dimanche 9 juin 2013

Lettres d'un maître soufi - Le sheikh Al-'Arabi Ad-Darqâwî - Traduit par Titus Burckhardt - Lettre 57 - "Mon serviteur ne cesse pas de s'approcher de Moi par des dévotions volontaires jusqu'à ce que Je l'aime; et lorsque Je l'aime, Je suis lui"

Traduit par Titus Burckhardt
Lettre 57


 
 
 
 
 
 
Enfin, mes frères, je vous recommande vivement - et "la religion, c'est le conseil sincère"' - de ne pas délaisser le souvenir (dhikr) 2 de votre Seigneur, ainsi qu'Il vous l'a ordonné, "debout, assis et couchés sur vos flancs" (Coran, IV, 104) et en tout état, car nous n'avons besoin que de cela, nous, vous et tout homme, quel qu'il soit.

Ecoutez ce que je vais vous dire et ne l'oubliez pas, ne le prenez pas à la légère et ne le négligez pas: au cours des environ cinquante-cinq ans passés j'ai dit à maints frères: chaque homme d'entre les hommes a de multiples besoins, mais en réalité ils n'ont tous besoin que d'un seule chose, à savoir de se souvenir de Dieu vraiment; s'ils ont acquis cela, aucune chose ne leur manquera, qu'ils la possèdent ou qu'ils ne la possèdent pas.

Bien du temps après avoir dit cela, j'ai lu dans le commentaire de l'imâm Abul-Qâsim al-Qushairi sur les plus beaux noms de Dieu qu'un disciple dit à son maître: "Ô maître, et la nourriture?" Le maître répondit: Dieu!" Le disciple insista: "Il nous faut absolument de la nourriture", sur quoi le maître répliqua: "Il nous faut absolument Dieu".
 
Plus tard encore, j'ai trouvé ceci dans les Hikam de Ibn 'Atâï-Llâh: "Que peut-il trouver, celui qui ne T'a pas trouvé? Et que manque-t-il à celui qui T'a trouvé? Quiconque se satisfait d'une chose en échange de Toi, périt, et quiconque désire autre chose à Ta place, se perd".

 
1 Hadith.

2 On se rappellera que l'expression dhikr, que nous traduisons ici par souvenir, comporte les significations de mention, d'invocation, d'anamnèse au sens platonicien du terme.

 
 
Sans faute, sans faute, maintenez-vous fermement dans le souvenir de votre Seigneur, comme Il vous l'a ordonné et cramponnez-vous à votre religion de toutes vos forces; Dieu ouvrira les yeux de votre intelligence et illuminera votre conscience intime. Et gare à vous que vous pensiez que l'homme qui se souvient de Dieu vraiment puisse ne pas s' en contenter: ne croyez pas cela, car c'est impossible.

Sachez (que Dieu vous soit miséricordieux) que je m'attendais à ce qu'un faqir parmi mes amis me demande: d'où tiens-tu cette parole: "Chaque homme d'entre les hommes a de multiples besoins, mais en réalité, ils n'ont tous besoin que d'une seule chose, à savoir de se souvenir de Dieu vraiment; s'ils ont acquis cela, aucune chose ne leur manquera, qu'ils la possèdent ou qu'ils ne la possèdent pas". Mais personne ne m'a posé cette question. Or, si l'on m'avait
demandé, j'aurais répondu ceci: dans ma jeunesse, environ dix ans après la maturité', je perça d'un seul coup à la présence de mon Seigneur, et voici que je n'étais plus moi, comme je l'avais été auparavant, car Dieu remplaça mon impuissance par Sa puissance, ma faiblesse par Sa force, ma pauvreté par Sa richesse, mon ignorance par Sa connaissance, mon abaissement par Sa gloire, c'est-à-dire, Il recouvrit ma qualité de la Sienne, de sorte que j'étais
Lui, et non plus moi, selon la parole divine 2 rapportée par le Prophète (que Dieu le bénisse et lui donne la paix):

"Mon serviteur ne cesse pas de s'approcher de Moi par des dévotions volontaires jusqu'à ce que Je l'aime; et lorsque Je l'aime, Je suis lui" 3. Parmi d'autres choses qui me furent données, ma science s'approfondit tellement que si l'on me posait mille fois mille questions 4, je saurais y répondre justement, car je suis devenu comme un luminaire dont la clarté ne diminuerait guère si l'on allumait de lui tous les luminaires existants. Et Dieu est garant de ce que nous disons; Dieu est garant de ce que nous disons; Dieu est garant de ce que nous disons.

 
1 Que l'on compte à partir de la puberté et qui entraîne la responsabilité morale et l'obligation d'accomplir les rites prescrits àtout musulman.

2 Hadith qudsî.

3 Une version plus généralement connue est celle-ci: "Mon serviteur ne cesse pas de s'approcher de Moi par des dévotions volontaires jusqu'à ce que Je l'aime et lorsque Je l'aime, Je suis l'ouïe avec laquelle il entend, l'oeil avec lequel il voit et la main avec laquelle il saisit et s'il Me demande quelque chose, Je la lui donnerai certainement

4 Il s'agit évidemment de questions concernant les réalités spirituelles.

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