«
Etudes
Critiques sur le Mouridisme »,
figurant dans l’ouvrage « Vie
et Enseignement du Cheikh Ahmadou Bamba »
(Editions Al-Bouraq, 1998).
Didier
Hamoneau, son auteur de nationalité française, est entré en Islam
en 1987. Il a également écrit d'autres ouvrages sur l’Islam comme
"La Torah, l'Evangile, le Coran - Etude critique" ou "Islam
contre Terrorisme"
(ouvrages en vente sur le web).
L’auteur
a tenté de revisiter, à travers cette analyse, quelques tendances
classiques de la critique traditionnelle sur le Mouridisme, telle
qu’elle s’est jusqu’à ce jour présentée dans les différentes
études et recherches menées surtout par des spécialistes des
sciences humaines (sociologues, anthropologues, économistes etc.),
de la colonisation à nos jours, de même que leurs différentes
évolutions.
Hamoneau
se propose, dans cette intéressante contribution, de montrer les
limites de ces critiques sur le plan conceptuel, en leur opposant
notamment un certain nombre de travaux et de résultats de recherche
à même de relativiser la base de leur démarche.
Résumé
de l’Ouvrage « Vie et Enseignement du Cheikh Ahmadou Bamba,
Fondateur de la Voie soufie mouride » (Editions Al-Bouraq, 1998),
Par
sa vie exemplaire et par son oeuvre écrite édifiante, Cheikh
Ahmadou Bamba nous a démontré deux choses d'une importance vitale
pour notre temps :
- Que le mode de vie du Prophète Mohammed, sa Sounna, n'est pas caduque, contrairement à ce que laissent entendre les réformateurs de l'Islam, qui font déteindre les valeurs - somme toute décadentes - de l'Occident matérialiste, sur cette religion.
- Que la non-violence n'est pas incompatible avec l'Islam, mais qu'elle en constitue l'essence première ainsi que son expression la plus parfaite, à l'opposé des fanatismes qui tendent à réduire toute religion à un simple outil temporel, voir uniquement politique.
Etudes
Critiques sur le Mouridisme
(Condamnation
et réhabilitation du Mouridisme dans la littérature française,
africaine et autre) [pp. 283-295 – les notes alphabétiques en gras
sont de la Commission Scientifique IKHRA]
Extraits
du réputé très sérieux dictionnaire géographique "Le Grand
Livre du Monde" (6ème édition, 1993, p. 606) :
"Les
Mourides ont adapté l'Islam à la spécificité africaine (Ils
disent la prière en se tournant vers la tombe de leur grand
marabout Amadou Bomba, et non vers la Mecque)."
Extraits
de l'ouvrage de René Luc Moreau, Africains Musulmans (Ed. Présence
Africaine / Inades Editions, 1982, pp. 165-175), dans le chapitre
dévolu à Cheikh A. Bamba :
"En
réalité nous avons affaire à une personnalité complexe : la face
visible est celle du maître et du pasteur, la dimension profonde,
peu et mal connue, celle de l'authentique mystique. C'est dans cette
mystique profonde que s'enracine la mission "pastorale"
d'Amadou Bamba auprès des Wolof, et par elle que s'explique en
partie son succès. Il ne s'agit pas pour cet homme de prêcher
des choses extraordinaires, mais de faire accéder tous les gens,
quelle que soit leur culture, à l'islam."
* * *
Beaucoup
d'auteurs ont écrit sur la confrérie Mouride. Mais la plupart de
leurs ouvrages ne traitent que d'un aspect extérieur du Mouridisme,
le plus souvent de son impact économique, sociologique ou politique
dans la société sénégalaise. L'épiphénomène a caché le
phénomène, sans doute en raison du poids déterminant du
matérialisme dans la culture occidentale et "moderne"
(j'utilise ce dernier terme dans son acception guénonienne,
c'est-à-dire désignant le courant anti-traditionnel qui a traversé
et modelé toutes les idéologies occidentales, depuis la pseudo
"Renaissance" et le siècle des "Lumières"
illusoires, jusqu'à nos jours). [1]
Tous
les clichés des vielles lunes coloniales, fixés par P. Marty [A],
ont ensuite été longtemps reproduits en l'état par la plupart des
auteurs [2]. Mais depuis quelques années, un renversement de
tendance s'est opéré et ces préjugés infondés sont peu à peu
abandonnés, un à un.
V.
Monteil, M. Magassouba et tant d'autres, ont refait, sous diverses
formes, et y compris en s’en défendant, les mêmes sempiternels
reproches, dont le plus constant sans doute est celui du
"maraboutisme féodal exploitant les talibés".
C'est
un jugement erroné, car la féodalité est un système imposé par
les nobles et non pas choisi par les serfs ; c'est une forme à peine
évoluée d'esclavage. Rien de tel dans le Mouridisme : c'est le
Talibé qui choisit son Maître Spirituel et lui abandonne
volontairement une partie de son travail (sous forme de service dans
les campagnes, ou d'argent chez les citadins). J. Copans, dans son
ouvrage "Les Marabouts de l'arachide", évalue cette
contribution volontaire à une moyenne comprise entre 0,2 et I,8
heure de travail par mois, et à un maximum de 5 % des revenus [B].
