(René Guénon, Aperçus sur l’initiation, chap. VIII : De la transmission initiatique, p.53-60).
Nous
avons dit précédemment que l’initiation proprement dite consiste
essentiellement en la transmission d’une influence spirituelle,
transmission qui ne peut s’effectuer que
par le moyen d’une organisation régulière, de telle sorte qu’on ne
saurait parler d’initiation en dehors du rattachement à une telle
organisation. Nous avons précisé que la
« régularité » devait être entendue comme excluant toutes les
organisations pseudo-initiatiques, c’est-à-dire toutes celles qui,
quelles que soient leurs prétentions et de quelque
apparence qu’elles se revêtent, ne sont effectivement dépositaires
d’aucune influence spirituelle, et ne peuvent par conséquent rien
transmettre en réalité. Il est dès lors facile de comprendre
l’importance capitale que toutes les traditions attachent à ce qui
est comme la « chaîne » initiatique (1), c’est-à-dire à une succession
assurant d’une façon ininterrompue la
transmission dont il s’agit ; en dehors de cette succession, en
effet, l’observation même des formes rituéliques serait vaine, car il y
manquerait l’élément vital essentiel à leur
efficacité.
Nous
reviendrons plus spécialement par la suite sur la question des rites
initiatiques, mais nous devons dès
maintenant répondre à une objection qui peut se présenter ici : ces
rites, dira-t-on, n’ont-ils pas en eux-mêmes une efficacité qui leur est
inhérente ? Ils en ont bien une en effet,
puisque, s’ils ne sont pas observés, ou s’ils sont altérés dans
quelqu’un de leurs éléments essentiels, aucun résultat effectif ne
pourra être obtenu ; mais, si c’est bien là une condition
nécessaire, elle n’est pourtant pas suffisante, et il faut en outre,
pour que ces rites aient leur effet, qu’ils soient accomplis par ceux
qui ont qualité pour les accomplir. Ceci, d’ailleurs,
n’est nullement particulier aux rites initiatiques, mais s’applique
tout aussi bien aux rites d’ordre exotérique, par exemple aux rites
religieux, qui ont pareillement leur efficacité propre,
mais qui ne peuvent pas davantage être accomplis valablement par
n’importe qui ; ainsi, si un rite religieux requiert une ordination
sacerdotale, celui qui n’a pas reçu cette ordination aura beau
en observer toutes les prescriptions et même y apporter l’intention
voulue (2), il n’en obtiendra aucun résultat, parce qu’il n’est pas
porteur de l’influence spirituelle qui doit opérer en
prenant ces formes rituéliques pour support (3).
Même
dans des rites d’un ordre très inférieur et ne concernant que des
applications traditionnelles
secondaires, comme les rites d’ordre magique par exemple, où
intervient une influence qui n’a plus rien de spirituel, mais qui est
simplement psychique (en entendant par là, au sens le plus
général, ce qui appartient au domaine des éléments subtils de
l’individualité humaine et de ce qui y correspond dans le domaine «
macrocosmique »), la production d’un effet réel est conditionnée
dans bien des cas par une certaine transmission ; et la plus
vulgaire sorcellerie des campagnes fournirait à cet égard de nombreux
exemples (4). Nous n’avons d’ailleurs pas à insister sur ce
dernier point, qui est en dehors de notre sujet ; nous l’indiquons
seulement pour mieux faire comprendre que, à plus forte raison, une
transmission régulière est indispensable pour permettre
d’accomplir valablement les rites impliquant l’action d’une
influence d’ordre supérieur, qui peut être dite proprement
« non-humaine », ce qui est à la fois le cas des rites
initiatiques et celui des rites religieux.
Là
est en effet le point essentiel, et il nous faut encore y insister
quelque peu : nous avons déjà dit que la constitution
d’organisations initiatiques régulières n’est pas à la disposition
de simples initiatives individuelles, et l’on peut en dire exactement
autant en ce qui concerne les organisations religieuses,
parce que, dans l’un et l’autre cas, il faut la présence de quelque
chose qui ne saurait venir des individus, étant au-delà du domaine des
possibilités humaines. On peut d’ailleurs réunir ces
deux cas en disant qu’il s’agit ici, en fait, de tout l’ensemble des
organisations qui peuvent être qualifiées de véritablement
traditionnelles ; on comprendra dès lors, sans même qu’il y
ait besoin de faire intervenir d’autres considérations, pourquoi
nous refusons, ainsi que nous l’avons dit en maintes occasions, à
appliquer le nom de tradition à des choses qui ne sont que
purement humaines, comme le fait abusivement le langage profane ; il
ne sera pas inutile de remarquer que ce mot même de « tradition », dans
son sens originel, n’exprime rien
d’autre que l’esprit de transmission que nous envisageons
présentement, et c’est d’ailleurs là une question sur laquelle nous
reviendrons un peu plus loin.
