vendredi 13 mars 2020

FRANCE – ALLEMAGNE - Un couple conflictuel - J.F.

 Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer signent à l’Élysée un traité de coopération franco-allemand.




note préliminaire: en Europe, la France est très proche - déjà au point  de vue linguistique – de l'Italie; avec l'Espagne, c'est différent, il y a la barrière des Pyrénées et peut-être l'imprégnation « arabo-ibérique ».L'Angleterre est une sorte d'adversaire qui méprise vaillamment tous les autres peuples et nous assène sa morgue, voire son mépris: leur pays étant un royaume , ils se croient tous nobles (les Français républicains étant forcément une engeance inférieure).


NB. Les Anglais ont exécuté leur roi bien avant nous ,et s'ils ont rétabli la Royauté , ce n'est pas parce qu'ils seraient plus royalistes que nous, mais parce  que c'est un peuple conservateur, comme tous les peuples nordiques, au contraire des Latins, contestataires  et révolutionnaires.
 
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        Alors, l'Allemagne, nous dira-t-on ? (1)  Eh! bien , l'Allemagne, c'est l'histoire d'un couple: il y a une sorte de jalousie, de fascination pour l'art - supposé – du bien  vivre chez l'autre, de la bonne chère, de l'élégance, de la grâce des femmes ; c'est le pays de la mode, des parfums, des alcools de luxe.(1)L'allemagne est trop polluée par ses usines pour pouvoir survivre sans le bon air français( jusqu'à quand ?).Si l'on trace une carte schématique de l'Allemagne, on verra qu'elle se compose en gros d'autoroutes, de forêts et de villes  et surtout de villages reconstruits après-guerre avec 3 tours de béton où l'on entasse 15 000 habitants. Rien de la diversité et des espaces libres français. L'Allemagne a un côté monolithique.

  Tout ce qui peut manquer à un membre du couple devrait pouvoir bénéficier à l'autre; d'où l'idée de complémentarité. Mais la France ne se laisse pas courtiser facilement, malgré les idées courantes, selon  lesquelles la femme du voisin est toujours plus belle et plus « facile » que la vôtre ; et commence déjà le malentendu...
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 Un mot-clé définit l'Allemagne : le mot « Ordnung », c'est à dire non pas l'ordre donné ou l'Ordre  ni les ordres, mais l' ORDRE  opposé au désordre (qu'est supposé représenter son voisin français). Ainsi l'Allemand demande couramment :

-Ist alles in Ordnung? » qui se dit aussi bien  pour la santé que pour le moteur de la voiture ou l'état de la maison : « est-ce que tout fonctionne bien,? » (sous-entendu : dans la paix, l'harmonie, le calme  –  cf. L'emploi récurrent de l'adjectif « ruhig » = calme, silencieux, sans querelle ). IL est évident  que cette manie de l'ordre fait du Français mitoyen un dangereux trublion. 

 Etonnez-vous après cela que la bonne Allemagne ait eu des envies de rangement (un  peu vigoureux  en 1870,1914 et 1940) du côté de son cher voisin . Mais le mot voisin est beaucoup trop simplificateur ; il s'agit en fait d'un couple, car les contraires s'attirent (et finissent généralement en peu de temps en divorces cataclysmiques). Depuis longtemps (nous reviendrons sur ce thème politique), les deux grands pays d'Europe étaient la France et l'Allemagne, opposés et complémentaires : le dilemme était : comment faire que ces « conjoints » s'entendent sans se détruire mutuellement et surtout, sans ravager l'Europe comme au bon vieux temps des invasions et des migrations qui ont sévi sans discontinuité du 4è au 9è siècle ,et même au-delà.



Il y a eu une lutte pour l'hégémonie impériale entre François 1er et Charles-Quint. Finalement, c'est Charles -Quint (1500-1558) qui l'emporta. Mais on voit déjà (au 16è siècle) que les deux grands pays qui avaient une sorte de "Droit"  ou de juridiction sur l'Europe étaient  la France et l'empire germanique. Y avait-il subconsciemment un désir de réparer la perte de l'Empire carolingien, défunt dès 911 (au bout de 111 ans) ? Dans un excellent petit QSJ aujourd'hui épuisé, la grande médiéviste Régine Pernoud écrit :" Il (François 1er) ne possédait ni les qualités personnelles ni les moyens matériels suffisants pour rassembler les pièces  éparses d'un Empire  dont l'unité ne représentait rien  moins que l'Unité européenne" ( L'Unité européenne , 1944 -  PUF, QSJ n° 155 , p.98)

Mais quand on parle d'Allemagne, il faut s'entendre sur les mots : on ne peut parler d'Allemagne avant 1870 ; c'est Bismarck le Prussien (1815-1898) qui  va hâter la « nationalisation » poussant  artificiellement à la confrontation, alors que la France est un véritable Etat, constitué depuis depuis près de 7 ou 800 ans. Cette ancienneté et cette unité font rêver les nationalistes. Et pourtant, l'Allemagne est un pays fédéral déjà avant la lettre  et la constitution de 1945. Des régions comme la Bavière, la Rhénanie et la Prusse n'ont rien de « national ». Le ciment de cette Allemagne virtuelle, contrairement à la France  est fondé sur la langue (les dialectes locaux sont tous germaniques) et le sang, ce qu'on appelle le « jus sanguinis »  alors qu'en France, c'est  le « jus solis ».
 
(1)Nous essaierons dans ce court essai de comprendre comment les divergences entre 2 grands pays peuvent empêcher une entente profonde et durable, sans prendre parti à tout prix pour l'un  ou l'autre.
 
 
D'un côté, un véritable communautarisme, de l'autre une unité forcée par le centralisme et l'imposition de la langue à tout le monde, sous peine de ne pouvoir unir des régionaux aussi hétérogènes que les Provençaux, les Basques, le Bretons et les Alsaciens (pour faire court). L'Allemagne  ignore la notion de République, d'ailleurs c'était longtemps une sorte de  royaume, fait de  petits royaumes et principautés (dont certaines existent toujours). Même sous Weimar(1919-1929) le 2ème Reich ne fut pas aboli.  Il y a eu le Saint- Empire romain-germanique (962-1806 ) détruit par Napopléon Ier, puis le IIè Reich (1871-1918) et enfin la contrefaçon  sinistre d'empire (IIIè Reich) avec Hitler… Cependant que coexistait un Empire Austro-hongrois avec François-Joseph(1830-1916). Que de grandeur perdue !

