d'après des sources suédoises
I)
Le texte d'Axel Gauffin (Människan, Mystikern, Mâlaren -Stockolm, 2 volumes,
1940-41) :
On peut se demander pourquoi un ouvrage aussi passionnant et aussi
enrichissant n'a pas été traduit plus tôt. On pourrait invoquer l'indifférence
polie du continent européen pour tout ce qui n'est pas langue de conquérant, de
même que l'ignorance française pour toute langue non enseignée au lycée...En
fait, à part la fameuse conspiration du silence qui entoura tout ce qui
touchait René Guénon en son temps, il y a une raison beaucoup plus simple : la
traduction de ce document en français est rendue difficile par l'insertion dans
le texte suédois de nombreuses incises en arabe voire en italien; last but not
least, Ivan Aguéli use de tous les registres possibles : ses lettres sont
émaillées de citations en diverses langues (français, norvégien, hollandais,
anglais, allemand , hébreu, chinois, japonais...), d'annotations en divers
alphabets (arabe, russe, tibétain, tamoul...), d'allusions culturelles
exotiques et ésotériques, et de mentions de noms de contemporains dans tous les
domaines des connaissances humaines, qui exigent du traducteur un éclectisme
étendu et assez éprouvant . A moins de faire le siège de tous les linguistes
d'Europe, il faut donc être déjà soi-même un polyglotte et linguiste accompli.
Ce n' est pas à la portée du premier débutant venu .
Quant à la langue suédoise, elle ne se comprend pas sans une longue
habitude de ce que nous appellerons la mentalité germano-scandinave (« Des
Volkes Seele lebt in seiner Sprache » - Goethe). Le suédois est une
vieille langue gothique qui, malgré diverses réformes orthographiques a gardé
un aspect archaïque, ce qui en fait d'ailleurs son charme et son attrait
principal (1). C'est une langue très nuancée, très belle, à la grande richesse
vocalique mais à la syntaxe assez confuse pour qui est plus familier des
structures classiques (mais pesantes) de l'allemand. Une certaine anarchie dans
la construction des phrases ne facilite pas la compréhension , la traduction
s'en ressent. On n'est pas au bout de ses peines quand on entreprend la
traduction du texte de Gauffin - transposition serait plus juste, car, si le
suédois se transcrit assez aisément et directement en allemand , il faut une
bonne dose de patience pour obtenir un résultat satisfaisant en français.(2) Et
dès le début, nous avions d'ailleurs projeté de traduire directement Gauffin en
allemand plutôt qu'en français! Faut-il préciser que le fait de parler ou non
le suédois n'a quasiment aucune incidence sur les compétences du traducteur.
Il s'agit d'un travail colossal : 2 tomes, 534 pages grand format, (dont
beaucoup en petits caractères représentent le double : notamment les lettres
d'Aguéli à ses amis, sa mère (3)..etc..), des reproductions abondantes, une
liste des oeuvres picturales d' Aguéli, un index des noms : on aimerait trouver
en France le même art consommé de la biographie, genre où excellent depuis
longtemps les Anglo-Saxons.
En traduction intégrale, le texte de Gauffin représenterait près de 700 pages (sans
compter la reproduction des portraits, photographies, croquis et toiles
d'Aguéli et d'autres peintres suédois). Alors, qu'on ne s'étonne pas que notre
traduction manuscrite attende encore l' Editeur qui aura le courage d'éditer
cette somme !
1. Certains termes,
certaines expressions, ainsi que l'orthographe et la conjugaison, sont de la
fin du 19è siècle (avant la n. ième réforme officielle de l'orthographe ) et
ont exigé le recours à d'anciens dictionnaires « allemand-suédois »
quasiment introuvables en France. Le suédois est, un peu comme le français, une
langue pleine d'homonymes et d'homographes, de « faux-amis » qui ne
facilitent pas la tâche
2. Rappelons à ce propos
qu'Aguéli n'est pas un romancier, mais un homme remarquablement doué, authentiquement
initié aux doctrines de l'Orient et que parfois, il sait garder son secret :
impossible de le lire comme une simple oeuvre littéraire profane. En un mot, il
est incompréhensible sans le recours aux notions traditionnelles remises en
lumière par son « disciple » et maître à la fois René Guénon.
