Yahya Pallavicini
«
Lorsque nous avons conclu l’Alliance avec les Prophètes, avec toi, avec Noë,
Abraham, Moïse et Jésus, fils de Marie ; nous avons conclu avec eux une
alliance solennelle, afin que Dieu demande des comptes aux véridiques de leur
sincérité ; mais Il a préparé, pour les incrédules, un châtiment douloureux ».1
Nous
voudrions témoigner que l’on peut, à travers quelques aspects de la Tradition
islamique souvent ignorés ou mal interprétés, bénéficier de certains des
innombrables enseignements et manifestations de la Divine Providence. C’est
justement par le moyen de tels signes qu’il est possible de mieux connaître et
de mieux approfondir la réalité dans laquelle nous vivons et la Vérité qui se
cache en chacun de nous.
Peu
nombreux sont, en effet, ceux qui savent que le Saint Coran, manifestation de
la Parole de Dieu pour les musulmans, recèle de nombreux passages se référant à
Marie, vierge aussi pour l’islam, et à son fils Jésus, en arabe ‘Isâ , alayhi-s-salâm, sur lui la paix.
Nous
nous limiterons essentiellement à trois moments de la fonction spirituelle et
eschatologique de Jésus : la naissance, la crucifixion et la seconde venue.
Nous citerons en premier lieu les versets relatifs à la naissance de Jésus,
tels qu’ils ont été révélés dans la Sourate de Marie :
«
Mentionne Marie, dans le Livre. Elle quitta sa famille et se retira en un lieu
vers l’Orient. Elle plaça un voile entre elle et les siens. Nous lui avons
envoyé notre Esprit : il se présenta devant elle sous la forme d’un homme
parfait. Elle dit : “Je cherche une protection contre toi, auprès du
Miséricordieux; si toutefois tu crains Dieu !” Il dit : “Je ne suis que
l’envoyé de ton Seigneur pour te donner un garçon pur”. Elle dit :
“Comment
aurais-je un garçon ? Aucun mortel ne m’a jamais touchée et je ne suis pas une
prostituée”. Il dit : “ C’est ainsi :
Ton
Seigneur a dit : ‘Cela m’est facile’. Nous ferons de lui un Signe pour les
hommes ; une miséricorde venue de nous. Le décret est irrévocable.”
«
Elle devint enceinte de l’enfant puis elle se retira avec lui dans un lieu
éloigné. Les douleurs la surprirent auprès du tronc du palmier. Elle dit :
“Malheur à moi ! Que ne suis-je déjà morte, totalement oubliée !”
«
L’enfant qui se trouvait à ses pieds l’appela : “Ne t’attriste pas !
Ton
Seigneur a fait jaillir un ruisseau à tes pieds. Secoue vers toi le tronc du
palmier ; il fera tomber sur toi des dattes fraîches et mûres. Mange, bois et
cesse de pleurer. Lorsque tu verras quelque mortel, dis : ‘J’ai voué un jeûne
au Miséricordieux ; je ne parlerai à personne aujourd’hui’.”
«
Elle se rendit auprès des siens, en portant l’enfant. Ils dirent :
“Ô
Marie ! Tu as fait quelque chose de monstrueux ! Ô soeur d’Aaron ! Ton père
n’était pas un homme mauvais ta mère n’était pas une prostituée”.
«
Elle fit signe au nouveau-né et ils dirent alors : “Comment parlerions-nous à
un petit enfant au berceau ?” Celui-ci dit :
“ Je
suis, en vérité, le serviteur de Dieu. Il m’a donné le Livre ;
Il a
fait de moi un Prophète ; Il m’a béni, où que je sois. Il m’a recommandé la
prière et l’aumône — tant que je vivrai — et la bonté envers ma mère. Il ne m’a
fait ni violent, ni malheureux.
Que
la Paix soit sur moi, le jour où je naquis ; le jour où je mourrai ; le jour où
je serai ressuscité”. Celui-ci est Jésus, fils de Marie. Parole de Vérité dont
ils doutent encore. Il ne convient pas que Dieu se donne un fils ; mais Gloire
à Lui !...