Une
grande partie de cet argent (ou de ces dons en nature ou en service)
est d'ailleurs utilisée par les cadres maraboutiques mourides pour
toutes sortes d'oeuvres, depuis l'entretien des pauvres, les
investissements productifs d'intérêt général (puits etc.) et
jusqu'aux constructions de caractère religieux, comme les travaux
d'agrandissement de la grande mosquée de Touba, de sa bibliothèque
etc., conformément au Coran et à la Sounna du Prophète :
"O
vous qui croyez ! Lorsque vous avez un entretien confidentiel avec le
Prophète, faites précéder cet entretien d'une aumône. C'est
préférable pour vous et plus pur [aussi]. A défaut de moyens,
[sachez] que Dieu est Tout-Clément et Tout-Compatissant.
Craignez-vous [de tomber dans la misère] en faisant précéder d'un
acte de charité votre entretien privé [avec le Prophète] ? Lorsque
vous ne le faites pas et que Dieu accueille votre repentir, [du
moins] accomplissez la prière, libérez-vous de l'aumône légale et
obéissez. à Dieu et à Son Envoyé. Dieu est bien Informé de ce
que vous faites." (Coran 58,12-13)
Aucune
organisation humaine ne peut subsister sans les dons (cotisations,
impôts etc.) de ses adhérents. Cela a existé dans toute religion
(Cf. la Dîme chez les Juifs et les Chrétiens). Ce sujet a toujours
été une cause facile de polémique, l'argent étant objectivement
le "dieu" de beaucoup d'hommes [C].
Le
Coran dit à cet égard: "Il en est parmi eux qui te calomnient
(ô Prophète) au sujet de [la distribution] des aumônes : s'ils en
reçoivent une part, ils sont satisfaits ; dans le cas contraire, ils
s'irritent. Que ne sont-ils plutôt
satisfaits de ce que Dieu et Son Envoyé leur attribuent et disent :
"Dieu
nous suffit ! Il nous fera profiter d'un effet de Sa grâce et Son
Envoyé aussi ! Certes, c'est vers Dieu que vont nos désirs."
Les oeuvres de charité sont [destinées] aux besogneux, aux
mendiants, ceux qui s'occupent [de ces oeuvres], aux sympathisants,
aux esclaves, aux sinistrés, au [combat] pour la cause de Dieu, aux
voyageurs : [c'est Ià] un arrêt de Dieu qui est Omniscient et Plein
de Sagesse." (Coran 9.5S à 60)
Comme
le reproche "économique" classique n'a pu se vérifier
sérieusement à l'épreuve des chiffres, les auteurs hostiles se
sont alors tournés vers "l'idéologie" Mouride.
Beaucoup
d'entre eux étant "marxisants", ou tout du moins
influencés par une des nombreuses tendances du funeste "modernisme"
fossoyeur de la civilisation occidentale, et la religion n'étant,
pour la plupart d'entre eux, rien d'autre que "l’opium du
peuple", le fond de leur pensée transparaît rapidement dans
leurs ouvrages.
Il
faudra attendre Fernand Dumont [3] pour qu'enfin un auteur français
réhabilite sensiblement le Mouridisme, en récusant les trois
principaux griefs émis contre la confrérie et son fondateur :
1 - Le
reproche d'hétérodoxie religieuse (voire d'hérésie) : F. Dumont,
après une étude détaillée de la doctrine du Cheikh, confirme sans
ambiguïté la parfaite orthodoxie de son Islam, tant sur le plan exotérique
("Chariatique") qu'ésotérique (Soufi).
2 - Le
reproche d'exploitation du Talibé par son Marabout : là aussi, F.
Dumont souligne au contraire l'orthodoxie soufie du principe
d'obéissance due par l'élève à son maître (le disciple à son
Cheikh, le Talibé à son Serigne). Ce qui semble parfois distinguer
le Mouridisme des formes antérieures du Soufisme est essentiellement
dû aux réalités économiques et sociales particulières du
Sénégal, qui ont conduit les marabouts, en tant que dépositaires
sociaux de la tradition, à dépasser parfois le simple rôle
d'éducateurs cultuels, spirituels et moraux, pour se préoccuper
également de la vie quotidienne de leurs Talibés, souvent démunis
dans un pays économiquement fragilisé et sociologiquement
déstabilisé par une colonisation encore récente. Et cela introduit
l'énoncé du troisième grief:
3 - Le
reproche d'aliénation idéologique ou politique (par l'utilisation
de la confrérie comme force de pression) : F. Dumont démontre au
contraire que l'impact social du Mouridisme découle naturellement de
l'obligation morale qu'ont les cadres religieux de prendre en
considération les besoins des
fidèles, à la demande de ces derniers d'ailleurs, dans les divers
aspects de la vie, y compris politiques. Ceci est conforme également
à l'orthodoxie musulmane et la Sounna du Prophète, car la vie d'un
croyant ne se réduit pas seulement à l'aspect "religieux"
(pris dans le sens restrictif qui le confine à "la sphère
privée" tel qu'on le conçoit en France notamment), mais sa
religion touche à tous les aspects de l'existence, dans un tout
appelé le Dîn, dont le sens est plus large que celui de "religion"
mais s'applique aussi au mode de vie, voire à la notion même de
"civilisation". [4]
L'influence
souvent bénéfique qu'exercent les Serigne (Chouyoukh en arabe) sur
les Talibés n'a donc rien à voir, ni avec "l'aliénation"
dont les marxistes taxent ordinairement les libéraux, ni avec "le
lavage de cerveau" dont les libéraux accusent les
marxistes. Les uns et les autres veulent enfermer le Mouridisme dans
leurs catégories, mais la religion - par na!ure - fait éclater
toute idéologie de facture humaine. Toutes les idéologies ont
nécessairement "du vrai" qui leur confère une certaine
cohérence, mais elles s'opposent finalement entre elles (c'est même
au fond une de leur raison d'être) car elles sont toujours
partielles, donc partiales ; elles n'appréhendent qu'un aspect de la
réalité et tirent de ce qui est particulier (et parfois juste) des
règles générales forcément inadéquates.
