Paroles
d'or : Kitâb al-lbrîz de Shaykh Abd al-Azîz Al-Dabbagh
traduit
par Zakia Zouanat
Nous
disons : L'auteur du poème rimé en râ' (Râ'iyya) a
parlé du maître initiateur, et le Shaykh Abd al-'Aziz al-Dabbâgh a
commenté quelques-uns de ses propos. L'auteur de la Râ'iyya a
dit :
Le
maître a des signes qui s'ils sont absents chez lui, il n'est alors
cheminant que dans les nuits des passions.
Le
Shaykh Abd al-'Aziz al-Dabbâgh dit : « Le maître
initiateur a des signes apparents :
- son
cœur est sain de toute envie ou sentiment de jalousie ;
- il
n'a point d'ennemi parmi les gens ;
- il
est généreux, si tu lui demandes, il te donne ;
- il
aime ceux qui lui nuisent ;
- il
ne prête pas d'attention aux fautes des disciples.
S'il ne possède pas de science exotérique ni de science ésotérique, jette-le dans les vagues de la mer.
Le
Shaykh Abd al-'Aziz al-Dabbâgh dit : « Il veut dire par
"science exotérique" la théologie et la science de
l'unité, c'est-à-dire la proportion exigée de ces deux sciences
chez le responsable. Et par "science ésotérique" il
désigne la connaissance de Dieu Très Haut. [...] S'il trouve un
maître qui ne rassemble pas de manière parfaite les deux sciences
exotérique et ésotérique, le disciple est alors proche de la
ruine. »
«
Celui qui n'est pas compté parmi les maîtres parce qu'il n'a pas
reçu l'investiture d'un maître parfait - car celui-ci est mort
avant d'avoir terminé l'initiation de son disciple -, mais qui a été
confirmé par les gens, est aussi un maître valable et acceptable
parce qu'il n'est pas exclu que son initiation ait été complétée
par des saints invisibles, ou par monseigneur Ahmad al-Khadir. [...]
Ne t'attends à trouver le maître initiateur qu'en celui qui a
rassemblé trois conditions : il est doté de vision intérieure ; il
est libre des passions ; il n'est pas imbu de sa personne. [...]
Celui dont les yeux sont rouilles voit le noir qui se trouve au
milieu de la lune sur la face du soleil qui est dépourvu de
noirceur, cela parce que les vérités s'inversent chez lui. Celui
qui n'a pas de vision intérieure voit les défauts dans le maître
parfait et le fuit, et il voit la perfection chez la personne
inaccomplie. »
«
Ne te présente chez un maître en vue d'entrer dans son
compagnonnage que si tu as la conviction qu'il est un maître
initiateur, et qu'il est en cela le plus confirmé de son temps. Cela
est une obligation pour le disciple, car le maître qui voit que son
disciple se tourne vers un autre maître lui coupe "les vivres".
[...] Si tu trouves, par le don du Seigneur, le maître qui va
t'initier, établis-toi à son service, tâche de connaître la
valeur de son compagnonnage, et prends-le comme médiateur vers Dieu,
peut-être atteindras-tu la connaissance de Dieu, mais encore tu dois
éviter les choses blâmables aux yeux de la loi
exotérique. »
«
Si tu élèves ton flux spirituel vers la voie de la pauvreté en
Dieu qui est la voie soufie, laisse de côté les passions de ton âme
dans ce qu'elle choisit pour elle-même comme dévotions et genres de
rapprochements, sans que le maître les lui recommande, éloigne-toi
de ses passions en cela de la manière dont tu dois t'écarter du
mal. [...] Mets ton âme dans le giron de ton maître afin qu'il
t'éduque comme une mère éduque son enfant dans son giron. Il n'y a
pas pour ton âme de sortie du giron du maître et de sa tutelle
avant d'être sevrée de l'initiation. »
«
Ne t'oppose jamais à ton maître, car l'opposition au maître
entraîne à coup sûr la dispersion du disciple opposant et son
éloignement de son Seigneur et de sa religion. »
Sache (que
Dieu t'assiste) que j'ai trouvé ces commentaires de quelques
vers de la Râ'iyya écrits de la main même du
maître sur une copie du poème. Je ne les ai donc pas entendus de
lui, mais ils étaient écrits de sa main bénie sans aucun doute ;
c'est pour cela que je les lui ai attribués, sachant que la science
du maître est supérieure à tout cela. Comme j'aurais voulu lui
lire ce poème afin d'entendre de lui les secrets seigneuriaux et les
lumières de la connaissance dans son commentaire, comme à son
habitude.
Quand
le Shaykh est mort, je m'engageai à visiter fréquemment son
tombeau, et je le vis en rêve qui me disait : « Mon être n'est pas
emprisonné dans la tombe, mais il se trouve dans le monde entier. »
Dans
le même sens, je l'ai entendu dire durant sa vie : « Le monde
entier se trouve parfois dans mon intériorité. »
Et
je l'ai entendu quelquefois dire : « Les sept cieux et les sept
terres ne sont aux yeux du croyant que comme un anneau jeté dans un
désert. La présence du maître doit être différente en fonction
des 408 stations des maîtres. »
Tel
est l'état du disciple dans l'assemblée du maître. Il doit garder
le silence et ne rien proférer comme belles paroles en sa présence,
sauf s'il trouve que le maître est disposé et que celui-ci lui
ordonne de le faire. Le disciple en la présence du maître est comme
celui qui est assis au bord d'un océan attendant qu'une subsistance
lui parvienne.
Une
étrange histoire est arrivée, et je l'ai entendue du Shaykh Abd
al-'Aziz al-Dabbâgh. Je l'ai entendu dire : « J'ai rencontré à La
Mecque (que Dieu l'ennoblisse) Abû-l-Hasan 'Alî
al-Sadghâ' al-Hindî, et je l'ai trouvé dans un état étrange.
Quand il voulait faire un pas, il levait le pied, et celui-ci
tremblait dans l'air, il le remettait par terre et il tremblait, et
il le rendait à l'endroit du pas et il tremblait, quiconque le
voyait ne pouvait que dire : "Il est atteint de folie." Je
lui dis : "Ô Abâ-l-Hasan, qu'est-ce que cet état dans lequel
tu te trouves ?"
«
Il dit : "Je n'ai pas dit ce qui m'est arrivé à un autre que
vous, et je m'en vais vous le dire. Dieu Très Haut m'a révélé Son
acte dans Ses créatures, je vois clairement Son acte courir dans la
création, rien ne m'en échappe. Ensuite II m'a révélé les
secrets de Son acte dans le destin des autres hommes. Je vois ces
actes, et je sais pourquoi ils sont, et je connais les secrets du
destin en eux de sorte qu'aucun de ces secrets ne m'échappe. Il
m'arriva alors de croire qu'il ne m'a pas voilé Sa vision uniquement
parce qu'il me veut du mal. [...] C'est pour cela que j'ai commencé
à avoir peur de tout acte de mon choix, attribué à moi, imaginant
avec exagération que chacun de mes actes choisis sera la cause de ma
ruine. [...] Le premier geste quand je veux étendre mon pied est un
acte, j'en tremble de peur, et je le rends à sa place tout en
tremblant de peur parce que je le rends, et il en est ainsi dans
chaque acte." »
Le
Shaykh Abd al-'Aziz al-Dabbâgh dit : « Dieu a voilé la vision
de ce saint afin qu'il ne voie pas Son acte en lui, par une
miséricorde qu'il a voulu lui accorder ; s'il lui avait révélé
cela et qu'il s'était mis à y voir l'acte en lui, son corps se
serait consumé. »
Je
me trouvais avec le Shaykh un jour à Bâb al-Hadîd quand il me
regarda et dit : « Nul ne peut prétendre connaître Dieu s'il ne
connaît pas l'Envoyé (SSP) ; et nul ne peut
prétendre connaître l'Envoyé (SSP) s'il ne
connaît pas son maître ; et nul ne peut prétendre à la
connaissance du maître s'il n'a pas fait sa prière du mort sur les
gens. Si les gens disparaissent de sa vue et qu'il se met à ne pas
faire attention à eux dans ses dires, ses faits, et toutes ses
affaires, il recevra une miséricorde inattendue. » Le Shaykh
appréciait celui qui ne prête aucune importance au regard des gens
sur lui.