Lorsqu’Il a
décrété une chose, Il lui dit : “Sois !”... et elle est. Dieu est, en vérité,
mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-le ! Voilà la voie droite ! »2
Certains
commentateurs interprètent l’éloignement de Marie au désert, pour s’isoler des
siens, comme une hégire, un exode, un exil ou une retraite spirituelle voulus
par Dieu pour ceux qu’Il a choisi comme modèles de servitude parfaite. D’autres
personnages des Saintes Ecritures qui sont proches de la figure de Marie ont
aussi pleuré et souffert dans l’abandon et la solitude du désert.
La
première d’entre tous, Agar, servante de Sarah, épouse d’Abraham et mère du
peuple arabe, qui reçoit une première fois, dans le désert, l’annonce de la
naissance de son fils Ismaël, chef de lignée des arabes. Et c’est en fuyant une
fois encore dans le désert et au désespoir devant les larmes de son fils Ismaël
assoiffé, que lui viennent à nouveau le réconfort et le secours d’un ange.
Dans la
tradition islamique, l’ange Gabriel est aussi appelé l’Esprit fidèle (ar-Rûh al-amîn), et c’est proprement en tant que tel qu’il peut
transmettre, à la vierge Marie, la parole et l’esprit divins. Rûhunâ, le terme arabe traduit généralement par « notre
Esprit », signifie plus exactement l’Esprit de Dieu qui donne la vie, et qui
est insufflé, à la Vierge Marie, par l’intermédiaire de Son ange fidèle
manifesté sous la forme d’un homme parfait.
Seul
le réceptacle immaculé de la Vierge, exemple de pureté et de dévotion sublimes,
peut être digne de recevoir l’esprit de Dieu. En ce sens, l’annonce de cette
bonne nouvelle a ici valeur de transmission de la parole de Dieu et de Son
ordre, afin que Marie puisse non seulement s’ouvrir à une nouvelle connaissance
plus élevée de la Réalité de Dieu, mais qu’en en comprenant aussi la
profondeur, elle soit aidée à intégrer et préserver la parole de Dieu qui vient
de lui être insufflée. Par là même, elle se trouve en mesure d’apprendre à
nourrir vraiment cette forme qu’elle-même va devoir engendrer. L’ange a donc
pour fonction d’être l’ « Esprit fidèle » de la Volonté de Dieu qui a décrété
la providentielle nécessité de se voiler à nouveau, de se re-voiler (révéler),
en se manifestant, cette fois, sous la forme d’un homme parfait. C’est
précisement cet aspect de perfection humaine que revêt l’ange, comme pour
anticiper l’aspect extérieur, nécessairement parfait, qu’aura le nouveau
message divin.
La
déclaration de l’ange révèle que la conception de Jésus est un pur mystère de
l’omnipotence de Dieu, et de Sa miséricorde. La réaction (a‘udhu birRahmâni) de Marie à la vue de l’homme —
« Je
cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux ; si toutefois tu
crains Dieu ! » —, est celle d’une personne pure qui craint Dieu. C’est bien en
raison d’une telle crainte qu’elle se tourne vers Dieu et qu’elle peut aussi
exhorter l’homme, en réalité l’ange, à faire de même. Il n’y a d’ailleurs rien
de fortuit à ce que tout musulman soit tenu d’utiliser exactement cette même
parole, prononcée par Marie, avant toute lecture coranique, comme une
nécessaire purification avant de pouvoir être le récitant de la parole de Dieu,
et comme une protection contre les immenses dangers qu’il y aurait à approcher
du sacré sans crainte et sans intention droite.
