu et qu’elle peut aussi exhorter l’homme, en réalité l’ange, à faire de même. Il n’y a d’ailleurs rien de fortuit à ce que tout musulman soit tenu d’utiliser exactement cette même parole, prononcée par Marie, avant toute lecture coranique, comme une nécessaire purification avant de pouvoir être le récitant de la parole de Dieu, et comme une protection contre les immenses dangers qu’il y aurait à approcher du sacré sans crainte et sans intention droite.

Considérons maintenant avec un peu plus d’insistance le passage coranique montrant Jésus comme un « signe » (ayah), comme un acte de miséricorde (rahmatan) et comme un « ordre décrété » (amran maqdiyyan). Dans la perspective de tout croyant, ne peut être mis en doute le fait que chaque chose soit directement reliée à la Suprême Volonté de Dieu, et qu’ainsi l’ordre véritable ne puisse que participer des règles et lois transmises en toute miséricorde par Dieu, en des temps et des modalités connus de Lui seul et à travers l’expression de signes évidents. Jésus représente parfaitement tout cela puisqu’il est un signe évident de la Volonté divine de rétablir l’ordre, en confirmant la loi précédemment révélée. Par le plus grand miracle, il est lui-même instrument agissant de la présence de Dieu en lui. Ainsi, comme à aucun autre prophète avant lui, il lui est permis non seulement de rappeler aux mécréants, grâce aux miracles, le souvenir de Dieu, mais d’être aussi l’agent opératif de la Volonté de Dieu, qui seule peut rendre la vie.

S’agissant de Marie et des douleurs qu’elle endura, on peut remarquer combien il semble que ce soient précisément celles-ci qui l’amènent au lieu de la nativité, tandis qu’il appartient clairement à Dieu, et à Dieu seulement, de la conduire, dans les tourments et les efforts nécessaires, au lieu le plus juste et de la meilleure façon qui soit. En effet, même une femme d’exception comme Marie obéit à l’ordre divin des temps d’Eve, qui est celui de devoir enfanter dans la douleur. Elle transmet ainsi l’enseignement que la possibilité de mériter et de recevoir la grâce n’est pas donnée sans souffrances.

Ces dernières considérations trouvent une certaine correspondance avec ce que dit Marie, quand elle souhaite être morte ou oubliée Il semble que l’on puisse aussi interpréter ces expressions comme la nécessité de devoir vraiment mourir à nous-mêmes, et comme l’exigence de devoir vivre uniquement dans le souvenir de Dieu qui seul peut faire renaître à une nouvelle vie.

Cette nouvelle vie est comme l’eau du ruisseau qui coule aux pieds de Marie, et il nous semble reconnaître dans la voix qui la réconforte, la même voix que celle de Jésus naissant et donnant la vie, comme une « source d’eau vive »3.

Dans l’injonction de manger (fa-kulî) des fruits du palmier (nakhla) et de boire(wa-shrabî), nous voyons également comment Marie obéit à l’ordre divin de goûter les bienfaits du palmier et en reçoit immédiatement les avantages qu’elle manifeste dans la beauté naturelle et dans le signe de la splendeur et de la fraîcheur de ses yeux (qarri’ainan). C’est investie de cette force nouvelle que Marie se prépare à offrir un sacrifice particulier, celui du jeûne spirituel du silence (çawman) consistant, selon beaucoup de croyants sincères, à ne pas parler et à ne pas écouter les hommes afin d’être plus libre d’entendre Dieu. Et cette parole de Dieu ne tarde pas à se faire entendre, puisque c’est juste en vertu de ce silence que Jésus nouveau-né, encore au berceau, répond miraculeusement à ceux qui offensent l’honneur et la sainteté de sa mère. Il dit :

« Je suis, en vérité, le serviteur de Dieu. Il m’a donné le Livre ; Il a fait de moi un prophète ; Il m’a béni, où que je sois. Il m’a

recommandé la prière et l’aumône — tant que je vivrai — et la bonté envers ma mère. Il ne m’a fait ni violent, ni malheureux.

