samedi 13 juillet 2013

Etudes Critiques sur le Mouridisme - Didier Hamoneau








« Etudes Critiques sur le Mouridisme », figurant dans l’ouvrage « Vie et Enseignement du Cheikh Ahmadou Bamba » (Editions Al-Bouraq, 1998).





Didier Hamoneau, son auteur de nationalité française, est entré en Islam en 1987. Il a également écrit d'autres ouvrages sur l’Islam comme "La Torah, l'Evangile, le Coran - Etude critique" ou "Islam contre Terrorisme" (ouvrages en vente sur le web).



L’auteur a tenté de revisiter, à travers cette analyse, quelques tendances classiques de la critique traditionnelle sur le Mouridisme, telle qu’elle s’est jusqu’à ce jour présentée dans les différentes études et recherches menées surtout par des spécialistes des sciences humaines (sociologues, anthropologues, économistes etc.), de la colonisation à nos jours, de même que leurs différentes évolutions.



Hamoneau se propose, dans cette intéressante contribution, de montrer les limites de ces critiques sur le plan conceptuel, en leur opposant notamment un certain nombre de travaux et de résultats de recherche à même de relativiser la base de leur démarche.



Résumé de l’Ouvrage « Vie et Enseignement du Cheikh Ahmadou Bamba, Fondateur de la Voie soufie mouride » (Editions Al-Bouraq, 1998),



Par sa vie exemplaire et par son oeuvre écrite édifiante, Cheikh Ahmadou Bamba nous a démontré deux choses d'une importance vitale pour notre temps :

  1. Que le mode de vie du Prophète Mohammed, sa Sounna, n'est pas caduque, contrairement à ce que laissent entendre les réformateurs de l'Islam, qui font déteindre les valeurs - somme toute décadentes - de l'Occident matérialiste, sur cette religion.
  2. Que la non-violence n'est pas incompatible avec l'Islam, mais qu'elle en constitue l'essence première ainsi que son expression la plus parfaite, à l'opposé des fanatismes qui tendent à réduire toute religion à un simple outil temporel, voir uniquement politique.


Etudes Critiques sur le Mouridisme



(Condamnation et réhabilitation du Mouridisme dans la littérature française, africaine et autre) [pp. 283-295 – les notes alphabétiques en gras sont de la Commission Scientifique IKHRA]



Extraits du réputé très sérieux dictionnaire géographique "Le Grand Livre du Monde" (6ème édition, 1993, p. 606) :



"Les Mourides ont adapté l'Islam à la spécificité africaine (Ils disent la prière en se tournant vers la tombe de leur grand marabout Amadou Bomba, et non vers la Mecque)."



Extraits de l'ouvrage de René Luc Moreau, Africains Musulmans (Ed. Présence Africaine / Inades Editions, 1982, pp. 165-175), dans le chapitre dévolu à Cheikh A. Bamba :



"En réalité nous avons affaire à une personnalité complexe : la face visible est celle du maître et du pasteur, la dimension profonde, peu et mal connue, celle de l'authentique mystique. C'est dans cette mystique profonde que s'enracine la mission "pastorale" d'Amadou Bamba auprès des Wolof, et par elle que s'explique en partie son succès. Il ne s'agit pas pour cet homme de prêcher des choses extraordinaires, mais de faire accéder tous les gens, quelle que soit leur culture, à l'islam."

* * *

Beaucoup d'auteurs ont écrit sur la confrérie Mouride. Mais la plupart de leurs ouvrages ne traitent que d'un aspect extérieur du Mouridisme, le plus souvent de son impact économique, sociologique ou politique dans la société sénégalaise. L'épiphénomène a caché le phénomène, sans doute en raison du poids déterminant du matérialisme dans la culture occidentale et "moderne" (j'utilise ce dernier terme dans son acception guénonienne, c'est-à-dire désignant le courant anti-traditionnel qui a traversé et modelé toutes les idéologies occidentales, depuis la pseudo "Renaissance" et le siècle des "Lumières" illusoires, jusqu'à nos jours). [1]



Tous les clichés des vielles lunes coloniales, fixés par P. Marty [A], ont ensuite été longtemps reproduits en l'état par la plupart des auteurs [2]. Mais depuis quelques années, un renversement de tendance s'est opéré et ces préjugés infondés sont peu à peu abandonnés, un à un.


V. Monteil, M. Magassouba et tant d'autres, ont refait, sous diverses formes, et y compris en s’en défendant, les mêmes sempiternels reproches, dont le plus constant sans doute est celui du "maraboutisme féodal exploitant les talibés".


C'est un jugement erroné, car la féodalité est un système imposé par les nobles et non pas choisi par les serfs ; c'est une forme à peine évoluée d'esclavage. Rien de tel dans le Mouridisme : c'est le Talibé qui choisit son Maître Spirituel et lui abandonne volontairement une partie de son travail (sous forme de service dans les campagnes, ou d'argent chez les citadins). J. Copans, dans son ouvrage "Les Marabouts de l'arachide", évalue cette contribution volontaire à une moyenne comprise entre 0,2 et I,8 heure de travail par mois, et à un maximum de 5 % des revenus [B].