La parenté de leur lexique respectif est parfois troublante.- Des Suédois
cultivés nous ont avoué qu'ils avaient des difficultés à lire Aguéli, vu le
niveau du texte;
3. Ainsi, beaucoup de
lettres intégrales d'Aguéli constituent toujours un extraordinaire témoignage
« ethnographique » sur le Paris 1900 et ses milieux
politico-artistiques, l'Egypte au début du siècle, l'Inde musulmane du sud
(dont on ne parle jamais) et une foule de noms d'artistes, d'écrivains,
d'hommes de tout premier plan, aux premiers pas desquels on assiste, étonné et
intéressé (Picasso, Apollinaire, les Fauvistes, Tchiang Kai Shek. le député
Clemenceau...etc)
II)
Le Biographe:
Axel Gauffin porte un vieux nom français, chose qui n'est pas rare
depuis que le Maréchal français Bernadotte prit la couronne du Royaume (qu'on
lui avait offerte!) en 1818 : il avait déjà été désigné comme « Prince de
Suède « dès 1810.
Gauffin est né le 1er juillet 1877 à Kristianstad et décédé à Stockholm
le 26 janvier 1964, à l'âge de 86 ans.
Il s'inscrivit à l'université de Lund en 1895, dans la section
Philosophie, et de 1899 à 1902, dans la section Esthétique et Linguistique, et
obtint une licence de philosophie en 1908 pour devenir assistant puis soutint
sa thèse à Lund la même année et obtint le grade de Dr en Philosophie en 1909.
En 1910 il poursuivit ses études à l'Université de Berlin. Il finit
Conservateur en chef du Musée National (1925-1942). Plus tard, il viendra en
France , juste avant la guerre, pour interroger tous les témoins de la vie
d'Aguéli (et même Paul Léautaud qui s'en fichait éperdument !)
Axel Gauffin connaissait indirectement Aguéli par C.Wilhelmson. Il lui
écrira en Egypte pour connaître la biographie d'O. Sager-Nelson, alias
« Montparno » qui s'était suicidé vers 1915. Gauffin est d'ailleurs
cité dans une lettre d'Aguéli de 1916 (T.II,p.266). Mais le premier contact
visuel avec l'oeuvre ne fut pas favorable à l'artiste (exposition de 1912), et
Gauffin reconnaitra : « Même moi, je dois avouer à ma grande honte
que, dans mon compte rendu de l'exposition pour le « Journal de
Stockholm », si j'ai bien cité le nom d'Aguéli, c'était seulement en
passant, et d'une manière qui montre que, il y a 28 ans [écrit en 1940], je n'
étais pas capable de comprendre cet art. Il ne fallut pas longtemps pour que je
voie ces toiles avec d'autres yeux... »(Axel Gauffin, tome II, chap.VII).
Pour finir, il nous faut dire tout ce que l'on doit à Axel Gauffin qui a fait
un travail de documentation, de mise en ordre cohérent et de recherche dans
divers pays et bibliothèques nécessaires, remarquable à tous points de vue.
Il nous faut rendre hommage à sa connaissance de la France, de sa culture et de
sa langue. Sans Axel Gauffin, bien des points obscurs de la vie traditionnelle,
en général, et parisienne en particulier, d'une grande importance pour nous,
seraient restés à jamais incompréhensibles.
III
Le texte de Viveca Wessel (née en 1945): »Porträtt av en
rymd »(Stockholm , 1988) :
Cet ouvrage est intéressant surtout pour son iconographie et des
reproductions de textes en arabe, écrits de la main d'Aguéli , ainsi que des
lettres. Mais on n'y trouve pas de données de l'importance de celles que
Gauffin a collectées avec soin et méthode . Il se compose de 3 parties:
1. -le symboliste
2. -le soufi
3. -l'art pur.
Pour la 2è partie, on sent que Mme Wessel a bénéficié de l'aide de
Cheykh Ahmad Vâlsan (1946-2016), fils aîné de Cheykh Mustafa, ce qu'elle
reconnaît in fine, p.192.
IV):
« En roman om frihet »(un roman de la liberté), par Torbjörn Säfve,
Stockholm, 1981/1989
Ce bouquin cité récemment (mais que nous possédons depuis longtemps) est
un roman et ne présente aucun intérêt , ni documentaire, ni intellectuel et on
se demande comment on peut le citer à côté de nos travaux, sérieux et
approfondis, les seuls en France et en français qui existent sur Aguéli depuis
1998, soit-dit sans fausse modestie!
V)Auteurs
autres que Suédois:
1°) Enrico Insabato (1878-1963) :
1. Der erlöschende
Halbmond»,avec l'aide d'A.Ular (1876 -1920?), Frankfurt, 1909.(en allemand)
Cet ouvrage agacera beaucoup Aguéli qui
reconnaissait dans la documentation un pillage de ses travaux, sans qu'il y
soit cité.
2. « L'Islam & la
Politique des Alliés » (Berger-Levrault, Paris,1917/1920 – parution
retardée par la censure du Ministère des Affaires Etrangères).
Dans cet ouvrage, publié courageusement après la disparition d'Aguéli,
Insabato affichait cyniquement sa duplicité, car il travaillait pour son
ministre Giolitti et non pour le Califat d'Istamboul; il avouait avoir simulé
la conversion à l'Islam pour mieux espionner le monde arabe qu'il avait pour
mission de ramener sous l 'influence italienne (: il y avait déjà des visées colonialistes
sur la Libye et l'Ethiopie – dans ces guerres italiennes mourra le propre fils
de l'ami de Guénon, Guido di Giorgio (1890-1957).
Il reste encore quelques auteurs suédois qui ne sont pas sans mérite
comme « I tjänst hos det enda »,par K.Almkvist, Stockolm, 1977; mais
ils sont sans commune mesure avec le travail monumental de Gauffin
Jean Foucaud (oct. 1989 / révision :janvier 2018)
PS: Nous ne reconnaissons aucune compétence à des auteurs comme Denis
Andro qui, dans son article « Es-Sirr.Engagement libertaire, peinture et
Tradition », cite des auteurs de seconde main, grâce au « copier-coller », sans
aucune recherche personnelle, au point qu'à l'époque, en lisant sa note (29),
nous avions noté en marge :
« note d'un ignorant ou d'un homme de mauvaise foi, à la limite du
plagiat. Aucune recherche personnelle et ses références sont ineptes ; ainsi JP
Laurant n'a jamais publié d'étude sur Aguéli. Quant à F.Tessier, son article
dans la Revue LRA est un plagiat plein d'erreurs de nos articles dans VLT, ce
qui nous obligea à l'époque à protester auprès du Dr de
la revue , Patrick Geay (alias Guillaume Pernelle!) qui ne voulut rien savoir !
Quel milieu que le micrososme "ésotérique". Citer ces auteurs comme
références "aguéliennes" relève de l'imposture .
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"Ce qui est amusant ,c'est de voir l'essai de récupération tardif
de la "mine d'or" que représente Aguéli, que l'on a
"snobbé " pendant des années, au point que la prestigieuse Revue
"Science Sacrée (7 n°, de 2001 à 2004) n'a
jamais cité une seule fois nos études (à l'époque sur VLT) .
Evidemment, il aurait fallu lire et traduire en entier (comme nous l'avons fait
depuis longtemps) les 534 grandes pages de Gauffin, et ces gens-là, en étant
incapables, ont préféré me passer honteusement sous silence : bel exemple de
l'objectivité "scientifique " dans la recherche désintéressée des
néo-soufistes actuels ! Curieusement, cette attitude était aussi celle d'un
obscur historien (JP Laurant), devenu maintenant leur adversaire ! Quel panier
de crabes !
Nous nous contenterons de répéter ce que disait CHeykh Mustafa :
"Il n'y a pas de pires humiliations que l'on ne subisse dans ces
milieux à prétentions initiatiques et ésotériques".
Assalamu alaykum wa rahmatullah
RépondreSupprimerL'auteur cite "des reproductions de textes en arabe, écrits de la main d'Agueli".
Serait-il possible d'en avoir la reproduction avec les indications données en marge en suédois ?
Barak Allahu fik
"Vous n'êtes pas le premier à me demander cela .Mais le texte est en arabe et je n'ai pas de scanner ;d'ailleurs il ne s'agit pas de simples "qasâ'id" et ça ne concerne que la tariqa shadhiliya"; ce genre de texte soufi ne s'accommode pas de publicité ,sauf les textes extraits d'Ibn 'Arabi. Mais pour que des chercheurs pointilleux ne m'accusent pas d'inventer ces textes, j'ai été obligé d'en donner la référence (j'aurais préféré m'en passer !) Désolé de vous décevoir.
SupprimerWa 'alaykum al-salam !