samedi 15 février 2014

Ka’ba, circumambulations et pierre noire





 Contemple la Maison :

 pour les cœurs sanctifiés

 sa Lumière brille à découvert

 Ils la regardent par Dieu, sans voile,

 son auguste et sublime secret leur apparaît.

 (Futûhât, I, 47)


Rappel descriptif

Située au centre de la grande Mosquée sacrée de la Mère des Cités -la Mecque-, le Temple de la Ka’ba-Maison sacrée de Dieu [Bit Allah el Haram]-, est une construction de forme cubique recouverte d’un voile de brocart noir (kiswa) brodé de versets coraniques en lettres d’or partiellement échancré sur une grande porte en cuivre.

Tout à la fois centre terrestre et spirituel, elle est le point d’orientation vers lequel se tournent les musulmans pour prier (Qibla) et le but de leur pérégrination conformément aux piliers de l’Islam.

Dans son angle oriental est enchâssé une pierre noire de forme elliptique cernée d’argent ; orientée en direction de la vaste plaine d’Arafat (*), elle marque l’endroit où doit commencer les circumambulations (tawaf) rituelles, étape incontournable du grand pèlerinage (Hajj).

(*) Le Mont-Arafat dite Jabal ar-Rahmah (montagne de la Miséricorde) est une colline à l’est de la Mecque, là où Adam et Eve séparés ont été réunis et pardonnés. Centre informel, c’est là où l’Envoyé (saws) a prononcé son dernier sermon. (Le pèlerin est tenu de s’y tenir le neuvième jour de Dhou- l-Hijja sans quoi son pèlerinage est invalidé).

 Historique sacré

Le premier temple de la Mecque appelée alors Bakka a été édifiée par Adam. (Coran III, 96) (1) Détruite par le déluge où seul survécut Noé, elle a été reconstruite et revivifiée par Abraham et son fils Ismaël(2) puis orientée vers Jérusalem  [Maqâm d’Ibrahim « station d’Abraham »] (3) ; enfin, par Muhammad (sala Allah ‘alih wa salam),  cette revivification sera pleinement actualisée et réorientée restituant la sacralité et l’universalité du lieu tout en bouclant le cycle des révélations prophétiques. (4)

« Quand la Ka’ba était un sanctuaire de forme circulaire, au début du cycle adamique, on ne pouvait lui assigner une quelconque orientation. Abraham, en reconstruisant le Temple avec Ismaël son fils, lui donna, une forme et une orientation correspondant exactement à la direction de Jérusalem. De plus, on remarquera que la diagonale tracée à partir de l’angle syrien du Temple est orientée vers l’immense plaine de ‘Arafat, contrée qui jouxte le territoire sacré environnant la Mekke.

Jérusalem est considérée comme ville sainte par les trois religions dites monothéistes et l’endroit où elle fut primitivement édifiée se situe au lieu sacré qui était dénommé Salem, la cité de la Paix (Genèse 14/18). C’est en cet endroit béni qu’Abraham-dont le nom hébreu premier était encore « Abram, père très haut », et bien avant la naissance de son fils Ismaël, rencontra providentiellement le Roi de Justice, roi de Salem, Melchisédek (Malki-Sèdèq en hébreu), Prêtre du Dieu suprême (El-Elion en hébreu).

[…]

Plus tard, par inspiration divine, le nom d’Abram deviendra Abraham, « père d’une multitude », et c’est en tant que représentant du « Roi du Monde », selon l’expression de René Guénon (Le Roi du Monde, chapitre VI) qu’il reconstruisit avec son fils Ismaël le sanctuaire de la Ka’ba, détruit à l’époque du Déluge, et le revivifia, restituant ainsi à la Mekke sa fonction sacrée et centrale de Dépôt de la Tradition primordiale et universelle inaugurée par le prophète Adam.

Cette Présence divine, centrale et sainte que la Métropole de l’Islam universel, dernière révélation, conserve depuis Adam, Noé, Abraham et Ismaël, fut réactualisée en sa plénitude, au moment de « la Prière des deux Qibla », l’an deux de l’Hégire, avec le Sceau des Prophètes, Muhammad, par ordre divin, dans le nouveau cycle de l’Islam historique.

 La Mekke, avec la Ka’ba en son cœur, est ainsi redevenue ce qu’elle était primordialement : le Centre effectif du véritable Islam œcuménique et de la Présence plénière de Dieu sur terre ».(5)

La Ka’ba et La circunambulation ou le Trône et la procession des anges

Faire retour au Centre, à l’Unique (tawhid), telle est la signification profonde de l’orientation de la prière et du pèlerinage à la ka’ba, projection terrestre du Trône divin.

 L’Orant s’oriente, s’achemine, puis, de même que les anges circumambulent autour du Trône, il accomplit sept circumambulations (Tawaf)( Coran XVII, 29) autour de la Ka’ba.

« Sache que pendant le Tawaf, tu ressembles aux anges rapprochés processionnant et tournant autour du Trône. Ne pense pas que le but soit que ton corps tourne autour du Temple mais bien plutôt que ton cœur processionne en commémorant le seigneur au temple, afin que ce rappel ne provienne initialement que de Lui et ne s’achève que par Lui, comme les Tournées commencent du Temple pour finir au Temple.