Seule
la religion possède cette universalité qui transcende toute
dialectique humaine, du seul fait de son origine Divine.
La
spécificité apparente du Mouridisme ne relève en fait que de
l'adéquation réussie de l'Islam traditionnel à l'espace-temps où
il a été appelé à agir, au Sénégal, et maintenant aussi
ailleurs, P. Pelissier, dans son ouvrage Les Paysans du Sénégal,
distingue trois principes fondamentaux du Mouridisme :
- le
mysticisme,
- l'exaltation
du travail,
- l'obéissance
au Cheikh.
Ces
trois aspects sont constitutifs de la Voie Soufie, qui exige
l'obéissance au Cheikh et la valorisation du travail. L'obéissance
au Cheikh est une obligation Coranique [5], et une nécessité
évidente, d'une part pour réduire l'ego qui est un obstacle à la
progression spirituelle, et d'autre part pour s'ouvrir de la
meilleure façon possible à la réception de l'enseignement du
Cheikh. Quant au travail, il est un moyen de rédemption pour tous
les enfants d'Adam [6], en même temps qu'un moyen de subsistance et
de développement économique.
Dans
l'ensemble, et c'est un constat exempt d'esprit polémique, il
convient de remarquer que la plupart des études publiées à ce jour
sur le Mouridisme ont surtout permis à leurs auteurs d'étayer des
théories personnelles dans leur domaine d'activité propre
(anthropologie, ethnologie, sociologie, économie ou politique). A
travers leurs lignes divergentes, le Mouridisme devient un
"phénomène" impalpable que chacun qualifie au gré de son
optique, P. Couty a bien exprimé la perplexité qui peut résulter
de leur abondant - mais discutable et très discuté
– travail : "L'étude du mouridisme soulève une difficulté
: quelle importance accorder dans la naissance et le développement
de la confrérie, à la dynamique des structures d'une part, à
l'expérience religieuse
individuelle d'autre part ?" [7]
Le
problème, étant ainsi posé, élude cependant la problématique de
base : sans l'expérience religieuse du Cheikh Ahmadou Bamba, et à
sa suite, de ses disciples, aurait-on pu seulement parler de
"dynamique des structures"?
Mais
seul un chercheur de vérité sans préjugé (qui se trouve de ce
fait au stade préliminaire de la Foi) peut évidemment se poser
cette question...
Les
autres n'ont fait que ramasser une pépite, sans voir la mine d'or
qui était sous leurs pas…[8].
J.
Copans, qui a hérité de la plupart des travaux des auteurs
précités, tout en mettant en relief leurs incohérences, s'est
attaché à produire une vision plus affinée du Mouridisme. Mais son
idéologie matérialiste a nécessairement conditionné son travail,
et malgré les efforts qu'il a visiblement accomplis pour sortir à
la fois des lieux communs éculés et d'un marxisme formaliste
réducteur, sa conclusion générale n'échappe pas aux ornières
creusées par ses devanciers. Le Mouridisme ne serait finalement,
selon lui, qu'une force de pression idéologique au service de l'Etat
Sénégalais. Allant jusqu'à qualifier la Confrérie de "machine
infernale" (mais sous sa plume, cela n'a pas la même force que
pour quelqu'un qui croirait réellement à l'Enfer), dont il ne voit
pas "qui pourrait la désamorcer" (car elle est, selon lui
"la seule idéologie véritablement nationale"), J. Copans
retombe en fait dans le vieux cliché de "l'opium du peuple",
comme le fait d'ailleurs remarquer D. C. O'Brien à propos de son
travail.
Cet
auteur a simplement oublié que le Mouridisme a préexisté à l'Etat
sénégalais, et qu'il a essaimé depuis vers d'autres pays et
continents, sans l'encouragement spécial d'aucun Etat de ce monde.
Il
faut néanmoins lui rendre justice car son travail marque un tournant
dans les "études mourides" traditionnelles, à la suite
toutefois, il faut le rappeler, de Fernand Dumont, qui est le seul en
ce domaine dont l'oeuvre ait été vraiment "salutaire",
pour reprendre l'expression de R. L. Moreau dans son ouvrage
Africains Musulmans. [9]
En
effet, depuis les appréciables travaux de F. Dumont, l'ancienne
réputation du Mouridisme s'est quelque peu améliorée. Cette
réhabilitation dans la littérature n'est pas sans rappeler la
réhabilitation dont
fut l'objet Cheikh Ahmadou Bamba lui-même par les autorités
coloniales.