Considérons
maintenant avec un peu plus d’insistance le passage coranique montrant Jésus
comme un « signe » (ayah), comme un acte de miséricorde (rahmatan) et comme un « ordre décrété » (amran maqdiyyan). Dans la perspective de tout croyant, ne peut
être mis en doute le fait que chaque chose soit directement reliée à la Suprême
Volonté de Dieu, et qu’ainsi l’ordre véritable ne puisse que participer des
règles et lois transmises en toute miséricorde par Dieu, en des temps et des
modalités connus de Lui seul et à travers l’expression de signes évidents.
Jésus représente parfaitement tout cela puisqu’il est un signe évident de la
Volonté divine de rétablir l’ordre, en confirmant la loi précédemment révélée.
Par le plus grand miracle, il est lui-même instrument agissant de la présence
de Dieu en lui. Ainsi, comme à aucun autre prophète avant lui, il lui est permis
non seulement de rappeler aux mécréants, grâce aux miracles, le souvenir de
Dieu, mais d’être aussi l’agent opératif de la Volonté de Dieu, qui seule peut
rendre la vie.
S’agissant
de Marie et des douleurs qu’elle endura, on peut remarquer combien il semble
que ce soient précisément celles-ci qui l’amènent au lieu de la nativité,
tandis qu’il appartient clairement à Dieu, et à Dieu seulement, de la conduire,
dans les tourments et les efforts nécessaires, au lieu le plus juste et de la
meilleure façon qui soit. En effet, même une femme d’exception comme Marie
obéit à l’ordre divin des temps d’Eve, qui est celui de devoir enfanter dans la
douleur. Elle transmet ainsi l’enseignement que la possibilité de mériter et de
recevoir la grâce n’est pas donnée sans souffrances.
Ces
dernières considérations trouvent une certaine correspondance avec ce que dit
Marie, quand elle souhaite être morte ou oubliée Il semble que l’on puisse
aussi interpréter ces expressions comme la nécessité de devoir vraiment mourir
à nous-mêmes, et comme l’exigence de devoir vivre uniquement dans le souvenir
de Dieu qui seul peut faire renaître à une nouvelle vie.
Cette
nouvelle vie est comme l’eau du ruisseau qui coule aux pieds de Marie, et il
nous semble reconnaître dans la voix qui la réconforte, la même voix que celle
de Jésus naissant et donnant la vie, comme une « source d’eau vive »3.
Dans
l’injonction de manger (fa-kulî) des fruits
du palmier (nakhla) et de boire(wa-shrabî), nous voyons également comment Marie obéit à l’ordre divin de goûter
les bienfaits du palmier et en reçoit immédiatement les avantages qu’elle
manifeste dans la beauté naturelle et dans le signe de la splendeur et de la
fraîcheur de ses yeux (qarri’ainan). C’est
investie de cette force nouvelle que Marie se prépare à offrir un sacrifice
particulier, celui du jeûne spirituel du silence (çawman) consistant, selon beaucoup de croyants sincères,
à ne pas parler et à ne pas écouter les hommes afin d’être plus libre
d’entendre Dieu. Et cette parole de Dieu ne tarde pas à se faire entendre,
puisque c’est juste en vertu de ce silence que Jésus nouveau-né, encore au
berceau, répond miraculeusement à ceux qui offensent l’honneur et la sainteté
de sa mère. Il dit :
« Je
suis, en vérité, le serviteur de Dieu. Il m’a donné le Livre ; Il a fait de moi
un prophète ; Il m’a béni, où que je sois. Il m’a
recommandé
la prière et l’aumône — tant que je vivrai — et la bonté envers ma mère. Il ne
m’a fait ni violent, ni malheureux.