Que la Paix soit sur moi, le jour où je naquis ; le jour où je mourrai ; le jour où je serai ressuscité. »4

La première présentation que Jésus fait de lui-même nous indique quelle est la station initiale du chemin spirituel ; celle de la connaissance de la condition de parfaite servitude à l’égard de Dieu (Innî ‘AbduLlâh), dans la plénitude et la totalité de ses aspects intérieurs et extérieurs. Il y a, au-delà même de la sincérité et de l’intention droite implicites dans l’expression « serviteur de Dieu », une référence aux aspects essentiels de la prière rituelle (bi-ççalâti), entendue aussi comme action sacrée dans le quotidien, et à l’aumône rituelle (wa-z-zakâti) qui se réfère aussi à l’aumône de purification en vue d’obtenir la pureté du coeur. Cet état, inné en Jésus, lui confère naturellement toute autorité pour l’enseigner, soit dans son aspect rituel de charité, soit dans son aspect intérieur et profond, en relation avec la station de pauvreté spirituelle qui résulte de l’abandon des attachements matériels à ce monde.

Jésus est pieux (barran) depuis le jour où il naquit, et il donne la paix éternelle (as-Salâm) le jour de sa mort. Le jour où il sera ressuscité vivant (ub’athu hayyan), il viendra juger tous les êtres, y compris ceux qui auront oeuvré seulement pour les biens de ce monde ou pour une paix sans Justice, oubliant par là-même Dieu et Sa parole de Vérité (qawl al-Haqq). « Oui, il en est de Jésus comme d’Adam auprès de Dieu : Dieu l’a créé de terre, puis Il lui a dit : “Sois”, et il est (Kun fa-yakun)».5

Ce passage est très symbolique de la toute-puissance divine puisqu’il montre comment il a suffi à notre Créateur, le Créateur de toute chose, de dire « Sois » (Kun) pour que cela « fût » (fayakun).

On peut peut-être, si Dieu le veut, en méditant sur sa Majesté, mieux comprendre ainsi le véritable sens de notre propre naissance.

Par ailleurs, les versets de la Sourate des Femmes apportent d’autres éléments sur le mystère de la crucifixion :

« Nous les avons punis parce qu’ils n’ont pas cru, parce qu’ils ont proféré une horrible calomnie contre Marie et parce qu’ils ont dit : “Oui, nous avons tué le Messie, Jésus, fils de Marie, le Prophète de Dieu”. Mais ils ne l’ont pas tué ; ils ne l’ont pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi.

« Ceux qui sont en désaccord à son sujet restent dans le doute ; ils n’en ont pas une connaissance certaine ; ils ne suivent qu’une conjecture ; ils ne l’ont certainement pas tué, mais Dieu l’a élevé vers Lui, (bal rafa’ahu -llâhu ilayhi) : Dieu est puissant et juste.

Il n’y a personne, parmi les gens du Livre, qui ne croie en lui avant sa mort et il sera un témoin (shahîdan) contre eux, le Jour de la Résurrection (yawm al-qiyâmah). »6

Il parait important que la révélation coranique, qui clôt le cycle des révélations, présente la scène de la dernière manifestation du Christ aux hommes dans le jugement universel.

Ces versets présentent Jésus dans sa fonction de témoin des croyants au jour de la résurrection, jour dans lequel il redescendra du lieu où Dieu l’a élevé. La langue arabe sacrée du texte donne :

« bal rafa’ahu-llâhu ilayhi » qui peut être traduit par : « mais Dieu l’a élevé à Lui ». Une telle élévation peut être comprise comme l’élévation que Dieu accorde à Jésus dans l’accomplissement, ou mieux, dans la réalisation de sa fonction prophétique qui doit, relativement, d’un point de vue spatial et temporel, nécessairement se terminer pour qu’il puisse être réuni à sa nature vraie et à son essence spirituelle ; cette essence qui lui a donné naissance comme elle a donné naissance à toute chose.