Maintenant,
on pourrait, pour plus de commodité, diviser les organisations
traditionnelles en
« exotériques » et « ésotériques », bien que ces deux termes, si on
voulait les entendre dans leurs sens le plus précis, ne s’appliquent
peut-être pas partout avec une égale
exactitude ; mais pour ce que nous avons actuellement en vue, il
nous suffira d’entendre par « exotériques » les organisations qui, dans
une certaine forme de civilisation, sont
ouvertes à tous indistinctement et par « ésotériques » celles qui
sont réservées à une élite, ou, en d’autres termes, où ne sont admis que
ceux qui possèdent une
« qualification » particulière. Ces dernières sont proprement les
organisations initiatiques ; quant aux autres, elles ne comprennent pas
seulement les organisations spécifiquement
religieuses, mais aussi, comme on le voit dans les civilisations
orientales, des organisations sociales qui n’ont pas ce caractère
religieux, tout en étant pareillement rattachées à un principe
d’ordre supérieur, ce qui est dans tous les cas la condition
indispensable pour qu’elles puissent être reconnues comme
traditionnelles. D’ailleurs, comme nous n’avons pas à envisager ici les
organisations exotériques en elles-mêmes, mais seulement pour
comparer leur cas à celui des organisations ésotériques ou initiatiques,
nous pouvons nous borner à la considération des
organisations religieuses, parce que ce sont les seules de cet ordre
qui soient connues en Occident, et qu’ainsi ce qui s’y rapporte sera
plus immédiatement compréhensible.
Nous
dirons donc ceci : toute religion, au vrai sens de ce mot, a une
origine « non-humaine »
et est organisé de façon à conserver le dépôt d’un élément également
« non-humain » qu’elle tient de cette origine ; cet élément qui est de
l’ordre de ce que nous appelons les
influences spirituelles, exerce son action effective par le moyen de
rites appropriés, et l’accomplissement de ces rites, pour être valable,
c’est-à-dire pour fournir un support réel à
l’influence dont il s’agit, requiert une transmission directe et
ininterrompue au sein de l’organisation religieuse. S’il en est ainsi
dans l’ordre simplement exotérique (et il est bien entendu
que ce que nous disons ne s’adresse pas aux « critiques » négateurs
auxquels nous avons fait allusion précédemment, qui prétendent réduirent
la religion à un « fait humain »,
et dont nous n’avons pas à prendre l’opinion en considération, pas
plus que tout ce qui ne procède pareillement que des jugements
antitraditionnels), à plus forte raison devra-t-il en être de
même dans un ordre plus élevé, c’est-à-dire dans l’ordre ésotérique.
Les termes dont nous venons de nous servir sont assez larges pour
s’appliquer encore sans aucun changement, en remplaçant
seulement le mot de « religion » par celui d’ « initiation » ; toute
la différence portera sur la nature des influences spirituelles qui
entrent en jeu (car il y a
encore bien des distinctions à faire dans ce domaine, où nous
comprenons en somme tout ce qui se rapporte à des possibilités d’ordre
supra-individuelles), et surtout sur les finalités respectives
de l’action qu’elles exercent dans l’un et l’autre cas.