II
nous disait : « Ne me cachez rien des choses qui vous arrivent, que
ce soit celles de la religion ou du bas monde, informez-moi même de
vos péchés. Si vous ne m'en informez pas, je vous en informerai. Un
compagnonnage dans lequel les états des compagnons sont occultés ne
peut être bon. »
Il
disait : « Quant à moi, je ne vous cache rien de mes affaires. »
Et il nous expliquait son état jusqu'à ce qu'il ait atteint son
époque, il nous rapportait tout ce qui lui arrivait comme choses
habituelles et d'autres ; il nous disait : « Si je ne vous informe
pas et ne vous révèle pas mes états, Dieu me punira et me
demandera des comptes, car vous pensez du bien de moi. Patientez
jusqu'à ce que je vous dise les choses intérieures qui ne vous ont
pas été révélées, après cela, celui parmi vous qui voudra
rester avec moi, qu'il reste, à ce moment-là sa nourriture sera
licite pour moi, et j'accepterai ses offrandes. Celui qui voudra
partir, qu'il parte. Mon silence sur ces choses serait une tricherie
envers vous. » En vérité, le Shaykh était pure miséricorde pour
ses compagnons, faisant le médiateur pour eux dans leurs fautes,
couvrant leurs vicissitudes, prenant en charge tout ce dont ils
craignent les conséquences, donnant plus d'importance à leurs
affaires qu'aux siennes propres.
Un
jour, il dit : « L'homme qui ne partage pas les mauvaises actions de
son compagnon n'est pas un compagnon pour lui. Si le compagnonnage
n'existe que pour les bonnes actions, ce n'est pas du vrai
compagnonnage. »
II
dit également : « Par respect pour le maître, si le disciple a des
choses à lui dire concernant sa religion ou son bas monde, il ne
doit pas se précipiter et l'envahir, mais patienter jusqu'à ce
qu'il voie à travers l'état du maître qu'il est disponible pour
lui et prêt à écouter ses paroles. Tout comme les invocations ont
un temps, une politesse et des règles, car il s'agit de la
conversation avec Dieu Très Haut, parler avec le maître a également
des politesses et des règles, car cela relève d'une conduite envers
Dieu Très Haut. Avant de parler au maître des questions qui lui
tiennent à cœur, le disciple doit demander à Dieu Très Haut le
succès dans sa politesse à l'égard du maître. »
Je
lui dis un jour : « Je crains Dieu Très Haut pour des délits que
j'ai commis. » Il me dit : « Que sont ces choses ? » Je lui dis
alors ce qui m'était arrivé.
Il
me dit : « Ne crains pas ces choses, mais le plus grand péché dans
ton cas est que tu passes une heure sans penser à moi, c'est cela la
transgression qui te nuira dans ta religion et ton bas monde. »
Je
lui dis une fois : « O monseigneur, je suis loin du bien. » Il dit
: « Abandonne cette idée, et regarde ta position chez moi, c'est
sur elle que tu peux compter. » Nous étions avec le Shaykh dans un
état dont il est rare d'entendre son pareil. Il ne nous arrivait pas
une chose importante ou banale sans que nous ne la lui
rapportassions, et à peine l'avions-nous fait qu'il la prenait en
charge pour nous ouvertement et apaisait ainsi notre pensée. Il
plaisantait et riait beaucoup avec nous, il nous encourageait à nous
débarrasser de notre timidité, et commençait le premier à nous
entretenir des choses qui nous préoccupaient, et nous disait : « Ne
me considérez pas comme un maître, mais plutôt comme un de vos
frères. Vous ne pouvez pas supporter la politesse que demande la
station du maître, je vous pardonne et vous délie de cela.
Prenez-moi comme un frère, l'amitié durera entre nous. » Que Dieu
le rétribue pour nous de la meilleure façon, par Sa grâce et Son
don.
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