C’est précisément dans cette perspective qu’il faudrait interpréter l’autre passage coranique : « Mais ils ne l’ont pas tué ; ils ne l’ont pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi. » Il est sans nul doute bien impossible à la volonté humaine de s’opposer à la volonté de Dieu, et nul ne peut assurément tuer ou crucifier ce qui représente proprement l’Esprit de Dieu, en Soi nécessairement immortel. Seul peut être mortel ce qui est soumis à l’espace et au temps, comme la forme du symbole qui ne doit pas être confondu avec le Principe Ordonnateur de l’essence divine.

Dans la particularité miraculeuse et bénite de la fonction de Jésus, se trouve la mort providentielle du corps purifié qui assume une image semblable à celle de Jésus aux yeux de ceux qui en sont les témoins. Ces derniers peuvent non seulement bénéficier des grâces attachées au sacrifice symbolique de Jésus, mais aussi du souvenir de la vision de celui qui doit mourir pour pouvoir donner la Vie et surtout laisser au monde la Vérité et la Voie.

En d’autres termes, s’il apparaît impossible de mettre à mort l’Esprit de Dieu, la fin spatio-temporelle de Jésus, directement reliée au miracle de sa naissance, apparaît tout autant miraculeuse. En effet, quelqu’ait été son pouvoir de rendre la vie, c’est proprement en mourant qu’il réussit à accomplir l’ultime et la plus élevée des volontés de Dieu : devenir pour ses témoins nourriture spirituelle de la Vie Eternelle.7

En jetant un rapide coup d’oeil aux biographies de certains saints musulmans, comme l’émir Abd-al-Qâdir ou le Cheikh Ahmad al-‘Alawi (radiyallâhu ‘anhumâ), on ne s’étonnera pas de remarquer combien, dans les descriptions de rencontres avec ces maîtres, certaines personnalités occidentales ont été frappées par la ressemblance de leurs visages avec les représentations du Christ.

Une telle ressemblance exprime la proximité de leur station spirituelle., au degré de connaissance de la présence de Dieu dans le Christ. Cela vient confirmer l’universalité de la présence christique dans une fonction spirituelle que l’on retrouve, mêmesous des formes différentes, dans les diverses communautés religieuses et particulièrement dans l’islam, où Jésus est attendu comme annonce de l’Heure et juge à la fin des temps.

Le dernier aspect de la fonction de Jésus que nous voulons aborder ici est celui du Christ (al-Masîh) comme annonce de l’Heure.

« Lorsque le fils de Marie leur est proposé en exemple, ton peuple s’en détourne ; ils disent : “Nos divinités ne sont-elles pas meilleures que lui ?” Ils ne t’ont proposé cet exemple que pour discuter. Ce sont des amateurs de disputes. Lui n’était qu’un serviteur auquel Nous avions accordé notre grâce et Nous l’avons proposé en exemple aux fils d’Israël. Si Nous l’avions voulu, Nous aurions fait, d’une partie d’entre vous, des anges, et ils vous remplaceraient sur la terre. Jésus est, en vérité, l’annonce de l’Heure. N’en doutez-pas et suivez- Moi. Voilà un chemin droit ! Que le démon ne vous écarte pas.

Il est votre ennemi déclaré. Lorsque Jésus est venu avec des preuves manifestes, il dit : “Je suis venu à vous avec la Sagesse pour vous exposer une partie des questions sur lesquelles vous n’êtes pas d’accord. Craignez Dieu et obéissez-moi ! Dieu est, en vérité, mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le ! Voilà un chemin droit !” »8

Nous croyons en vérité, mais Dieu est plus Savant, que certains signes avertisseurs comme l’absence de foi, l’oubli, l’infidélité, l’indifférence coupable, le désordre, le manque total de sincérité, de sérieux, d’intégrité, de cohérence, pour n’en citer que quelques-uns, ne sont que les conséquences de l’absence de référence à Dieu, Lui qui est véritablement le seul et unique point de référence vers lequel nous devons nous tourner.