Une grande partie de cet argent (ou de ces dons en nature ou en service) est d'ailleurs utilisée par les cadres maraboutiques mourides pour toutes sortes d'oeuvres, depuis l'entretien des pauvres, les investissements productifs d'intérêt général (puits etc.) et jusqu'aux constructions de caractère religieux, comme les travaux d'agrandissement de la grande mosquée de Touba, de sa bibliothèque etc., conformément au Coran et à la Sounna du Prophète :



"O vous qui croyez ! Lorsque vous avez un entretien confidentiel avec le Prophète, faites précéder cet entretien d'une aumône. C'est préférable pour vous et plus pur [aussi]. A défaut de moyens, [sachez] que Dieu est Tout-Clément et Tout-Compatissant. Craignez-vous [de tomber dans la misère] en faisant précéder d'un acte de charité votre entretien privé [avec le Prophète] ? Lorsque vous ne le faites pas et que Dieu accueille votre repentir, [du moins] accomplissez la prière, libérez-vous de l'aumône légale et obéissez. à Dieu et à Son Envoyé. Dieu est bien Informé de ce que vous faites." (Coran 58,12-13)



Aucune organisation humaine ne peut subsister sans les dons (cotisations, impôts etc.) de ses adhérents. Cela a existé dans toute religion (Cf. la Dîme chez les Juifs et les Chrétiens). Ce sujet a toujours été une cause facile de polémique, l'argent étant objectivement le "dieu" de beaucoup d'hommes [C].



Le Coran dit à cet égard: "Il en est parmi eux qui te calomnient (ô Prophète) au sujet de [la distribution] des aumônes : s'ils en reçoivent une part, ils sont satisfaits ; dans le cas contraire, ils s'irritent. Que ne sont-ils plutôt satisfaits de ce que Dieu et Son Envoyé leur attribuent et disent :



"Dieu nous suffit ! Il nous fera profiter d'un effet de Sa grâce et Son Envoyé aussi ! Certes, c'est vers Dieu que vont nos désirs." Les oeuvres de charité sont [destinées] aux besogneux, aux mendiants, ceux qui s'occupent [de ces oeuvres], aux sympathisants, aux esclaves, aux sinistrés, au [combat] pour la cause de Dieu, aux voyageurs : [c'est Ià] un arrêt de Dieu qui est Omniscient et Plein de Sagesse." (Coran 9.5S à 60)



Comme le reproche "économique" classique n'a pu se vérifier sérieusement à l'épreuve des chiffres, les auteurs hostiles se sont alors tournés vers "l'idéologie" Mouride.



Beaucoup d'entre eux étant "marxisants", ou tout du moins influencés par une des nombreuses tendances du funeste "modernisme" fossoyeur de la civilisation occidentale, et la religion n'étant, pour la plupart d'entre eux, rien d'autre que "l’opium du peuple", le fond de leur pensée transparaît rapidement dans leurs ouvrages.



Il faudra attendre Fernand Dumont [3] pour qu'enfin un auteur français réhabilite sensiblement le Mouridisme, en récusant les trois principaux griefs émis contre la confrérie et son fondateur :



1 - Le reproche d'hétérodoxie religieuse (voire d'hérésie) : F. Dumont, après une étude détaillée de la doctrine du Cheikh, confirme sans ambiguïté la parfaite orthodoxie de son Islam, tant sur le plan exotérique ("Chariatique") qu'ésotérique (Soufi).

2 - Le reproche d'exploitation du Talibé par son Marabout : là aussi, F. Dumont souligne au contraire l'orthodoxie soufie du principe d'obéissance due par l'élève à son maître (le disciple à son Cheikh, le Talibé à son Serigne). Ce qui semble parfois distinguer le Mouridisme des formes antérieures du Soufisme est essentiellement dû aux réalités économiques et sociales particulières du Sénégal, qui ont conduit les marabouts, en tant que dépositaires sociaux de la tradition, à dépasser parfois le simple rôle d'éducateurs cultuels, spirituels et moraux, pour se préoccuper également de la vie quotidienne de leurs Talibés, souvent démunis dans un pays économiquement fragilisé et sociologiquement déstabilisé par une colonisation encore récente. Et cela introduit l'énoncé du troisième grief:

3 - Le reproche d'aliénation idéologique ou politique (par l'utilisation de la confrérie comme force de pression) : F. Dumont démontre au contraire que l'impact social du Mouridisme découle naturellement de l'obligation morale qu'ont les cadres religieux de prendre en considération les besoins des fidèles, à la demande de ces derniers d'ailleurs, dans les divers aspects de la vie, y compris politiques. Ceci est conforme également à l'orthodoxie musulmane et la Sounna du Prophète, car la vie d'un croyant ne se réduit pas seulement à l'aspect "religieux" (pris dans le sens restrictif qui le confine à "la sphère privée" tel qu'on le conçoit en France notamment), mais sa religion touche à tous les aspects de l'existence, dans un tout appelé le Dîn, dont le sens est plus large que celui de "religion" mais s'applique aussi au mode de vie, voire à la notion même de "civilisation". [4]



L'influence souvent bénéfique qu'exercent les Serigne (Chouyoukh en arabe) sur les Talibés n'a donc rien à voir, ni avec "l'aliénation" dont les marxistes taxent ordinairement les libéraux, ni avec "le lavage de cerveau" dont les libéraux accusent les marxistes. Les uns et les autres veulent enfermer le Mouridisme dans leurs catégories, mais la religion - par na!ure - fait éclater toute idéologie de facture humaine. Toutes les idéologies ont nécessairement "du vrai" qui leur confère une certaine cohérence, mais elles s'opposent finalement entre elles (c'est même au fond une de leur raison d'être) car elles sont toujours partielles, donc partiales ; elles n'appréhendent qu'un aspect de la réalité et tirent de ce qui est particulier (et parfois juste) des règles générales forcément inadéquates.