     La France est un pays de sédentaires, d'agriculteurs depuis au moins 2 000 ans, alors que les Allemands, par certaines caractéristiques culturelles, sont d'anciens envahisseurs nomades devenus sédentaires ; avant de développer ce thème qui surprendra les historiens, nous pensons que la rencontre entre un peuple nomade fraichement sédentarisé en Europe et les Germains explique en partie le conflit et le rejet des Allemands d'origine juive (Ashkenase, déformation de l'allemand : « sachsenisch » = originaire de Saxe), le tout attisé par les théories racialistes qui fleurissent fin du 19è siècle.

    L'identité allemande repose, en gros, sur la « race »; par contre , quelqu'un est « français »  - et doit être  considéré comme tel - s'il obtient la nationalité française dans le cadre des lois de la République : c'est la République qui est le meilleur rempart contre les maniaques de l'identitaire. Ainsi, en Allemagne, un noir, un sémite ou un asiatique ne peuvent être considérés ni admis comme Allemands : pour eux, c'est une aberration, un illogisme et un sujet de heurt entre mentalité allemande et française. S'il y a un changement dans la Loi à ce sujet, c'est tout récent. Mais les mentalités ont-elles vraiment changé ? Il n'y a qu'à écouter les délires d'un certain Zemmour en France pour comprendre le problème posé par la nationalité en Allemagne. Même chose pour la laïcité : en Allemagne, en 1970 en tout cas, pour obtenir le droit de séjour, il fallait remplir un formulaire (Anmeldung) ne laissant pas le choix : on ne pouvait être que catholique ou protestant ; nous avons  même connu une Allemande qui croyait qu'un Allemand se convertissant à l'Islam , pouvait être condamné à de la prison !...Et les employés étaient scandalisés  quand un Français  remplissait le formulaire en rajoutant: « Keine Religion » ( = athée!).
Pour la République française, ce n'est pas la race ni la religion qui font le citoyen légal : c'est la carte d'identité, qui est une abstraction ne reposant que sur les principes d'une Constitution admettant dans le pays France des êtres de tous pays, toutes races, toutes religions.

 Dans la pratique, les choses ne se passent pas toujours aussi bien, mais au moins , les principes sont posés  et  définissent ce qu'est une République laïque qui considère d'abord le « bien commun (« res publica ») alors que les pays non-républicains s'appuient sur la ressemblance collective unie derrière un roi, dont on doit attendre les faveurs et qu'aucune loi n'oblige. Cette attitude  exclusive peut devenir la base des régimes fascistes ou extrémistes (cf. le Portugal de Salazar ou l'Espagne de Franco, sortes de « régences » en attendant le retour du roi .) .  Actuellement, la Constitution de la Vè, heureusement gravée dans le marbre, est attaquée par les socialistes (depuis Mitterrand), les communistes, la gauche pure et dure style Melenchon  et...par les extrémistes de droite : curieuse unanimité .Ces gens prétendent tous fonder  une VIè République (parlementaire ,comme la IIIè et la IVè !) : ils croient sans doute que l'on rédige un nouvelle constitution comme on écrit un tract. De l'avis de tous les juristes, jamais une Constitution n'avait été aussi solide  (elle dure d'ailleurs depuis 62 ans !) ni aussi équilibrée. Malheureusement, les petits hommes qui ont voulu porter sa toge  l'ont trouvée trop ample pour leur petite constitution : la France n'a plus de grands hommes et elle ne tient debout  que grâce à cette Constitution honnie. De Gaulle voulait fonder des Institutions , on peut dire qu'il a réussi.

    On comprend mieux alors la haine antirépublicaine des lepénistes - certains se disant aussi royalistes!  -  et traitant   il y a peu la République de « gueuse » : voilà qui sont les gens  prétendant maintenant gouverner la France en 2022!!!
 
     En conclusion provisoire, nous esquisserons une caractérologie succinte de l'Allemand moyen et du Français moyen.

  Les Allemands qui ont eu au Moyen-Age de grands sages et saints (Hildegarde von Bingen, Meister Eckardt... ; die Freunde Gottes » - cf. Bernard Gorceix : » Les Amis de Dieu » chez Albin Michel/1984) semblent avoir perdu cette pure Spiritualité au profit d'un moralisme et plus tard d'un matérialisme « scientifique », ajoutés à un collectivisme de fait qui devaient générer un hybride de Protestantisme et de Judaïsme comme Karl Marx. (en clair : une philosophie, une praxis, contraignante  comme le marxisme,  ne pouvait naître qu'en Allemagne) .Analogiquement, on pourrait dire que Descartes ne pouvait être que  français !  Mais la doulce France s'est bien rachetée depuis avec le rayonnement de René Guénon.
Pour l'Allemand , ce qui va compter  désormais c'est   l'efficacité (réelle mais redoutable, notamment dans le domaine de l'armement) pour solidifier son assise en Europe, pendant que le Français aussi doué dans d'autres domaines va continuer selon son tempérament individualiste  et centrifuge à jouer sur les grands mouvements d'idées, notamment les Valeurs de Liberté, en plus des slogans irréalisables d'Egalité et Fraternité. Si l'on voulait simplifier, on dirait que l'Allemagne représentait  la Force et la France la Justice. Mais entretemps est arrivé un pseudo-empire, appelé « Europe». Dans la revue « l'Initiation », Aguéli a une note intéressante où il situe la France dans ce qu'il appelle la tétralogie libertaire du monde : » l'Italie représente la liberté sentimentale; la France ..la Liberté intellectuelle.. » (Notes sur l'Islam,,1902). Pour l'Allemand, la Liberté n'est pas une valeur centrale, il préfère les valeurs sûres de Communauté, de solidarité collective qui assurent sa stabilité mentale ,sociale et économique . Le Français, de son côté , se tire avec élégance de situations de pagaïe  qui seraient insupportables pour un Allemand : ainsi, le régime a survécu  à un mois de graves désordres en 1968; Combien de fois avons-nous entendu des Allemands nous dire : « Wir beneiden Sie! » (= nous vous envions –   sous-entendu : pour cette légèreté et cette souplesse).Mais le côté anarchique français sera vite mis au pas en 1940, où, comme  le disaient nos parents  : « pour la Ière fois, les trains étaient à l'heure ! »

    Hélas, cette efficacité (« Wirksamkeit ») deviendra vite étouffante … il manque à l'occupant allemand ce zeste de distance et d'humour qui rend la discipline supportable : il y avait beaucoup de Prussiens dans les forces d'occupation, et la Prusse pendant longtemps a été  une sorte de « caste » de guerriers, de Khshatriya, comme dirait Guénon : on ne plaisante pas avec les Prussiens.!
On voit déjà se dessiner les brèches dans ce couple franco-allemand qui aurait dû s'entendre ,mais qui ne pouvait le faire longtemps! Et tous les rêveurs qui cultivaient  avec poésie le retour de la mythologie païenne des Germains le paieront cher après 1945 (notamment pendant la période de terreur de l' « épuration ») ; Mais  il faut leur rendre justice que, entre les 2 guerres, il n'était pas mal vu d'être un peu pro-allemand, au moins pour éviter une 3è guerre. Malheureusement, il y a eu l'avènement d 'un « possédé » du nom de Hitler; et les beaux rêves se sont envolés au bout d'un an d'occupation.

Ce n'est pas une excuse, mais il faut rappeler qu'une habile propagande franco-allemande  faisait croire aux Allemands que les Français  adoraient l'Allemagne  , et qu'ils attendaient leur venue quasiment  avec empressement ! Peu à peu les Allemands se sont vus  hués, puis agressés enfin il y a eu des attentats .Ils n'ont pas compris tout de suite ce qui se passait. Eux qui étaient venus « poliment » découvrent avec effarement qu'on les avait trompés et que la France, si chérie, n'était pas encore mûre pour une collaboration encore moins pour une occupation!
Mais, comme le disait P. Léautaud : « hypocrites, vous vous plaignez que l'Allemagne vous attaque, mais qui lui a déclaré la guerre en 1940 ?! »  D'autre part , beaucoup de Français en avaient  assez des gouvernements d'escrocs de la IIIè République, république des scandales, et n'étaient pas fâchés de voir un peuple voisin venir mettre de l' « ordre » (Ordnung »)!!

  1. Et pourtant,l'Allemand connaît depuis toujours le « mitsein » (l'art de vivre ensemble) pour lequel on n'a pas de mot, ainsi que la »Gastfreundlichkeit / Gemütlichkeit », qui représente la véritable convivialité germanique.
 
Si après tout cela, on se demande quelle peut être la place de l'Allemagne dans le monde, nous rappellerons une curieuse phrase de Heidegger dans sa très utile « « Lettre sur l'Humanisme » p.95 (Aubier-Montaigne, 1957) :
 
« La réalité allemande n'est pas annoncée au monde pour qu'en l'âme (Wesen) allemande le monde trouve sa guérison; elle est annoncée aux Allemands pour qu'en vertu  du destin qui les lie aux autres peuples, ils  s'inscrivent avec ces peuples dans l'histoire du monde (cf. zu Hölderlins Gedicht « Andenken ».Tübinger Gedenkschrift, 1943, p.322). Et Heidegger ajoute : « la patrie de cet habiter historique est la proximité-à-l'Etre (die Nâhe zum Sein) ».  Tout se rapportant à la Pensée et à l'Histoire de l'Etre chez Heidegger, il faut comprendre que l'entente des peuples ne se fera pas sans cette recherche et cette attention accordée à l'Etre (Sein ) auquel ce philosophe insolite voue une sorte de Foi philosophique qui ne  s'est jamais démentie jusqu'à sa mort (1976). Le titre de sa thèse (Sein und Zeit) insuffle sa démarche : Sein/Pensée; Zeit/Histoire , jusqu'à la fin.(a) On  notera en passant qu'on est loin  avec cette « entente » de  «l'Union pour  l'Entente intellectuelle entre les Peuples » de René Guénon (1926).
 
(a) Car Heidegger ne conçoit l'Etre que sous le mode de la Pensée et il affirme même (dans « Lettre sur l'Humanisme ») que c'est la seule façon de ne pas oublier l'Etre, alors que la Métaphysique manquerait son objectif en n'envisageant que l'être de l'étant (thèse très contestable!). En fait, il réduit la métaphysique, au sens habituel, à l'ontologie.
 
II ème PARTIE
 
Nous aimerions  à présent, avant de passer aux divergences ponctuelles et pas forcément irrémédiables,  faire partager l'impression que nous avons eue en voyageant, allant d'ouest en est , et traversant les régions frontalières des Vosges, Moselle et Alsace...Faut-il préciser que nous y avons vécu et travaillé longtemps?

  Les Vosges (incluses dans la Lorraine), c'est encore la France avec quelques « calques » langagiers  - comme on dit en linguistique - dont ne sont pas conscients les régionaux [par ex : une « paire »(ein Paar) pour dire « deux »; un cornet (allemand : Tüte) pour dire un sachet; ou carrément une syntaxe germanique, du genre :  « j'ai mon devoir fini » au lieu de : « j'ai fini mon devoir »]...Mais il ne s'agit là que de simples peccadilles. Les choses se gâtent dès que l'on aborde les rives du département de la  Moselle, à ne pas confondre avec l'Alsace, sous peine de rallumer les guerres tribales. Comme tous ces gens-là sont très régionalistes et chauvins,  il ne faut pas mettre non plus les Vosges en Alsace (comme le font tous les jours les journalistes diplomés et incultes), ni Nancy en Moselle ,et laisser  loin les « Gens d'en face »  comme disent aimablement les Vosgiens .Il  est vrai que les mariages alsaco-vosgiens réussissent rarement, surtout à cause des « vieux »  qui voient des Chleuhs partout (souvenirs des Alsaciens engagés de gré ou de force dans l'armée allemande -   les « malgré- nous » ).