Si
pour nous faire mieux comprendre encore, nous nous référons plus
particulièrement au cas du Christianisme dans l’ordre religieux, nous
pourrons ajouter
ceci : les rites d’initiation, ayant pour but immédiat la
transmission de l’influence spirituelle d’un individu à un autre qui, en
principe tout au moins, pourra par la suite la transmettre
à son tour, sont exactement comparables sous ce rapport à des rites
d’ordination (5) ; et l’on peut même remarquer que les uns et les autres
sont semblablement susceptibles de comporter
plusieurs degrés, la plénitude de l’influence spirituelle n’étant
pas forcément communiquée d’un seul coup avec toutes les prérogatives
qu’elle implique, spécialement en ce qui concerne
l’aptitude actuelle à exercer telles ou telles fonctions dans
l’organisation traditionnelle (6). Or on sait quelle importance a, pour
les Eglises chrétiennes, la question de la « succession
apostolique », et cela se comprend sans peine, puisque, si cette
succession venait à être interrompue, aucune ordination ne saurait plus
être valable, et, par suite, la plupart des rites ne
seraient plus que de vaines formalités sans portée effective (7).
Ceux qui admettent à juste titre la nécessité d’une telle condition dans
l’ordre religieux ne devraient pas avoir la moindre
difficulté à comprendre qu’elle ne s’impose pas moins rigoureusement
dans l’ordre initiatique, ou, en d’autres termes, qu’une transmission
régulière, constituant la « chaîne » dont nous
parlions plus haut, y est tout aussi strictement indispensable.
Nous
disions tout à l’heure que l’initiation doit avoir une origine
« non-humaine », car, sans
cela, elle ne pourrait en aucune façon atteindre son but final, qui
dépasse le domaine des possibilités individuelles ; c’est pourquoi les
véritables rites initiatiques, comme nous l’avons
indiqué précédemment, ne peuvent être rapportés à des auteurs
humains, et, en fait, on ne leur connaît jamais de tels auteurs (8), pas
plus qu’on ne connaît d’inventeurs aux symboles
traditionnels, et pour la même raison, car ces symboles sont
également « non-humains » dans leur origine et dans leurs essence (9) ;
et d’ailleurs il y a, entre rites et symboles,
des liens fort étroits que nous examinerons plus tard. On peut dire
en toute rigueur que, dans des cas comme ceux-là, il n’y a pas d’origine
« historique », puisque l’origine réelle se
situe dans un monde auquel ne s’appliquent pas les conditions de
temps et de lieu qui définissent les faits historiques comme tels ; et
c’est pourquoi ces choses échapperont toujours
inévitablement aux méthodes profanes de recherche, qui, en quelque
sorte par définition, ne peuvent donner de résultats relativement
valables que dans l’ordre purement humain (10).
Dans
de telles conditions, il est facile de comprendre que le rôle de
l’individu qui confère l’initiation à un autre est bien
véritablement un rôle de « transmetteur », au sens le plus exact de
ce mot ; il n’agit pas en tant qu’individu mais en tant que support
d’une influence qui n’appartient pas à
l’ordre individuel ; il est uniquement un anneau de la « chaîne »
dont le point de départ est en dehors et au-delà de l’humanité. C’est
pourquoi il ne peut agir en son propre nom,
mais au nom de l’organisation à laquelle il est rattaché et dont il
tient ses pouvoirs, ou, plus exactement encore, au nom du principe que
cette organisation représente visiblement. Cela explique
d’ailleurs que l’efficacité du rite accompli par un individu soit
indépendante de la valeur propre de cet individu comme tel, ce qui est
vrai également pour les rites religieux ; et nous ne
l’entendons pas au sens « moral », ce qui serait trop évidemment
sans importance dans une question qui est d’ordre exclusivement
« technique », mais en ce sens que, même si
l’individu considéré ne possède pas le degré de connaissance
nécessaire pour comprendre le sens profond du rite et la raison
essentielle de ses divers éléments, ce rite n’en aura pas moins son
plein effet si, étant régulièrement investi de la fonction de
« transmetteur », il l’accomplit en observant toutes les règles
prescrites, et avec une intention que suffit à déterminer
la conscience de son rattachement à l’organisation traditionnelle.
De là dérive immédiatement cette conséquence, que même une organisation
où il ne se trouverait plus à un certain moment que ce
que nous avons appelé des initiés « virtuels » (et nous reviendrons
encore là-dessus par la suite) n’en demeurerait pas moins capable de
continuer à transmettre réellement l’influence
spirituelle dont elle est dépositaire ; il suffit pour cela que la
« chaîne » ne soit pas interrompue ; et, à cet égard, la fable bien
connue de « l’âne portant des
reliques » est susceptible d’une signification initiatique digne
d’être méditée (11).