Seule la religion possède cette universalité qui transcende toute dialectique humaine, du seul fait de son origine Divine.

La spécificité apparente du Mouridisme ne relève en fait que de l'adéquation réussie de l'Islam traditionnel à l'espace-temps où il a été appelé à agir, au Sénégal, et maintenant aussi ailleurs, P. Pelissier, dans son ouvrage Les Paysans du Sénégal, distingue trois principes fondamentaux du Mouridisme :

- le mysticisme,

- l'exaltation du travail,

- l'obéissance au Cheikh.



Ces trois aspects sont constitutifs de la Voie Soufie, qui exige l'obéissance au Cheikh et la valorisation du travail. L'obéissance au Cheikh est une obligation Coranique [5], et une nécessité évidente, d'une part pour réduire l'ego qui est un obstacle à la progression spirituelle, et d'autre part pour s'ouvrir de la meilleure façon possible à la réception de l'enseignement du Cheikh. Quant au travail, il est un moyen de rédemption pour tous les enfants d'Adam [6], en même temps qu'un moyen de subsistance et de développement économique.



Dans l'ensemble, et c'est un constat exempt d'esprit polémique, il convient de remarquer que la plupart des études publiées à ce jour sur le Mouridisme ont surtout permis à leurs auteurs d'étayer des théories personnelles dans leur domaine d'activité propre (anthropologie, ethnologie, sociologie, économie ou politique). A travers leurs lignes divergentes, le Mouridisme devient un "phénomène" impalpable que chacun qualifie au gré de son optique, P. Couty a bien exprimé la perplexité qui peut résulter de leur abondant - mais discutable et très discuté – travail : "L'étude du mouridisme soulève une difficulté : quelle importance accorder dans la naissance et le développement de la confrérie, à la dynamique des structures d'une part, à l'expérience religieuse individuelle d'autre part ?" [7]



Le problème, étant ainsi posé, élude cependant la problématique de base : sans l'expérience religieuse du Cheikh Ahmadou Bamba, et à sa suite, de ses disciples, aurait-on pu seulement parler de "dynamique des structures"?



Mais seul un chercheur de vérité sans préjugé (qui se trouve de ce fait au stade préliminaire de la Foi) peut évidemment se poser cette question...

Les autres n'ont fait que ramasser une pépite, sans voir la mine d'or qui était sous leurs pas…[8].



J. Copans, qui a hérité de la plupart des travaux des auteurs précités, tout en mettant en relief leurs incohérences, s'est attaché à produire une vision plus affinée du Mouridisme. Mais son idéologie matérialiste a nécessairement conditionné son travail, et malgré les efforts qu'il a visiblement accomplis pour sortir à la fois des lieux communs éculés et d'un marxisme formaliste réducteur, sa conclusion générale n'échappe pas aux ornières creusées par ses devanciers. Le Mouridisme ne serait finalement, selon lui, qu'une force de pression idéologique au service de l'Etat Sénégalais. Allant jusqu'à qualifier la Confrérie de "machine infernale" (mais sous sa plume, cela n'a pas la même force que pour quelqu'un qui croirait réellement à l'Enfer), dont il ne voit pas "qui pourrait la désamorcer" (car elle est, selon lui "la seule idéologie véritablement nationale"), J. Copans retombe en fait dans le vieux cliché de "l'opium du peuple", comme le fait d'ailleurs remarquer D. C. O'Brien à propos de son travail.



Cet auteur a simplement oublié que le Mouridisme a préexisté à l'Etat sénégalais, et qu'il a essaimé depuis vers d'autres pays et continents, sans l'encouragement spécial d'aucun Etat de ce monde.



Il faut néanmoins lui rendre justice car son travail marque un tournant dans les "études mourides" traditionnelles, à la suite toutefois, il faut le rappeler, de Fernand Dumont, qui est le seul en ce domaine dont l'oeuvre ait été vraiment "salutaire", pour reprendre l'expression de R. L. Moreau dans son ouvrage Africains Musulmans. [9]



En effet, depuis les appréciables travaux de F. Dumont, l'ancienne réputation du Mouridisme s'est quelque peu améliorée. Cette réhabilitation dans la littérature n'est pas sans rappeler la réhabilitation dont fut l'objet Cheikh Ahmadou Bamba lui-même par les autorités coloniales.