      Quant à l'Alsace, le problème est grave  : certains ne veulent être ni Français ni Allemands, et adresser la parole en allemand à un Alsacien même jeune (qui refuse de parler français),   n'ayant jamais  connu la guerre, peut vous valoir de graves ennuis. Or leur dialecte - germanique, plus précisément « alémanique »– n'est pas directement accessible, même à quelqu'un qui connaît l'allemand. Il y a des blessures qui ne sont toujours pas refermées. Et les privilèges qu'ils ont gardés de l'époque allemande (prêtres, rabbins, écoles catholiques payés par l'Etat) leur valent encore les imprécations d'un Mélenchon, défenseur mordicus de la laïcité pure et dure ! Enfin, le chauvinisme local n'arrange pas  toujours les choses : l'Alsace aurait les meilleurs vins (c'est faux), la meilleure charcuterie ( c'est faux), les plus beaux paysages et châteaux (c'est encore faux !). Et puis, l'accent un  peu trop « allemand » de l'Alsacien lui  fait perdre des emplois, notamment dans l'Enseignement hors d'Alsace (lors des concours nationaux) .Faut-il ajouter, pour compléter logiquement tout cela,  qu' une certaine  absence d'exogamie (contrairement à l'ouest de la France, notamment la Bretagne) ne facilite pas les échanges, même si l'Alsacien sait être très aimable. Mais est- ce aux Français de devenir  alsaciens? On me citera d'honorables exceptions d'Alsaciens émigrés et  cosmopolites (peut-être parce qu'ils étouffaient dans leur « pays »?); mais on peut en dire autant de la Suisse tout fière de vous opposer des cas d'excentriques comme Jean Ziegler ou Michel Simon ! C'est peu : par contre, au quatre coins du monde, on trouve des Vendéens et des Bretons, exogames, internationalistes et capables de vivre hors du cocon . Les autres vivent renfermés dans leur petit trou qu'ils finissent par idéaliser....

     Oublions ces expériences vécues et  parfois pénibles..Pour conclure, nous nous sommes trouvé souvent plus à l'aise en franchissant le Rhin et en vivant dans le Palatinat où, au moins, quand certains défauts étaient trop pénibles, on pouvait se consoler en se disant: je suis en Allemagne ; ce sont des gens différents , ils  ont droit à mon indulgence (« andere Länder ,andere Sitten ») ; mais se trouver étranger dans son propre pays, cela est parfois insupportable. Et on comprend mieux alors les étrangers loin de leur pays, victimes d'ostracisme ou de xénophobie, et dont les extrêmistes exigent  plus de perfection que de leurs concitoyens. 

      Si l'on nous permet un souvenir personnel : nous nous sommes  trouvé beaucoup plus dépaysé en allant travailler  en Allemagne qu' après 2 ans de séjour dans le « bled » berbère , à la frontière libyenne : l'Allemagne est  un pays européen, de culture  chrétienne et de langue indo-européenne, donc théoriquement très proche du Français moyen,  et pourtant, nous nous sentions  plus d'affinité avec le pays du reg (= des cailloux, des cailloux  et sous chaque caillou, un scorpion!).Et puis, sous chaque pavé, on ne pouvait s'empêcher de sentir le sang à peine séché des horreurs de la guerre  1939-45....
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Revenons à l'hétérogénéité de nos chers voisins.

Répétons qu'ils avaient eux aussi leur conception et leur droit à la Grandeur, axée peut-être plus sur la force que la France. Mais leur rayonnement, sauf  vers l'Europe centrale, n'a pas réussi à s'étendre mondialement, nous voulons parler de la colonisation. Il est vrai que, après le massacre et le génocide total des Tasmaniens par les Anglais (il n'en reste plus ni langue, ni peuple  ni religion : c'est un cas unique au monde d'éradication totale), les Allemands ont exercé leur haine des Noirs (en 1904 , bien avant celle des Juifs, en massacrant la Namibie, dont il  ne reste que quelques  habitants, les non autochtones  étant Allemands d'origine et germanophones., ce qui surprend dans ce coin perdu d'Afrique noire . Ce génocide est soigneusement occulté par la plupart des journalistes et historiens. L'Allemagne est le pays d'Europe qui avait le moins de colonies  dans le monde ( seulement la Namibie, le Togo, les îles Samoa et Salomons) ; ce n'était pas par manque d'appétit (ils avaient essayé, en vain,  d'envahir le Maroc au  début 1900), mais peut-être sentaient- ils qu'ils manquaient d'affinités avec des peuples trop colorés ou trop éloignés de leur mentalité, et que leur place légitime était en Europe  . Même si c'est souvent par la force, il faut  reconnaître que la langue espagnole a l'air de s'être bien adaptée  aux peuples sud-américains, l'anglais semble s'être fait adopter par les indo-Hindous et le français par les peuples d'Afrique, pourtant de langue et de civilisation très différentes.

 Alors, nous nous posons la question : l'obstacle à  l'expansion de la « culture «  allemande, était -il d'ordre linguistique (cette langue étant réputée difficile)? . Quand on voit comment les petits commerçants du monde entier apprennent vite les rudiments de l'allemand (même si c'est limité ), on n'est pas vraiment sûr que ce soit l'argument adéquat , mais nous allons examiner, à la lumière de la linguistique générale et de la grammaire allemande en particulier, ce problème de façon précise et technique, en nous excusant auprès de nos lecteurs pour la difficulté de la chose.
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         Procédons d'abord à un bref aperçu des langues nordiques (anglais, allemand, suédois).Il y a une différence qui saute aux yeux du linguiste : ces langues ont une conjugaison très simplifiée si on  les compare aux langues méditerranéennes: latin, grec, roumain, italien, espagnol, portugais, français et...arabe, cette dernière possédant même une conjugaison tenant compte du genre (masc., fém) ,  -ce qui n'existe pas dans les langues gréco-latines – et du duel ,ce qui fait qu'il faut  apprendre non pas 6 personnes, mais 13 (= 5+5 + 3 pour le duel).