Par
contre la connaissance même complète d’un rite, si elle a été obtenue
en dehors
des conditions régulières, est dépourvue de toute valeur effective ;
c’est ainsi, pour prendre un exemple simple (puisque le rite s’y réduit
essentiellement à la prononciation d’un mot ou
d’une formule), que, dans la tradition hindoue, le mantra qui a été appris autrement que de la bouche d’un guru
autorisé est sans effet, parce qu’il n’est pas
« vivifié » par la présence de l’influence spirituelle dont il est
uniquement destiné à être le véhicule (12). Ceci s’étend d’ailleurs, à un
degré ou à un autre, à tout ce à quoi est
attachée une influence spirituelle : ainsi, l’étude des textes
sacrés des textes sacrés d’une tradition, faite dans les livres, ne
saurait jamais suppléer à leur communication directe ;
et c’est pourquoi, là même où les enseignements traditionnels ont
été plus ou moins complètement mis par écrit, ils n’en continuent pas
moins à être l’objet d’une transmission orale, qui, en même
temps qu’elle est indispensable pour leur donner leur plein effet
(dès lors qu’il ne s’agit pas de s’en tenir à une connaissance
pleinement théorique), assure la perpétuation de la
« chaîne » à laquelle est liée la vie même de la tradition.
Autrement, on n’aurait plus affaire qu’à une tradition morte, à laquelle
aucun rattachement effectif n’est plus
possible ; et, si la connaissance de ce qui en reste d’une tradition
peut avoir encore un certain intérêt théorique (en dehors bien entendu,
de la simple érudition profane, dont la valeur
ici est nulle, et en tant qu’elle est susceptible d’aider à la
compréhension de certaines vérités doctrinales), elle ne saurait être
d’aucun bénéfice direct en vue d’une « réalisation »
quelconque (13).
Il s’agit si bien, en tout ceci, de la communication de quelque chose de
« vital », que dans l’Inde, nul disciple ne peut jamais s’assoir en face du guru, et cela afin d’éviter que l’action du prâna
qui est lié au souffle et à la voix, en
s’exerçant trop directement, ne produise un choc trop violent et
qui, par suite, pourrait n’être pas sans danger, psychiquement et même
physiquement (14). Cette action est d’autant plus puissante,
en effet, que le prâna lui-même, en pareil cas, n’est que le véhicule ou le support subtil de l’influence spirituelle qui se transmet du guru au disciple ; et le
guru, dans sa fonction propre, ne doit pas être considéré
comme une individualité (celle-ci disparaissant alors véritablement,
sauf en tant que simple support), mais uniquement comme le
représentant de la tradition même, qu’il incarne en quelque sorte
par rapport à son disciple, ce qui constitue bien exactement ce rôle de
« transmetteur » dont nous parlions plus
haut.
A lire aussi "Remarques sur les qualifications du « transmetteur » et la réalité de l’initiation virtuelle" par Olivier Courmes sur le site du Porteur de Savoir, ici
1) Ce mot « chaîne » est celui qui traduit l’hébreu shelsheleth, l’arabe silsilah, et aussi le sanscrit paramparâ, qui exprime l’idée d’une succession irrégulière et ininterrompue.
(2) Nous formulons expressément ici cette condition de l’intention pour bien préciser que les rites ne sauraient être un objet d’ « expériences » au sens profane de ce mot ; celui qui voudrait accomplir un rite, de quelque ordre qu’il soit d’ailleurs, par simple curiosité et pour en expérimenter l’effet, pourrait être bien sûr d’avance que cet effet sera nul.
(3) Les rites mêmes qui ne requièrent pas spécialement une telle ordination ne peuvent pas non plus être accomplis par tout le monde indistinctement, car l’adhésion expresse à la forme traditionnelle à laquelle ils appartiennent est, dans tous les cas, une condition indispensable de leur efficacité.
(4) Cette condition de la transmission se retrouve donc jusque dans les déviations de la tradition ou dans ses vestiges dégénérés, et même aussi, devons-nous ajouter, dans la subversion proprement dite qui est le fait de ce que nous avons appelé la « contre-inititation » - Cf. à ce propos Le Règne de la Quantité et les Signes du Temps, ch.XXXIV et XXXVIII.