Malheureusement, des préjugés, nourris des échos d'anciennes calomnies, influencent toujours certains intellectuels. Ainsi, dans le Monde Diplomatique de Novembre 1995, on pouvait lire un article intitulé : "Islam et pouvoir au Sénégal - Les Mourides entre utopie et capitalisme", signé par Sophie Bava et Danielle Bleitrach (P. 21) qui comporte un certain nombre d'inexactitudes. Il faut noter cependant que les critiques les plus acerbes formulées dans cet article le sont principalement à l'encontre des Mourides actuels, et non pas du Fondateur de la Voie Mouride. A l'égard de Cheikh Ahmadou Bamba, on ne lit, dans cet article, que cette réserve, néanmoins erronée: "…aujourd'hui, il est considéré comme un héros national s'étant opposé à l'avancée coloniale, alors qu'il avait mis au travail la population pour produire l'arachide au service de la colonie." Les auteurs disent bien "au service de la colonie" (du Sénégal) et non pas "au service des colonialistes", certes, mais la formulation laisse à penser qu'il y aurait une contradiction entre le fait que le Cheikh soit considéré comme "un héros national" sénégalais et le fait qu'il ait incité ses disciples à sortir de la léthargie économique dans laquelle les guerres coloniales avaient plongé le Sénégal. Il n'y a pourtant là aucune contradiction. Le souci du Cheikh n'était certes pas de devenir un héros national, mais uniquement de revivifier la religion musulmane dans le coeur des hommes, et ceci sans limite ethnique ou territoriale. Il a même clairement annoncé que très rapidement dans l'Histoire, ses disciples Ouolof seraient minoritaires dans sa Voie, ce qui est en voie de s'opérer, lorsqu'on voit le nombre d'Africains de tous pays, ainsi que d'Européens et d'Américains qui se pressent chaque année au grand Magal de Touba.



C'est que rien, dans son message, n'est réductible au seul Sénégal, et ceux qui ont allégué d'un prétendu "syncrétisme", de la part du Cheikh, entre l'Islam et d'autres conceptions religieuses (notamment animistes), n'ont jamais apporté la moindre preuve pour étayer leurs affirmations. Au contraire, son orthodoxie Sunnite-Malikite et Soufie est clairement évidente dans chacun de ses écrits comme dans chacun des épisodes de sa vie.



Confronté à la puissance coloniale, le Cheikh ne la traitait ni plus ni moins que de la même façon dont il traitait les autorités autochtones, sachant que tous les rois de ce monde ne sont que des esclaves de Dieu, qu'ils le sachent ou qu'ils l'ignorent. Il n'avait à leur égard aucune animosité ni d'ailleurs aucune sympathie, et il les évitait soigneusement, sachant que leur fréquentation n'apporte que la réprobation Divine. Ce qui ne l'empêchait pas de leur dire ce qu'il pensait de leur façon d'agir, lorsque l'occasion s'imposait à lui, que ce soit en bien comme en mal, conformément à un Hadith du Prophète Mohammed (PSL). Cette indépendance vis-à-vis des autorités temporelles (coloniales ou non) fut d'ailleurs une des raisons qui lui valurent d'être persécuté durant plusieurs décennies.



Par ailleurs, la colonisation et l'exploitation sauvage des ressources humaines et naturelles de toute l'Afrique Occidentale par la France, et particulièrement du Sénégal (qui était la base arrière de toutes les expéditions coloniales), a profondément dégradé l'équilibre écologique et sociologique fragile de cette région du monde. L'indépendance de 1962 ne pouvait à elle seule renverser la tendance et refermer en si peu de temps les profondes plaies opérées en près de quatre siècles de surexploitation coloniale. L'exode rural, l'émigration massive vers l'Europe, sont les conséquences connues du véritable vampirisme qui a épuisé les terres et les peuples d'Afrique.



Impulsée par les Mourides, la reconquête agricole des Terres Neuves (jusque là abandonnées au surpâturage nomade) a au contraire marqué un puissant coup d'arrêt à la désertification rurale, fait sans précédent dans un pays du Sahel, et peut-être même dans l'histoire mondiale (excepté Israël, qui a bénéficié, lui, de capitaux et de transferts de technologie colossaux). Il est vrai que ces terres mises en culture au Sénégal étaient très pauvres, la forêt très dégradée, mais la culture de l'arachide – une légumineuse - s'accommode assez bien d'un sol peu fertile, puisqu'elle fabrique elle-même son principal engrais, à savoir l'azote. L'effort soutenu des Mourides et de tous ceux qui les ont imité depuis, n'est donc pas vain, et il est injuste d'affirmer (comme dans l'article du Monde Diplomatique susmentionné) que la culture de l'arachide ait "contribué à dégrader les terres et à provoquer une extension du désert". C'est historiquement et globalement faux, et les nombreux villages mourides, implantés sur une terre autrefois délaissée, sont là pour en témoigner mieux que toute parole.



L'article du Monde Diplomatique parle également de la succession de Cheikh Ahmadou Bamba après son retour à Dieu. Il y est indiqué que "Soucieuse de contrôler cette confrérie en pleine expansion, l'administration coloniale s'immisça dans les procédures de succession du Cheikh Mouride et soutint son fils aîné, Mustapha M'Backé." Il est vrai que l'occupant craignait l'élection, au Califat des Mourides, de Cheikh Anta, frère de Khadîmou Rassoul, et souhaitait un autre que lui, ainsi qu'en témoigne un document interne à l'administration coloniale (cf. Archives Nationales du Sénégal). 