 « Deutsche Sprache, schwere Sprache »  (= l'allemand est une langue difficile, dit le proverbe)

    L'allemand, dont l'orthographe et la syntaxe ont été normalisées grâce à Luther (16è siècle, soit 2 siècles plus tard  que l'italien de Dante) présente une régularité de métronome avec une grammaire précise, loin des exceptions d'exceptions invraisemblables du français, langue où des latinistes délirants s'en sont donné à coeur joie d'inventer de toute pièce des accords et des catégories (subjectum, objectum) défiant les lois de la logique et n'ayant rien à voir avec l'esprit « gaulois » du français dont la morphologie et la syntaxe  étaient devenues depuis longtemps   analytiques et non  synthétiques comme le latin, supprimant les déclinaisons, mais gardant les aberrations de sa conjugaison  . Ceci nuira beaucoup à l'expansion  du français dans le monde, à l'exception  bien sûr des élites  (savants, moines, nobles, diplomates).Frédéric II de Prusse ne disait-il pas à son  ami Voltaire : « Je parle l'italien aux dames, le français aux hommes, le latin aux prêtres  et l'allemand ...aux soldats et aux chevaux ! ». Nous plaignons les malheureux obligés d'apprendre le français sans être francophones de naissance .Et pourtant, si beaucoup y arrivent; c'est qu'il doit y avoir une « baraka » spéciale du français pour soutenir les étudiants. On se rappellera que, lors de la dictée ultra-difficile dite de Mérimée, alors que Napoléon Ier fit 75 fautes, le vainqueur fut le prince de Metternich (1) avec seulement 3 fautes ...Ah! Le perfectionnisme allemand ! C'est une qualité que l'on peut envier  à nos voisins. Mais les Allemands vous diront que cette qualité a son revers : quand l'Allemand fait le bien, il le fait à fond ; quand il fait le mal , il le fait à fond aussi !

Ceci posé, quelles sont les divergences structurelles de base entre allemand et français?

      Une évidence saute aux  yeux (pour qui est linguiste): l'allemand est une langue orale (tout s'écrit, tout se prononce, comme l'espagnol ou l'arabe), alors que le français est une langue visuelle. Comme disait le Professeur Gagnepain (chef de l'Ecole de Linguistique de Rennes) : « en français, on parle  dans un système, mais on écrit dans un autre ». Ce n'est pas un hasard si les Allemands sont si portés sur la musique et les Français sur la peinture. Or, comme nous le signalions déjà supra, Guénon nous apprend que les art du temps (musique, poésie, chant) sont typiques des peuples nomades, alors que la peinture,  la sculpture, l'architecture sont l'apanage des peuples sédentaires.(2)

     Mais cette langue trop  bien structurée a un côté sérieux qui lui interdit le calembour(3).Le français peut jouer sans cesse sur  les mots  : la langue le lui permet et encourage ainsi une certaine forme d'esprit. Il est vrai qu'il n'y a qu'en français que les noms étrangers font rire impitoyabblement ; nous pensons au  premier Ministre Japonais Nakasoné ou à l'Algérien Ouyahya, nommé  dans un moment difficile, sans parler des jeux mots faciles comme : M.Yamamotokakapoté....etc.  A cela , le français ajoute le contre-pet (l'art de la contrepèterie), dont on retrouve la première trace chez François Rabelais, mais dont le principe (l'inversion ou l'échange des lettres ) n'est pas inconnu de l'arabe  qui peut jouer sur la métathèse de ses racines trilittères.

    L'allemand se prête bien au langage technique et scientifique, car il a des concepts clairs et précis; or, la langue est une  chose, la mentalité en est une autre; Nous voulons dire que le français qui joue volontiers sur les mots jusqu'en philosophie - (« L'Etre de la pensée est la pensée de l'Etre » Mme Delhomme -Poitiers, 1963), domaine où l'on devrait éviter ce genre de rhétorique  vide et simpliste (Sartre en a assez abusé)  - le Français (avec  « F ») disons-nous, a une exigence de clarté que l'on ne retrouve pas toujours chez nos cousins germains pour qui l'argument d'autorité interdit toute critique : le Maître a parlé et il n'y a plus qu'à s'incliner .Et l'on se contente de flou et d'obscurité magnifique. C'est là que l'on retrouve l'esprit frondeur, iconoclaste voire anti-clérical des peuples latins dont nous parlions ci-dessus et cela nous rappelle ce que nous apprit un Maître (authentique, celui-là) quand je n'admis pas certaine affirmation : « Ah !vous êtes bien français! »
  • -...?? ...-  « Oui, le Français n'admet pas de ne pas comprendre! »
  • -... ....- Puis après un temps : « Vous savez, ce n'est pas un hasard si Guénon était français ».
  • D'ailleurs un certain Georg Hamann eut l'imprudence  d'affirmer : « La vérité est une répartition appropriée de lumière et d'ombre », ce dernier terme ruinant le début de son assertion.(cité par Heidegger, « Le Principe de Raison »,p.56) .L'exigence de clarté, répétons-le, est typiquement française et ne se contente pas d'à peu-près. IL n'y a qu'à lire Guénon pour comprendre ce que nous voulons dire .Lui seul était capable de parler lumineusement de choses difficiles, sans alourdir ses écrits d'un vocabulaire redondant et obscur (nous pensons à Fr. Schuon ,avec ses « apocatastases » ou son « absolu sur-essentiel » - ???- ce qui enchantait ses lecteurs anglo-saxons).
  • IL faut croire que Heidegger avait un authentique charisme pour  faire passer son style (épouvantable pour les lettrés allemands qui le détestent) et la répétitivité de ses idées dans le milieu intellectuel français  qui constituait son auditoire de prédilection. Mais ces gens-là (Beaufret, Waelhens...etc..) étaient sans doute plus allemands que français d'esprit, dira-t-on pour se consoler.
 
(1)Autrichien , mais né à Koblenz
(2)Mais si on met en concurrence deux peuples nomades sur le même territoire, on aboutit au massacre: comment peut-on encore dire (comme Simone Veil) que les nazis n'avaient massacré que  des Juifs, alors qu'ils ont exterminé 500 000 Tsiganes sur  1 million?  Cette incompatibilité s'est poursuivie plus tard en Afrique au Rwanda avec le massacre des Tutsis par les Hutus, et actuellement par l'élimination des nomades du Yemen... Cela jusqu'à la fin des temps, où Caïn n'en finit pas de tuer Abel (cf. René Guénon : « Le Règne de la Quantité », chapitre XXI)
(3)Le seul que nous connaissions est le jeu de mot scolaire sur les enseignants « Schullehrer= Schulleerer »!)
 