Malheureusement,
des préjugés, nourris des échos d'anciennes calomnies, influencent
toujours certains intellectuels. Ainsi, dans le Monde Diplomatique de
Novembre 1995, on pouvait lire un article intitulé : "Islam et
pouvoir au Sénégal - Les Mourides entre utopie et capitalisme",
signé par Sophie Bava et Danielle Bleitrach (P. 21) qui comporte un
certain nombre d'inexactitudes. Il faut noter cependant que les
critiques les plus acerbes formulées dans cet article le sont
principalement à l'encontre des Mourides actuels, et non pas du
Fondateur de la Voie Mouride. A l'égard de Cheikh Ahmadou Bamba, on
ne lit, dans cet article, que cette réserve, néanmoins erronée:
"…aujourd'hui, il est considéré comme un héros national
s'étant opposé à l'avancée coloniale, alors qu'il avait mis au
travail la population pour produire l'arachide au service de la
colonie." Les auteurs disent bien "au service de la
colonie" (du Sénégal) et non pas "au service des
colonialistes", certes, mais la formulation laisse à penser
qu'il y aurait une contradiction entre le fait que le Cheikh soit
considéré comme "un héros national" sénégalais et le
fait qu'il ait incité ses disciples à sortir de la léthargie
économique dans laquelle les guerres coloniales avaient plongé le
Sénégal. Il n'y a pourtant là aucune contradiction. Le souci du
Cheikh n'était certes pas de devenir un héros national, mais
uniquement de revivifier la religion musulmane dans le coeur des
hommes, et ceci sans limite ethnique ou territoriale. Il a même
clairement annoncé que très rapidement dans l'Histoire, ses
disciples Ouolof seraient minoritaires dans sa Voie, ce qui est en
voie de s'opérer, lorsqu'on voit le nombre d'Africains de tous pays,
ainsi que d'Européens et d'Américains qui se pressent chaque
année au grand Magal de Touba.
C'est
que rien, dans son message, n'est réductible au seul Sénégal, et
ceux qui ont allégué d'un prétendu "syncrétisme", de la
part du Cheikh, entre l'Islam et d'autres conceptions religieuses
(notamment animistes), n'ont jamais apporté la moindre preuve pour
étayer leurs affirmations. Au contraire,
son orthodoxie Sunnite-Malikite et Soufie est clairement évidente
dans chacun de ses écrits comme dans chacun des épisodes de sa vie.
Confronté
à la puissance coloniale, le Cheikh ne la traitait ni plus ni moins
que de la même façon dont il traitait les autorités autochtones,
sachant que tous les rois de ce monde ne sont que des esclaves de
Dieu, qu'ils le sachent ou qu'ils l'ignorent. Il n'avait à leur
égard aucune animosité ni d'ailleurs aucune sympathie, et il les
évitait soigneusement, sachant que leur fréquentation n'apporte que
la réprobation Divine. Ce qui ne l'empêchait pas de leur dire ce
qu'il pensait de leur façon d'agir, lorsque l'occasion s'imposait à
lui, que ce soit en bien comme en mal, conformément à un Hadith du
Prophète Mohammed (PSL). Cette indépendance vis-à-vis des
autorités temporelles (coloniales ou non) fut d'ailleurs une des
raisons qui lui valurent d'être persécuté durant plusieurs
décennies.
Par
ailleurs, la colonisation et l'exploitation sauvage des ressources
humaines et naturelles de toute l'Afrique Occidentale par la France,
et particulièrement du Sénégal (qui était la base arrière de
toutes les expéditions coloniales), a profondément dégradé
l'équilibre écologique et sociologique fragile de cette région du
monde. L'indépendance de 1962 ne pouvait à elle seule renverser la
tendance et refermer en si peu de temps les profondes plaies opérées
en près de quatre siècles de surexploitation coloniale. L'exode
rural, l'émigration massive vers l'Europe, sont les conséquences
connues du véritable vampirisme qui a épuisé les terres et les
peuples d'Afrique.
Impulsée
par les Mourides, la reconquête agricole des Terres Neuves (jusque
là abandonnées au surpâturage nomade) a au contraire marqué un
puissant coup d'arrêt à la désertification rurale, fait sans
précédent dans un pays du Sahel, et peut-être même dans
l'histoire mondiale (excepté Israël, qui a bénéficié, lui, de
capitaux et de transferts de technologie colossaux). Il est vrai que
ces terres mises en culture au Sénégal étaient très pauvres, la
forêt très dégradée, mais la culture de l'arachide – une
légumineuse - s'accommode assez bien d'un sol peu fertile,
puisqu'elle fabrique elle-même son principal engrais, à savoir
l'azote. L'effort soutenu des Mourides et de tous ceux qui les ont
imité depuis, n'est donc pas vain, et il est injuste d'affirmer
(comme dans l'article du Monde Diplomatique susmentionné) que la
culture de l'arachide ait "contribué à dégrader les terres
et à provoquer une extension du désert". C'est
historiquement et globalement faux, et les nombreux villages
mourides, implantés sur une terre autrefois délaissée, sont là
pour en témoigner mieux que toute parole.
L'article
du Monde Diplomatique parle également de la succession de Cheikh
Ahmadou Bamba après son retour à Dieu. Il y est indiqué que
"Soucieuse de contrôler cette confrérie en pleine expansion,
l'administration coloniale s'immisça dans les procédures de
succession du Cheikh Mouride et soutint son fils aîné, Mustapha
M'Backé." Il est vrai que l'occupant craignait l'élection, au
Califat des Mourides, de Cheikh Anta, frère de Khadîmou Rassoul, et souhaitait un autre que lui, ainsi qu'en témoigne un document
interne à l'administration coloniale (cf. Archives Nationales du
Sénégal).