Sache que le tawaf sublime est celui du cœur autour de la Présence seigneuriale et que le Temple est un symbole apparent situé dans le monde du royaume (mulk) de la présence qui ne peut être contemplée par la vue sensible, cette présence étant celle du Monde de la royauté céleste (malakût). De façon analogue, le corps est le symbole extérieur dans le monde apparent (‘âlam al-shahâda) du cœur qui ne peut être attesté par la vue sensible, car le cœur se trouve dans le monde de la réalité occultée (‘âlam al-ghayb).

Sache que le monde du royaume et le monde sensible conduisent au monde de la réalité occultée et au monde de la Royauté céleste celui à qui Dieu a ouvert la porte. Cette analogie est suggérée par le fait que le temple fréquenté (bayt ma’mûr) dans les cieux correspond à la Ka’ba.

Le Tawâf que les Anges font autour du Temple fréquenté ressemble à celui que les êtres humains font autour de ce temple (terrestre). Lorsque le degré (rutba) de la majorité des créatures se trouva amoindri au point de ne plus leur permettre de faire de telles tournées, on leur ordonna d’imiter les anges dans la mesure du possible et on leur promit que ceux qui ressembleraient à certains seraient d’entre eux. .. » (6)

La ka’ba et la pierre noire ou le cœur et son trésor caché (7)

Quand Adam repentant retrouvât grâce auprès de Dieu et reçut l’ordre de partir (de l’Inde, dit-on) pour l’Arabie, l’Ange Gabriel lui offrit une perle blanche étincelante… Splendeur de l’Esprit qui se matérialisera enpierre noire pour se dissimuler aux regards sensibles ainsi que l’a suggéré le Prophète (sala Allah ‘alih wa salam) :

« La pierre noire et le Maqam sont deux perles du Paradis. Allah a voilé leur lumière et s’Il n’avait pas voilé leur lumière, elles auraient éclairé ce qu’il y a entre l’Orient et l’Occident ».

Il incombe à chacun, par la Grâce de Dieu, de chercher le moyen d’en retrouver l’éclat.

 Selon cette autre parole du Prophète (saws) :

« la Pierre noire est la droite (yamîn) de Dieu sur terre, avec laquelle Il appose Son Sceau sur la créature comme l’homme serre la main de son frère » (8)

 Et celle d’Ali (que Dieu l’agrée) :

« Lorsque le Très-Haut contracta alliance avec la descendance de l’homme, il enregistra le contrat dans un livre qu’il scella avec cette pierre. .. »

C’est dans le «souvenir de Dieu » qui est fidélité au pacte prééternel : « Ne suis-Je pas votre Seigneur ? » (Coran VII, 172), liant Dieu à ses créatures(Mithaq) qu’il est possible de découvrir ce trésor caché, la Perle angélique enfouie au tréfonds de son cœur afin de ré-endosser la nature édénique dans la Proximité divine.

Pierre-témoin, de notre fidélité et de notre engagement, l’embrasser et la toucher à l’instar de l’Envoyé de Dieu (saws), c’est comme se dépouiller et revêtir son être réel.

Omar (que Dieu l’agrée) dit: « Je sais que tu n’es qu’une pierre et que tu ne peux m’apporter ni bien ni mal. Si je n’avais pas vu le Prophète (saws) te toucher et t’embrasser, je ne t’aurais jamais touchée ni embrassée.» (Sahih Boukhari) Puis il sanglota.

La destruction de la Ka’ba annoncera la fin des temps-ci. Il est en effet dit que lorsque Dieu voudra détruire notre monde il débutera par la Ka’ba.

Wallâhu A’lam






(1) Selon Abd Allâh Ibn’Amru : « Alors que Dieu fit descendre Adam hors du Jardin paradisiaque, Il lui dit : « Avec toi, Je vais faire descendre un temple (bayt) autour duquel on circulera comme on le fait autour de Mon Trône… »- « La première maison qui fut suscitée pour les hommes pour qu’y soit célébré le culte de Dieu est celle qui se trouve à Bakka » (Ad-Durr ul-manthûr, as-Suyûtî, 2/93).

 (2) C’est lorsque Ismaël (alayhis salâm) atteindra sa treizième année, qu’Abraham (alayhis salâm) reçut l’ordre de bâtir un édifice dédié au culte de Dieu à l’emplacement originel de la Ka’ba, lieu où ne subsistait plus qu’une petite colline et que lui avait indiquée l’Ange Gabriel (Djibraîl). Tous deux entreprirent ainsi les travaux de remise à jour des fondations restantes . « Et quand Abraham et Ismâil élevaient les assises de la Maison: “O notre Seigneur, accepte ceci de notre part! Car c’est Toi l’Audient, l’Omniscient ». (Coran II, 127) et (Coran II, 125)

(3) Grosse pierre sur laquelle se trouve l’empreinte des pieds d’Abraham, à l’endroit même où il prenait support lorsqu’il construisit avec son fils Ismaël (alayhas salâm), la Kaaba [Coran IV, 97]. C’est devant ce maqâm que L’Imam préside la prière rituelle.

(4) (Coran V, 3)

(5) pp.106-107 Les Secrets du pèlerinage en Islam, de Al-Ghazâli chez Albouraq. Traduit par Maurice Gloton.

 (6) p. 268 Les secrets du Pèlerinage en Islam Ghazali al Bouraq

 (7) “Ni la terre ni le ciel ne peuvent Me contenir, le cœur de Mon serviteur croyant Me contient” a dit L’Envoyé (saws)-Hadith Qûtsi-.

 (8) Hadith du Prophète (saws) rapporté par Ibn’Abbâs, ‘Abdallâh et Ibn Omar




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