      Revenons à la langue. On ne se connaît bien que par le point de vue extérieur: exemple : c'est en Allemagne que nous avons appris que les sonorités françaises étaient un régal pour une oreille allemande, car les Allemands, comme les Orientaux ont l'ouïe très fine. Il suffit de parler  français dans un transport collectif pour  voir les gens se taire peu à peu et écouter, alors qu'ils ne comprennent pas le français; quand on demande pourquoi, on nous répond : quand les Français parlent, on dirait le chant des oiseaux .Les Allemands ont du mérite de l'avouer, car s'ils aiment leur langue comme tout un chacun, ils ne lui reconnaissent pas la musicalité du français, et pourtant, ils apprécient beaucoup l'italien, mais le français, parait-il, est plus doux et plein de sonorités étranges (par ex, le son « or », avec un « r » très léger à la fin  et un « o » ouvert, qui est inconnu en Europe). Ainsi, les non-linguistes ne savent pas qu'il y a 16 sons voyellés (qui ne sont pas tous des phonèmes), qu'il n'y a pas de « r » roulé, sauf en pays catalan, ni de « ach-laut », ni de « h » : ces absences adoucissent la langue et produisent  parfois un roucoulement  très agréable aux oreilles de locuteurs qui souffrent de la dureté de leur langue. Le français est donc une langue délicate qui rebute un peu les débutants. Il n'empêche que le Français  a souvent un problème d'élocution et bute sur certains groupements de consonnes, comme on  le constate tous les jours à la télévision, alors que les Allemands ne bafouillent jamais et savent articuler. Mais  le Français a le mauvais goût de se moquer des accents anglais, allemands, portugais...etc, alors que l'inverse n'est pas vrai ! Par ailleurs, les Français comprennent généralement même ceux qui écorchent la langue, car chez nous, il  n'y a pas d'accent tonique ( sauf sur la dernière syllabe, mais cet accent n'est pas pertinent). Allez-vous  tromper d'accent tonique en espagnol : on  ne vous comprendra pas, même si l'on prononce parfaitement. Même chose en allemand.

     Une  autre difficulté du français , très proche en cela du chinois (!), c'est le nombre d'homonymes (homophones et homographes), chose que l'on ne trouve pas en Europe (encore que le suédois présente des « faux-amis » qui interfèrent avec l'anglais et l'allemand,  voire le français, et qui requièrent beaucoup de vigilance). Ce phénomène est en lien direct avec la caractéristique visuelle de la langue et la justifie en partie.

       Nous pensons (peut-être à tort) que, pour le Français,  la langue est plus importante que la race, et que pour se faire accepter, il faut savoir parler sans faute, alors qu'un étudiant noir parlant parfaitement l'allemand ne sera jamais adopté comme « allemand » , comme nous l'avons vu dans un reportage (avec caméra cachée) fait par l'auteur de « Tête de turc », Günther Walraff (4),  où il piégea de braves villageois  ébaubis de voir un noir (grimé ) parler parfaitement.. Après son départ ,on entendit les gens dire : « Il a beau faire; c'est pas quelqu'un comme nous ; il ne peut pas devenir allemand comme nous ».Ainsi donc, ce n'est pas la langue qui comptait; mais on nous dira que l'on peut retrouver ce genre de dérapage chez notre Français moyen...
            
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Particularités morphologiques et syntaxiques de l'allemand, diamétralement opposées à la structure française.
                             
  Ce sont des petits riens qui gênent les débutants, car l'inversion des  réflexes linguistiques impose un effort au locuteur français, franco-centriste et pas très disposé à la docilité envers une nouvelle langue : le Français est trop habitué à ce que ce soit le voisin qui fasse des concessions, de même les Anglo-américains avec leur impérialisme  linguistique.
 
Exemples : l'inversion des chiffres composés à partir de 17 (sieb-zehn/ acht-zehn/neun-zehn), puis 21 (= un-et vingt /einundzwanzig)...etc (exactement comme en arabe).Mais le français est-il plus logique et plus facile quand il oblige un Belge à dire :quatre-vingt-dix-huit, alors que ce dernier a  « noctante-huit » à disposition ?!

     L'inversion de l'heure : fr.s : 3 h et quart (viertel nach drei); 11h et demie (halb zwölf) et surtout : 3 h 25 ' va se dire : 5' avant la demie de 4 h (5 vor halb 4), ce qui  - on l'avouera –  demande un certain effort de calcul mental au début;

    Last but not least : la syntaxe, qui a la lourdeur du latin : les phrases sont longues, mais au moins leur construction est soumise à des lois précises : il y faut seulement plus de mémoire qu'en français. La difficulté qui saute vite aux yeux ,c'est qu'on comprendra tout de suite  où le Français veut en venir, alors qu'il faut attendre  la fin de la (longue) phrase allemande pour savoir si c'est « oui » ou si c'est « non ».Ceci explique que les Français s'interrompent souvent sans grand dommage, alors que l'Allemand vous foudroie du regard  si vous ne lui laissez pas finir sa litanie dont votre impertinence est en train de détruire la magnifique architecture, pesante mais solide !

Exemple :le modèle le plus courant de la phrase simple  est : C + V + S : impossible de mettre le S(ujet) après le C (complément). Nous disons : « aujourd'hui , on va sortir » et même plus couramment : « On va sortir aujourd'hui », mais l'Allemand commence rarement par le sujet.: il préfère commencer par le C(complément) et dit : « aujourd'hui sort on » ...

  Pour la phrase complexe , il faut là de solides connaissance en Analyse Logique, que l'on a tort de ne plus enseigner en France (les « arbres »  de Chomski sont un amusement qui ne prépare à aucune maîtrise de l'énoncé., et pas seulement pour l'allemand); ex :
« Je me demande s' il va encore  venir demain » : « Ich frage mich, ob er noch morgen kommen wird » = « S+V+C, K +S+ ADV 1+ADV 2 +INF + AUX du futur ».Signalons en passant que l'inversion complète de tous les éléments règne aussi en turc, ce qui est très déroutant et pose des problèmes quasi insolubles aux interprètes; ainsi, en exagérant à peine  : « je vais aller au marché  cet après-midi avec ma femme » devient : « femme-ma-avec-midi-après- cet -marché - au ...etc; ».

