mercredi 7 juin 2017

Jeff Kerssemakers - Compte rendu de l'édition anglaise des Symboles Fondamentaux










René Guénon : FUNDAMENTAL SYMBOLS - The universal language of sacred science, compiled and edited by Michel Vâlsan (translated by Alvin Moore& amp; A. Moore Jr.), revised and edited by Martin Lings) Editions QUINTA ESSENTIA, Cambridge, 1995.

  
Cet ouvrage, publié il y a une douzaine d’années, est la traduction anglaise du recueil d’articles de René Guénon rassemblés par Michel Vâlsan sous le titre de Symboles fondamentaux de la Science sacrée. Cette louable initiative, qui permet au lecteur anglophone d’accéder à des textes importants de René Guénon, n’appellerait pas de remarques si cette édition dirigée par Martin Lings ne contenait pas de graves anomalies qui méritent d’être relevées.

Dans son introduction, Whitall N. Perry rend justement hommage à A. K. Coomaraswamy, le seul auteur, avec Charbonneau-Lassay, à être considéré par René Guénon comme « éminent collaborateur », mais qui fut par la suite négligé par la plupart des auteurs « guénoniens » qui ne se réfèrent jamais à lui.

Cependant, Martin Lings, dans la préface de l’éditeur, essaie de justifier ses manipulations du texte original. En effet, il n’a respecté ni le choix de Michel Vâlsan, ni le texte de Réné Guénon lui-même.

L’étude préliminaire de Michel Vâlsan (pp. 11-23 de l’édition originale), les annexes I et II (bibliographie détaillée des textes de René Guénon composant les chapitres du livre), et l’annexe III (« Sur le triangle de l’androgyne ») sont absentes de la traduction, ce qui s’explique par le procès intenté par un des fils de René Guénon (et inspiré par Roger Maridort) contre Michel Vâlsan, au terme duquel, par décision de justice, les textes de ce dernier furent supprimés des éditions ultérieures.

Mais Martin Lings a modifié la sélection et le contenu des textes. Il explique avoir « enrichi » l’ensemble en ajoutant deux textes de René Guénon : Les Idées éternelles et Esprit et intellect (repris initialement dans le recueil posthume Mélanges, édité par Roger Maridort). D’autre part, il a retiré le texte L’emblême du Sacré-Coeur dans une société secrète américaine, qui formait dans l’édition française le chapitre LXXI, au motif que, d’après lui, il n’aurait pas dû être inclus dans le recueil... Il a également, ce qui est beaucoup plus grave et constitue une véritable falsification, supprimé les derniers paragraphes du texte Le Saint Graal (chapitre IV de l’édition originale), lesquels, dit-il, n’ont rien à voir avec le symbolisme et « posent plutôt quelques problèmes ». En relisant attentivement le passage censuré, on comprend mieux le « problème » de M. Lings, disciple de F. Schuon. René Guénon explique en effet, à propos de l’occultation du Graal, que « ce retrait ne s'applique d’ailleurs ici qu 'au côté ésotérique de la tradition, le côté exotérique étant, dans le cas du christianisme, demeuré sans changement apparent », cette distinction étant contraire à la fameuse thèse de F. Schuon sur l’initiation chrétienne... On voit donc que les « schuoniens », principalement présents dans le monde anglo-saxon, ne désarment pas, malgré les mises au point faites ultérieurement sur cette question (notamment par Michel Vâlsan dans les Etudes traditionnelles et C.-A. Gilis dans Connaissance des religions), et l’on peut s’étonner que les actuels dépositaires de l’oeuvre de René Guénon n’aient pas réagi devant un tel agissement.


Jeff KERSSEMAKERS



Publié dans le n° 117 (Septembre – Octobre – Novembre 2009) de la revue Vers La Tradition. Publié avec l'aimable autorisation de l'auteur .

























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