mardi 20 novembre 2018

Armand Robin – Le programme en quelques siècles (1945) - Introduction de J.F.


      

     
  Si l'on se reporte au tome XIII du Journal Littéraire de Paul Léautaud, paru au Mercure de France  (1962),p.250, Louis de Gonzague Frick lui parle " d'un tout jeune poète, Robin, absolument remarquable".

 Piqué par la curiosité, nous avons voulu en savoir plus. Et nous n'avons pas été déçu, que ce soit par la vie ou par  l'oeuvre poétique de ce jeune Armand Robin.

 C'est un vrai breton bretonnant, ayant parlé le breton avant le français, né en 1912 et décédé fort jeune en 1961.

 Il sera élève au prestigieux Lycée Lakanal de Sceaux, où, en Lettres Supérieures  il aura comme professeur le philosophe Jean Nabert, bien connu des étudiants pour ses deux ouvrages : "Eléments pour une Ethique" et "Le Problème du Mal", devenus introuvables et que tout le monde se disputait dans les années 1960 ...   

 Il présente certains point communs avec Aguéli par ses tendances anarchistes et surtout par un prodigieux don des langues, comme c'est souvent le cas de gens éduqués dans le bilinguisme (dans le cas présent : breton-français) : non seulement il a appris un vingtaine de langues, dont des langues orientales comme le chinois et l'arabe, mais surtout, il a traduit des écrivains et poètes du  russe, persan, finlandais...etc... , langues qu'il avait apprises à l'Ecole des Langues Orientales mais aussi tout seul, car c'est un remarquable autodidacte. Il voyagea   aussi dans les pays respectifs.

  Quant à son oeuvre poétique, nous proposerons à nos lecteurs un court texte  - que nous jugeons prophétique, ou au moins, prémonitoire -  et qui a un accent métaphysique curieusement "guénonien"...


 Ce texte fut écrit il y a 73 ans, en 1945 (année de la parution du "Règne de la Quantité".)...


J.F.

PS   "En 1945, Le CNE (Comité National des Ecrivains) ayant eu l'outrecuidance de jouer aux justiciers avec Armand Robin tout simplement parce qu'il n'était pas communiste  et innocent de toute collaboration avec l'ennemi, l'avait inscrit  sur sa liste noire -  , Armand Robin leur envoya une lettre au vitriol dont on ne trouve guère l'équivalent que chez les Hussards, dont Christain Millau ("Au Galop des Hussards", - de Fallois -1999) a écrit l'épopée. Ceux qui n'avaient pas la conscience (de gauche) très tranquille cherchaient à se blanchir en attaquant les autres : la meilleure défense n'est-elle pas l'attaque? ET ceux qui avaient été "résistants " au Café  de Flore (Claude Morgan **), à l'Hotel rue Froidevaux (Sartre et S. de B.) ou réfugié à Carcassonne (Benda)  ou à Nice (Aragon) réclamaient  des peines de morts , d'emprisonnement ou d'indignité nationale ! Les Allemands partis, la Terreur continuait sous une autre forme (5000 condamnations à mort, dit-on, sans parler des femmes tondues !).
**"Le silence de Giono  fut,  à lui seul,   un crime" (sic!)


Armand Robin – Le programme en quelques siècles (1945)



  On supprimera la Foi
Au nom de la Lumière,
Puis on supprimera la lumière.


On supprimera l’Âme
Au nom de la Raison,
Puis on supprimera la raison.



On supprimera la Charité
Au nom de la Justice,
Puis on supprimera la justice.




On supprimera l‘Amour
Au nom de la Fraternité,
Puis on supprimera la fraternité.




On supprimera l’Esprit de Vérité
Au nom de l’Esprit critique,
Puis on supprimera l’esprit critique.




On supprimera le Sens du Mot
Au nom du Sens des mots,
Puis on supprimera le sens des mots.



On supprimera le Sublime
Au nom de l’Art,
Puis on supprimera l’art.


On supprimera les Écrits,
Au nom des Commentaires,
Puis on supprimera les commentaires.


On supprimera le Saint
Au nom du Génie,
Puis on supprimera le génie.


On supprimera le Prophète
Au nom du Poète,
Puis on supprimera le poète.


On supprimera l’Esprit
Au nom de la Matière,
Puis on supprimera la matière.


AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L’HOMME;
ON SUPPRIMERA LE NOM DE L’HOMME;
IL N’Y AURA PLUS DE NOM.
NOUS Y SOMMES.

***

Armand Robin (1912-1961)Poèmes indésirables (1945)











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