   Et cette phrase allemande complexe(= Principale + subordonnée) est encore la plus simple que nous ayons choisie. IL faut reconnaître que la phrase française est plus simple  et plus claire. Ceci peut expliquer  en  partie la paresse des Français à  apprendre les autres langues, encore que le Français, disons « l'élève », ne se rend pas bien compte de la difficulté du français écrit ; la France est le seul pays en Europe où l'on fait des dictées jusque dans le secondaire et jusque vers l'âge de 15 ans. C'est donc bien qu'il y a un problème, sans aller jusqu'à la dictée de Pivot ! Rien de tout cela en Espagne ni en Allemagne, d'ailleurs  ces langues  peuvent à la rigueur s'apprendre par l'oreille sans avoir besoin d'étudier la grammaire, qui est un luxe de linguiste!

     Un autre aspect dont n'est pas conscient  le locuteur français, c'est que sa phrase est du type quasi « agglutinant », un peu comme en eskimo : tout est lié ,il n'y a pas vraiment de rythme; Au contraire, la phrase allemande est nettement caractérisée par 3 phénomènes inconnus en français : l'accent tonique (Wortton », l'alternance  son long/son court (comme en arabe) et surtout l'accent de phrase « montant /descendant » (Satzton/ intonation) qui échappe à l'étranger et le trahit tout de suite. Le même phénomène sévit en suédois, mais en plus difficile et plus subtil, et comme la langue est moins gutturale, le suédois possède une  véritable mélodie qui charme  l'oreille. Pas étonnant que les Suédois soient si doués en chinois, vu leur modulation vocalique qui rappelle beaucoup les tons  du chinois.

Mais toute langue a  les moyens d'échapper à ses contraintes internes  et les difficultés citées n'empêchent pas les Allemands  d'exprimer ce qu'ils veulent, ni la gutturalité de s'opposer au don du chant qui les caractérise.

    Nous aimerions parler un peu du problème posé par l'argot (que l'Allemand appelle jargon!); y a-t-il un équivalent en Allemagne?. Nous connaissons directement 2 cas : le « Kölsch » (à Cologne) et le parler berlinois qui change les « s » en « t » et les g » » en « j »; par ex : dat itt (pour: das ist) et jut (pour  gut); mais est-ce vraiment un argot ? D'autant plus qu'il y a en France le « verlan », inconnu en Allemagne, et remis à la mode depuis 20 ans ,mais pratiqué bien avant.
 
    Maintenant ,pour clore ce court  aperçu sur les langues on notera , ce qui est l'évidence, que le français, pourtant venant en partie des Francs (mais les Francs étaient- ils des Germains?) (5) a peu de racines germaniques : le français a beaucoup de mots grecs et arabes et sa tournure d'esprit est plutôt  orientée vers ces pays; les Allemands, eux,  ont  inventé l'expressions « indo-germanische Sprachen » (là où nous disons « langues indo-européennes ») car leur langue a des accointances avec le sanscrit dont tire parfois parti Martin Heidegger. Or, en dehors de cela, nous avons relevé un grand nombre de mots étroitement apparentés aux racines arabo-sémitiques que nous tenons à disposition des chercheurs : nous ne voyons pas de raison  à ces ressemblances qui reste une énigme pour nous (et ne sont pas le fait d'emprunts), à moins de remonter jusqu'à un passé fort lointain (cf. nos notes dans la Revue VLT , n° 73 de 1998).

 Ce qui est intéressant au point de vue traditionnel, c'est le nombre d'expressions religieuses conservées encore par les Allemands actuels, comme : Gott sei  dank ! grüB Gott! Alles Gute (cf. l'arabe :bi-khir); et en dialecte du sud : pfüiti (= behüte dich [Gott] = Dieu te garde! )...etc...On peut dire que l'Allemand actuel est foncièrement chrétien. D'où la surprise de voir depuis peu beaucoup d'Allemands se convertir à l'islam .Un  peu comme en France, l'Islam était la religion des immigrés (turcs) ,très isolés et peu appréciés dans l'Allemagne profonde : en 1972 , on ne comptait que 2000 Allemands de souche convertis et vivant clandestinement, essayant de ne pas être repérés pour leur non-consommation de charcuterie . Alors qu'en France, il y en avait depuis près de 100 ans et évalués en 1980 au nombre d 'environ 100 000 (actuellement , près de 500 000).  Mais depuis, on a vu un consul, puis ambassadeur d'Allemagne en Algérie revendiquer son islamité et même écrire des livres sur la chose; nous parlons de Murad Hofmann (« Der Islam als Alternative », Diederichs Verlag, 1992). Ils sont plutôt de confrérie Naqshabendie, comme la plupart des Turcs immigrés.
 
 
(4)titre allemand: »Ganz unten » ,1985.
(5)Les Allemands les appellent « Westgermanen » et les situent sur la rive  gauche du Rhin ;  leur langue est l'ancien haut-allemand (althochdeutsch) appelé en France : le francique ou le franconien. On retrouve leur trace dans de multiples lieux avec déjà  l'Ile-de-France,  (la France se dit : « Frankreich ») et en Allemagne : Frankfurt, Frankental, Oberfranken ...etc. Les descendants directs sont les Mérovingiens. Ces peuples nous semblent très différents de ce que l'on entend en général sous le nom de Germains ou Allemands; d'ailleurs, ils changent forcément de mentalité en s'acclimatant en Ile-de-France. On peut supposer qu'ils sont à l'origine d'un certain esprit « parisien ».
Il est vrai que  cet adjectif a une connotation de « liberté » et de « franchise » dans tous les sens du mot ; ainsi, si l'on dit « franc-maçon », c'est qu'il s'agit à l'origine d' hommes libres, non-esclaves (ce qui indiquerait une caste de guerrier) .Or, « homme libre » se traduit par Freiherr = baron, premier grade de l'aristocratie ultérieure. Le franc-maçon doit donc être noble à l'origine. Coïncidence supplémentaire, en arabe « rajal horr » (homme libre) signifie non-esclave et se disait autrefois pour l'homme de pure souche arabe. Enfin, apparenté à « baron », l'espagnol dit : « varonil » (prononcez : baronil) pour « viril ». Le vrai Franc n'est donc pas un homme ordinaire. Son statut d'exception allait contribuer à fonder un nouvel Etat : l'Ile-de-France. D'autres peuples ont aussi cette vieille notion d'homme authentique, comme les Bantous : « ba-ntu »,pluriel de « mu-ntu » : l'homme, ou encore en arabe : « qawm » : le peuple (des initiés) (cf. notre article « Le Don des Langues » sur Internet : www.al-simsimah)
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               Un autre sujet d'étonnement et d'incompréhension concerne le domaine « sacré » des Français, à savoir  la nourriture et la gastronomie.