Que
la Paix soit sur moi, le jour où je naquis ; le jour où je mourrai ; le jour où
je serai ressuscité. »4
La
première présentation que Jésus fait de lui-même nous indique quelle est la
station initiale du chemin spirituel ; celle de la connaissance de la condition
de parfaite servitude à l’égard de Dieu (Innî ‘AbduLlâh), dans la plénitude et la totalité de ses aspects intérieurs et
extérieurs. Il y a, au-delà même de la sincérité et de l’intention droite
implicites dans l’expression « serviteur de Dieu », une référence aux aspects
essentiels de la prière rituelle (bi-ççalâti), entendue aussi comme action sacrée dans le quotidien, et à l’aumône
rituelle (wa-z-zakâti) qui se réfère aussi à l’aumône de purification en
vue d’obtenir la pureté du coeur. Cet état, inné en Jésus, lui confère
naturellement toute autorité pour l’enseigner, soit dans son aspect rituel de
charité, soit dans son aspect intérieur et profond, en relation avec la station
de pauvreté spirituelle qui résulte de l’abandon des attachements matériels à
ce monde.
Jésus
est pieux (barran) depuis le jour où il naquit, et il donne la paix
éternelle (as-Salâm) le jour de sa mort. Le jour où il sera ressuscité
vivant (ub’athu
hayyan), il
viendra juger tous les êtres, y compris ceux qui auront oeuvré seulement pour
les biens de ce monde ou pour une paix sans Justice, oubliant par là-même Dieu
et Sa parole de Vérité (qawl al-Haqq). « Oui, il
en est de Jésus comme d’Adam auprès de Dieu : Dieu l’a créé de terre, puis Il
lui a dit : “Sois”, et il est (Kun fa-yakun)».5
Ce
passage est très symbolique de la toute-puissance divine puisqu’il montre
comment il a suffi à notre Créateur, le Créateur de toute chose, de dire « Sois
» (Kun) pour que cela « fût » (fayakun).
On
peut peut-être, si Dieu le veut, en méditant sur sa Majesté, mieux comprendre
ainsi le véritable sens de notre propre naissance.
Par
ailleurs, les versets de la Sourate des Femmes apportent d’autres éléments sur
le mystère de la crucifixion :
«
Nous les avons punis parce qu’ils n’ont pas cru, parce qu’ils ont proféré une
horrible calomnie contre Marie et parce qu’ils ont dit : “Oui, nous avons tué
le Messie, Jésus, fils de Marie, le Prophète de Dieu”. Mais ils ne l’ont pas
tué ; ils ne l’ont pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi.
«
Ceux qui sont en désaccord à son sujet restent dans le doute ; ils n’en ont pas
une connaissance certaine ; ils ne suivent qu’une conjecture ; ils ne l’ont
certainement pas tué, mais Dieu l’a élevé vers Lui, (bal rafa’ahu -llâhu ilayhi) : Dieu est puissant et juste.
Il
n’y a personne, parmi les gens du Livre, qui ne croie en lui avant sa mort et
il sera un témoin (shahîdan) contre eux, le Jour de la Résurrection (yawm
al-qiyâmah). »6
Il
parait important que la révélation coranique, qui clôt le cycle des révélations,
présente la scène de la dernière manifestation du Christ aux hommes dans le
jugement universel.
Ces
versets présentent Jésus dans sa fonction de témoin des croyants au jour de la
résurrection, jour dans lequel il redescendra du lieu où Dieu l’a élevé. La
langue arabe sacrée du texte donne :
« bal rafa’ahu-llâhu ilayhi » qui peut être traduit par : « mais Dieu l’a élevé
à Lui ». Une telle élévation peut être comprise comme l’élévation que Dieu
accorde à Jésus dans l’accomplissement, ou mieux, dans la réalisation de sa
fonction prophétique qui doit, relativement, d’un point de vue spatial et
temporel, nécessairement se terminer pour qu’il puisse être réuni à sa nature
vraie et à son essence spirituelle ; cette essence qui lui a donné naissance
comme elle a donné naissance à toute chose.
C’est
précisément dans cette perspective qu’il faudrait interpréter l’autre passage
coranique : « Mais ils ne l’ont pas tué ; ils ne l’ont pas crucifié, cela leur
est seulement apparu ainsi. » Il est sans nul doute bien impossible à la
volonté humaine de s’opposer à la volonté de Dieu, et nul ne peut assurément
tuer ou crucifier ce qui représente proprement l’Esprit de Dieu, en Soi
nécessairement immortel. Seul peut être mortel ce qui est soumis à l’espace et
au temps, comme la forme du symbole qui ne doit pas être confondu avec le
Principe Ordonnateur de l’essence divine.
