(Cheikh Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Kitâb al-wasâyâ, traduit de l’arabe par Mohamed al-Fateh : Paroles en Or, édition Iqra).
Observe
fidèlement ce que Dieu t’a prescrit comme obligations selon les
modalités qu’Il t’a ordonné
de respecter. Lorsque tu observes parfaitement l’accomplissement de
tes obligations
– et l’accomplissement parfait est une obligation pour toi – tu
peux te consacrer alors,
dans l’intervalle entre deux obligations, aux oeuvres
surérogatoires sans limitation quant
à leur nombre. Surtout ne sous estime aucune de tes oeuvres, car
Dieu ne l’a pas méprisée
au moment de la créer et de l’existencier. Il ne t’a confié
aucun ordre sans lui accorder
du soin et de la considération en te le confiant, même s’il y a
auprès de Lui un ordre
plus important sur le plan hiérarchique. En effet, tu es le lieu
d’inhérence pour l’existence
de ce qu’Il t’a chargé d’accomplir dans la mesure où cette
charge ne concerne que
les actes de ceux qui ont reçu cette obligation. Ainsi cette charge
se rapporte à celui qui l’assume
sous le rapport de son acte et non sous le rapport de son entité
concrète.
Sache
que lorsque tu observes fidèlement les oeuvres obligatoires, tu te
rapproches de Dieu par
ce qui Lui est le plus agréable, parmi les choses qui rapprochent de
Lui. Une fois que tu assumes
cette qualité, tu deviens l’ouïe de Dieu et Sa vue : Il n’entend
et ne voit que par toi. C’est
que la Main de Dieu est ta main : « Ceux
qui te prêtent un serment d’allégeance ne font
que prêter serment à Dieu. La Main de Dieu est posée sur leurs
mains. » (Coran, 48/10) ; et
leurs mains1 -
en tant que la Main de Dieu – sont sur leurs mains – en tant que leurs
mains -. C’est qu’il s’agit d’un serment d’allégeance où
Dieu est l’Agent. Donc leurs mains
sont la Main de Dieu ; c’est à travers leurs mains que Dieu a
prêté serment d’allégeance
et ce sont eux qui reçoivent l’allégeance. Et toutes les causes
représentent la main
de Dieu qui a le pouvoir effectif d’existencier les causes. Cela
constitue, d’ailleurs, l’amour
grandiose à propos duquel aucun Texte scripturaire aussi clair n’a
été mentionné comme
dans le cas des oeuvres surérogatoires. C’est que l’observance
régulière et fidèle des
oeuvres surérogatoires implique un amour divin parfaitement confirmé
du fait que Dieu est
l’ouïe du serviteur et sa vue, à l’inverse de ce qu’il en est
dans l’amour de l’accomplissement
des oeuvres obligatoires. En effet dans les oeuvres obligatoires
réside la servitude
par nécessité qui est la source et le fondement, et dans les
ramifications – à savoir les
oeuvres surérogatoires – réside la servitude facultative où Dieu
est ton ouïe et ta vue.
D’ailleurs,
on a appelé ces oeuvres surérogatoires (nawafil)
parce qu’ils sont un plus et un excédent,
de la même manière que tu es, de par ton origine, un plus dans
l’Existence, car Dieu
était alors que tu n’étais pas. Ensuite tu es venu à l’être
et l’existence instaurée augmenta.
Tu es donc un nafl
(supplémentaire,
surérogatoire) dans l’Existence de Dieu. Il te faut
donc une oeuvre appelée nafl
(surérogatoire), ce
qui constitue ton origine. Et il faut une oeuvre
appelée obligation qui représente l’existence, et ceci fait
partie de l’Existence de Dieu.
Ainsi,
en accomplissant ce qui est obligatoire, tu es à Lui ; et en
observant ce qui est surérogatoire,
tu es à toi. Or Son amour pour toi sous le rapport où tu es à Lui
est plus intense
et immense que Son amour pour toi sous le rapport où tu es à toi.
Du reste, on rapporte
dans une Tradition authentique que Dieu – qu’Il soit éxalté –
dit : « Jamais Mon serviteur
ne s’est rapproché de Moi par quelque chose qui M’est plus
agréable que ce que
Je lui ai prescrit. Et Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi
par les oeuvres
surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime. Et lorsque Je l’aime
Je suis son ouïe par
laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec
laquelle il saisit et son pied
avec lequel il marche. Et s’il M’adresse ses demandes, Je le
comble ; et s’il implore
Ma protection, Je le protège. Et je n’ai jamais hésité devant
une chose que Je fais
comme lors de Mon hésitation devant l’âme de Mon serviteur
croyant : il déteste la mort
et Moi Je déteste lui faire du mal ».
Considère donc le fruit de l’amour divin et attache-toi
à accomplir ce qui fonde l’existence de cet amour. Or l’oeuvre
surérogatoire n’est fondée
que si elle est observée après l’accomplissement de l’oeuvre
obligatoire. Puis l’oeuvre surérogatoire
comporte en elle-même des obligations et des actes surérogatoires.
Et les obligations
qu’elle comporte parachèvent les oeuvres prescrites. Il est
rapporté dans le hadith authentique
que Dieu – qu’Il soit exalté – dit : « Regardez
si Mon serviteur a accompli sa prière
parfaitement ou imparfaitement ».
Si elle est complète, on l’inscrit en sa faveur comme
parfaite ; si elle est imparfaite Dieu dit : « regardez
si Mon serviteur a des oeuvres surérogatoires ». S’il en a,
Dieu – qu’Il soit exalté – dit : « Parachevez
pour Mon serviteur son
oeuvre obligatoire grâce à son oeuvre surérogatoire ».
Puis on applique ce principe à toutes
les oeuvres. Cela dit, les oeuvres surérogatoires ne le sont que si
elles ont leur fondement
dans les oeuvres obligatoires. Quant à ce qui n’a pas de fondement
dans les oeuvres
obligatoires, cela relève de la constitution d’une forme
d’adoration indépendante que
les
savants exotériques appellent innovation. Dieu – qu’Il soit
exalté – dit : « Et
la vie monastique
qu’ils ont inventée. »
(Coran, 57/27), et l’Envoyé de Dieu
l’a appelée «
une bonne
conduite » dont
celui qui l’a instaurée aura la rétribution conséquente ainsi
que la rétribution
de celui qui la pratiquera, jusqu’au Jour de la Résurrection, sans
que rien ne soit retranché
de leurs rétributions respectives.
Comme
l’oeuvre surérogatoire ne renferme pas assez de puissance pour
couvrir ce que couvre
l’oeuvre obligatoire, on a institué au sein de ce qui est nafl
(surérogatoire) des obligations
pour que les obligations soient réparées par les obligations en
vertu du fondement
commun, comme dans la prière surérogatoire. Ensuite ces oeuvres surérogatoires
comportent des obligations, comme le dhikr,
le ruku‘
(Inclinaison) (Ali : « génuflexion
» est le fait de plier les genoux, or on les plie pas lors de
l’inclination, mais seulement
lors de la prosternation) et le sujud
(Prosternation) bien
qu’elles soient fondamentalement
surérogatoires. Et ces actes et paroles à travers le dhikr,
le ruku‘
et le sujud constituent des
obligations au sein de ces oeuvres surérogatoires.
1 Il
s’agit là des mains des Prophètes et de leurs successeurs qui
sont les savants religieux bien guidés.
(Cheikh Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Kitâb al-wasâyâ, traduit de l’arabe par Mohamed al-Fateh : Paroles en Or, édition Iqra).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire