jeudi 27 octobre 2011

Les Signes de la Fin du Monde. Cheikh Rafi' Ousmâni.


 




Dans le vocabulaire islamique, le terme "Quiyâmah" se réfère à la Fin du Monde, qui aura lieu au moment où l'Ange Isrâfil (alayhis salâm), obéissant à l'ordre d'Allah, soufflera dans la Trompe ("Soûr"). Cela produira un son terrible, qui fera trembler la Création entière. C'est au sujet de ce Jour que le Qour'aane dit:

"Ô hommes ! Craignez votre Seigneur. Le séisme [qui précédera] l'Heure est une chose terrible . Le jour où vous le verrez, toute nourrice oubliera ce qu'elle allaitait, et toute femelle enceinte avortera de ce qu'elle portait. Et tu verras les gens ivres, alors qu'ils ne le sont pas. Mais le châtiment d'Allah est dur."



(Sourate 22 / Versets 1-2)

Ce son ne cessera de s'amplifier jusqu'à ce que tous les êtres vivants, visibles (comme les hommes, les animaux…) ou invisibles (anges, djinns…), soient exterminés; à la suite de quoi, les montagnes seront détruites; la terre, les autres planètes et les étoiles seront annihilées. L'ensemble des galaxies et l'Univers entier cesseront alors d'exister. Seul Allah, le Majestueux et Tout Puissant subsistera dans toute Sa Grandeur. Les passages suivants du Qour'aane décrivent de façon terrifiante ce moment:

"Tout ce qui est sur elle [la terre] doit disparaître, [Seule] subsistera La Face [Wajh] de ton Seigneur, plein de majesté et de noblesse."



(Sourate 55 / Versets 26-27)



"Quand la terre sera secouée violemment, et les montagnes seront réduites en miettes, et qu'elles deviendront poussière éparpillée"



(Sourate 56 / Versets 4-6)



"Le fracas ! Qu'est-ce que le fracas ? Et qui te dira ce qu'est le fracas ? C'est le jour où les gens seront comme des papillons éparpillés, et les montagnes comme de la laine cardée…"



(Sourate 101 / Versets 1-5)



"Le jour où Nous plierons le ciel comme on plie le rouleau des livres."



(Sourate 21 / Verset 104)



"Puis, quand d'un seul souffle, on soufflera dans la Trompe, et que la terre et les montagnes seront soulevées puis tassées d'un seul coup; Ce jour-là alors, l'Événement se produira, et le ciel se fendra et sera fragile, ce jour-là."



(Sourate 69 / Versets 13-16)

Après quoi, Allah créera à nouveau la terre et les cieux, puis ressuscitera les être vivants pour le Jugement Dernier ("Al Hisâb"). C'est toujours le Qour'aane qui nous rappelle ceci en ces termes:


"…au jour où la terre sera remplacée par une autre, de même que les cieux et où (les hommes) comparaîtront devant Allah, l'Unique, Le Dominateur Suprême."



(Sourate 14 / Verset 48)



"Tout comme Nous avons commencé la première création, ainsi Nous la répéterons; c'est une promesse qui Nous incombe et Nous l'accomplirons !"



(Sourate 21 / Verset 104)



"Il interroge : "A quand, le Jour de la Résurrection ? " Lorsque la vue sera éblouie, et que la lune s'éclipsera, et que le soleil et la lune serons réunis, l'homme, ce jour-là, dira : "Où fuir ? " Non ! Point de refuge ! Vers ton Seigneur sera, ce jour-là, le retour. L'homme sera informé ce jour-là de ce qu'il aura avancé et de ce qu'il aura remis à plus tard."



(Sourate 75 / Versets 6-13)

Tous les Prophètes (alayhimous salâm) d'Allah sans exception ont annoncé à leur peuple respectif la Fin du Monde, le "Quiyâmah". Cependant, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a enseigné à sa communauté que l'Heure était maintenant relativement proche. Il affirmait: "J'ai été envoyé, alors que le moment qui me sépare de l'Heure est comparable à ces deux doigts." (Boukhâri, Mouslim) En disant cela, il joignait son index et son majeur. La comparaison portait sur la petite différence de longueur entre les deux doigts. Allah annonçait déjà au moment de la venue du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) :

"L'Heure approche et la lune s'est fendue."



(allusion est faite dans ce verset au miracle qu'avait réalisé le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) en fendant la lune sur un signe du doigt.)



(Sourate 54 / Verset 1)

Il est à noter qu'aucune Créature ne connaît avec exactitude le moment exact de la Fin du Monde. Ni le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), ni même Djibraïl (alayhis salâm) ne possédaient cette information. En effet, lorsque l'ange Djibrail (alayhis salâm) vint rencontrer le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) à la fin de sa vie sous apparence humaine afin de lui poser certaines questions (comme cela est relaté dans le "Hadith Djibraïl" rapporté par Boukhâri et Mouslim, entre autres), il lui questionna au sujet de l'Heure. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) répondit: "Celui qui a été questionné n'en sait pas plus à ce sujet que celui qui l'a interrogé." Par ailleurs, le Qour'aane proclame clairement que le moment exacte du Jour Dernier fait partie des Mystères dont Allah est le Seul à connaître.

"La connaissance de l'Heure est auprès d'Allah"



(Sourate 31 / Verset 34)

Un chose est sûre, la Fin du Monde arrivera brusquement, comme en témoigne le Qour'aane:

Ils t'interrogent sur l'Heure : "Quand arrivera-t-elle ? " Dis : "Seul mon Seigneur en a connaissance. Lui seul la manifesta en son temps. Lourde elle sera dans les cieux et (sur) la terre et elle ne viendra à vous que soudainement."



(Sourate 7 / Verset 187)



" Et l'ordre [concernant] l'Heure ne sera que comme un clin d'œil ou plus bref encore ! "



(Sourate 16 / Verset 77)

Cependant, les Prophètes (alayhimous salâm) ont tous donné à leur communauté un certain nombre de signes qui précèderont l'Heure et qui annonceront sa venue, et ce, afin que les gens s'y préparent, qu'ils ne se laissent pas sombrer dans l'oubli et l'insouciance, emportés par les passions éphémères de la vie présente. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) étant le sceau des Prophètes, il est donc tout à fait logique qu'il ait donné le plus de détails à sa "Oummah" à ce sujet, comme en témoigne ce Hadith:
Abou Zayd (radhia allâhou anhou) raconte: "Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) accomplit (une fois) avec nous la Salât Fadr, puis il gravit le "Mimbar" (la chaire) et fit un sermon jusqu'à l'heure de Zouhr. Il descendit alors et pria, après quoi, il monta à nouveau sur le "Mimbar" et s'adressa à nous jusqu'à l'heure de Assr. Après avoir prié, il continua son sermon jusqu'au coucher du soleil. Durant tout ce temps, il nous parla des événements passés et de ce qui allait encore arriver dans l'avenir. Ceux qui parmi nous ont la meilleure mémoire sont les plus savants à ce sujet." (Mouslim)
Ainsi, il arrivait que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) s'adressait aux Compagnons (radhia allâhou anhoum) publiquement et leur parlait des Signes de la Fin du Monde. D'autres fois, il s'adressait à l'un d'entre eux individuellement et lui faisait part de certains événements à venir, comme cela était souvent le cas avec Houdhayfa (radhia allâhou anhou). Les musulmans ont alors transmis et protégé l'ensemble de ces Hadiths à travers les siècles.
Il faut aussi savoir que, si dans le Qour'aane, généralement, Allah ne fait allusion qu'aux Signes très proches de la Fin des Temps, dans les Hadiths, par contre, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a aussi bien cité ceux qui sont proches que ceux qui sont assez éloignés. Un travail de classification a été fait en l'an 1040 de l'Hégire par Allâmah Mouhammad Barzandji r.a.. Dans son ouvrage "Al Ichâ'ah li Achrâtis Sâ'ah", il a réparti ces Signes en trois groupes:
  1. "Alâmâte Ba'ïdah": Signes éloignés.
  2. "Alâmâte Moutawassitah" ou "Alâmâte Soughrâ" : Signes intermédiaires ou Signes Mineurs.
  3. "Alâmâte Qarîbah" ou "Alâmâte Koubrâh" : Signes proches ou Signes Majeurs.
Avant de passer en revue un certain nombre d'entre eux mentionnés dans les Hadiths, je tiens à faire deux petites remarques:
  • Dans les Traditions, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n'a pas donné de détails quand à l'ordre suivant lequel ces Signes apparaîtront, ni le laps de temps exact qui les séparera. Les savants musulmans ont essayé, à partir de certains indices, de reconstituer une certaine chronologie de ces évènements.
  • Quand on prend connaissance des prédictions qui ont été faites par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et des détails qui ont été donnés sur la condition du monde à venir, il y a de cela plus de 14 siècles, on ne peut rester insensible: L'Histoire nous a montré, nous le montre et nous montrera encore (Incha Allah) que les propos du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) étaient tout à fait véridiques. Les ennemis de l'Islam pourront toujours essayer de jeter le discrédit sur sa personne par tous les moyens possibles, ils ne pourront jamais changer la réalité exprimée par le Qour'aane:


"et il (Mouhammad) ne prononce rien sous l'effet de la passion; ce n'est rien d'autre qu'une révélation inspirée."



(Sourate 53 / Versets 3-4)




En lisant ces Hadiths, notre foi ne peut que s'amplifier. Ce qui donne envie de la proclamer haut et fort à l'attention de la Création entière:


"Je témoigne qu'il n'y a point d'autre Dieu à part Allah et je témoigne que Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) est l'Envoyé d'Allah."


Les Signes éloignés.
Il s'agit des évènements qui se sont produit depuis longtemps déjà. Comme le laps de temps qui les sépare de la Fin des Temps est assez long, c'est pourquoi ils ont été qualifiés de "Signes éloignés". On compte parmi eux:
  • La venue du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).
  • La fente de la lune par un signe du doigt du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).
  • Le départ de ce monde du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).
  • La bataille de "Siffîn" qui a eu lieu au mois de Safar de l'an 37 de l'Hégire entre l'armée de Ali (radhia allâhou anhou) et celle de Mouâwiyyah (radhia allâhou anhou). D'après les commentateurs de Hadith comme Ibné Hadjr r.a. et Allâmah Qoustoulâni r.a., un Hadith du Sahih Boukhâri en fait allusion. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) disait: "L'Heure ne viendra pas tant que deux groupes importants ne se soient pas livrés bataille. Il y aura entre eux une guerre terrible; cependant ils se réclameront d'une même cause." (Boukhâri)
  • L'invasion des Tatares avec la prise de Bagdâd au cours du 7ème siècle de l'Hégire. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) l'avait prédit, plus de 600 années auparavant, avec des détails édifiants: "L'Heure n'aura pas lieu tant que vous n'aurez pas combattu les Turcs aux petits yeux, rougeauds, au nez petit et fin. Leur visage ressemblera à un bouclier martelé. L'Heure ne viendra pas tant que vous n'aurez pas livré combat à des gens dont les sandales seront fait de poils." (Boukhâri. D'autres versions sont cités par Mouslim, Ahmad, Tirmidhi…
  • Le terrible incendie qui débuta de la région du Hidjâz quelques temps avant les invasions Tatares, toujours au cours du 7ème siècle de l'Hégire. "L'Heure ne viendra pas tant que n'apparaîtra pas un feu de la terre du Hidjâz qui illuminera le cou des chameaux de Basrâ." (Mouslim et Boukhâri) disait le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Les historiens musulmans affirment qu'un tel incendie a réellement eu lieu dans les conditions que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait évoqué en l'an 654 de l'Hégire. D'éminents savants tels que l'Imâm Nawawi r.a., Allâmah Qourtoubi r.a., Abou Châma Mouqaddissi r.a., Allâmah Qoustoulâni r.a. étaient présents à cette époque et ils le décrivent tous dans certains de leurs ouvrages.

Les Signes intermédiaires.
Il s'agit des évènements qui ont déjà commencé à se produire, mais qui ne sont pas pour autant terminés. Beaucoup d'entre eux se réalisent encore actuellement et continueront à voir le jour jusqu'à ce que surviennent les Signes Majeurs. En voici quelques uns:
  • Il sera de plus en plus difficile de pratiquer sa religion. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dit en ce sens que, viendra un temps où la condition de celui qui voudra rester ferme sur sa religion sera comparable à celle d'un homme qui tient une braise dans la paume de sa main. (Tirmidhi)



"Quand le croyant au sein de sa tribu sera plus méprisé qu'une brebis chétive." (Tabrâni)
  • Les gens n'occuperont plus la place qui leur revient et des changements importants auront lieu dans le monde. On rapporte que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), répondant à une question de Djibraïl (alayhis salâm) au sujet des Signes de l'Heure, dit: "Quand tu verras la servante engendrer sa maîtresse (possible allusion à la désobéissance des enfants envers leurs parents), et les va-nu-pieds, les gueux, les miséreux et les bergers rivaliser dans la construction de maisons de plus en plus hautes." (Boukhâri et Mouslim).



Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dit encore: "Parmi les signes de l'Heure:… on accusera l'honnête de trahison et on fera confiance aux traîtres." (Ahamd, Bazzâr, Tabrâni). Autres Hadiths à ce sujet:
"Parmi les Signes annonciateurs de l'Heure: les mauvaises personnes seront honorées, les bonnes rabaissées, les actes et pratiques se feront rares tandis que l'on parlera beaucoup…" (Hâkim)
"Quand le commandement sera confié à ceux qui n'en sont pas dignes…" (Boukhâri)
"L'Heure ne viendra pas avant que la terre des arabes ne soit couverte de ruisseaux…" (Ahmad, Mouslim, Hâkim)
"Quand les déserts seront construits et les villes détruites…" (Tabrâni)

  • L'impudeur et le vice se répandront, avec notamment la généralisation de l'homosexualité et du lesbianisme. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) disait à ce sujet:



"La Fin du Monde n'aura pas lieu tant que les gens ne s'accoupleront pas en public dans la rue comme le font les ânes." (Ibné Hibbân, Bazzâr) "Parmi les Signes de l'Heure: l'apparition de la grossièreté et de l'indécence…" (Tabrâni)
"Quand les hommes se satisferont des hommes et les femmes des femmes." (Tabrâni)
"(quand)…prolifèreront les enfants adultérins." (Tabrâni)
"… les femmes seront dévêtues tout en étant habillées…"(Ahmad et Hâkim)
"Parmi les signes de l'Heure: … (la généralisation) de l'adultère" (Boukhâri)

  • Les liens familiaux seront rompus.



"Quand les liens de sang seront rompus…" (Moussannaf Ibné Abi Chayba) "… (quand) l'homme obéira à sa femme et se montrera irrespectueux à l'égard de sa mère, quand il favorisera son ami et éloignera son père…" (Tirmidhi)
  • Les forces de police et de sécurité seront nombreuses.



"Quand les forces de police se seront multipliées…" (Tabrâni).
  • Le commerce se généralisera, mais les marchés connaîtront dans leur ensemble la récession.



"Avant la venue de l'Heure, il y aura (..) l'extension du commerce (possible allusion au phénomène de mondialisation commercial)…" (Ahmad) "… (quand) la femme épaulera son époux dans son commerce, et le marché connaîtra la récession." (Ibné Mardawayh).
  • Les savants seront corrompus.



"A la Fin des Temps, il y aura des dévots ignorants et des connaisseurs pervers." (Abou Nou'aym) "Quand vos savants apprendront en vue de gagner Dinârs et Dihrams…" (Daylami)
  • Les saisons seront trompeuses.



"Viendront pour les gens des saisons trompeuses…" (Ahmad, Ibné Mâdja et Hâkim) D'après certains commentateurs, ce Hadith fait allusion à l'augmentation des pluies avec la diminution des récoltes. Il est aussi possible que ce Hadith faisse allusion aux anomalies climatiques qui se multiplieront.
  • Les morts subites et les assassinats augmenteront considérablement.



"L'Heure n'aura pas lieu tant que n'augmentera pas le "Hardj." Quand on demanda au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) le sens du "Hardj", il expliqua "Le meurtre, le meurtre…" (Mouslim) "Par Celui qui tient ma vie entre Ses Mains, ce monde ne disparaîtra pas avant que ne vienne pas une époque pour les gens où l'assassin ne saura pas pourquoi il a tué et la victime ne connaîtra pas non plus pourquoi elle a été tuée. " (Mouslim)
Pour ce qui est des morts subites, un Hadith de Tabrâni fait allusion à leur augmentation à la Fin des Temps.

  • On considèrera les choses interdites comme licites:



"Viendra au sein de ma Communauté des gens qui considèreront l'adultère, le (port de la) soie (pour les hommes), le vin et les instruments de musique comme licites." (Boukhâri)
  • Le temps se contractera.



"L'Heure n'aura pas lieu tant que le temps ne se sera pas contracté, au point que l'année passera comme un mois, le mois comme une semaine, la semaine comme un jour, le jour comme une heure; et l'heure s'écoulera aussi vite qu'un tison enflammé." (Tirmidhi) Voici donc quelques Signes intermédiaires mentionnés dans les Hadiths.

Les Signes proches ou majeurs.
Il s'agit là des évènements importants qui se succèderont juste avant la Fin du Monde. Bien que de nos jours, leur réalisation puisse paraître comme relevant du domaine du surnaturel, il n'en reste pas moins que chaque musulman doit avoir la conviction qu'ils se passeront réellement, comme nous l'ont annoncé Allah et Son Messager (sallallâhou alayhi wa sallam). Ces Signes, qui sont plus ou moins connus, constitueront un message clair à l'attention de l'Humanité annonçant le Début de la Fin.
  • Grandes batailles entre les musulmans et leurs ennemis.
  • Apparition de Al Mahdi.
  • Prise de Constantinople.
  • Apparition de Daddjâl.
  • Retour de Issa (alayhis salâm).
  • Mort de Daddjâl.
  • Invasion des Gog et Magog ("Yâdjoûdj - Mâdjoûdj") suivi de leur extermination.
  • Règne de Issa (alayhis salâm) puis son départ de ce monde.
  • Apparition d'une fumée particulière qui feront souffrir énormément les mécréants.
  • Lever du soleil à l'Ouest.
  • Venue du "Dâbbah minal Ardh" (la Bête de la Terre) , qui parlera aux hommes.
  • Apparition d'un Feu venant du Yémen.
  • Mort de tous les musulmans.
  • Fin du Monde sur les plus vils des hommes.
Voici une synthèse de ce que les Oulémas ont écrit au sujet de la Fin du Monde et des Signes qui le précèderont.

 
 
(Références: "Alâmât Quiyâmat" de Cheikh Rafi' Ousmâni. "Faqad Djâ'a Achrâtouhâ" de Mahmoud Atyyiah)


Et Allah Seul détient la Vérité !

mercredi 26 octobre 2011

Le renversement des symboles par René Guénon









On s’étonne parfois qu’un même symbole puisse être pris en deux sens qui, apparemment tout au moins, sont directement opposés l’un à l’autre ; il ne s’agit pas simplement en cela, bien entendu, de la multiplicité de sens que, d’une façon générale, peut présenter tout symbole suivant le point de vue ou le niveau auquel on l’envisage, et qui fait d’ailleurs que le symbolisme ne peut jamais être « systématisé » en aucune façon,mais plus spécialement de deux aspects qui sont liés entre eux par un certain rapport de corrélation, prenant la forme d’une opposition, de telle sorte que l’un d’eux soit pour ainsi dire l’inverse ou le « négatif » de l’autre. Cette subversion peut consister, soit à attribuer à l’aspect « maléfique », tout en le reconnaissant cependant comme tel, la place qui doit normalement revenir à l’aspect « bénéfique », voire même une sorte de suprématie sur celui-ci, soit à interpréter les symboles au rebours de leurs sens légitime, en considérant comme « bénéfique » l’aspect qui est en réalité « maléfique » et inversement.



Pour le comprendre, il faut partir de la considération de la dualité comme présupposée par toute manifestation, et, par suite, comme la conditionnant dans tous ses modes, où elle doit toujours se retrouver sous une forme ou sous une autre (1) ; il est vrai que cette dualité est proprement un complémentarisme, et non pas une opposition ; mais deux termes qui sont en réalité complémentaires peuvent aussi, à un point de vue plus extérieur et plus contingent, apparaître comme opposés (2). Toute opposition n’existe comme telle qu’à un certain niveau, car il n’en peut être aucune qui soit irréductible ; à un niveau plus élevé, elle se résout en un complémentarisme, dans lequel ses deux termes se trouvent déjà conciliés et harmonisés, avant de rentrer finalement dans l’unité du principe commun dont ils procèdent l’un et l’autre.


(1) Comme il est des erreurs de langage qui se produisent assez fréquemment et qui ne sont pas sans avoir de graves inconvénients, il n’est pas inutile de préciser que « dualité » et « dualisme » sont deux choses tout à fait différentes : le dualisme (dont la conception cartésienne de l’ »esprit » et de la « matière » est un des exemples les plus connus) consiste proprement à considérer une dualité comme irréductible et à ne rien envisager au-delà, ce qui implique la négation du principe commun dont, en réalité, les deux termes de cette dualité procèdent par « polarisation ».


(2) Voir Le Symbolisme de la Croix, chap.VII.




On pourrait donc dire que le point de vue du complémentarisme est, en un certain sens, intermédiaire entre ces points de vue à sa raison d’être et sa valeur propre dans l’ordre auquel il s’applique bien que, évidemment, ils ne se situent pas au même degré de réalité ; ce qui importe est de savoir mettre chaque aspect à sa place hiérarchique, et de ne pas prétendre le transporter dans un domaine où il n’aurait plus aucune signification acceptable.




Dans ces conditions, on peut comprendre que le fait d’envisager dans un symbole deux aspects contraires n’a, en lui-même, rien que de parfaitement légitime, et que d’ailleurs la considération de l’un de ces aspects n’exclut nullement celle de l’autre, puisque chacun d’eux est également vrai sous un certain rapport, et que même, du fait de leur corrélation, leur existence est en quelque sorte solidaire. C’est donc une erreur, assez fréquente du reste, de penser que la considération respective de l’un et de l’autre de ces aspects doit être rapportée à des écoles se trouvant elles-mêmes en opposition (1) ; ici tout dépend simplement de la prédominance qui peut être attribuée à l’un par rapport à l’autre, ou parfois aussi de l’intention suivant laquelle le symbole peut être employé ,par exemple, comme élément intervenant dans certains rites, ou encore comme moyen de reconnaissance pour les membres de certaines organisations ; mais c’est là un point sur lequel nous allons avoir à revenir.


(1) Nous avons eu à relever notamment une erreur de ce genre au sujet de la figuration du swastika avec les branches dirigées de façon à indiquer deux sens de rotation opposés (Le Symbolisme de la Croix chap.X).




Ce qui montre bien que les deux aspects ne s’excluent point et sont susceptibles d’être envisagés simultanément, c’est qu’ils peuvent se trouver réunis dans une même figuration symbolique complexe ;à cet égard, il convient de remarquer, bien que nous ne puissions songer à développer ceci complètement, qu’une dualité, qui pourra être en opposition ou complémentarisme suivant le point de vue auquel on se placera, peut, quant à la situation de ses termes l’un par rapport à l’autre, se disposer dans un sens vertical ou dans un sens horizontal ; ceci résulte du schéma crucial du quaternaire, qui peut se décomposer en deux dualités, l’une verticale et l’autre horizontale. La dualité verticale peut être rapportée aux deux extrémités d’un axe, ou aux deux directions contraires suivant lesquelles cet axe, ou aux deux directions contraires suivant lesquelles cet axe peut être parcouru ; la dualité horizontale est celle de deux éléments qui se situent symétriquement de part et d’autre de ce même axe. Om peut donner comme exemple du premier cas les deux triangles du sceau de Salomon (et aussi tous les autres symboles de l’analogie qui se disposent suivant des schémas symétriques similaires), et comme exemple du second les deux serpents du caducée ; et l’on remarquera que c’est seulement dans la dualité verticale que les deux termes se distinguent nettement l’un de l’autre par leur position inverse, tandis que, dans la dualité horizontale, ils peuvent paraître tout à fait semblable ou équivalents quand on les envisage séparément, alors que pourtant leur signification n’est pas moins réellement contraire dans ce cas que dans l’autre. On peut dire encore que, dans l’ordre spatial, la dualité verticale est celle du haut et du bas, et la dualité horizontale celle de la droite et de la gauche ; cette observation semblera peut-être trop évidente, mais elle n’en a pas moins son importance, parce que, symboliquement (et ceci nous ramène à la valeur proprement qualitative des directions de l’espace), ces deux couples de termes sont eux-mêmes susceptibles d’applications multiples, dont il ne serait pas difficile de découvrir des traces jusque dans le langage courant, ce qui indique bien qu’il s’agit là de choses d’une portée très générale.


Tout cela étant posé en principe, on pourra sans peine en déduire certaines conséquences concernant ce qu’on pourrait appeler l’usage pratique des symboles ; mais, à cet égard, il faut faire intervenir tout d’abord une considération d’un caractère un peu particulier, celle du cas où les deux aspects contraires sont pris respectivement comme « bénéfique » et comme « maléfique ». Nous devons dire que nous employons ces deux expressions faute de mieux, comme nous l’avons déjà fait précédemment ; en effet, elles ont l’inconvénient de pouvoir faire supposer qu’il y a là quelque interprétation plus ou moins « morale », alors qu’en réalité il n’en est rien, et qu’elles doivent être entendues ici en un sens purement « technique ». De plus, il doit être bien compris aussi que la qualité « bénéfique » ou « maléfique » ne s’attache pas d’une façon absolue à l’un des deux aspects, puisqu’elle ne convient proprement qu’à une application spéciale, à laquelle il serait impossible de réduire indistinctement toute opposition quelle qu’elle soit, et qu’en tout cas elle disparaît nécessairement quand on passe du point de vue de l’opposition à celui du complémentarisme, auquel une telle considération est totalement étrangère.


Dans ces limites et en tenant compte de ces réserves, c’est là un point de vue qui a normalement sa place parmi les autres ; mais c’est aussi de ce point de vue même, ou plutôt des abus auxquels il donne lieu, que peut résulter, dans l’interprétation et l’usage du symbolisme, la subversion dont nous voulons parler plus spécialement ici, subversion constituant une des « marques » caractéristiques de ce qui, consciemment ou non, relève du domaine de la « contre-initiation » ou se trouve plus ou moins directement soumis à son influence.







Il faut d’ailleurs remarquer que, d’après ce que nous avons dit tout à l’heure, une telle subversion peut ne pas apparaître visiblement dans la représentation des symboles, puisqu’il en est pour lesquels les deux aspects opposés ne sont pas marqués par une différence extérieure, reconnaissable à première vue : ainsi, dans les figurations qui se rapportent à ce qu’on a coutume d’appeler, très improprement d’ailleurs, le « culte du serpent », il serait souvent impossible, du moins à ne considérer que le serpent lui-même, de dire à priori qu’il s’agit de l’Agathodaimôn ou du Kakodaïmon ; de là de nombreuses méprises, surtout de la part de ceux qui, ignorant cette double signification, sont tentés de n’y voir partout et toujours qu’un symbole « maléfique », ce qui est, depuis assez longtemps déjà, le cas de la généralité des Occidentaux (1) ; et ce que nous disons ici du serpent pourrait s’appliquer pareillement à beaucoup d’autres animaux symboliques, pour lesquels on a pris communément l’habitude, qu’elles qu’en soient d’ailleurs les raisons, de ne plus envisager qu’un seul des deux aspects qu’ils possèdent en réalité.


(1) C’est pour cette raison que le dragon extrême-oriental lui-même, qui est en réalité un symbole du Verbe, a été souvent interprété comme un symbole « diabolique » par l’ignorance occidentale.


Pour les symboles qui sont susceptibles de prendre deux positions inverses, et spécialement pour ceux qui se réduisent à des formes géométriques, il semble que la différence doive apparaître beaucoup plus nettement ; et pourtant, en fait, il n’en est pas toujours ainsi, puisque les deux positions du même symbole sont susceptibles d’avoir l’une et l’autre une signification légitime, et que d’ailleurs leur relation n’est pas forcément celle du « bénéfique » et du « maléfique » qui n’est, redisons-le encore, qu’une simple application particulière parmi toutes les autres. Ce qu’il importe de savoir en pareil cas, c’est s’il y a réellement une volonté de « renversement » pourrait-on dire, en contradiction formelle avec la valeur légitime et normale du symbole ; c’est pourquoi, l’emploi du triangle inversé est bien loin d’être toujours un signe de « magie noire » comme certains le croient (1), quoiqu’il le soit effectivement dans certains cas, ceux où il s’y attache une intention de prendre le contre-pied de ce que représente le triangle dont le sommet est tourné vers le haut ; et, notons le incidemment, un tel « renversement » intentionnel s’exerce aussi sur des mots ou des formules, de sorte à former des sortes de mantras à rebours, comme on peut le constater dans certaines pratiques de sorcellerie, même dans la simple « sorcellerie des campagnes » telle qu’elle existe encore en Occident.


(1) Nous en avons vu aller jusqu’à interpréter ainsi les triangles inversés qui figurent dans les symboles alchimiques des éléments !


On voit donc que la question du renversement des symboles est assez complexe, et nous dirions volontiers assez subtile, car ce qu’il faut examiner pour savoir à quoi on a véritablement affaire dans tel ou tel cas, ce sont moins les fiurations, prises dans ce qu’on pourrait appeler leur « matérialité », que les interprétations dont elles s’accompagnent et par lesquelles s’expliquent l’intention qui a présidé à leur adoption. Bien plus, la subversion la plus habile et la plus dangereuse est certainement celle qui ne se trahit pas par des singularités trop manifestes et que n’importe qui peut facilement apercevoir, mais qui déforme le sens des symboles ou renverse leur valeur sans rien changer à leurs apparences extérieures.


Mais la ruse la plus diabolique de toutes est peut-être celle qui consiste à faire attribuer au symbolisme orthodoxe lui-même, tel qu’il existe dans les organisations véritablement traditionnelles, et plus particulièrement dans les organisations initiatiques, qui sont surtout visées en pareil cas, l’interprétation à rebours qui est proprement le fait de la « contre-initiation » ; et celle-ci ne se prive pas d’user de ce moyen pour provoquer les confusions et les équivoques dont elle a quelque profit à tirer. C’est là, au fond, tout le secret de certaines campagnes, encore bien significatives quant au caractère de l’époque contemporaine, menées, soit contre l’ésotérisme en général, soit contre telle ou telle forme initiatique en particulier, avec l’aide inconsciente de gens dont la plupart seraient fort étonnés, et même épouvantés, s’ils pouvaient se rendre compte de ce pour quoi on les utilise ; il arrive malheureusement parfois que ceux qui croient combattre le diable, quelque idée qu’ils s’en fassent d’ailleurs, se trouvent ainsi tout simplement, sans s’en douter le moins du monde, transformés en ses meilleurs serviteurs !




(René Guénon – Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps – chap.XXX : Le renversement des symboles. P.197-202)

Les signes de la Fin des Temps dans l’eschatologie musulmane


La Kingdom Tower dont la construction est prévue à Djeddah en Arabie Saoudite fin 2011 aura une hauteur d'1 km de haut. (Coût total:30 milliards de $ U.S!) . Source Wikipédia


"Quand tu verras la servante engendrer sa maîtresse (possible allusion à la désobéissance des enfants envers leurs parents), et les va-nu-pieds, les gueux, les miséreux et les bergers rivaliser dans la construction de maisons de plus en plus hautes." (Boukhâri et Mouslim).



Par Pierre Lory

L’eschatologie représente un des traits fondamentaux de la religion musulmane. L’imminence de la fin des temps et du Jugement dernier est l’un des thèmes coraniques les plus anciens et les plus constants, qui parcourt l’ensemble du texte sacré de l’islam. De plus, Muhammad se présente comme accomplissant toutes les missions prophétiques avant lui. Il est le dernier des prophètes. Donc, par définition, l’ère musulmane ouvre la période eschatologique. Il s’agit de la toute dernière phase de l’histoire du monde, et le Prophète lui-même compare la période inaugurée dans l’histoire par sa mission à celle séparant la prière rituelle du ‘asr (fin de l’après-midi) à celle du maghrib (coucher du soleil). Dans le même esprit, il aurait affirmé en levant sa main que sa mission et l’Heure dernière étaient rapprochées comme son majeur de son index. 1.


Le Coran évoque donc souvent la fin du monde, c'est-à-dire de la catastrophe cosmique marquant la fin de la première création, et précédant la Résurrection finale : les étoiles tomberont du ciel, la mer entrera en ébullition, les montagnes s’effondreront…. Il est beaucoup plus allusif sur l’eschatologie comme ‘science des dernières phases de l’histoire’ des hommes. Ainsi est-il dit que « Jésus est une science (variante : un signe) de l’Heure »2. Selon le Coran IV 157-158, Jésus n’est en effet pas mort, il a été élevé auprès de Dieu ; son retour à la fin des temps pourrait donc devenir un indice de l’imminence des derniers événements. Le verset coranique VII 187 donne toutefois le ton précis qui restera celui du discours théologique en islam, soulignant clairement que la connaissance de l’Heure est une prérogative divine : « Ils t’interrogent [toi, Muhammad] sur l’Heure : quand aura-t-elle lieu ? Dis : seul mon Seigneur en possède la connaissance, Lui seul la manifestera en son temps. (Ce secret) est lourd dans les cieux et sur la terre, et viendra pour vous soudainement. Ils te questionnent comme si tu étais averti (de sa venue). Dis : seul Dieu en possède la connaissance. Mais la plupart des hommes ne savent pas »3. Ce verset a une portée décisive : la fin des temps peu surgir à n’importe quel moment. Toute époque peut à bon droit se considérer comme eschatologique, car les Musulmans doivent se tenir prêts à chaque instant.


L’immense majorité des textes de la littérature eschatologique musulmane est en fait représentée par des hadîths, paroles du prophète Muhammad (ou éventuellement de ses proches compagnons) ou des récits les concernant. Il s’agit d’une source documentaire abondante, foisonnante, mais qui n’est en rien comparable à une apocalypse comme celles des écrits intertestamentaires ou de Jean en ce sens qu’il s’agit d’une collection de dires isolés, sans liens littéraires entre eux. Nous n’aborderons pas ici la question de l’authenticité de ces dires, pour la plupart mis par écrit deux siècles au moins après la mort du Prophète lui-même, et inévitablement retravaillés par la conscience religieuse des hommes qui les ont transmis ; ni celle de la forgerie probable de nombreux hadîths à des fins politiques ou religieuses. On y discerne en effet de nombreuses traces d’événements tardifs, des allusions aux dynasties des siècles suivants. Les exégètes musulmans considèrent que Muhammad possédait une prescience des événements à venir, que les prédictions contenues dans ces hadîths participent donc au caractère miraculeux de son enseignement. Tout autre est bien sûr le regard de l’historien des textes.


Le verset coranique VII 187 montre que la question de l’Heure (= l’échéance de la fin des temps) s’est posée assez tôt pour beaucoup de contemporains de Muhammad. Le délai de la venue de la fin du monde semblait très proche. De nombreux hadîths montrent que Muhammad la concevait comme imminente. Il aurait dit à propos d’un jeune bédouin venu le visiter : « Si ce jeune homme reste en vie, il se peut qu’il ne connaisse pas la vieillesse sans avoir vu l’échéance ». A des compagnons, il aurait demandé de transmettre son salut à Jésus, si lui-même devait mourir avant le retour sur terre du fils de Marie4. La durée du règne de l’Islam était conçue souvent comme assez brève5. Des Juifs de Médine se seraient livrés à des calculs de type guématrique sur les lettres mystérieuses placées en exergue de plusieurs sourates du Coran (fawâtih al-suwar) afin d’évaluer la durée du règne de la communauté muhammadienne6.


Les signes de la fin des temps sont classés en trois catégories majeures dans les recueils de hadîths eschatologiques. Une première concerne les signes « anciens ». De nombreux hadîths donnent en effet des allusions limpides à des événements postérieurs à la mort du Prophète. Par exemple, on trouve des prédictions claires sur la guerre civile ayant éclaté dans la communauté musulmane à partir de 656 (« la Grande Epreuve ») et ayant abouti à la séparation des courants chiites et kharédjites de la majorité plus tard désignée comme sunnite7. Des allusions hostiles à la dynastie des Omeyyades, qui régna de 660 à 750, se trouvent également8, mais d’autres hadîths sont laudatifs à leur égard9. Certains autres hadîths encore signalent la prise du pouvoir par les Abbassides, à partir de 750. La lutte contre les Byzantins et la prise de Constantinople sont très imprégnées par des considérations eschatologiques, car la venue de l’Antéchrist devrait suivre de peu la chute de la Seconde Rome10 . Tous ces anachronismes ne sont pas du tout masqués par les commentateurs de hadîths. Ceux-ci estiment que la période eschatologique a de toute manière commencé avec la mort du prophète Muhammad en 632 – voire dès la révélation qui lui fut envoyée, en 610. Les événements subséquents – p.ex. la prise de Jérusalem sous le calife ‘Umar, en 638 - sont donc bel et bien à considérer comme des signes de la fin des temps11. Qu’ils aient été miraculeusement prédits par Muhammad bien avant leur venue ne soulève pas de question majeure, nous l’avons signalé. De ce fait, l’histoire des dynasties et des guerres était fréquemment lue selon une grille eschatologique. De nombreux soulèvements se réclamèrent d’une perspective messianique. Ainsi la révolte fatimide, partie du Maghreb pour conquérir ensuite l’Egypte et la Syrie, fit-elle valoir le hadîth selon lequel, à la fin des temps, le soleil se lèverait à l’ouest. La terrible invasion mongole du 13e siècle fut vécue comme le déferlement de Gog et Magog. Les résistances contre les invasions coloniales, en Asie comme en Afrique, se formulèrent souvent en des termes eschatologiques.



La seconde catégorie de hadîths eschatologiques décrit les conditions moyennes, générales de l’Heure finale. Les dires concernant « les conditions de l’heure » (ashrât al-sâ‘a) sont très hétérogènes, il est malaisé de les regrouper dans une succession précise d’événements. Plusieurs font sens à l’heure actuelle, et sont donc retenues dans l’opinion commune. C’est celles-ci que nous retiendrons plutôt. Ces conditions générales sont les suivantes :


* Le recul de la religion sincère sera général, les Musulmans seront de plus en plus indifférents à la foi et à la pratique de l’islam. L’ignorance atteindra des degrés inouïs – c'est-à-dire, l’ignorance en matière de religion, car sinon, l’écriture se sera répandue. De nombreux Musulmans ne sauront plus comment accomplir la prière ou jeûner en Ramadan, voire oublieront la profession de foi12. Les Musulmans croyants seront très minoritaires ; méprisés, ils dissimuleront même leur foi, comme jadis les Hypocrites face aux croyants13. Beaucoup de Musulmans imiteront les autres nations, (« les Perses et les Byzantins ») et les autres religions (« les Juifs et les Chrétiens »)14.


* L’injustice sera généralisée. La richesse largement répandue dissoudra toutes les vertus, et le ressort même de la foi15. Les régimes politiques seront tyranniques, corrompus, irreligieux. Le pouvoir ira aux sots, et aux femmes16.


* La dégradation des moeurs sera effrayante. Les Musulmans entreront dans des conflits féroces entre eux. Ils pratiqueront la musique, consommeront couramment les boissons alcoolisées et pratiqueront l’usure, autant d’actions que le droit musulman avait prohibées17. Plus généralement, les valeurs seront complètement inversées. Les parents n’aimeront plus leurs enfants. Les enfants ne respecteront plus leurs parents : « il vaudra mieux pour l’homme d’élever un chien (qu’un enfant) »18. Les femmes seront beaucoup plus nombreuses que les hommes, un homme pour cinquante femmes. Elles seront influentes aussi ; l’homme obéira à sa femme, et manquera de respect à sa mère et à son père19. L’adultère sera étalé au grand jour, « l’homme copulera avec la femme sur le bord des chemins », et le plus pieux des croyants se bornera à faire remarquer aux pécheurs qu’ils feraient mieux de s’éloigner de ce lieu public20. Les femmes seront indécentes (« nues et vêtues tout à la fois »21). Enfin, parmi les péchés les plus marquants pour la fin des temps figure l’homosexualité. A cette époque, « les hommes se suffiront des hommes et les femmes se suffiront des femmes »22. Plus généralement, « les hommes prendront des manières de femmes, et les femmes, des manières d’hommes »23. Même les femmes qui souhaiteraient avoir des enfants ne pourront pas, car elles seront stériles24.


Enfin, une troisième série d’événements concerne la fin des temps proprement dite. Une liste de dix signes particuliers est donnée dans le hadîth25. Retenons-en ceux qui donnent le plus de sens dans la situation contemporaine.


* Des signes d’ordre météorologique se manifesteront. Un feu immense surgira en Arabie26. Des tremblements de terre se multiplieront, des éclipses, des chutes de pierre (météorites ?) se produiront27. Nous retrouvons là des éléments propres aux traditions apocalyptiques juives et chrétiennes. Enfin, le soleil se lèvera à l’ouest28.


* L’agression de Gog et Magog ravagera une bonne partie du Proche Orient. Il s’agit du mythe biblique, repris allusivement dans le Coran29. Les hadîths en donnent des descriptions de parfaits sauvages, à mi-chemin entre humains et animaux30. Par ailleurs, une bête monstrueuse, à laquelle le Coran fait une allusion peu claire, se manifestera en Arabie31.


* Une nouvelle fitna surgira – du Najd précisément. Dans un hadîth, Muhammad loue les Damascènes et les Yéménites, tout en désignant le Najd comme la région d’où surgiront « les cornes du diable »32.



* La venue de l’Antéchrist. est également un point déterminant de l’eschatologie musulmane. Ce personnage ignoble et perfide est présenté avec insistance comme étant borgne « alors que Dieu, Lui, n’est pas borgne ». Il est, littéralement, le « Christ imposteur » (al-Masîh al-dajjâl), qui reproduira les gestes de Jésus mais de façon invertie dans le sens du matérialisme. Il se produira après l’apparition d’une femme d’une extraordinaire beauté qui « invitera les hommes à croire en elle, et tous ceux qui viendront la trouver renieront Dieu ». Il trompera l’humanité par des belles paroles et des prodiges. « Il guérira les muets et ressuscitera les morts (var. : avec l’aide de Satan, qui simulera la mort et le réveil) ». Il prétendra : « Je suis votre seigneur », comme jadis Pharaon. Il répandra la prospérité, fera pleuvoir, produira des récoltes magnifiques et des élevages de haut rendement. Mais ce sera une illusion : « Ce qu’il prétend être le Paradis est en réalité l’Enfer ». Il restaurera le paganisme, l’adoration des idoles33. Il déploiera une armée venant du Khurâsân. La plus grande partie de ses soldats seront « des Juifs d’Ispahan », au nombre 70.00034. L’ensemble des péripéties militaires évoquées dans ces hadîths, qui font état de graves défaites pour les armées musulmanes, apparaissent comme autant de châtiments encourus par une communauté infidèle à sa religion, négligente envers Dieu. L’aspect très belliqueux des campagnes militaires et des destructions subies doit se lire dans cette perspective d’un châtiment divin à l’encontre d’une communauté musulmane ayant transgressé sa Loi et trahi la mission que Dieu lui avait assignée. Pour autant, ces textes concernant des lieux du Proche Orient comme l’Irak, la Syrie et surtout la Palestine ne manquent bien sûr pas d’être rapportés de nos jours aux graves événements de l’actualité.


* La communauté musulmane sera toutefois secourue par un envoyé providentiel, de la famille de Muhammad et portant son nom, qui prendra la tête des armées : c’est « le bien guidé », le Mahdî35. Le Mahdî n’est ni un prophète ni un inspiré, mais un chef de guerre spécialement missionné pour commander les Musulmans restés fidèles en cette ultime période de crise.


* La venue du Mahdî est toutefois doublée de celle d’un personnage plus élevé encore dans l’ordre spirituel, à savoir Jésus fils de Marie. Comme nous le signalions plus haut, le Coran affirme que Jésus n’est pas mort crucifié, et qu’il a été élevé aux cieux vivant. La tradition du hadîth explique avec certains détails comment il reviendra à la fin des temps - à Damas précisément - pour secourir les Musulmans et combattre avec le Mahdî. Un hadîth affirme que « il n’est d’autre Mahdî que Jésus fils de Marie »36, mais la majorité des exégètes pensent que les deux personnages sont distincts. Jésus sera un chef complètement musulman, qui « brisera la croix et tuera le porc ». Il sera un combattant, qui tuera l’Antéchrist de ses propres mains à la porte de Ludd37. L’armée de l’Antéchrist sera mise en déroute, « et rien de ce que Dieu a créé ne dissimulera de Juif en ce jour sans qu’il le fasse parler : pas un arbre, une pierre, un mur, une bête qui ne dise : ô serviteur de Dieu, ô Musulman, voici un Juif, viens le tuer ! »38.


* Cette guerre ultime, qui ravagera toute la région de Syrie, Irak et Arabie, sera suivie du règne soit du Mahdî, soit plutôt de Jésus, qui durera une quarantaine d’années. L’humanité connaîtra alors une forme de vie assez paradisiaque : les hommes côtoieront les fauves sans risquer de danger, les enfants joueront avec les animaux sauvages et les serpents sans craindre aucun mal, etc39. Jésus se mariera, aura des enfants, sera enterré à côté de Muhammad, d’Abû Bakr et de ‘Umar40. Puis la terre avec tout ce qu’elle contient sera détruite. On peut noter que le cataclysme final suit immédiatement cette brève période de paix et d’harmonie du règne de Jésus. Il n’existe donc pas de trace ici des « mille ans de paix » sur terre dont il est question dans d’autres chapitres de ce volume. En fait, les combats de la fin des temps semblent intimement rapprochés, liés à la destruction finale du monde. Il y a là une unité profonde dans l’inspiration et le genre des récits. Le monde pécheur doit être entièrement détruit pour être remplacé par un autre entièrement nouveau. Le bref règne de l’islam sur le monde, sous la houlette de Jésus fils de Marie, fait figure d’une transition brève, doublée d’une sorte de préfiguration terrestre de ce que sera la vie paradisiaque. En aucun cas il ne constitue l’échéance d’une tension utopiste, a fortiori d’un quelconque projet politique.


Il n’y a pas lieu d’analyser ici la source de tous ces récits. Ils sont marqués pour une part par des stéréotypes sur les bouleversements apocalyptiques que connaîtra l’humanité. Ceux-ci sont souvent d’origine biblique ou intertestamentaire. Le symbolisme apparaît de façon transparente parfois, sans exclure une éventuelle compréhension littérale. Ainsi, dans le hadîth signalant « l’abondance des pluies et la pauvreté des récoltes, le grand nombre de lecteurs du Coran, mais le petit nombre de connaisseurs en droit (fuqahâ’) »41 qui marquera la fin des temps, le parallélisme est clair : la stérilité des terres correspond à celle des âmes. Une seconde source est constituée par le récit des origines de l’Islam, en suivant le principe qu’il arrivera à la fin ce qui est arrivé au début. « L’Islam a commencé expatrié [allusion à l’hégire des Musulmans de La Mecque vers Médine en 622] et finira expatrié. Bienheureux les expatriés de cette communauté ! »42. D’où la mention d’une résurgence de l’ignorance religieuse, et du paganisme évoquée plus haut avec la venue de l’Antéchrist. D’où aussi le retour des Juifs, considérés à Médine comme des alliés de l’ennemi païen et combattu par les armes, et qui joueront le même rôle à la fin des temps.


On comprend donc que ces données jouent rétroactivement sur de nombreux mouvements militants en Islam. Depuis le début de l’ère coloniale, la référence aux données eschatologiques a été constante. La domination de puissance occidentales ‘païennes’ sur une communauté musulmane destinée à diriger l’humanité a d’emblée été perçue comme un signe eschatologique. Cette idée s’est perpétuée après la fin des empires coloniaux. On l’a retrouve par exemple très présente dans la révolution islamique en Iran. Certes, l’eschatologie de l’Islam chiite diffère quelque peu du cadre, sunnite, que nous venons de tracer. Pour les Chiites, le chef libérateur de la fin des temps sera le douzième Imâm – lui aussi nommé al-Mahdî- disparu en 940 mais mystérieusement présent aux croyants depuis. Il doit venir se manifester à la fin des temps, rétablir la justice dans le monde. La phraséologie révolutionnaire iranienne est imprégnée de thèmes eschatologiques. Le ‘Grand Satan’ américain désigne clairement un ennemi assimilé à l’Antéchrist. De nombreux Iraniens ont perçu la révolution comme un prodrome de la manifestation du Mahdî. Pour certains, Khomeyni lui-même aurait été le Mahdî attendu. Plus proche de nous encore, le président Ahmedinejad suggère que la venue du Mahdî est toute proche – dans deux ans peut-être. En climat sunnite, chez les militants islamistes, la fièvre eschatologique est sans doute plus intense encore. Elle explique pour partie la stratégie terroriste. Celle-ci paraît insensée en terme de rapports de force militaire, mais se comprend mieux chez des croyants qui perçoivent l’ennemi comme une armée de maudits, condamnés par le décret divin à disparaître. Dernièrement, plusieurs essais composés sur le type des prédications évangélistes étatsuniennes sont publiées, comme l’ouvrage du Palestinien Safar ibn ‘Abd al-Rahmân, The Day of Wrath, lisant les événements récents (la deuxième intifada) selon la grille des eschatologies biblique et coranique43.


Une interprétation moins littérale est aussi très répandue. Elle consiste à interpréter ces hadîths comme autant de paraboles de finalité plus morale. La civilisation moderne dans son ensemble – et non des événements ou des personnages précis – serait visée en des termes voilés. Ainsi l’Antéchrist représente-t-il l’état des sociétés occidentalisées. « Cette parabole (de l’Antéchrist) n’est-elle pas une description adéquate de la civilisation technique moderne ? Elle est borgne, ce qui signifie qu’elle ne voit qu’un aspect de la vie, le progrès matériel, et ignore son aspect spirituel. A l’aide de ses merveilles mécaniques, elle rend l’homme capable de voir et d’entendre bien au-delà de sa capacité naturelle et de couvrir des distances illimitées à des vitesses inconcevables. Ses moyens scientifiques peuvent faire tomber de la pluie et croître les plantes (…). Sa médecine rend la vie à ceux qui paraissent condamnés à mort, alors que ses guerres avec leurs horreurs scientifiques détruisent la vie. Et son développement matériel est si puissant et si éblouissant que ceux dont la foi est faible se mettent à croire qu’il y a une divinité en elle. Mais ceux qui ont gardé la conscience de leur Créateur reconnaissent clairement que l’adoration du Dajjâl (l’Antéchrist) équivaut à la négation de Dieu »44.


Dans des milieux spiritualistes, le souffle messianique est tout aussi présent. Un cas exemplaire est celui du soufi naqshbandî chypriote Shaykh Nazim, maître spirituel de milliers de disciples orientaux comme occidentaux, qui affirme avoir rencontré le Mahdî, et se risqua à plusieurs reprises à prédire le déclenchement des événements eschatologiques ; notamment, dernièrement, en l’an 2000. Que ces prédictions ne se soient pas réalisées n’a en rien entamé son prestige comme maître de confrérie, ce qui indique combien la foi eschatologique représente une certitude d’une nature particulière, de l’ordre du désir.


Pour conclure sur l’impact de ces récits eschatologiques musulmans ont peut simplement retenir qu’ils circulent de façon plutôt privée, non officielle. Car le Coran est formel : personne ne peut connaître la date de l’Heure hormis Dieu. En outre, les gouvernements musulmans, conscients de la charge subversive de ces traditions, ne favorisent nullement leur exposition au grand jour. En fait, ces textes eschatologiques ne font sens qu’en période de crise. Il est hors de doute qu’ils fournissent un puissant appui au militantisme en période de conflit et de défaite, où ils sont susceptible tant d’expliquer les revers que d’alimenter les espoirs les plus démesurés. Ceci dit, la majorité des Musulmans n’en tiennent guère compte en situation normale et de paix. Il est fort instructif d’analyser le discours des grands ‘télécoranistes’ comme l’Egyptien Amr Khaled, qui prêche avec un succès colossal aux classes moyennes et supérieures une religion de succès social, de mariages réussis, d’enrichissement sans remord. On ne saura y discerner un soupçon de tonalité eschatologique. Le sens de la vie – et donc de la religion qui l’accompagne – c’est bien la jouissance paisible des biens dont Dieu pourvoie les hommes. C’est d’ailleurs bien cela également qu’Il promet – de façon démultipliée bien sûr – aux croyants, dans son Paradis.

1 Abdallah al-Hajjâj, Les grands signes de la fin du monde depuis la mission du prophète jusqu’au retour de Jésus, Beyrouth, Albouraq, 2002, p.15. Cet ouvrage, comme bien d’autres, est un recueils de hadîths de genre populaire et piétiste, traduit et présenté selon des normes peu scientifiques. Nous en donnons cependant référence ici, car outre l’intérêt qu’ils ont d’exister en français, il représente une sensibilité actuelle dont nous voudrions rendre compte.

2 Coran XLIII 61. Cf aussi le verset IV 159, affirmant que « il n’y aura personne parmi les Scripturaires (= les Chrétiens et les Juifs) qui n’aura pas foi en lui avant sa mort ». La phrase est ambiguë, car on ne sait pas si « sa mort » réfère à celle du Scripturaire ou celle de Jésus. Une première interprétation serait que chaque Scripturaire recevrait une vision de Jésus avant de mourir ; une autre, plus couramment adoptée, est que Jésus reviendra à la fin des temps, établira le règne de l’islam, puis mourra de sa belle mort. A ce moment là, tous les Scripturaires (contemporains) auront eu foi en lui.

3 « Ils » : pour l’exégèse musulmane, il s’agirait des Arabes païens, ou bien des Juifs de Médine. Il n’est toutefois pas exclu du tout que des Musulmans s’interrogent sur une question si centrale de la prédication muhammadienne. Cf aussi Coran XXXIII 63, XXXI 34.

4 Les signes de la fin des temps dans la tradition islamique, trad. et prés. par A.Penot, Lyon, Alif éditions, 1996, p.28 (même remarque que note 1). Dans le même esprit, on peut noter les hadîth où Muhammad soupçonne l’adolescent médinois Ibn Sayyâd d’être l’Antéchrist (ibid. 71-75 ; et v. également 119 (sur la venue de l’Antéchrist), et 123-124, où l’enfant est donné comme issu d’une famille juive.

5 Les signes de la fin des temps, 28.


6 Le récit est rapporté par Ibn Ishâq dans sa biographie du Prophète (Sîra) ; trad. fr. par A.Badawî, Muhammad, Albouraq, Beyrouth, 2001, vol. I, 450-451.

7 Muhammad al-Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, Beyrouth, Dâr al-kutub al-‘ilmiyya, s.d., p.9 s. L’ouvrage de Barzanjî est un des principaux ‘classiques’ de la littérature eschatologique. Il date de 1665, mais regroupe des hadîths issus des plus grandes collections sunnites faisant autorité. Cf aussi Les signes de la fin des temps, 18-19, 59 (à propos de la recommandation de ne pas prendre les armes dans le conflit entre Musulmans).

8 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 8 s. ; Les signes de la fin des temps, 20-21.

9 Les signes de la fin des temps, 69.

10 Les signes de la fin des temps, 22, 54, 61-63, 65-70, 87-94.

11 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 48.

12 Les signes de la fin des temps, 139, 168 ; Les grands signes de la fin du monde, 29-33.

13 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 71 s. ; Les signes de la fin des temps, 40, 46, 55-56. Les ‘Hypocrites’ (al-munâfiqûn) désignent dans le Coran les Médinois qui avaient embrassé l’islam par conformisme et opportunité politique plus que par conviction intime, et sont très durement fustigés dans de nombreux passages.

14 Les grands signes de la fin du monde, 52-53.

15 Les signes de la fin des temps, 47.

16 Les signes de la fin des temps, 26, 48 ; Les grands signes de la fin du monde, 57-58.

17 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 72 ; Les signes de la fin des temps, 31.

18 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 72 ; Les signes de la fin des temps, 34, 31.

19 Les signes de la fin des temps, 52.

20 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 75 ; Les signes de la fin des temps, 34, 31, 38, 122.

21 Les signes de la fin des temps, 42.

22 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 72 ; Les signes de la fin des temps, 11, 46, 56.

23 Les signes de la fin des temps, 58.

24 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 180.

25 Al-Suyûtî, Jésus, l’antéchrist et la fin du monde, Lyon, Editions Alburda, 2000 (même remarque qu’à la note 1), pp.75, 132.

26 Pour les diverses bouleversements terrestres, v. Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 49 s. ; Les signes de la fin des temps, 47, 48.

27 Les signes de la fin des temps, 51, 52.

28 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 164, 169-175 ; Les signes de la fin des temps, 134, 173-174 ; Les grands signes de la fin du monde, 141-144.

29 Coran XVIII 92-98 ; et également XXI 95-96. La tradition musulmane explique ces passages par la construction par Alexandre le Grand (Dhû al-qarnayn) d’un gigantesque barrage en airain empêchant ces populations barbares d’Asie Centrale de déferler sur le monde. Les Gog et Magog oeuvrent inlassablement pour détruire le barrage, mais celui-ci est reconstruit chaque nuit par l’Ange – jusqu’à ce que la protection divine, à la fin des temps, soit enlevée.

30 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 152 ; Les signes de la fin des temps, 159-162 ; Les grands signes de la fin du monde, 130-134.

31 Coran XXVII 82 ; Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 175 ; et Les signes de la fin des temps, 134, 163-166 ; Les grands signes de la fin du monde, 138-140.

32 Les signes de la fin des temps, 113-114.

33 Sur le renouveau de l’adoration des idoles, v. Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 181 ; Les signes de la fin des temps, 171 ; Les grands signes de la fin du monde, 63-65.

34 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 113-142 ; Les signes de la fin des temps, 88, 89, 100-101, 115-135, 148-149 ; Les grands signes de la fin du monde, 68-70, 95-114.

35 Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 87-113 ; Les signes de la fin des temps, 81-85 ; Les grands signes de la fin du monde, 71-81.

36 Les signes de la fin des temps, 85.

37 Le recueil le plus complet sur la question du retour de Jésus fut écrit pas le grand polygraphe al-Suyûtî (m. 1505) dans Nuzûl ‘Îsâ ibn Maryam, trad. sous le titre Jésus, l’antéchrist et la fin du monde, Alburda, Lyon, 2000, 63-110. V. aussi Michel Hayek, Le Christ de l’Islam, Seuil, 1959, 241-271 ; Barzanjî, Al-ishâ‘a fî ashrât al-sâ‘a, 143 s. ; et Les signes de la fin des temps, 121-122 ; Les grands signes de la fin du monde, 83-94, 114-129.

38 Les signes de la fin des temps, 149.

39 Les signes de la fin des temps, 92, 150, 154, 156, et 157 : « Dieu ne perdra pas une communauté dont je suis le fondateur, et dont Jésus est le terme ».

40 Les signes de la fin des temps, 152, 154.

41 Les signes de la fin des temps, 33, 38.

42 Sur ce thème, voir aussi Les signes de la fin des temps, 37.

43 V. le résumé par F.Khosrokhavar, Les nouveaux martyrs d’Allah, 216 s.

44 Muhammad Assad, Le chemin de La Mecque, cité dans Les grands signes de la fin du monde, 187-191.

lundi 24 octobre 2011

Les ascètes par A. J. Arberry




Arberry , A.J., Le Soufisme. Trad. Jean Gouillard. Les Cahiers du Sud, 1952.


Je vais maintenant raconter une vieille histoire
Comment la Foi commença et grandit
Jusqu’à sa pleine perfection ; oui, et je raconterai encore
Comment ensuite elle s’est fanée jusqu’à ressembler
A un vêtement décoloré. Après cela
Je vous réserve une vraie gemme de science
Que vous pouvez acquérir si vous voulez bien prêter attention à mes paroles
Une connaissance débordante, pour décaper le cœur
De la souillure et de la rouille et le rendre net et brillant
Véridique est ma connaissance, nette et éloquente
Précieuse autant que perles et rubis de grand prix
Par la Grâce Divine je montre la vérité
Que Dieu lui-même m’enseigna parce que je vis
En ce siècle déconcertant au delà de l’expression
Cruel et terrible, où il nous faut
Sans plus tarder une affirmation de notre foi
Doublée de preuves rationnelles
L’Islam a été magnifiquement célébré...
Comme les deuillants louent leur très cher disparu !


Ces vers sont empruntés à Ahmad b. ’Asim al-Antâkî d’Antioche, né à Wasit (Iraq) en 140/ 757 et mort à Damas en 215/830. Ils reflètent exactement l’état d’esprit des dévots au début du califat des Abbassides. Les prodigieuses conquêtes du Ier siècle de l’Islam avaient comblé de richesses et d’un pouvoir immense des gens étrangers à la « Maison du Prophète », qui régnaient sur de vastes territoires et menaient dans leur palais une existence d’oisiveté et de paresse, bien faite pour scandaliser les âmes simples.

La pieuse légende exempte de pareils excès les premiers compagnons et disciples de Mahomet : eux n’abusèrent jamais de leur condition privilégiée pour abdiquer la dignité simple et l’austérité de moeurs qu’ils avaient apprises du Prophète.
Lorsque Abu Bakr ayant hérité du pouvoir, l’univers entier vint à lui dans l’abaissement, il ne releva pas la tête pour cela ni n’afficha de prétentions ; il portait un seul vêtement qu’il agrafait avec deux épingles, ce qui lui valut le surnom de « l’homme aux deux épingles ». ’Umar b. al-Khattab, qui régna lui aussi sur l’univers entier, se nourrissait de pain et d’huile d’olive ; ses vêtements étaient rapiécés en une douzaine de places, parfois avec des bouts de cuir ; et pourtant les trésors de Chosroès et de César lui furent ouverts. ’Uthman, lui, ne se distinguait pas de ses esclaves par la mise ou l’apparence ; on le vit un jour sortir de l’un de ses vergers avec un fagot de bois mort sur le dos ; interrogé à ce sujet, il répondit : « Je voulais voir si mon âme refuserait. » Lorsque ’Ali accéda au pouvoir, il s’acheta une ceinture de quatre dirhams et une chemise de cinq ; trouvant trop longues les manches de son vêtement, il alla demander à un savetier son tranchet pour en couper la partie qui dépassait le bout de ses doigts ; et pourtant le même homme partagea le monde en droite et gauche [1].

C’est ainsi qu’al-Kharrâz, un mystique fameux du ine/ixe siècle, se représentait les « Califes vertueux » et cette réputation de sainteté était générale. Avec l’avènement du rusé Mu’âwiya (661-680), tout changea et la politique donna le pas aux calculs temporels sur les inspirations de l’idéal spirituel ; le fils et héritier de Mu’âwiya, Yazîd (680-833) était un ivrogne invétéré. Le transfert de la capitale de La Mecque à Damas illustre, à lui seul, le déclin de la piété : la mollesse syrienne évince l’ascétisme viril de l’Arabie. Un jour viendra où une nouvelle capitale outrageusement somptueuse, Bagdad, surgira sur les ruines de l’ancien empire perse, dans un pays où l’arabe était presque une seconde langue ; ce jour-là, la décadence sera consommée.

Devant une telle situation, une solution restait pour les âmes religieuses, se retirer de plus en plus d’une société visiblement engagée dans la voie de la damnation. Bien des gens qui avaient vu le Prophète furent réduits à choisir cette solution, dans leurs dernières années, pour marquer leur horreur de la corruption qui régnait en haut lieu. Conscients d’avoir pour eux l’intégrité et la justice, ils ne craignirent pas de fulminer condamnation et de prédire l’imminence du châtiment divin. Et cela devint un divertissement de bon ton dans les cercles puritains de s’amuser à écouter les éloquentes jérémiades des fidèles de la vieille école.

L’impiété califale connut une honorable exception dans la personne d’’Umar b. ’Abd ’Al-Azîz (717-720) célébré pour sa vertu en même temps que pour sa correspondance avec al-Hasan Al-Basrî (mort 110/728), un éminent théologien de la première heure renommé pour sa piété et son ascétisme et que les soufis revendiquent pour un de leurs plus anciens et plus distingués partisans. Le message d’al-Hasan illustre typiquement l’ascèse des débuts et ne laisse rien pressentir de la théosophie qui se développera plus tard. Qu’on en juge par cette lettre adressée à son auguste protecteur [2] :
Garde-toi de ce monde avec toute ta prudence ; il ressemble au serpent, doux au toucher mais dont le venin est mortel. Détourne-toi de tout ce qui t’enchante en lui, pour le peu de temps que tu as à passer dans sa compagnie. Dépouille-toi de ses soucis, car tu as vu ses hasards soudains et tu sais que tu en seras séparé ; supporte fermement ses épreuves pour la facilité qui sera bientôt la tienne. Plus il te plaît, plus tu dois te défier de lui ; chaque fois que l’homme de ce monde se sent assuré dans un de ses plaisirs, le monde le jette dans quelque désagrément ; quand il en obtient une partie et s’y niche, le monde brusquement le met sens dessus dessous. En outre, garde-toi de ce monde, car ses espoirs sont mensonges et ses attentes faussetés. Sa facilité n’est que difficulté, sa limpidité que boue. Voilà où est le danger : ou félicité éphémère, ou calamité soudaine, ou douloureuse affliction, ou ruine sans remède. Dure est la vie d’un homme qui est prudent dangereuse s’il est à l’aise, à l’affût sans cesse de la catastrophe, assuré de sa perte finale. Le Tout-Puissant n’eût-il pas porté condamnation sur le monde, ni inventé pour cela une parabole, ni ordonné aux hommes de s’en abstenir, le monde seul suffirait à éveiller le dormeur et à secouer l’étourdi ; à combien plus forte raison, quand Dieu lui-même nous a adressé une mise en garde contre lui et une exhortation à son propos. Car ce monde n’a ni poids ni valeur devant Dieu ; il est si léger qu’il ne pèse même pas devant Dieu autant qu’un galet ou une motte de terre ; comme il a été dit, Dieu n’a rien créé qui lui soit plus odieux que ce monde et, du jour où il l’a créé, il ne l’a plus regardé tant il le hait. Il a été proposé à notre Prophète avec toutes ses clés et ses trésors, et cela ne l’aurait pas diminué aux yeux de Dieu du poids de l’aile d’un moucheron, mais il a refusé ; rien pourtant ne l’empêchait d’accepter — puisqu’il n’y a rien qui puisse le diminuer aux yeux de Dieu — mais parce qu’il savait que Dieu haïssait une chose, il la haïssait aussi, que Dieu méprisait .une chose et il la ravalait aussi. Eût-il accepté, son acceptation eût prouvé qu’il l’aimait mais il a dédaigné d’aimer ce que son Créateur haïssait et d’exalter ce que son Souverain avait abaissé. Mahomet, quand il avait faim, s’attachait une pierre au ventre ; Moïse, lui, la peau de son ventre paraissait aussi verte que le gazon à cause de tout cela ; il ne demanda rien à Dieu le jour où il se réfugia dans l’ombre, sauf la nourriture quand il eut faim. Il est dit de lui dans les histoires que Dieu lui révéla : « Moïse, quand tu vois s’approcher la pauvreté, dis : « Bienvenue à l’insigne du juste ! » et quand tu vois s’approcher la richesse : « Voici une faute dont le châtiment a été décidé jadis. » Si tu le permets, on peut nommer en troisième lieu le Maître de l’Esprit et de la Parole (Jésus), car il y a une merveille dans ses choses ; il avait coutume de dire : « Mon pain quotidien est la faim, mon insigne est la crainte, mon vêtement la laine, ma montagne mon pied, ma lanterne nocturne la lune, mon feu de jour le soleil, mon fruit et mes herbes fragrantes les choses que la terre produit pour les bêtes sauvages et le bétail. Toute la nuit je n’ai rien et pourtant personne n’est aussi riche que moi ! ». Et si tu le permets, on peut nommer en quatrième lieu David qui ne fut pas moins admirable que ceux-ci : il mangeait de l’orge dans sa chambre et nourrissait sa famille de son, mais son peuple de fleur de froment ; la nuit venue, il revêtait un sac et enchaînait ses mains à son cou et pleurait jusqu’à l’aube, se nourrissant d’une nourriture grossière et portant des vêtements de crin. Tous ces gens ont haï ce que Dieu hait et méprisé ce que Dieu méprise ; dans la suite, les justes sont entrés dans leur chemin et ont serré la trace de leurs pas.
On voit déjà s’affirmer ici l’importante théorie soufie suivant laquelle les prophètes eux-mêmes ont pratiqué la pauvreté et la privation.

On notera aussi qu’al-Hasan al-Basrî attribue à Jésus et à David les pratiques d’austérité qui distinguaient si nettement les ascètes soufis contemporains, sans excepter le port du froc de laine. Ibn Sîrîn (mort 110/ 728), un célèbre savant contemporain d’al-Hasan, qui attaqua les principes et les pratiques de celui-ci sur plusieurs points [3], condamne en particulier le port de la laine (sûf), que certains dévots affectaient déjà de porter pour imiter Jésus. Ibn Sîrîn, lui, « préfère suivre l’exemple de notre Prophète qui s’habillait de coton » [4].

Le surnom de soufi, qui dérive incontestablement du mot arabe signifiant « laine », semble avoir été étrenné par un certain Abu Hâshim ’Uthmân b. Sharîk de Kufa (mort vers 160/776) ; vers le milieu du IIIe/IXe siècle, il était devenu le nom courant de ceux qui pratiquaient l’austérité ; au IVe/Xe siècle cette acception allait s’enrichir d’une note théosophique [5].

De Basra et de Kufa le mouvement ascétique se répandit dans toutes les parties du monde islamique, en particulier dans le Khorassan qui devint, durant la seconde moitié du IIe/VIIIe siècle, un foyer important de vie aussi bien politique que religieuse. C’est dans le Khorassan que fut ourdi le complot qui détrôna les Omayyades au bénéfice des Abbassides. Cette province reculée qui avait été dans le passé un centre florissant de bouddhisme fut la patrie du fameux Ibrâhîm b. Adham, prince de Balkh (mort 160/777). La légende de sa conversion à l’ascétisme a souvent été comparée au roman de Gautama Buddha ; elle allait devenir un thème favori des soufis postérieurs.

Mon père, fait-on raconter à Ibrâhîm [6], était de Balkh et il fut l’un des rois du Khorassan. Il était riche et il m’apprit l’amour de la chasse. Un jour que j’étais sorti à cheval avec mes chiens, ceux-ci levèrent un lièvre (ou un renard). Je piquai des éperons quand j’entendis une voix : « Ce n’est pas pour cela que tu as été créé, ce n’est pas cela que je t’ai commandé de faire. » Je m’arrêtai pour regarder à droite et à gauche mais je ne vis personne ; je dis : « Dieu maudisse le Diable ! » et je piquai de nouveau des éperons. J’entendis alors une voix plus impérieuse encore : « O Ibrâhîm, ce n’est pas pour cela que tu as été créé ; ce n’est pas ce que je t’ai commandé de faire. » Je m’arrêtai cette fois encore, regardai à droite et à gauche et, n’ayant vu personne, je répétai : « Dieu maudisse le Diable ! Je piquai une troisième fois des éperons quand j’entendis une voix sortir du pommeau de ma selle : « O Ibrâhîm, ce n’est pas pour cela que tu as été créé ; ce n’est pas ce que je t’ai commandé de faire. » Je m’arrêtai et dis : J’ai été levé ! Ceci est un avertissement du Maître des mondes. En vérité, à partir de ce jour, je ne désobéirai à Dieu, tant que le Seigneur me conservera en vie. » Je retournai à mon escorte et abandonnai mon cheval ; j’allai trouver un des bergers de mon père et lui pris sa robe et son manteau en échange de mes habits. Je partis alors vers l’Iraq, errant de pays en pays.

Le récit nous décrit ensuite sa vie vagabonde à la recherche d’une vie « suivant la loi » ; un certain temps, il gagne sa subsistance en Syrie comme jardinier mais il ne tarde pas à être découvert et il s’en va vivre dans le désert. Là il rencontre des anachorètes chrétiens qui lui enseignent la vraie connaissance de Dieu :
J’ai appris la gnose (ma’rifa), racontait-il à un disciple [7] d’un moine appelé l’Abbé Syméon. Lui ayant rendu visite dans sa cellule, je lui dis : « Abbé Syméon, depuis combien de temps vis-tu dans cette cellule ? » — « Depuis 70 ans. » — « Quelle est ta nourriture ? » — « O Hanifite, quelle’ raison t’a fait me poser cette question ? » — « Le désir de savoir », répondis-je. Alors il me dit : « Chaque nuit, un pois chiche. » Je lui dis : « Qu’est-ce qui t’anime pour que ce pois te suffise ? » Et il me répondit : « Ils viennent à moi un jour chaque année, ils ornent ma cellule et processionnent tout autour en signe de révérence ; quand mon esprit est fatigué de prier, je songe à cette heure-là et je supporte les peines de toute une année en considération d’une heure. Hanifite, endure donc les peines d’une heure pour la gloire de l’éternité. » La gnose à ce moment descendit dans mon cœur.

Un de ses disciples ayant demandé à Ibrahim b. Adham une définition du service, le maître répondit : « Le commencement du service est la méditation et le silence, sauf pour la « mention » (dhikr) de Dieu. » [8] Un autre jour, à la nouvelle qu’un homme étudiait la grammaire, il se contenta de dire : « Il aurait bien plus besoin d’apprendre le silence » [9].

On lui prête cette prière : « O Dieu, tu sais que le paradis ne pèse même pas pour moi autant que l’aile d’un moucheron. Si tu me viens en aide par ton dhikr, si tu me soutiens de ton amour, si tu me facilites l’obéissance, donne le paradis à qui tu veux » [10]. Dans une lettre à l’un de ses compagnons d’ascèse il écrit [11] :
Je t’exhorte à craindre Dieu à qui il n’est pas permis de désobéir et en qui seul repose ton espérance. Crains Dieu, car celui qui craint Dieu est grand et puissant, sa faim est satisfaite, sa soif étanchée et son esprit exalté au-dessus du monde. Son corps habite avec ceux de ce monde ; son cœur est face à face avec le monde à venir. Lorsque l’œil voit l’amour de ce monde, la vue du cœur s’éteint ; c’est pourquoi l’homme détestera les choses défendues de ce monde et renoncera à ses plaisirs ; voire, il s’abstiendra des choses permises et pures, à l’exception des haillons nécessaires pour ceindre ses reins et vêtir sa nudité ; même alors, il les prendra aussi épais et grossiers que possible. Il n’a de confiance ni d’espoir qu’en Dieu, sa confiance et son espoir sont élevés au-dessus de toute chose créée et reposent dans le Créateur de toutes choses. Il peine et s’épuise et exténue son corps à cause de Dieu, de sorte qu’il a les yeux enfoncés et les côtes saillantes et Dieu l’en récompense par un accroissement d’intelligence et de force de cœur en plus de toutes les autres choses qu’il a accumulées pour lui dans le monde à venir. Rejette donc le monde, ô mon frère, car l’amour du monde rend l’homme aveugle et sourd et le réduit en esclavage. Ne dis pas : « demain » ou « après-demain », car ceux qui ont péri ont péri parce qu’ils demeuraient toujours dans leur espérance et la vérité a fondu sur eux tout d’un coup au milieu de leur distraction et, entêtés qu’ils étaient, ils ont été portés à leurs tombes ténébreuses et étroites, abandonnés de leurs proches et de leurs amis. Consacre-toi à Dieu d’un cœur pénitent et avec une résolution inébranlable. Adieu !

L’école ascétique du Khorassan trouva un continuateur dans le disciple d’Ibrahim b. Adham, Shaqîq de Balkh (mort 194/810). Suivant divers auteurs, il aurait été le premier à faire de l’abandon à Dieu (tawakkul) un état mystique (hâl) [12]. Son petit-fils nous à laissé un récit de sa conversion qui éclaire à la fois les contacts entre l’Islam et les autres religions contemporaines et la conscience qu’on avait de leur influence sur l’évolution du soufisme [13].

Mon grand-père possédait trois cents villages, quand il fut tué à Washgird et pourtant il ne laissa même pas un linceul pour l’ensevelir : il avait tout donné. Son vêtement et son épée sont encore suspendus à ce jour et on les touche pour obtenir une bénédiction. Dans sa jeunesse, il était allé faire du commerce au pays- des Turcs, chez des gens du nom de Khusûsîya qui adoraient les idoles. Etant entré dans leur temple, il y rencontra leur docteur ; il avait la tête rasée et portait des vêtements rouges. Shaqîq lui dit : « La religion à laquelle tu t’adonnes est fausse ; ces hommes, toi, la création entière, tout a un Créateur et un Auteur et il n’y en a pas d’autre en dehors de lui ; à lui appartiennent ce monde-ci et l’autre ; il est le Tout-Puissant, la Providence universelle. » Le ministre (des idoles) lui répondit : « Tes paroles ne s’accordent pas avec tes actes. » Shaqîq lui dit : « Comment cela ? » L’autre répartit : « Tu as affirmé que tu as un Créateur, universelle Providence et Tout-Puissant ; or, tu as quitté ton pays pour ce lieu, en quête de ta subsistance. Si tu dis vrai, Celui qui a pourvu à tes besoins ici est le même qui pourvoit à tes besoins là-bas ; épargne-toi donc ces soucis. » Shaqîq disait : « L’origine de mon renoncement (zhud) " fut la remarque de ce Turc. » Il revint chez lui, distribua tous ses biens aux pauvres et se mit à la poursuite de la connaissance.

Dans ce que les écrivains postérieurs ont pu sauver de la pensée de Shaqîq, on discerne les premiers éléments d’un système organisé de renoncement, que les soufis du IIIe/IXe siècle devaient pousser bien plus loin. Son disciple Hâtim al-Asamm (mort 237/852), lui-même un membre en vue de l’école du Khorassan, le cite en ce sens [14] :
L’homme qui vivrait deux cents ans sans connaître les quatre choses suivantes n’échapperait pas (s’il plaisait à Dieu) à l’Enfer. (Ces choses sont) premièrement la connaissance (ma’rifa) de Dieu ; deuxièmement la connaissance de soi ; troisièmement la connaissance du commandement et de la défense de Dieu ; quatrièmement la connaissance de l’adversaire de Dieu qui est aussi son adversaire. La connaissance de Dieu consiste à connaître dans ton cœur qu’il n’est personne d’autre qui donne et retire, frappe et favorise. La connaissance de soi consiste à savoir que tu ne peux nuire ni favoriser, et que tu n’as le pouvoir de rien faire du tout ; et pareillement à résister au moi c’est-à-dire être soumis à Dieu. La connaissance du commandement et de la défense de Dieu consiste à te rendre compte que le commandement de Dieu règne sur toi et que ta subsistance dépend de Dieu et à te confier à cette Providence, en étant sincère dans toutes tes actions. Le signe de cette sincérité sera de n’avoir ni l’une ni l’autre des caractéristiques suivantes : convoitise et impatience. La connaissance de l’adversaire de Dieu consiste à avoir conscience que tu as un ennemi et que Dieu n’agréera rien de toi qui ne soit le résultat de la guerre ; et la guerre du cœur consiste à guerroyer contre l’ennemi, à lutter corps à corps avec lui et à l’épuiser.