Mais
aucune trace n'indique qu'ils se soient "immiscés"
concrètement dans les "procédures de succession". Les
Mourides, fidèles à l'indépendance d'esprit de leur Cheikh, ne
l'auraient pas accepté, et les Français coloniaux, qui étaient
plus fins politiques que cela, et qui avaient appris à connaître
cette confrérie, n'auraient pas commis un faux-pas aussi grossier.
Et si leur souhait fut exaucé de fait par le conseil de famille des
M'Backé, c'est que la très haute spiritualité de AI-Mustafa le
désignait pour cette tâche auprès des Mourides, car il était bien
plus que le fils du Cheikh : il était son plus fidèle disciple et
son confident.
Mais
les raisons spirituelles échappent naturellement aux profanes, qui
ne recherchent généralement que des causes intéressées derrière
tout acte. C'est pourquoi on retrouve dans cet article les mêmes
accusations gratuites et éculées de "clientélisme",
voire de "corruption" pour qualifier l'attitude des
Mourides actuels face au pouvoir en place. De telles accusations
reposent essentiellement sur des préjugés infondés, et Dieu
connaît mieux les vrais corrompus et corrupteurs parmi les hommes.
En
outre, on lit (toujours dans le même article) une affirmation
concernant la supposée "exploitation" des enfants dont le
statut serait "plus proche de la servilité que du salariat",
ou même l'allégation (et sans référence ni source citée) ainsi
formulée : "on (sic!) pouvait rencontrer
récemment, dans une daara (communauté villageoise mouride),
des enfants avec de lourds cercles de fer aux chevilles, pour
les empêcher de s'enfuir..." !
Affirmer
que les Mourides traitent mal les enfants est choquant pour tous ceux
qui connaissent un tant soi peu le Sénégal et en particulier
l'actuel Calife, fils également de Cheikh Ahmadou Bomba, Serigne
Salihou M'Backé. Comme son père, il a purement et simplement
déconseillé aux Mourides de battre les enfants (la Bible dit au
contraire: "Qui ménage le bâton déteste son fils, mais celui
qui l'aime lui prodigue la correction." Proverbes 13,24). Et
pourtant, ce n'est pas la délinquance juvénile qui manque au
Sénégal, ni la drogue ou l'alcoolisme, ou tous les autres vices du
genre humain. Et la jeunesse, comme partout, est en première ligne
face à ces tentations sataniques. Il y a peut-être des parents,
comme partout,
qui sont amenés à recourir à des solutions pénibles pour que
leurs enfants échappent à certains de ces fléaux. Certains d'entre
eux finissent même par les abandonner, et souvent, ce sont les
communautés et institutions religieuses qui les recueillent et leur
donnent une seconde chance de salut spirituel et d'intégration
sociale. Avec succès souvent, mais aussi parfois c'est l'échec, et
il y a malheureusement des adolescents qui finissent, comme partout,
de grandir en prison...
Les
visiteurs de Touba sont étonnés de voir le nombre d'enfants qui
entourent le Calife et ses proches. Ces enfants sont littéralement
les "rois" de Touba, et personne n'ose même les
réprimander devant le Calife, qui les protège et accepte toutes
leurs facéties avec le sourire.
Le
Calife a d'ailleurs souvent rappelé la recommandation formulée par
Khadimou Rassoul, de ne pas battre les enfants, ce qui est certes
plus facile à dire qu'à faire, mais qui est un idéal, parmi tant
d'autres excellents à atteindre, conforme à la patiente douceur
Prophétique.
Et
concernant la soi-disant "relégation des femmes", il
s'agit tout simplement de la non-mIxité dans les études, surtout
religieuses, conformément à l'enseignement du Cheikh et de l'Islam
en général.
D'ailleurs,
les "intégristes" reprochent au contraire aux Mourides un
certain laxisme à ce niveau, dénonçant le fait qu'hommes et femmes
seraient mêlés dans certaines réunions mourides, ou que les
parures des femmes y sont trop voyantes.
Le
Mouridisme, sur les pas de son Cheikh, recommande, en toute chose, la
Sounna (Tradition) du Prophète, tout en usant de pédagogie, de
patience, de nonviolence, conformément à l'esprit de miséricorde
propre au Soufisme, qui vise à l'adhésion du coeur (gage de Vérité)
à l'Islam, et non pas à un simple conformisme extérieur imposé
arbitrairement (et qui peut
ainsi comporter un risque d'hypocrisie).
Le
Mouride voit l'homme (homme et femme) dans son devenir, et sait que
personne n'est condamné d'avance, sinon par Dieu, qui seul connaît
Ses élus. Combien d'éminents Compagnons du Prophète n'ont-ils pas
été aussi ses plus farouches et violents adversaires avant leur
conversion? Si tel est le
cas pour des adversaires acharnés, comment rejeter ceux qui ne
feraient preuve que de tiédeur ou d'ignorance dans l'application de
certains aspects de la Sounna ?
L'article
du Monde Diplomatique aborde aussi d'autres questions, concernant
notamment les toxicomanies (par la drogue ou par l'alcool) ainsi que
d'autres problèmes sociaux.
L'alcool
et le tabac sont interdits dans l'enceinte sacrée de Touba, ainsi
que tous les vices prohibés par l'Islam [D].
Ceux
qui viennent en visite à Touba, ou qui décident de s'y installer,
respectent ces interdits. Ceux qui ne le peuvent pas n'éprouvent pas
le besoin de s'y installer. Ceux qui y font une brève visite à la
recherche d'une bénédiction n'ont pas envie d'altérer cette
bénédiction [E].
Mais
dans le reste du Sénégal, la laïcité laisse à chacun la
possibilité de s'adonner à ces pratiques autodestructrices, dans
les 1imites des lois civiles en vigueur. La drogue, bien que
prohibée, sévit malheureusement comme presque partout dans le
monde, ainsi que l'alcoolisme, la prostitution et autres fléaux.
Même
à 5 Km de Touba, comme le font remarquer - avec un brin de reproche
- les auteurs de l'article du Monde Diplomatique, oui, à M'Backé
même ! Est-ce à dire que les rédactrices de cet article regrettent
que l'influence séculière du Khalifat mouride soit circonscrite à
la seule Touba ?
Si
tel n'était pas le cas, ne dénonceraient-elles pas alors une dérive intégriste?
Avouons que la marge est ténue : la patiente pédagogie mouride face
aux fléaux sociaux est carrément accusée d"'encourager"
les fidèles à "échapper à la loi coranique", mais tout
effort de rigueur morale
entraîne la qualification de "religion ombrageuse", et
bien sûr "en particulier sur la question de la relégation des
femmes" !
L'article
affirme enfin (sous la photo) qu"'Un des traits du soufisme,
c'est le rôle de guide tout-puissant du cheikh sur ses
disciples (les talibés), guide non seulement spirituel, mais
temporel, puisque le talibé doit obéir à tous les ordres de son
marabout, qu'ils concernent sa vie
professionnelle ou familiale."
Encore
une ineptie à la vie dure ! S'il est vrai que des talibés peuvent
demander aux Marabouts de les aider à chercher du travail ou une
épouse, car les fonctions religieuses de ces derniers les mettent en contact
avec de nombreuses familles, employeurs, chefs de villages etc., il
faut savoir que n'importe quel disciple - même si cela n'est pas
toujours bien vu par tous - peut quitter un Marabout, ou s'attacher à
un autre, et d'ailleurs aucune loi, même religieuse, ne l'en
empêche. Il doit au contraire rechercher son intérêt spirituel
avant tout, et même son intérêt matériel, dans ce qui est licite.
Et
si l'on peut ainsi lire encore, çà et là, des assertions aussi mal
fondées sur le Mouridisme, il en va tout autrement chez les
chercheurs, ce qui fait supposer raisonnablement qu'elles finiront
par disparaître d'elles-mêmes dans quelques temps, le temps
justement que les recherches sérieuses aient rempli leur rôle
pédagogique auprès des media.
Ainsi,
dans son ouvrage (Africains Musulmans, Ed. Présence Africaine /
Inades Editions, 1982), René Luc Moreau consacre un chapitre à "la
Voie d'Amadou Bamba" (Pages 165 à 175), révélateur de ce
sensible changement d'état d'esprit à l'égard du Mouridisme, et
dont j'ai relevé les passages les plus significatifs:
"Amadou
Bamba (1850-1927) et son institution appelée "les Mourides",
c'est-à-dire "les novices", ont fait et font couler
beaucoup d'encre chez les chercheurs comme chez les hommes
politiques. /.../
Pour
comprendre le Mouridisme d'hier et d'aujourd'hui, il faut tenir
compte à la fois de l'islam dans sa doctrine sunnite et sa
spiritualité soufie, du monde wolof, et du contexte historique,
pré-colonial, colonial et
néo-colonial. "
Il
rappelle que les premières études sur ce sujet, qui faisaient
autorité jusque dans les années 60, "se sont fourvoyées"
car, selon lui, leurs auteurs ne voyaient dans la Confrérie qu'un
danger pour le pouvoir colonial. Ils étaient, de plus, mal
renseignés par des chefs et des marabouts jaloux du Cheikh et
n'avaient qu'une connaissance "trop étriquée de l'orthodoxie
musulmane".
A
propos du Cheikh, il écrit : "En réalité nous avons
affaire à une personnalité complexe : la face visible est celle du
maître et du pasteur, la dimension profonde, peu et mal connue,
celle de l'authentique mystique. /.../ C'est dans cette mystique
profonde que s'enracine la mission "pastorale" d'Amadou
Bamba auprès des Wolof, et par elle que s'explique en partie son
succès. Il ne s'agit pas pour cet homme de prêcher des choses
extraordinaires, mais de faire accéder tous les gens, quelle que
soit leur culture, à l'islam."
Il
réfute ensuite la caricature classique "d'opium du peuple"
dont on a affublé la Confrérie, ainsi que celle de l'exploitation
des paysans par les marabouts. Il rend hommage aux travaux de F.
Dumont et de l'O.R.S.T.O.M. qui "ont contribué à mettre les
choses au point."
R.
L. Moreau aborde ensuite les raisons de la réussite de la Confrérie
dans le peuple : "Pour apprécier la réussite mouride, il
faut saisir comment ce groupe a fait usage de cette relation soufie
au sein d'un vaste ensemble dans lequel chacun peut avoir sa place :
le manuel, celui qui veut étudier le Coran, celui qui demande
l'initiation mystique proprement dite. /.../ La religion, grâce aux
fondateurs du mouvement, répond aux besoins des gens."