Mais aucune trace n'indique qu'ils se soient "immiscés" concrètement dans les "procédures de succession". Les Mourides, fidèles à l'indépendance d'esprit de leur Cheikh, ne l'auraient pas accepté, et les Français coloniaux, qui étaient plus fins politiques que cela, et qui avaient appris à connaître cette confrérie, n'auraient pas commis un faux-pas aussi grossier. Et si leur souhait fut exaucé de fait par le conseil de famille des M'Backé, c'est que la très haute spiritualité de AI-Mustafa le désignait pour cette tâche auprès des Mourides, car il était bien plus que le fils du Cheikh : il était son plus fidèle disciple et son confident.



Mais les raisons spirituelles échappent naturellement aux profanes, qui ne recherchent généralement que des causes intéressées derrière tout acte. C'est pourquoi on retrouve dans cet article les mêmes accusations gratuites et éculées de "clientélisme", voire de "corruption" pour qualifier l'attitude des Mourides actuels face au pouvoir en place. De telles accusations reposent essentiellement sur des préjugés infondés, et Dieu connaît mieux les vrais corrompus et corrupteurs parmi les hommes.



En outre, on lit (toujours dans le même article) une affirmation concernant la supposée "exploitation" des enfants dont le statut serait "plus proche de la servilité que du salariat", ou même l'allégation (et sans référence ni source citée) ainsi formulée : "on (sic!) pouvait rencontrer récemment, dans une daara (communauté villageoise mouride), des enfants avec de lourds cercles de fer aux chevilles, pour les empêcher de s'enfuir..." !



Affirmer que les Mourides traitent mal les enfants est choquant pour tous ceux qui connaissent un tant soi peu le Sénégal et en particulier l'actuel Calife, fils également de Cheikh Ahmadou Bomba, Serigne Salihou M'Backé. Comme son père, il a purement et simplement déconseillé aux Mourides de battre les enfants (la Bible dit au contraire: "Qui ménage le bâton déteste son fils, mais celui qui l'aime lui prodigue la correction." Proverbes 13,24). Et pourtant, ce n'est pas la délinquance juvénile qui manque au Sénégal, ni la drogue ou l'alcoolisme, ou tous les autres vices du genre humain. Et la jeunesse, comme partout, est en première ligne face à ces tentations sataniques. Il y a peut-être des parents, comme partout, qui sont amenés à recourir à des solutions pénibles pour que leurs enfants échappent à certains de ces fléaux. Certains d'entre eux finissent même par les abandonner, et souvent, ce sont les communautés et institutions religieuses qui les recueillent et leur donnent une seconde chance de salut spirituel et d'intégration sociale. Avec succès souvent, mais aussi parfois c'est l'échec, et il y a malheureusement des adolescents qui finissent, comme partout, de grandir en prison...



Les visiteurs de Touba sont étonnés de voir le nombre d'enfants qui entourent le Calife et ses proches. Ces enfants sont littéralement les "rois" de Touba, et personne n'ose même les réprimander devant le Calife, qui les protège et accepte toutes leurs facéties avec le sourire.



Le Calife a d'ailleurs souvent rappelé la recommandation formulée par Khadimou Rassoul, de ne pas battre les enfants, ce qui est certes plus facile à dire qu'à faire, mais qui est un idéal, parmi tant d'autres excellents à atteindre, conforme à la patiente douceur Prophétique.



Et concernant la soi-disant "relégation des femmes", il s'agit tout simplement de la non-mIxité dans les études, surtout religieuses, conformément à l'enseignement du Cheikh et de l'Islam en général.

D'ailleurs, les "intégristes" reprochent au contraire aux Mourides un certain laxisme à ce niveau, dénonçant le fait qu'hommes et femmes seraient mêlés dans certaines réunions mourides, ou que les parures des femmes y sont trop voyantes.



Le Mouridisme, sur les pas de son Cheikh, recommande, en toute chose, la Sounna (Tradition) du Prophète, tout en usant de pédagogie, de patience, de nonviolence, conformément à l'esprit de miséricorde propre au Soufisme, qui vise à l'adhésion du coeur (gage de Vérité) à l'Islam, et non pas à un simple conformisme extérieur imposé arbitrairement (et qui peut ainsi comporter un risque d'hypocrisie).



Le Mouride voit l'homme (homme et femme) dans son devenir, et sait que personne n'est condamné d'avance, sinon par Dieu, qui seul connaît Ses élus. Combien d'éminents Compagnons du Prophète n'ont-ils pas été aussi ses plus farouches et violents adversaires avant leur conversion? Si tel est le cas pour des adversaires acharnés, comment rejeter ceux qui ne feraient preuve que de tiédeur ou d'ignorance dans l'application de certains aspects de la Sounna ?



L'article du Monde Diplomatique aborde aussi d'autres questions, concernant notamment les toxicomanies (par la drogue ou par l'alcool) ainsi que d'autres problèmes sociaux.



L'alcool et le tabac sont interdits dans l'enceinte sacrée de Touba, ainsi que tous les vices prohibés par l'Islam [D].