Autre représentant typique de l’ascétisme persan, ’Abd Allah al-Mubârak de Merv (mort 181/797) que les soufis revendiquent pour un des leurs. Il a écrit un livre sur le renoncement (Kitâb al-Zudh) qui nous est parvenu [15]. L’ouvrage est formé d’un recueil de hadîth relatifs à l’ascèse ; c’est dire son importance : outre qu’il est la première en date de ces collections spécialisées, il nous montre sur le vif l’ascète en train de recueillir des témoignages dans la vie du Prophète et prêchant pour justifier la sienne. Merv donnera le jour un peu plus tard à Bishr b. al-Hârith al-Hâfi (le « va-nu-pieds ») mort en 227/841 ; il avait été suivant ses dires « un chenapan et un bandit » avant d’entendre l’appel de Dieu [16]. Il enseigna une doctrine de l’indifférence à l’opinion d’autrui qui annonce une future bifurcation du soufisme, la secte des Malâmatîya qui devait connaître une particulière célébrité.

On prête à Bishr les propos suivants : « Cache tes actes de vertu comme tu caches tes mauvaises actions » [Ibid., VIII, p. 346] et encore : « Si tu as le moyen de te mettre dans une situation qui te fasse soupçonner de vol, fais tout ce que tu peux pour t’y mettre. » [Ibid., VIII, p. 348] Il écrivait à un disciple [17] :
Reprends le chemin le plus proche : plaire à ton Seigneur ; ne laisse pas ton cœur redevenir attentif aux applaudissements ou aux réprobations de tes contemporains. Ceux que tu crains sont en réalité morts, sauf les justes dont les cœurs sont illuminés par la foi. Car tù demeures dans un lieu où sont des morts, parmi les tombeaux d’hommes vivants peut-être, mais qui sont morts pour le monde à venir et dont les pas sont tous effacés de ses chemins. Voilà les gens de ton temps : dérobe-toi donc à ce lieu où la lumière de Dieu ne brille jamais. Ne te trouble pas si quelqu’un te quitte, ne te désespère pas de le perdre, car il vaut mieux pour toi l’avoir loin que près ; que Dieu soit ta suffisance, prends-le pour compagnon et qu’il les remplace. Méfie-toi des gens de ton temps,"11 n’est pas bon de vivre avec quelqu’un dont les gens aujourd’hui pensent du bien ni avec quelqu’un dont on pense du mal. Mieux vaut mourir solitaire que de vivre, car si quelqu’un s’imagine qu’il pourra échapper au mal et à la crainte de la tentation, qu’il sache qu’il n’y a pas d’issue pour lui ; si tu leur donnes pouvoir sur toi, ils t’inciteront à pécher ; si tu les évites, ils te poseront un piège. Choisis pour toi et fuis leur société. Je tiens que le meilleur conseil aujourd’hui, c’est de vivre seul ; là se trouve la sécurité et la sécurité est un avantage suffisant.

L’extrême pessimisme de la conception de Bishr, ressort éloquemment des vers qu’on lui attribue [18] :

Je le jure, la part est bien plus belle
De boire les larmes amères du cœur
Et d’écraser le noyau de datte que de se tenir
L’envie dans l’âme et bonnet dans les mains
Pour obtenir — la belle récompense !
Un regard méprisant et un froncement de sourcils.
Que le désespoir donc te suffise
C’est un plus grand bien que quoi que ce soit
Une aubaine à dilater l’âme.
Le désespoir est beau et honorable ;
La crainte dé Dieu voilà la vraie noblesse
Le désir mène à l’infamie ;
Car le monde peut être beau aujourd’hui,
Il finira toujours par assaillir et tuer.


Pendant ce temps, en Iraq, le courant ascétique se répandait pareillement dans des directions nouvelles. La violente réaction de Bishr b. al-Hârith contre la société se retrouve chez al-Fudail b. ’ïyâd (mort 187-803), lui aussi un fils du Khorassan, qui passa de nombreuses années à Kufa et mourut à La Mecque. « En vérité, dira-t-il, j’aimerais mieux être cette poussière ou ce mur que de partager la vie nonchalante de mes contemporains terrestres les plus élevés. Tu crains la mort mais connais-tu la mort ? Si tu me dis que tu crains la mort, je ne te croirai pas ; car si tu craignais vraiment la mort, tu ne trouverais pas avantageux de manger ou de boire ou de posséder quoi que ce soit en ce monde. Si tu avais vraiment connu la mort, tu ne te serais jamais marié, tu n’aurais jamais désiré d’enfants » [19].

Un disciple d’al-Fudail fait observer qu’il l’accompagna pendant vingt ans sans l’avoir vu rire ou sourire qu’une seule fois,le jour où il perdit son fils ’Alî. Comme il l’interrogeait sur ce changement d’humeur insolite, il lui fut répondu : « le Tout-Puissant a aimé une chose et je l’ai aimée aussi » [20]. Sur un registre moins austère, la même note d’austérité résonne dans le langage de Râbi’a, la célèbre mystique de Basra (mort 185/801). Demandée en mariage par divers hommes pieux, elle repoussa toutes les offres en disant : « Le contrat de mariage est pour ceux qui ont une existence phénoménale. Dans mon cas, cette existence n’est pas. Car j’ai cessé d’exister et suis morte au moi. J’existe en Dieu et suis entièrement sienne. Je vis dans l’ombre de son commandement. C’est à Lui qu’il faut demander le contrat de mariage et non à moi. » [21] Râbi’a était littéralement hantée par le sentiment de la présence immédiate de Dieu ; un jour qu’elle était malade, elle répondit à un visiteur qui s’enquérait de la cause de son mal : « Au nom de Dieu, je ne vois d’autre cause à ma maladie, si ce n’est que le Paradis a été déployé devant moi et que j’ai langui après lui dans mon cœur ; et je crois que mon Seigneur en a été jaloux et m’en a fait ainsi reproche ; or, lui seul peut me rendre heureuse. » [22] Sa célèbre prière est de la même veine : « Si je T’adore par crainte de l’Enfer, brûle-moi en Enfer ; si je T’adore dans l’espoir du Paradis, exclus-moi du Paradis. Mais si je T’adore pour Toi-même, ne me prive pas de ta Beauté éternelle. » [23] Le nom de notre mystique est resté lié à la première énonciation soufie de la doctrine du Divin Amour appelée à devenir un des traits les plus caractéristiques du mouvement. Son court poème sur ce thème est l’un des plus souvent cités de la littérature soufie.

Je t’aime de deux amours : amour visant mon propre bonheur, et amour vraiment digne de Toi.
 Quant à cet amour de mon bonheur, c’est que je m’occupe à ne penser qu’à Toi et à nul autre.
 Et quant à cet amour digne de Toi, c’est que tes voiles tombent et que je Te voie.
 Nulle gloire pour moi, ni en l’un ni en l’autre, mais gloire à Toi, pour celui-ci et pour celui-là [24].


Nous finirons cette courte revue des anciens ascètes comme nous l’avons commencée par une citation d’Ahmad b. ’Asim d’Antioche. Elle a l’avantage de fournir un excellent exemple de l’évolution qui commence avec son temps à affecter progressivement le caractère du soufisme. Le soufisme, d’un mode de vie qui est protection contre la mondanité des dirigeants, va se transformer en une théorie de l’existence et un système de théosophie. Disciple lui-même d’un ascète connu, Abu Sulaimân al-Dârâni Ahmad, est le plus ancien auteur connu d’écrits mystiques, dignes de ce nom, qui nous soient parvenus, et il annonce ainsi les grands auteurs soufis du IIIe-IXe siècle [25]. Un court dialogue entre lui et un disciple anonyme nous le montre dans son rôle de maître spirituel, un trait qui ira s’accentuant dans le soufisme [26].
Question. — Que dis-tu de la consultation d’autrui ?
Réponse. — Ne t’y fie pas, sauf s’il s’agit d’un homme digne de confiance.
Q. — Que dis-tu de donner des conseils ?
R. — Examine d’abord si tes paroles te sauveront toi-même ; dans l’affirmative, tes directives sont inspirées, on te respectera et on te croira.
Q. — Que penses-tu de l’association avec d’autres hommes ?
R. — Si tu trouves un homme intelligent et digne de confiance, associe-toi avec lui et fuis le reste des hommes comme des bêtes sauvages.
Q. — Quelle est la meilleure façon pour moi de me rapprocher de Dieu ?
R. — Quitter les fautes intérieures.
Q. — Pourquoi intérieures plutôt qu’extérieures ?
R. — Parce qu’en évitant les fautes intérieures, tes fautes extérieures seront aussi nulles que tes fautes intérieures.
Q. — Quelle est la faute la plus pernicieuse ?
R. — Celle dont tu ignores qu’elle est une faute. Plus pernicieuse encore, celle que l’on prend pour un acte de vertu alors qu’elle n’est qu’une faute.
Q. — Quelle faute m’est la plus profitable ?
R. — Celle que tu gardes devant tes yeux, pleurant sur elle sans cesse, jusqu’à ce que tu veuilles ne jamais plus la commettre de nouveau. Voilà le « vrai repentir » (C. 66.8).
Q. — Quel est l’acte vertueux le plus nuisible ?
R. — Celui qui te fait oublier tes mauvaises actions ; celui que tu gardes devant les yeux, te reposant sur lui avec confiance, de sorte que, dans ton illusion, tu ne crains pas le mal que tu as fait, par orgueil.
Q. — Où suis-je le plus caché ?
R. — Dans ta cellule et dans ta maison.
Q. — Et si je ne suis pas en sûreté dans ma maison ?
R. — Là où les convoitises ne collent pas à toi,.où les tentations ne t’assiègent pas.
Q. — Quelle grâce de Dieu m’est le plus profitable ?
R. — Quand il te garde de lui désobéir et t’aide à lui obéir.
Q. — Ceci est un résumé. Explique-le moi plus clairement.
R. — Parfait. Quand il t’assiste avec trois choses : une raison qui désarme tes passions, une connaissance qui suffit à ton ignorance et une indépendance qui chasse de toi la crainte de la pauvreté.

Notes
[1] Kharrâz, op. cit., pp. 20-21
[2] Abu Nu’aim, Hilya, Le Caire, tome II, pp. 134-140
[3] Massignon, op. cit., pp. 175-176
[4] Ibid., p. 131
[5] Ibid., pp. 132-134
[6] Abu Nu’aim, op. cit., VIII, p. 368. Cf. E. Dermenghem, Vies des Saints Musulmans, Alger, 1943, p. 20
[7] Ibid., VIII, p. 29
[8] Ibid., VIII, p. 17
[9] Ibid., VIII, p. 16
[10] Ibid., VIII, p. 35
[11] Ibid., VIII, pp. 18-19
[12] Massignon, op. cit., p. 228
[13] Abu Nu’aim, op. cit., VIII, p. 59
[14] Ibid., VIII, pp. 60-61
[15] Brockelmann, Geschickte der arabischen Litteratur (suppl.), I, p. 256
[16] Abu Nu’aim, op. cit., VIII, p. 336
[17] Ibid., VIII, pp. 342-343
[18] Ibid., VIII, p. 346
[19] Ibid., VIII, p. 85
[20] Ibid., VIII, p. 100. Cf. E. Dermenghem, op. cit., p. 82
[21] Attar, Tadhkirat al-auliyâ’, I, p. 66 (cité par M. Smith, Early Mysticism, p. 186)
[22] Kalâbâdhî, op. cit., p. 159
[23] Nicholson, op. cit., p. 115
[24] Nicholson in Legacy of Islam, pp. 213-214. Traduction française empruntée à E. Dermenghem, Les plus beaux textes arabes. Paris, La Colombe, 1951, p. 233
[25] Brockelmann, op. cit. (suppl.), I, p. 351 ; Massignon, op. cit., p. 204
[26] Abu Nu’aim, op. cit., IX, p. 254