D'abord, l'omniprésence du porc, matin midi et soir ! Ils auront beau nous vanter la variété indéfinie de la charcuterie (Wurst) - au moins 70 sortes de saucisses – dont la plus fine est sans doute la « Kalbsleberwurst » - , celui qui est allergique ou abstinent sera très gêné en Allemagne (et en Alsace) : difficile d'y échapper. Celui qui par malheur ne boit ni bière ni vin et refuse la charcuterie est déjà suspect et ce refus est considéré  comme une vexation pour les hôtes. On se demande comment les Israëlites ont pu tenir aussi longtemps en Allemagne...et comment se dissimuler en période de persécution ? Mais comme partout , on respecte le Bouddhiste et on insulte le Sémite! Etranges limites de la tolérance. Le lobby du porc est tellement puissant qu'il est impossible de dire à un médecin allemand que la charcuterie est malsaine (sans parler de l'interdit de certaines religions), alors que toutes les études s'accordent à  le dire. En fait, l'Allemand se nourrit de porc parce qu'il est moins cher et donc il préfère restreindre le budget nourriture au profit d'autres dépenses, au risque de  sa santé. Et même dans la charcuterie, il évite le jambon (Schinken) au profit des différentes saucisses (Würstchen) meilleur marché !  L'alimentation étant ainsi reléguée bien loin des préoccupations quotidiennes, la cuisine de la ménagère allemande est un lieu qui, pour nous, manque cruellement d'instruments de travail et où pendant  longtemps nous n'avons vu aucune casserole mais des marmites sans manche (« Topf »), obligeant à se servir de « Feuerlappen » (littéralement : « chiffons à feu ») pour ne pas se brûler ; ils n'avaient pas de mot pour distinguer : bol, plat ,terrine, le tout étant désigné par le terme: « Schüssel » qui manque de précision pour un vrai cuistot ! Peut-être est-ce encore un témoignage de l'origine nomade des peuplades germaniques.

     A part cela, la nourriture est excellente en Allemagne et notamment les 70 sortes de pain ; quant aux fromages,  ils ne peuvent rivaliser avec le champion toutes catégories que constitue la France. Mais il y a un problème inattendu que  l'on ne rencontre d'habitude  que dans le tiers -monde ( Egypte, Sénégal, Turquie...): c'est le problème de l'EAU. Il y a déjà 50 ans , les Allemands ne buvaient plus l'eau du robinet : elle rouillait  les lames de rasoir et était fortement déconseillée; en 1956 , on pouvait encore se baigner dans le Rhin, à hauteur de Mayence ;impossible quelques années plus tard ! ...Etonnez-vous après cela que les Allemands aient été les premiers écologistes d'Europe ;  aucun mérite à cela : ils étaient devenus vertueux par nécessité ! Mais au moins ils avaient pris conscience des problèmes posés par l'industrialisation à outrance de leur cher pays, pendant que tous les dupes de France vantaient le progressisme de leurs voisins! En même temps, on loue leur peu de réacteurs nucléaires et on critique leurs centrales thermiques !

Quelle hypocrisie!

On avouera, une fois de plus, que le couple franco-germain est pétri de contradictions et leur somme hypothétique en ferait une force peu commune en Europe et dans le monde. On  verra plus loin que c'est l'Europe nouvelle qui a enterré cette possibilité.
                                                                         
                                                                                J.F.
  Suite 05/04/2020


Ce qui frappe les Allemands, c'est le manque de  respect en général des Français devant toute autorité, toute hiérarchie et toute référence sacrée.


 Il y a quelque chose de « voltairien » dans le Français moyen qui admire facilement la belle intelligence, même si elle piétine des valeurs universelles. C'est ainsi que la notion de Laïcité a recouvert tout de suite une connotation d'anticléricalisme et que De Gaulle a dû expliquer, pour rassurer les croyants, que la République laïque alléguée dans le préambule de la Constitution de la Vè signifiait non pas une attaque contre la Catholicisme, mais une neutralité envers les Religions. Ce concept de laïcité n'a pas son équivalent dans les autres pays et est bien difficile à traduire car elle n'a pas de sens dans des pays comme l'Angleterre ou l'Allemagne (qui ont pourtant persécuté leurs dissidents dans le passé)  pour lesquels il est évident que l'on doit être chrétien  ou au moins non-athée. Cette notion n'étant pas du tout évidente  ni univoque, il y a encore beaucoup de Français pour lesquels  être laïque, c'est être anti-religieux ou au moins anti-catholique ! On l'a bien vu quand  la haine – pas du tout neutre –  s'est déchaînée contre l'Islam  chez des enseignants prétendus laïques quand le problème du « voile » a été soulevé,  en partie à cause des excès intégristes qui ont jeté de l'huile sur le feu: avant, la question n'avait jamais été soulevée. Et la fameuse tolérance française a volé en éclats. Ainsi la France n'était toujours pas guérie de son « laïcisme » de 1905, périodes de persécutions des Ecoles  chrétiennes. Le Christianisme étant quasi agonisant en France, on  s'en est pris alors à une religion bien vivante : l'Islam. Si bien que le Français moyen souffre déjà d'un préjugé défavorable dans des pays européens majoritairement croyants comme l'Espagne, l'Italie, évidemment, et  dans presque tout le reste du monde.
Malheureusement , une belle occasion de neutralité et de tolérance était perdue en France, car la laïcité pouvait avoir son revers positif : voilà un pays où il n'y avait pas de religion officielle et où pouvait fleurir (au moins virtuellement) un véritable universalisme de races et de religions, avec l'éminente  garantie de la Res  publica… C'était à sa façon la catholicité de la France (cf. notre CR du « Royaume du Graal » de Jean Robin), au sens grec originel du mot.
   Ce rendez-vous avec l'Histoire  semble avoir échoué, car la folie « djihadiste » ne désarme toujours pas et rend pour l'instant la Mission de la France quasi impossible (car cette « laïcité » mise à mal en était le revers : les desseins de Dieu sont impénétrables).



 
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