Cela nous ramène à ce que le métaphysicien français Abd-al-Wâhid Yahyâ, plus connu en Occident sous le nom de René Guénon, rappelle dans son oeuvre qui rassemble cet héritage de sagesse nécessaire pour reconnaître les signes de la fin des temps.

Force est de constater que ces signes de l’endurcissement des coeurs correspondent très exactement à ce que lui-même appelle la« solidification » ; cette fermeture aux influences bénéfiques du Très-Haut qui est suivie de la « dissolution », dans un nivellement parodique des vertus spirituelles.

Du reste, comme il est rapporté de diverses façons dans tous les textes sacrés, l’un des sombres présages de l’Apocalypse est précisement l’inversion de la perspective orthodoxe du sacré qui distrait les hommes par les illusions confuses du Prince de ce monde et les rend esclaves du « faux Messie », l’antéchrist, addajjâl, celui qui précède le Christ de la seconde venue. La conséquence de ces influences néfastes est déjà manifeste pour ceux qui veulent bien ouvrir les yeux et qui ont des oreilles pour entendre.

Dans l’islam, Jésus est considéré comme le prototype du saint contemplatif en qui prédomine l’aspect de l’amour pour Dieu.

L’amour est le symbole de la tension de l’aspiration spirituelle qui vise à l’union avec l’objet de son désir, en l’occurence Dieu.

En Jésus, l’union des aspects complémentaires est particulièrement évidente, de sorte qu’il est lui-même le symbole de l’amour de la créature pour le Créateur et de la miséricorde de Celui-ci pour celle-là. Il est avant tout ‘abd, serviteur de Dieu, et en même temps Rûh Allah, Son Esprit, sans que ces deux aspects, unis en lui, y soient pour autant confondus.

De même, ses deux venues sont complémentaires : la première comme rasûlAllah, envoyé de Dieu porteur d’une nouvelle forme de la Révélation divine, la seconde comme Sceau des Saints, englobant tout, et annonce que l’Heure est venue de l’accomplissement du Pacte contracté par les créatures à l’égard de leur Créateur.

Suivant une tradition, s’il subsiste encore dans la volonté de Dieu encore une raison pour que le monde existe, c’est seulement pour la présence effective, ici-bas, de quelque saint.

C’est précisément à cette sainteté qu’il faut aspirer pour bénéficier encore de cette miséricorde divine toujours présente, et se préparer de la meilleure façon au jour du jugement, ce jour qui verra justement redescendre le Christ de la seconde venue pour juger toute l’humanité. Jésus a élevé la relation entre Dieu et les hommes et rappelé à la parfaite adoration en esprit et en vérité.

Qu’il nous soit permis de conclure par un verset du Saint Coran, où Jésus, parlant lui-même, dit :

« Craignez Dieu (fattaqu Llâh) et obéissez-moi ! Dieu est, en vérité, mon Seigneur et votre Seigneur : Servez-Le : c’est là le chemin droit (sirâtun mustaqîm) »9

 

 

1 Coran XXXIII, 7-8, traduction de Denise Masson

2 Coran XIX, 16-36,

3 Jean, 7, 37 ; 4, 14, Apocalypse 22, 1

4 Coran XIX, 30-32

5 Coran III, 59

6 Coran IV, 156-159

7 Du Vème siècle jusq’au début duXème, les artistes byzantins représentèrent presque toujours le Christ vivant sur la croix. La pensée orientale se fixait principalement sur la divinité du Christ, et la croyance générale était qu’il ne pouvait véritablement s’agir d’une mort, entendue comme séparation de l’âme et du corps, puisque tant l’âme que le corps du Christ demeuraient unis dans la nature divine. En conséquence, certains théologiens affirmaient qu’après avoir rendu le dernier soupir, le corps de Jésus resta, d’une façon providentielle, encore en vie afin d’accomplir l’union hypostatique ( cfr.

Grondijs L.H. in L’iconographie byzantine du Crucifié mort sur la Croix, Utrecht, 1945 ).

8 Coran XLIII, 57-64

9 Coran III, 50-51

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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