Dans
la particularité miraculeuse et bénite de la fonction de Jésus, se trouve la
mort providentielle du corps purifié qui assume une image semblable à celle de
Jésus aux yeux de ceux qui en sont les témoins. Ces derniers peuvent non
seulement bénéficier des grâces attachées au sacrifice symbolique de Jésus,
mais aussi du souvenir de la vision de celui qui doit mourir pour pouvoir
donner la Vie et surtout laisser au monde la Vérité et la Voie.
En
d’autres termes, s’il apparaît impossible de mettre à mort l’Esprit de Dieu, la
fin spatio-temporelle de Jésus, directement reliée au miracle de sa naissance,
apparaît tout autant miraculeuse. En effet, quelqu’ait été son pouvoir de
rendre la vie, c’est proprement en mourant qu’il réussit à accomplir l’ultime
et la plus élevée des volontés de Dieu : devenir pour ses témoins nourriture
spirituelle de la Vie Eternelle.7
En
jetant un rapide coup d’oeil aux biographies de certains saints musulmans,
comme l’émir Abd-al-Qâdir ou le Cheikh Ahmad al-‘Alawi (radiyallâhu ‘anhumâ), on ne s’étonnera pas de remarquer combien, dans
les descriptions de rencontres avec ces maîtres, certaines personnalités
occidentales ont été frappées par la ressemblance de leurs visages avec les
représentations du Christ.
Une
telle ressemblance exprime la proximité de leur station spirituelle., au degré
de connaissance de la présence de Dieu dans le Christ. Cela vient confirmer
l’universalité de la présence christique dans une fonction spirituelle que l’on
retrouve, mêmesous des formes différentes, dans les diverses communautés religieuses
et particulièrement dans l’islam, où Jésus est attendu comme annonce de l’Heure
et juge à la fin des temps.
Le
dernier aspect de la fonction de Jésus que nous voulons aborder ici est celui
du Christ (al-Masîh) comme annonce de l’Heure.
« Lorsque le
fils de Marie leur est proposé en exemple, ton peuple s’en détourne ; ils
disent : “Nos divinités ne sont-elles pas meilleures que lui ?” Ils ne t’ont
proposé cet exemple que pour discuter. Ce sont des amateurs de disputes. Lui
n’était qu’un serviteur auquel Nous avions accordé notre grâce et Nous l’avons
proposé en exemple aux fils d’Israël. Si Nous l’avions voulu, Nous aurions
fait, d’une partie d’entre vous, des anges, et ils vous remplaceraient sur la
terre. Jésus est, en vérité, l’annonce de l’Heure. N’en doutez-pas et suivez-
Moi. Voilà un chemin droit ! Que le démon ne vous écarte pas.
Il
est votre ennemi déclaré. Lorsque Jésus est venu avec des preuves manifestes,
il dit : “Je suis venu à vous avec la Sagesse pour vous exposer une partie des
questions sur lesquelles vous n’êtes pas d’accord. Craignez Dieu et
obéissez-moi ! Dieu est, en vérité, mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le !
Voilà un chemin droit !” »8
Nous
croyons en vérité, mais Dieu est plus Savant, que certains signes avertisseurs
comme l’absence de foi, l’oubli, l’infidélité, l’indifférence coupable, le
désordre, le manque total de sincérité, de sérieux, d’intégrité, de cohérence,
pour n’en citer que quelques-uns, ne sont que les conséquences de l’absence de
référence à Dieu, Lui qui est véritablement le seul et unique point de
référence vers lequel nous devons nous tourner.
Cela
nous ramène à ce que le métaphysicien français Abd-al-Wâhid Yahyâ, plus connu
en Occident sous le nom de René Guénon, rappelle dans son oeuvre qui rassemble
cet héritage de sagesse nécessaire pour reconnaître les signes de la fin des
temps.