Ceux qui viennent en visite à Touba, ou qui décident de s'y installer, respectent ces interdits. Ceux qui ne le peuvent pas n'éprouvent pas le besoin de s'y installer. Ceux qui y font une brève visite à la recherche d'une bénédiction n'ont pas envie d'altérer cette bénédiction [E].



Mais dans le reste du Sénégal, la laïcité laisse à chacun la possibilité de s'adonner à ces pratiques autodestructrices, dans les 1imites des lois civiles en vigueur. La drogue, bien que prohibée, sévit malheureusement comme presque partout dans le monde, ainsi que l'alcoolisme, la prostitution et autres fléaux.



Même à 5 Km de Touba, comme le font remarquer - avec un brin de reproche - les auteurs de l'article du Monde Diplomatique, oui, à M'Backé même ! Est-ce à dire que les rédactrices de cet article regrettent que l'influence séculière du Khalifat mouride soit circonscrite à la seule Touba ?



Si tel n'était pas le cas, ne dénonceraient-elles pas alors une dérive intégriste? Avouons que la marge est ténue : la patiente pédagogie mouride face aux fléaux sociaux est carrément accusée d"'encourager" les fidèles à "échapper à la loi coranique", mais tout effort de rigueur morale entraîne la qualification de "religion ombrageuse", et bien sûr "en particulier sur la question de la relégation des femmes" !



L'article affirme enfin (sous la photo) qu"'Un des traits du soufisme, c'est le rôle de guide tout-puissant du cheikh sur ses disciples (les talibés), guide non seulement spirituel, mais temporel, puisque le talibé doit obéir à tous les ordres de son marabout, qu'ils concernent sa vie professionnelle ou familiale."



Encore une ineptie à la vie dure ! S'il est vrai que des talibés peuvent demander aux Marabouts de les aider à chercher du travail ou une épouse, car les fonctions religieuses de ces derniers les mettent en contact avec de nombreuses familles, employeurs, chefs de villages etc., il faut savoir que n'importe quel disciple - même si cela n'est pas toujours bien vu par tous - peut quitter un Marabout, ou s'attacher à un autre, et d'ailleurs aucune loi, même religieuse, ne l'en empêche. Il doit au contraire rechercher son intérêt spirituel avant tout, et même son intérêt matériel, dans ce qui est licite.



Et si l'on peut ainsi lire encore, çà et là, des assertions aussi mal fondées sur le Mouridisme, il en va tout autrement chez les chercheurs, ce qui fait supposer raisonnablement qu'elles finiront par disparaître d'elles-mêmes dans quelques temps, le temps justement que les recherches sérieuses aient rempli leur rôle pédagogique auprès des media.



Ainsi, dans son ouvrage (Africains Musulmans, Ed. Présence Africaine / Inades Editions, 1982), René Luc Moreau consacre un chapitre à "la Voie d'Amadou Bamba" (Pages 165 à 175), révélateur de ce sensible changement d'état d'esprit à l'égard du Mouridisme, et dont j'ai relevé les passages les plus significatifs:



"Amadou Bamba (1850-1927) et son institution appelée "les Mourides", c'est-à-dire "les novices", ont fait et font couler beaucoup d'encre chez les chercheurs comme chez les hommes politiques. /.../



Pour comprendre le Mouridisme d'hier et d'aujourd'hui, il faut tenir compte à la fois de l'islam dans sa doctrine sunnite et sa spiritualité soufie, du monde wolof, et du contexte historique, pré-colonial, colonial et néo-colonial. "



Il rappelle que les premières études sur ce sujet, qui faisaient autorité jusque dans les années 60, "se sont fourvoyées" car, selon lui, leurs auteurs ne voyaient dans la Confrérie qu'un danger pour le pouvoir colonial. Ils étaient, de plus, mal renseignés par des chefs et des marabouts jaloux du Cheikh et n'avaient qu'une connaissance "trop étriquée de l'orthodoxie musulmane".



A propos du Cheikh, il écrit : "En réalité nous avons affaire à une personnalité complexe : la face visible est celle du maître et du pasteur, la dimension profonde, peu et mal connue, celle de l'authentique mystique. /.../ C'est dans cette mystique profonde que s'enracine la mission "pastorale" d'Amadou Bamba auprès des Wolof, et par elle que s'explique en partie son succès. Il ne s'agit pas pour cet homme de prêcher des choses extraordinaires, mais de faire accéder tous les gens, quelle que soit leur culture, à l'islam."



Il réfute ensuite la caricature classique "d'opium du peuple" dont on a affublé la Confrérie, ainsi que celle de l'exploitation des paysans par les marabouts. Il rend hommage aux travaux de F. Dumont et de l'O.R.S.T.O.M. qui "ont contribué à mettre les choses au point."



R. L. Moreau aborde ensuite les raisons de la réussite de la Confrérie dans le peuple : "Pour apprécier la réussite mouride, il faut saisir comment ce groupe a fait usage de cette relation soufie au sein d'un vaste ensemble dans lequel chacun peut avoir sa place : le manuel, celui qui veut étudier le Coran, celui qui demande l'initiation mystique proprement dite. /.../ La religion, grâce aux fondateurs du mouvement, répond aux besoins des gens."



Puis il réfute l'accusation "d'enfermement idéologique" habituellement proférée contre "l'Ordre Mouride" : "...on aurait tort de voir en cette confrérie un monde fermé : Amadou Bomba cherchait, c'est sûr, à voir l'islam progresser dans le peuple villageois, mais non pas à attacher celui-ci à sa personne et pour son profit. /.../ Chacun travaille pour les marabouts le temps qu'il veut ; il donne des fruits de son travail ce qu'il veut." Et il fait remarquer que le don du Talibé au Marabout "est fondé sur une réciprocité de services".



Il refuse qu'on parle du Mouridisme "comme d'une grande machine au service de l'arachide". Et abordant ensuite les rapports du politique à la Confrérie, il souligne que "Les différents pouvoirs politiques ont mal compris, jusqu'à présent, ce dynamisme de type essentiellement religieux et il a toujours été source de malentendus : il engendre une certaine crainte pour l'unité nationale, car s'il n'y a pas concurrence à proprement parler au niveau des pouvoirs, la vie de l'ensemble mouride est pour les fidèles beaucoup plus concrète que la nation et I' Etat. Chez les responsables politiques, la tentation est grande de vouloir le récupérer comme force de développement économique ou comme puissance idéologique; mais, à vrai dire, les fruits ne peuvent être que décevants si I’on s'aveugle sur ce qui fait le mouridisme, mouvement mystique musulman fondé sur le charisme pastoral de Cheikh Ahmadou Bomba."



A l'instar de KhadÎmou Rassoul qui fut toujours indépendant des pouvoirs politiques, tout en les respectant et en leur disant ce qui lui semblait juste, ses disciples, regroupés dans la Tariqa qui a porté, au milieu de l'adversité, la mémoire de son oeuvre et son enseignement jusqu'à nos jours, cette Confrérie des Mourides, dis-je, reste et restera - si Dieu le veut - insensible à toute tentative de séduction ou de récupération, tout comme elle a déjà résisté patiemment aux calomnies et aux épreuves.

Car tout en ce monde est épreuve, ce qui est désagréable, comme ce qui est agréable, et ce dernier type d'épreuve n'est certes pas le moins redoutable...



Notes de l’Auteur et de la Commission Scientifique IKHRA (NC, en gras)



[1] René Guénon (Cheikh Abdel Wahid Yahia), mort en 1951 au Caire. Ecrivain et métaphysicien entré en Islam. Il devint le premier grand Cheikh Soufi Français (Métropolitain) de notre époque. Parmi ses principaux ouvrages: "Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps", "La Crise du Monde Moderne", "Aperçus sur l'Initiation". Ses études ont notamment démontré l'unicité originelle de toutes les traditions religieuses anciennes.



[A] Note de la Commission Scientifique IKHRA [NC] : Marty fut indiscutablement le spécialiste français de l'Islam qui avait le plus d'influence sur la politique musulmane coloniale en Afrique au sud du Sahara. Né en Algérie et parlant parfaitement l’arabe, il fut interprète puis Directeur du Bureau des Affaires Politiques de l’administration coloniale. Il fut notamment l’un des inventeurs du célèbre concept d’ « Islam Noir » opposé à l’ « Islam pur » des Arabes et écrivit, à travers ce prisme, un grand nombre d’articles et d’ouvrages qui continuent d’influencer jusqu’à nos jour une grande partie des recherches et critiques sur les mouvements religieux en Afrique au Sud du Sahara. Pour plus d'informations sur la biographie de Marty, voir Feuillet personnel de Paul Marty, Dossier personnel de l'interprète Lieutenant Colonel Paul Marty, Archives Militaires Françaises, Paris, Château de Vincennes et L. Blecher, "Nécrologie de Paul Marty", Revue Tunisienne 33-34 (1938) : 15-17.



[B] NC : Il peut en effet sembler assez paradoxal, d’une certaine manière, que les talibés mourides « de base » soupçonnés depuis toujours, dans pratiquement toutes les recherches passées, d’être « exploités et abusés par des marabouts mystificateurs» ne se soient point appauvris par rapport au reste de la nation et, au contraire, soient aujourd'hui unanimement reconnus comme détenant une partie essentielle de la structure économique du Sénégal moderne, en dépit des origines économiques relativement modeste d'un grande partie de ces disciples…



[2] On retrouve encore souvent toutes sortes d'inepties sur le mouridisme, que ce soit dans les commentaires de tel reportage sur le Sénégal (par exempte cet article paru dans le Monde Diplomatique de Novembre 1995), et même dans un dictionnaire géographique apparemment sérieux comme "Le Grand Livre du Monde", 6ème édition de 1993, édité par Sélection du Reader's Digest, où il est écrit, "Les Mourides ont adapté l'Islam à la spécificité africaine (Ils disent la prière en se tournant vers la tombe de leur grand marabout Amadou Bomba, et non vers la Mecque)." (p. 606) C'est évidemment faux. Soixante-dix ans après le retour à Dieu du Cheikh, l'écho des rapports fallacieux des colonialistes et de leurs collaborateurs indigènes résonne toujours, mais – Dieu merci – de plus en plus faiblement.



