lundi 17 décembre 2012

Lettres d'un maître soufi-Le sheikh Al-'Arabi Ad-Darqâwî - Traduit par Titus Burckhardt - Lettre 10 - " Frappe ta propre âme (nafs); et ne cesse pas de la frapper jusqu'à ce qu'elle meure !"


 
 
 
Traduit par Titus Burckhardt
 
Lettre 10
 
 
Vous ne pouvez pas concevoir que le faqîr soit détaché de toutes choses et qu'il ne soit pas dans la présence de Dieu; c'est impossible, car celui dont l'aspiration spirituelle s'élève au-dessus des choses créées, atteint le Créateur, et L'atteindre, c'est Le connaître. Quittez donc résolument toutes les choses sur lesquelles vous vous reposiez, quelles qu'elles soient, et ne vous y fiez pas.

"Quiconque se contente, en échange, d'autre que Toi, périt.

Et qui tend vers ce qui est loin de Toi, se perd. Toute chose que tu quittes, peut être remplacée, Mais il n'y a pas pour Dieu, si tu Le quittes, de remplaçant."

Sachez que j'étais avec mon frère en Dieu, le pieux et noble Hassani Abul-'Abbâs Ahmed at-Tâhir (que la Miséricorde de Dieu soit sur lui) dans la mosquée al-Qarawiyin, et nous étions tous les deux intensément plongés dans la contemplation. Et voilà que soudainement mon compagnon se laissa distraire ou disons: s'affaiblir - jusqu'à ce qu'il tomba dans le bavardage comme le commun des gens. Alors je lui dis brusquement et en colère: "Si tu veux gagner, frappe et jette!" Je dis également à un certain frère: "Ne frappe ni juif, ni chrétien, ni musulman, mais frappe ta propre âme (nafs), et ne cesse pas de la frapper jusqu'à ce qu'elle meure!" Et sans faute, sans faute, vous aussi, mes frères, rejetez le bavardage entièrement, car c'est une des pires tentations et ne convient pas à votre station ni à votre état spirituels. Et ne mentionnez les gens qu'en bien, car n a pas de gratitude envers Dieu qui n'a pas de gratitude envers les hommes". comme dit le Prophète (sur lui la bénédiction et la paix). Nous constatons d'ailleurs - et Dieu est plus savant - que celui qui ne considère pas les hommes, c'est-à-dire, qui les ignore, ne contemple non plus Dieu d'une manière parfaite, car le parfait c'est celui auquel la créature ne cache pas le Créateur ni le Créateur la créature; la connaissance distinctive ne lui cache pas la connaissance unitive, ni celle-ci celle-là; l'effet ne lui cache pas la cause, ni la cause l'effet, la loi religieuse (sharr'ab) ne lui cache pas la vérité spirituelle (haqiqah) ni la vérité spirituelle la loi religieuse;la méthode (suluk) ne lui cache pas l'attraction intérieure (jadhb), ni l'attraction intérieure la méthode, et ainsi de suite; c'est lui qui a réalisé le but; il est le parfait, le gnostique; tandis que son opposé c'est l'égaré; nous ne parlons pas du fou de Dieu (majdhûb) qui a été ravi hors de ses sens, car celui-ci n'est point égaré2.
 
 
I al-himmah : la volonté spirituelle, la résolution qui tranche avec la passion mondaine
2 Le majdhûb 1"'attiré" par le jadhb (l'attraction) divine, c'est le spirituel dont l'esprit est continuellement absent du plan des sens et de la raison, de sorte qu'il apparaît comme un fou ou un somnambule.

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