Puis
il réfute l'accusation "d'enfermement idéologique"
habituellement proférée contre "l'Ordre Mouride" : "...on
aurait tort de voir en cette confrérie un monde fermé : Amadou
Bomba cherchait, c'est sûr, à voir l'islam progresser dans le
peuple villageois, mais non pas à attacher celui-ci à sa personne
et pour son profit. /.../ Chacun travaille pour les marabouts le
temps qu'il veut ; il donne des fruits de son travail ce qu'il veut."
Et il fait remarquer que le don du Talibé au Marabout "est
fondé sur une réciprocité de services".
Il
refuse qu'on parle du Mouridisme "comme d'une grande machine au
service de l'arachide". Et abordant ensuite les rapports du
politique à la Confrérie, il souligne que "Les
différents pouvoirs politiques ont mal compris, jusqu'à présent,
ce dynamisme de type essentiellement religieux et il a toujours été
source de malentendus : il engendre une certaine crainte pour l'unité
nationale, car s'il n'y a pas concurrence à proprement parler au
niveau des pouvoirs, la vie de l'ensemble mouride est pour les fidèles
beaucoup plus concrète que la nation et I' Etat. Chez les
responsables politiques, la tentation est grande de vouloir le
récupérer comme force de développement économique ou comme
puissance idéologique;
mais, à vrai dire, les fruits ne peuvent être que décevants si
I’on s'aveugle sur ce qui fait le mouridisme, mouvement mystique
musulman fondé sur le charisme pastoral de Cheikh Ahmadou Bomba."
A
l'instar de KhadÎmou Rassoul qui fut toujours indépendant des
pouvoirs politiques, tout en les respectant et en leur disant ce qui
lui semblait juste, ses disciples, regroupés dans la Tariqa qui a
porté, au milieu de l'adversité, la mémoire de son oeuvre et son
enseignement jusqu'à nos jours, cette Confrérie des Mourides,
dis-je, reste et restera - si Dieu le veut - insensible à toute
tentative de séduction ou de récupération, tout
comme elle a déjà résisté patiemment aux calomnies et aux
épreuves.
Car
tout en ce monde est épreuve, ce qui est désagréable, comme ce qui
est agréable, et ce dernier type d'épreuve n'est certes pas le
moins redoutable...
Notes
de l’Auteur et de la Commission Scientifique IKHRA (NC, en gras)
[1] René
Guénon (Cheikh Abdel Wahid Yahia), mort en 1951 au Caire. Ecrivain
et métaphysicien entré en Islam. Il devint le premier grand Cheikh
Soufi Français (Métropolitain) de notre époque. Parmi ses principaux
ouvrages: "Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps",
"La Crise du Monde Moderne", "Aperçus sur
l'Initiation". Ses études ont notamment démontré l'unicité
originelle de toutes les traditions religieuses
anciennes.
[A]
Note de la Commission Scientifique IKHRA [NC] : Marty fut
indiscutablement le spécialiste français de l'Islam qui avait le
plus d'influence sur la politique musulmane coloniale en Afrique au
sud du Sahara. Né en Algérie et parlant parfaitement l’arabe, il
fut interprète puis Directeur du Bureau des Affaires Politiques de
l’administration coloniale. Il fut notamment l’un des inventeurs
du célèbre concept d’ « Islam Noir » opposé à l’ « Islam
pur » des Arabes et écrivit, à travers ce prisme, un grand nombre
d’articles et d’ouvrages qui continuent d’influencer jusqu’à
nos jour une grande partie des recherches et critiques sur les
mouvements religieux en Afrique au Sud du Sahara. Pour plus
d'informations sur la biographie de Marty, voir Feuillet personnel de
Paul Marty, Dossier personnel de l'interprète Lieutenant Colonel
Paul Marty,
Archives Militaires Françaises, Paris, Château de Vincennes et L.
Blecher, "Nécrologie de Paul Marty", Revue Tunisienne
33-34 (1938) : 15-17.
[B]
NC : Il peut en effet sembler assez paradoxal, d’une certaine
manière, que les talibés mourides « de base » soupçonnés depuis
toujours, dans pratiquement toutes les recherches passées, d’être
« exploités et abusés par des marabouts mystificateurs» ne se
soient point appauvris par rapport au reste de la nation et, au
contraire, soient aujourd'hui unanimement reconnus comme détenant
une partie essentielle
de la structure économique du Sénégal moderne, en dépit des
origines économiques relativement modeste d'un grande partie de ces
disciples…
[2] On
retrouve encore souvent toutes sortes d'inepties sur le mouridisme,
que ce soit dans les commentaires de tel reportage sur le Sénégal
(par exempte cet article paru dans le Monde Diplomatique de Novembre
1995), et même dans un dictionnaire géographique apparemment
sérieux comme "Le Grand Livre du Monde", 6ème édition de
1993, édité par Sélection du Reader's Digest, où il est écrit,
"Les Mourides ont adapté l'Islam à la spécificité africaine
(Ils disent la prière en se tournant vers la
tombe de leur grand marabout Amadou Bomba, et non vers la Mecque)."
(p. 606) C'est évidemment faux. Soixante-dix ans après le retour à
Dieu du Cheikh, l'écho des rapports fallacieux des colonialistes et de
leurs collaborateurs indigènes résonne toujours, mais – Dieu
merci – de plus en plus faiblement.