Force
est de constater que ces signes de l’endurcissement des coeurs correspondent
très exactement à ce que lui-même appelle la« solidification » ; cette
fermeture aux influences bénéfiques du Très-Haut qui est suivie de la «
dissolution », dans un nivellement parodique des vertus spirituelles.
Du
reste, comme il est rapporté de diverses façons dans tous les textes sacrés,
l’un des sombres présages de l’Apocalypse est précisement l’inversion de la
perspective orthodoxe du sacré qui distrait les hommes par les illusions
confuses du Prince de ce monde et les rend esclaves du « faux Messie »,
l’antéchrist, addajjâl, celui qui précède le Christ de la seconde venue.
La conséquence de ces influences néfastes est déjà manifeste pour ceux qui
veulent bien ouvrir les yeux et qui ont des oreilles pour entendre.
Dans
l’islam, Jésus est considéré comme le prototype du saint contemplatif en qui
prédomine l’aspect de l’amour pour Dieu.
L’amour
est le symbole de la tension de l’aspiration spirituelle qui vise à l’union
avec l’objet de son désir, en l’occurence Dieu.
En
Jésus, l’union des aspects complémentaires est particulièrement évidente, de
sorte qu’il est lui-même le symbole de l’amour de la créature pour le Créateur
et de la miséricorde de Celui-ci pour celle-là. Il est avant tout ‘abd, serviteur de Dieu, et en même temps Rûh Allah, Son Esprit, sans que ces deux aspects, unis en lui, y soient pour
autant confondus.
De
même, ses deux venues sont complémentaires : la première comme rasûlAllah, envoyé de Dieu porteur d’une nouvelle forme de la
Révélation divine, la seconde comme Sceau des Saints, englobant tout, et
annonce que l’Heure est venue de l’accomplissement du Pacte contracté par les créatures
à l’égard de leur Créateur.
Suivant
une tradition, s’il subsiste encore dans la volonté de Dieu encore une raison
pour que le monde existe, c’est seulement pour la présence effective, ici-bas,
de quelque saint.
C’est
précisément à cette sainteté qu’il faut aspirer pour bénéficier encore de cette
miséricorde divine toujours présente, et se préparer de la meilleure façon au
jour du jugement, ce jour qui verra justement redescendre le Christ de la
seconde venue pour juger toute l’humanité. Jésus a élevé la relation entre Dieu
et les hommes et rappelé à la parfaite adoration en esprit et en vérité.
Qu’il
nous soit permis de conclure par un verset du Saint Coran, où Jésus, parlant
lui-même, dit :
« Craignez
Dieu (fattaqu Llâh) et obéissez-moi ! Dieu est, en vérité, mon
Seigneur et votre Seigneur : Servez-Le : c’est là le chemin droit (sirâtun mustaqîm) »9
1
Coran XXXIII, 7-8, traduction de Denise Masson
2
Coran XIX, 16-36,
3
Jean, 7, 37 ; 4, 14, Apocalypse 22, 1
4
Coran XIX, 30-32
5
Coran III, 59
6 Coran
IV, 156-159
7 Du
Vème siècle jusq’au début duXème, les artistes byzantins représentèrent presque
toujours le Christ vivant sur la croix. La pensée orientale se fixait
principalement sur la divinité du Christ, et la croyance générale était qu’il
ne pouvait véritablement s’agir d’une mort, entendue comme séparation de l’âme
et du corps, puisque tant l’âme que le corps du Christ demeuraient unis dans la
nature divine. En conséquence, certains théologiens affirmaient qu’après avoir
rendu le dernier soupir, le corps de Jésus resta, d’une façon providentielle,
encore en vie afin d’accomplir l’union hypostatique ( cfr.
Grondijs
L.H. in L’iconographie byzantine du Crucifié mort sur la Croix, Utrecht, 1945
).
8 Coran XLIII, 57-64
9 Coran III, 50-51
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