[C] NC : Le vrai problème, donc, n’est pas celui de la légitimité du principe des dons pieux (« hadiya » ) décrié par la perspective matérialiste ou même wahhabite, mais plutôt la destination finale de ces dons qui doivent revenir, en principe et en définitive, à la société (pour la diffusion de la connaissance, l’entretien des plus démunis et de ceux qui se consacrent à la Voie de Dieu, l’édification de l’infrastructure religieuse et communautaire etc.) et ne pas être employés à des fins illégitimes ou purement personnels, telle que décrié par le Coran (9 : 34) : «Ô vous qui croyez ! Beaucoup de rabbins et de moines dévorent, les biens des gens illégalement et [leur] obstruent le sentier de Dieu. A ceux qui thésaurisent l'or et l'argent et ne les dépensent pas dans le sentier de Dieu, annonce un châtiment douloureux »



[3] Auteur de "La Pensée Religieuse d'Amadou Bamba" (Nouvelles Editions Africaines - Dakar / Abidjan,1974) et d'une étude sur "Amadou Bamba, Apôtre de la non-violence" (IFAN).



[4] La Sounna nous enseigne que l'Envoyé de Dieu passa des accords et des compromis politiques même avec les pires ennemis de l'Islam (et a fortiori avec ses amis). Ainsi, il signa le traité de Udaybiya avec ses adversaires, ce qui lui valut l'incompréhension et les critiques de certains Compagnons. Et après la prise de La Mecque, il confirma le pouvoir politique d'Abou Sufyan sur La Mecque, son ennemi de la veille fraîchement converti, malgré l'étonnement des Musulmans. Ceux qui critiquent Serigne Abdoul Ahad (troisième Khalife de Serigne Touba) pour son soutien circonstanciel au parti de Senghor et d'Abdou Diouf (qui eux n'ont jamais combattu ni l'Islam ni te Mouridisme), reproduisent au fond les mêmes incompréhensions..,



[5] Coran 4,59 : "Ô vous qui croyez ! Obéissez à Dieu, obéissez au Messager et à ceux d'entre vous qui détiennent le commandement."



[6] Un Hadith du Prophète rapporté par Ibn Abbas dit que "Quiconque revient, le soir, fatigué par le travail de ses mains, sera absout de ses péchés."



[7] Cité par J. Copans dans "Les Marabouts de l'Arachide", p. 51.

[8] Coran 45,32 : "Et quand on disait: "Oui, la promesse de Dieu est vérité; et quant à l'Heure, point de doute là-dessus", vous disiez : "Nous ne savons pas ce qu'est l'Heure ; nous ne pensons qu'à penser, sans cependant chercher de certitude." (Trad. M. Hamidullah)



[9] René Luc Moreau écrit en effet dans cet ouvrage que le travail de J. Copans a été salutaire, ce qui peut se concevoir eu égard à ce qui s'écrivait avant, mais le réel tournant a été opéré par F. Dumont, tant sur la démarche (par une méthode qui prend le fondement religieux comme base essentielle) que sur le contenu, ce que la plupart des chercheurs reconnaissent d'ailleurs.



[D] NC : Il semble assez paradoxal que les intellectuels de la « libre-pensée » locale et d’ailleurs, qui n’avaient pas hésité, en 1985, à fustiger dans des articles incendiaires la décision qualifiée « d’unilatérale et intolérante», «contraire à la légalité républicaine» du troisième Calife, Cheikh Abdoul Ahad, d’interdire l’usage du tabac, de l’alcool et des jeux de hasard dans la ville de Touba, ne s’insurgent pas aujourd’hui contre celle de beaucoup de pays européens d’interdire désormais l’usage du tabac dans tous les lieux publics à partir de 2007, près de 25 ans après…



[E] NC : S’il est vrai que l’essentiel des disciples mourides se conforme dans la mesure de leur possible aux interdictions édictées dans la ville sainte, il demeure aussi vrai qu’il existe et existera toujours, comme c’est le cas dans toute communauté, des brebis galeuses qui enfreignent clandestinement ces interdits.

Car si le critère d’interdiction d’un méfait était l’abstention générale et totale de tous de le commettre, il n’existerait assurément aucune loi humaine ou règlement qui serait valablement appliqué. La spécificité de Touba n’est donc pas d’être totalement exempte des méfaits ou fléaux existant ailleurs, et surtout dans les pays pauvres, ou même la prétention d’être un îlot terrestre entièrement vierge de tout mal (le Cheikh ne fut-il pas lui-même personnellement obligé de le quitter pour re-fonder Mbacké-Bari en 1895 du fait des difficultés qu’il éprouvait d’y organiser comme il l’entendait son système d’éducation fondé sur la séparation des types ? Cf. Irwau Nadim). Mais la particularité de Touba réside plutôt dans le projet spirituel à la base de sa fondation : un endroit propice à l’Adoration de Dieu et un sanctuaire éternel pour les valeurs de l’Islam. Projet auquel ont toujours concouru, avec certes les difficultés et obstacles inhérents aux réalités objectives, les initiatives de ses différents Califes, avec le concours de tous les disciples sincères.





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