[C]
NC : Le vrai problème, donc, n’est pas celui de la légitimité du
principe des dons pieux (« hadiya » ) décrié par la perspective
matérialiste ou même wahhabite, mais plutôt la destination finale
de ces dons qui doivent revenir, en principe et en définitive, à la
société (pour la diffusion de la connaissance, l’entretien des
plus démunis et de ceux qui se consacrent à la Voie de Dieu,
l’édification de l’infrastructure religieuse et communautaire
etc.) et ne pas être employés à des fins illégitimes ou purement
personnels, telle que décrié par le Coran (9 : 34) : «Ô vous qui
croyez ! Beaucoup de rabbins et de moines dévorent, les biens des
gens illégalement et [leur] obstruent le sentier de Dieu. A ceux qui thésaurisent
l'or et l'argent et ne les dépensent pas dans le sentier de Dieu,
annonce un châtiment douloureux »
[3] Auteur
de "La Pensée Religieuse d'Amadou Bamba" (Nouvelles
Editions Africaines - Dakar / Abidjan,1974) et d'une étude sur
"Amadou Bamba, Apôtre de la non-violence" (IFAN).
[4] La
Sounna nous enseigne que l'Envoyé de Dieu passa des accords et des
compromis politiques même avec les pires ennemis de l'Islam (et a
fortiori avec ses amis). Ainsi, il signa le traité de Udaybiya avec
ses adversaires, ce qui lui valut l'incompréhension et les critiques
de certains Compagnons. Et après la prise de La Mecque, il confirma
le pouvoir politique d'Abou Sufyan sur La Mecque, son ennemi de la
veille fraîchement converti, malgré l'étonnement des Musulmans.
Ceux qui critiquent Serigne Abdoul Ahad (troisième Khalife de
Serigne Touba) pour son soutien circonstanciel au parti de Senghor et
d'Abdou Diouf (qui eux n'ont jamais combattu ni l'Islam ni te
Mouridisme), reproduisent au fond les mêmes incompréhensions..,
[5] Coran
4,59 : "Ô vous qui croyez ! Obéissez à Dieu, obéissez au
Messager et à ceux d'entre vous qui détiennent le commandement."
[6] Un
Hadith du Prophète rapporté par Ibn Abbas dit que "Quiconque
revient, le soir, fatigué par le travail de ses mains, sera absout
de ses péchés."
[7] Cité
par J. Copans dans "Les Marabouts de l'Arachide", p. 51.
[8] Coran
45,32 : "Et quand on disait: "Oui, la promesse de Dieu est
vérité; et quant à l'Heure, point de doute là-dessus", vous
disiez : "Nous ne savons pas ce qu'est l'Heure ; nous ne pensons
qu'à penser, sans cependant chercher de certitude." (Trad. M.
Hamidullah)
[9] René
Luc Moreau écrit en effet dans cet ouvrage que le travail de J.
Copans a été salutaire, ce qui peut se concevoir eu égard à ce
qui s'écrivait avant, mais le réel tournant a été opéré par F.
Dumont, tant sur la démarche (par une méthode qui prend le
fondement religieux comme base essentielle) que sur le contenu, ce
que la plupart des chercheurs reconnaissent d'ailleurs.
[D]
NC : Il semble assez paradoxal que les intellectuels de la «
libre-pensée » locale et d’ailleurs, qui n’avaient pas hésité,
en 1985, à fustiger dans des articles incendiaires la décision
qualifiée « d’unilatérale et intolérante», «contraire à la
légalité républicaine» du troisième Calife, Cheikh Abdoul Ahad,
d’interdire l’usage du tabac, de l’alcool et des jeux de hasard
dans la ville de Touba, ne s’insurgent pas aujourd’hui contre
celle de beaucoup de pays européens d’interdire désormais l’usage
du tabac dans tous les lieux publics à partir de 2007, près de 25
ans après…
[E]
NC : S’il est vrai que l’essentiel des disciples mourides se
conforme dans la mesure de leur possible aux interdictions édictées
dans la ville sainte, il demeure aussi vrai qu’il existe et
existera toujours, comme c’est
le cas dans toute communauté, des brebis galeuses qui enfreignent
clandestinement ces interdits.
Car
si le critère d’interdiction d’un méfait était l’abstention
générale et totale de tous de le commettre, il n’existerait
assurément aucune loi humaine ou règlement qui serait valablement
appliqué. La spécificité de
Touba n’est donc pas d’être totalement exempte des méfaits ou
fléaux existant ailleurs, et surtout dans les pays pauvres, ou même
la prétention d’être un îlot terrestre entièrement vierge de
tout mal (le Cheikh ne fut-il pas lui-même personnellement obligé
de le quitter pour re-fonder Mbacké-Bari en 1895 du fait des
difficultés qu’il éprouvait d’y organiser comme il l’entendait
son système d’éducation fondé sur la séparation des types ? Cf.
Irwau Nadim). Mais la particularité de Touba réside plutôt dans le
projet spirituel à la base de sa fondation : un endroit propice à
l’Adoration de Dieu et un sanctuaire éternel pour les valeurs de
l’Islam. Projet auquel ont toujours concouru, avec certes les
difficultés et obstacles inhérents aux réalités objectives, les
initiatives de ses différents Califes, avec le concours de tous les
disciples sincères.
C formidable. Merci beaucoup
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