(5) Nous disons « sous ce rapport », car, à un autre point de vue, l’initiation première, en tant que « seconde naissance », serait comparable au rite du baptême ; il va de soi que les correspondances que l’on peut envisager entre des choses appartenant à des ordres aussi différents doivent être forcément assez complexes et ne se laissent pas réduire à une sorte de schéma unilinéaire.
(6) Nous disons « aptitude actuelle » pour préciser qu’il s’agit ici de quelque chose de plus que la « qualification » préalable, qui peut être désignée aussi comme une aptitude ; ainsi, on pourra dire qu’un individu est apte à faire l’exercice des fonctions sacerdotales s’il n’a aucun des empêchements qui en interdisent l’accès, mais il n’y sera actuellement apte que s’il a effectivement reçu l’ordination. Remarquons aussi, à ce propos, que celle-ci est le seul sacrement pour lequel des « qualifications » particulières soient exigées, en quoi elle est encore comparable à l’initiation, à la condition bien entendu, de toujours tenir compte de la différence essentielle des deux domaines exotérique et ésotérique.
(7) En fait les Églises protestantes qui n’admettent pas les fonctions sacerdotales ont supprimé presque tous les rites, ou ne les ont gardé qu’à titre de simples simulacres « commémoratifs » ; et, étant donnée la constitution propre de la tradition chrétienne, ils ne peuvent en effet être rien de plus en pareil cas. On sait d’autre part à quelles discussions la question de la « succession apostolique » donne lieu en ce qui concerne la légitimité de l’Église anglicane ; et il est curieux de noter que les théosophistes eux-mêmes, lorsqu’ils voulurent constituer leur Église « libre-catholique », cherchèrent avant tout à lui assurer le bénéfice d’une « succession apostolique » régulière.
(8) Certaines attributions à des personnages légendaires, ou plus exactement symboliques, ne sauraient aucunement être regardées comme ayant un caractère « historique », mais confinent au contraire pleinement ce que nous disons ici.
(9) Les organisations ésotériques islamiques se transmettent un signe de reconnaissance qui, suivant la tradition, fut communiqué au Prophète par l’archange Gabriel lui-même ; on ne saurait indiquer plus nettement l’origine « non-humaine » de l’initiation.
(10) Notons à ce propos ceux qui, avec des intentions « apologétiques », insistent sur ce qu’ils appellent, d’un terme d’ailleurs assez barbare, l’ « historicité » d’une religion, au point d’y voir quelque chose de tout à fait essentiel et même d’y subordonner parfois les considérations doctrinales (alors qu’au contraire les faits historiques eux-mêmes ne valent vraiment qu’en tant qu’ils peuvent être pris comme symboles de réalités spirituelles), commettent une grave erreur au détriment de la « transcendance » de cette religion. Une telle erreur, qui témoigne d’ailleurs d’une conception assez fortement « matérialisée » et de l’incapacité à s’élever à un ordre supérieur, peut être regardée comme une fâcheuse concession au point de vue « humaniste » c’est-à-dire individualiste et antitraditionnel, qui caractérise proprement l’esprit occidental moderne.
(11)
Il est même à remarquer, à ce propos, que les reliques sont précisément
un
véhicule d’influences spirituelles ; là est la véritable raison du
culte dont elles sont l’objet, même si cette raison n’est pas toujours
consciente chez les représentants des religions
exotériques qui semblent parfois ne pas se rendre compte du
caractère très « positif » des forces qu’ils manient, ce qui d’ailleurs
n’empêche pas ces forces d’agir effectivement, même à
leur insu, quoique peut-être avec moins d’ampleur que si elles
étaient mieux dirigées « techniquement ».
(12)
Signalons en passant, à propos de cette « vivification », si l’on peut
s’exprimer ainsi, que la consécration des temples, des images et des
objets rituels a pour but essentiel d’en faire le réceptacle effectif
des influences spirituelles sans la présence desquelles
les rites auxquels ils doivent servir seraient dépourvus
d’efficacité.
(13) Ceci complète et précise encore ce que nous disions de la vanité d’un prétendu
rattachement « idéal » aux formes d’une tradition disparue.
(14) Là est aussi l’explication de la disposition
spéciale des sièges dans une Loge maçonnique, ce dont la plupart des maçons actuels sont assurément bien loin de se douter.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire