dimanche 10 mai 2015

A.A.H – Les énigmes dans la vie d’Aguéli – Les pseudonymes










LES ÉNIGMES DANS LA VIE D’AGUÉLI


LES PSEUDONYMES


    Il ne s’agit évidemment pas d’un jeu littéraire ou d’une simple fiction, comme nous allons essayer de le démontrer ci-après 1.


     Son nom d’état-civil, Agelii, est déjà un pseudonyme ! Le véritable patronyme est MOBERG. Or, quand le grand-père, Isak Moberg, voulut s’inscrire au collège, le directeur l’obligea à changer de nom et à prendre celui d’Agelii, sous prétexte que « Moberg » était un nom de cocher (sic !  – Cf. Gauffin, t.I, p.14).


     On remarquera que « Agelii » est le génitif du nom latin Agelius, latinisation d’ailleurs fréquente dans les pays Scandinaves à l’époque (ex. : Sibelius, Vilnius, Emmanuelis Swedenborgis, etc…). Or il y a une hypothèse ingénieuse sur l’origine de ce nom, peut-être suggérée par Agelii lui-même, qu’émet un de ses amis anarcho-théosophistes – Jacques Tasset – disant qu’Agelius serait la contraction du nom de l’écrivain latin Aulus Gelius (A – lus Geli – us), auteur des « nuits Attiques » (vers 130 avant J.C.). Argument plausible, sans plus (op. cit.,I, p.61) !


     Avant de prendre son pseudonyme d’artiste « Aguéli » transcrit à la française, il avait signé sur une esquisse, dès le 15 octobre 1889,  Иван Агзпии    en caractères cyrilliques, soit « Ivan [= John = Jean ] Ageli (ou Aguéli) », nom qu’il gardera toute sa vie. Mais un peu plus tard, en 1894 au Caire, il se fera adresser des lettres au nom de M. Ivan Stranyi, ce qui en russe signifie l‘étranger et donne peut-être déjà un indice sur sa personnalité mystérieuse, car ce titre fait penser aux « Cosmopolites », Rose-Croix, Passants et autres « Nobles Voyageurs »… René Guénon écrira même que le nom d’origine était « Aquileff ou Aguileff » (lettre inédite du 26/3/1938), mais Aguéli était expert dans l’art de brouiller les pistes sur ses véritables origines en bon agent secret ! 2


    En italien, il transcrit naturellement son nom sous la forme « Agheli »; curieusement, ce nom est entièrement contenu dans le nom d’Alighieri, laissant de côté les trois lettres RII. Transcrit en écriture arabe, cela donnerait « al-Ighieri » ( ou al-Ighiari); or la racine « ghiâr », adjectif « ghiâry / ghairy », signifie « venir en aide ». Le nom de Dante pourrait alors se lire « à l’arabe » : Ali-ghiari… Sans garantie de vraisemblance. Nous évoquons juste cette possibilité que certains auraient à nous reprocher d’avoir méconnue .


     En Égypte, Agelii adopte le nom arabe de `Ageli, le plus proche par sa prononciation dialectale de son nom suédois et du nom de famille de lettrés égyptiens [`Uqayli, en écriture classique vocalisée]. Or ce terme est intéressant en ce qu’il est le diminutif grammatical – de type « fa’al — fu’ayl » – de `aql, l’intellect, et sa vocalisation est la même que dans le terme « uwaysi » dont nous avons attribué la qualité à Cheikh `Abdul-Hadi et qui vient de « aws » – le lynx doué de vue perçante (cf. VLT n°72, p.51, n°27), soit :


– ‘aql — ‘uqayl — ‘uqayli : le petit intellect.


aws — uways — uwaysi : le petit voyant.


Nous y verrons pour notre part une allusion discrète au cas spirituel de Cheikh `Abdul-Hedi.


    Poursuivons cette « valse » des pseudonymes avec le suivant : « Volontario », dont il signe ses premiers articles (en italien) dans la revue politico-sociale « Il Commercio italiano », le Caire 1902, soit deux ans avant la fameuse revue « Al-nadi = Il Convito ».


     Ce qui est curieux, c’est sa prétendue origine tartare, et P. Genty qui l’a rencontré chez Dujols (et peut-être présenté à cette occasion à Guénon) lui trouvait un faciès asiatique !


Ce qui est certain, c’est qu’Aguéli était châtain aux yeux bleus et que ses photos ne font pas penser à un mongol ! Mais le jugement de Genty n’était pas toujours très sûr et ses connaissances ethno-linguistiques parfois assez fantaisistes (comme son ouvrage incroyable sur les « Celtes » – Editions Traditionnelles, Paris, 1973).


     Ceci nous amène naturellement à son 4è pseudonyme : Huei-Tso, comme nous le révèle Axel Gauffin (t.II, p.168). Nous reproduirons ici la note que nous avons rédigée dans notre traduction inédite de l’ouvrage de Gauffin:


[nous sommes en janvier 1912], c’est à cette époque et à la suite de sa rencontre avec Chiang Kaï Shek qu’Aguéli prit le pseudonyme de Hoei-Tso qui est la transcription suédoise de Wei-Tsu ( en « pin-yin » : Hui-Ze) qui signifie aussi « le peintre » . Ce pseudonyme n’a pas été choisi au hasard ; en effet :


a) Hwei-Tse est le nom du « logicien » (ou « dialecticien ») de fameux dialogues avec Tchwang-Tse.


b) Il existe un peintre japonais du nom de Hoi Tsu (1761-1828).


c) Enfin le terme « Wei » (Hui) désigne expressément les Musulmans chinois du Xin Jiang (Uygur ), ce caractère étant fait de 2 carrés l’un dans l’autre.


Le même son dans une autre graphie peut aussi signifier « Société (secrète ?), réunion, rencontre ».


     Aguéli l’a utilisé pour signer un article sur les « Idées politiques dans la Chine actuelle », fortement inspiré par le futur et célèbre opposant à Mao Tsé-Dong : Chiang Kay Shek (Jiang Jie-shi).


     Le pseudonyme suivant est plus énigmatique qu’il n’y paraît : Dante !


C’est dans la revue « Il-Convito » qu’il signe ainsi dès le n° 4 du 19/6/1904, pseudonyme qui pourrait correspondre à une « entité » (voir supra) prenant pour support il Dante Alighieri 3 .D’ailleurs comme nous n’inventons rien, 4 dans une lettre à sa mère, Aguéli lui signale que ce pseudonyme recouvre plusieurs personnes (op. cit., t.II, p.133).


     Enfin, il y a le plus important:


« al-maghrabi », comme son Maître, c’est à dire « occidental » (et non pas « marocain ») qui indique allusivement une fonction à l’égard de l’occident (qu’on se rappelle : « j’ai tracé une Voie comme personne n’en a tracé avant moi ») vers lequel reviendra Aguéli en 1910 pour fonder une Société (la « Akbariyya ») et instituer une Zawiya où se retrouveront les 4 premiers rattachés français connus à l’époque (Guénon, Aguéli, Champrenaud – et l’Italien Moronti, selon un extrait de lettre cité par la revue Science Sacrée – n°7, Dijon, 2005). En tout cas, il est associé par son Maître Elish el-Kabîr à une fonction, qui, comme nous l’avons dit, consistait à instituer le Tasawwuf en occident, et notamment à Paris, où rentrant seulement en avril 1910, il rencontre assez vite René Guénon (entre avril et juillet, vraisemblablement) car, dès l’été, il prépare un article pour la revue « La Gnose » (cf. Gauffin, t.II, p.176 et sq.), article qui ne paraîtra qu’en décembre de cette année… – On suppose que ce genre de personnalités, pour s’identifier, a des moyens physiognomoniques (« ’ilm al-firasa ») qu’ignorent les hommes ordinaires – c’est encore actuellement le privilège des Afrad. Quant à son titre initiatique : « Khâdim al-Awliya’ », nous y verrons une ishara renvoyant à son Maître invisible (« Khâtim al-Awlia’ »)


     En conclusion, nous ferons remarquer la multiplicité des dons et facettes d’Aguéli : les férus d’astrologie attribueront cela à son signe des Gémaux, caractérisé traditionnellement par le don des langues, la jeunesse prolongée et la mobilité physique et intellectuelle; c’est bien le cas d’Aguéli, mais l’explication par les astres nous paraît bien simpliste et trop réductrice : il n’y a pas influence des astres, mais il peut y avoir (à ne pas prendre au sens littéral) une « énergie » symbolisée par certains astres; (cf. supra.). Or cette science est presque complètement perdue dans l’occident non-traditionnel.


A.A.H., 11 jumada II, 1436 h.


NOTES:


1 Selon ses propres dires, quand René Guénon a utilisé différentes signatures, ce n’étaient pas de simples pseudonymes mais ils correspondaient à autant d’entités distinctes, si bien qu’il ne fallait lui attribuer que les livres ou articles signé René Guénon – Mais, alors, qu’en est il de ses articles signés en arabe AWY (dans la revue cairote Al-Ma’rifa) ?
Nous ne disons pas que c’était le cas d’Aguéli, à part sur un point traité ci-dessous.
2 Ainsi dans la présentation d’Aguéli aux lecteurs du Mercure de France de septembre 1912, Guillaume Apollinaire écrit sans vergogne qu’Aguéli était né à Paris et habitait avec ses parents rue Cortot, à Montmartre (sic). Comment a-t-il pu inventer cela ? Il est bien possible qu’Aguéli lui ait raconté n’importe quoi pour se débarrasser d’un curieux (Il disait bien à tout venant qu’il était « fils de roi » !).
3 On se référera à l’étude probante de J.Robin, dans son 1er ouvrage de 1978 sur Guénon. Même si cet auteur est à prendre avec des pincettes, il a parfois des connaissances surprenantes dans le domaine ésotérique.
4 Après notre 1er article sur Aguéli (VLT, 1998), quelques sceptiques, doutant des aspects fantastiques de sa vie avaient eu l’outrecuidance diffamatoire de prétendre que nous étions victime de notre imagination !


Si nous révélions tout ce que nous savons sur Aguéli, que diraient-ils ?




















samedi 18 avril 2015

La demande d’intercession (al-tawassul) – Al-du'â al-nâçirî - Imam ibn Nâcir (Mafâtih al-Qurb)




A l’occasion des commémorations de la disparition du vénéré Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm, les membres de la branche française de la Tariqah Mohammeddiyah Châdhiliyyah Nâçiriyyah sont heureux de présenter le texte bilingue de « La demande d’intercession (al-tawassul) » de l’Imam Mohammed ibn Nâcir Al-Dur’î, qui figure au nombre de leurs principales oraisons.






lundi 6 avril 2015

Compte rendu " Le Royaume du Graal " par Jean Robin





Compte rendu de J.F.      
                                      

De nombreux amis et lecteurs nous ont confié leur perplexité devant l’oeuvre de Jean Robin (un livre par an environ de 1978 à 1993) et leur admiration pour sa documentation et ses connaissances . Nous sommes d’accord sur le premier point. En revanche, nous sommes moins admiratifs pour sa documentation, car nous la possédons en grande partie (avec, en plus, certains documents en plusieurs langues étrangères qui lui sont inaccessibles). Enfin, pour ce qui concerne ses connaissances, leur mélange délibéré de vérités et d’erreurs, et de propositions indécidables (comme on dit en logique mathématique), quand ce ne sont pas des délires, nous laisse souvent une impression de malaise.

Ibn ‘Arabi met en garde contre les connaissances justes mais acquises « frauduleusment », c’est à dire par les seules forces humaines et prométhéennes : c’est le cas de la philosophie profane moderne, et c’est ce qui la sépare irrémédiablement du Soufisme.

Certaines choses ne sont pas toutes bonnes à dire (par exemple, chiffrer la date de la fin des temps, comme dans le 1er volume -1978).

D’autres affirmations sont faites pour jeter le désarroi et le trouble dans les esprits sains, c’est à dire qu’elles risquent de faire perdre le discernement ou tout au moins, de « décerveler ». Et ce genre de tentative (consciente ou non ) correspond aux techniques de la contre-initiation. M.Robin qui se prétend « guénonien de stricte observance » (sic!) comprendra parfaitement ce que nous voulons dire…C’est pourquoi quand M. J. Parvulesco dédie sa « Spirale prophétique » (chez Trédaniel, également) à « Jean robin, agent d’influence du Regnum Sanctum » ( sic!), nous sommes édifié mais pas du tout rassuré !…

Quant aux renseignements confidentiels dus à l’indiscrétion et la légèreté de certains collecteurs et divulgateurs de lettres de Guénon et de Michel Vâlsan, que faut-il en penser ? Chez ces derniers « chasseurs de courrier », il y a d’ailleurs rétention de l’information et de connaissances légitimes dues aux chercheurs sincères, et au besoin étalage de détails privés qui ne s’accommodent pas de publicité (1).

(1) Ainsi, que penser de la photocopie d’une lettre de Michel Vâlsan où sont dévoilés son adresse et son n° de téléphone personnel, comme le fait Jean Grangé (= Jean Tourniac), dans la réédition de son livre sur Guénon (Ed. Du Soleil – 1993), sous prétexte d’apporter une preuve épistolaire à ses dires… Il y étale complaisamment le satisfecit accordé du bout des lèvres par M. Vâlsan à son Ier livre sur Guénon(1973). S’il savait ce qu’en pensait en privé M.Vâlsan ! D’ailleurs, il le savait sans doute …Quelle duplicité !

Après ces considérations générales, il va falloir passer à une recension plus détaillée, tâche ardue pour un ouvrage comportant 764 pages !

Il y a notamment tout ce qui concerne le christianisme ou plus exactement le Catholicisme, ce qui n’est pas une simple nuance ; et, dans un perspective eschatologique comme les affectionne Jean Robin, on voit bien qu’il fait son possible pour escamoter le rôle de l’Islam à la fin des temps, car, depuis certaine préface proprement scandaleuse à la 2è édition de son 1er livre (« René Guénon, témoin de la Tradition »), il se refuse à admettre l’autorité de Michel Vâlsan en la matière, projetant les limites personnelles de ses déficiences sur un sujet qui ne souffre pas de point de vue subjectif : en métaphysique, si on n’est pas capable de faire abstraction de son idiosyncrasie, on s’abstient. Guénon disait à peu près que c’est comme en mathématique : on comprend ou on ne comprend pas .

Malgré toutes ses ruses, ses demi-connaissances et les ressources de son style, il relâche sa vigilance anti-traditionnelle vers la fin ; mais il faut attendre les pages 506-507 pour déceler l’erreur majeure de la thèse de Jean Robin, concernant le rôle du Christ à la fin des temps, oubliant d’ailleurs comme beaucoup de Chrétiens que le Christ de la 2è venue n’est absolument pas le même que celui apparu il y a environ 2000 ans ( il ne peut pas ne pas le savoir, et c’est ce mélange d’erreurs et de demi-vérités qui trahit la marque de la contre-initiation) .

Pour ne pas se perdre dans les détails (pour cela, on se reportera aux pages citées ci-dessus), disons que par un tour de passe-passe qui est foncièrement malhonnête, Robin s’appuie sur Guénon en lui prêtant une thèse qui ne peut être la sienne. Que l’on en juge…

Robin reprend une longue citation de Guénon de son article « un projet de Joseph de Maistre pour l’union des peuples » (Etudes sur la franc-Maçonnerie, t.I) : « (…) il s’agit de restaurer l’unité, supranationale plutôt qu’internationale, de l’ancienne Chrétienté, unité détruite par les sectes multiples qui ont « déchiré la robe sans couture », puis de s’élever de là à l’universalité, en réalisant le Catholicisme au vrai sens du mot, au sens où l’entendait également Wronski, pour qui ce Catholicisme ne devait avoir une existence pleinement effective que lorsqu’il serait parvenu à intégrer les traditions contenues dans les Livres sacré de tous les peuples . » c’est Jean Robin qui souligne).

Tout de suite, à moins d’être aveuglé par des préjugés anti-islamiques comme Robin, on remarque que Guénon ne parle pas de Christianisme, encore moins de Christianisme romain, mais de « Catholicisme au vrai sens du mot ». Même non-linguiste, Robin sait bien que le sens grec de « katholikos » est : universel, et que le christianisme romain non seulement n’est pas universel, mais n’est même pas unitaire, – n’étant reconnu comme autorité ni par les Chrétiens protestants ni par les catholiques orthodoxes – et ne reconnaissant la validité ni du Judaïsme, ni de l’Islam. Or, la seule doctrine, immédiatement vérifiable dans le texte même, qui reconnaît toutes les traditions non dégénérées, c’est l’Islam, n’en déplaise au petit lobby hindo-bouddhiste (Daniélou, Hapel, Ricard..etc) .
C’est tout de même un peu fort de faire endosser à Guénon une nouvelle doctrine inventée par Robin et commune aussi aux maçons anti-musulmans du R.E.R !

La même erreur est commise de façon intéressée concernant le mot Israël dont le sens est purement spirituel (cf. Saint Paul, sans parler du terme coranique « Isra’îl », toujours distinct de « Yahûd ») et n’a rien à voir avec les visées colonialistes bassement terrestres des sionistes…

Jean Robin sent bien que sa thèse ne tient qu’à un fil, car « la réponse [qu’il apporte] est aussi courte que décisive, pour la véritable compréhension d’un livre [ Le Royaume du Graal] que les « guénoniens » rejetteront ou accepteront ici même »( p.506). C’est d’ailleurs cet aveu déguisé qui nous avait alerté en relisant l’auteur : nous avions trouvé là la pierre d’achoppement. C’est ici que se trouve la « clef » de l’ouvrage. Et en rapport avec la thèse et le sujet de son livre, Robin prétend que Guénon occulta la « mission de la France » (p.506), autrement dit, il aurait délibérément menti ou péché par omission pour « détourner l’intérêt de la contre-initiation »(sic!). Il affirme plus loin (p.507) que ceux qui ont compris, non seulement rectifient l’ « erreur » de Guénon concernant cette mission de la France, mais ils ne quittent pas le Christianisme pour entrer dans l’Islam, la faute en incombant à M. Vâlsan qui n’aurait pas suivi les mises en garde de René Guénon sur les conversions ! (chapitre XII, I.&R.S). On se demande comment un homme aussi intelligent que Robin, qui en a donné la mesure dans son 1er livre notamment, se met maintenant à lire Guénon. Quel délabrement intellectuel (ou plutôt : mental) !

Autre obsession robinienne : la « Sainte Eglise » (qui va souvent de pair avec le « sédévacantisme »). Il semble vouloir prouver que le christianisme est bien vivant, invisiblement, quitte à alléguer je ne sais quelle pseudo-papauté « squattant » le Vatican, pendant que le vrai pape est occulté, mais régit quand même l’Eglise. Il y a là un savant mélange de vrai et d’à peu près ; mais il faudrait faire une double distinction qu’omet ou ignore Robin :

il faut distinguer entre d’une part :

Eglise chrétienne et église de Rome; et d’autre part :
– Eglise céleste et église terrestre.
– Pour nous, cette double articulation est la véritable clef de la situation du christianisme depuis 2000 ans ;
– Nous donnerons un exemple (inspiré en partie par le remarquable et unique article de Michel Vâlsan sur Jeanne d’Arc – Et. Trad. – mars-juin 1969) (2) :
Jeanne a été condamnée parce qu’elle a obéi à ses voix qui représentaient la véritable Autorité spirituelle : l’église officielle et exotérique n’a pas admis cette Autorité (cf. la perte du Pouvoir des Clefs de S-Pierre, au moment de la chute des Templiers) et a préféré laisser brûler une sainte (qui représentait aussi le témoignage dans le domaine « politique » du plus pur Tawhid en mode chrétien : « Dieu premier servi » -devise de Jeanne d’Arc sur sa bannière personnelle).
La France a évidemment une fonction universelle depuis toujours (qu’avait en partie bien comprise le Général De Gaulle, le seul homme politique « traditionnel » du XXè siècle ; mais ce n’est pas tout à fait celle que lui attribue M. Robin, et, en tout cas, elle ne s’accomplira pas sans le secours du Seigneur de la fin des temps sous la double action du Mahdi et de Seyydna ‘Isa (wa ‘Llahu a’lam), que renie évidemment l’auteur avec ses arguments spécieux.

(2) Cet article a été écrit exactement au moment du départ du Général De Gaulle, laissant la France à son sort et estimant (à tort ou à raison) que sa fonction s’arrêtait là. La transition sera assurée par Georges Pompidou qui sera la charnière entre les forces de la tradition et les suppôts de l’action anti-traditionnelle (de 1974 jusqu’à nos jours).

2) On notera que le «règne » de Pompidou durera 5 ans, exactement comme la papauté de Jean XXIII (1958-1963), prenant le nom d’un anti-pape (Jean XXIII) – ce qui est unique dans l’histoire du Christianisme – qui lui aussi a régné 5 ans (1410-1415) ; sinistre coïncidence!…

Puisque le sous-titre du livre est « Introduction au mystère de la France », nous essaierons d’exposer maintenant succintement sa théorie spécieuse et par moments échevelée de la « mission » de la France. C’est en effet un thème quasiment absent des ouvrages des historiens comme des géo-politiciens, et alors qu’il y a plus de 10 000 ouvrages d’adulateurs de De Gaulle, aucun, à notre connaissance n’a traité de De gaulle d’un point de vue réellement guénonien et traditionnel. Evidemment, à la place nous avons une pléthore de philosophes à la sauce Luc Ferry, Le Comte-Sponville ou Onfray qui, pleins de bonne volonté anti-traditionnelle, étouffent comme ils peuvent toute pensée qui sortirait du consensus des bien-pensants (parodie de l’ « ijmâ’ » des croyants) avec l’aide empressée des médias qui vantent tous les jours l’extraordinaire liberté d’expression qui sévit dans l’hexagone : a-t-on oublié qu’il y a à peine 3 mois, il était interdit de toucher aux figures « sacrées » de Charlie-Hebdo ? Pendant que l’authentique Sacré, lui, était traîné dans la boue ?

M. Robin tombe dans l’erreur dénoncée déjà par Guénon qui critiquait la myopie des voyants, vaticinants et autres pseudo-prophètes qui, voyant midi à leur porte, voyaient déjà l’Antéchrist épargnant la France, grâce au Grand Monarque venant sur son cheval blanc ! Beaucoup d’escrocs ont annoncé que la petite ville de Bugarach, dans le sud-ouest pyrénéen serait préservée !! que n’ont-ils écouté Cheykh Mustafa quand il prévenait ses disciples que « La France ne serait pas épargnée par le dajjal »…Faute de bien comprendre la notion d’Universalité, il ramène à la France tout ce qui a une finalité universelle, réductionnisme qui escamote une fois de plus le rôle de l’Islam à la fin des temps. Il croit par exemple que la mission spirituelle des Juifs -qui auraient failli- aurait été transférée à la France après leur « disqualification ». (cf. pp.477,657,708 – les courageux lecteurs de ce pavé s’y reporteront sans risque d’insomnie!). Toute cette thèse excipe du prétendu privilège gallican de la France, corollaire du sédévacantisme.(« dada » du fils de Coomaraswamy – Rama !). Pourquoi pas ? Mais la France est-elle encore « la fille aînée de l’Eglise » ? Et l’Eglise de Rome est-elle encore connectée avec l’Eglise céleste ?

S’ajoute à cela la thèse pernicieuse selon laquelle l’Islam serait « dévié » au même titre que le christianisme, qui, lui, est noyauté depuis longtemps par la contre-initiation. Parallèle affirmé sans arguments…

On suppose que, niant l’actualisation de la 2è hypothèse de Guénon (pour le devenir de l’occident à la fin des temps ; cf. « Introd. Générale à l’Etude des Doctrines hindoues »,- Conclusion) interprétée par Michel Vâlsan, Jean Robin s’imagine faire partie de « l’élite hors de tout milieu défini »( cf. « la Crise du Monde moderne », chap.IX); Cette 3è hypothèse est évacuée par Michel Vâlsan, dont évidemment Robin refuse l’autorité. Il omet courageusement de dire que Guénon ajoutait que l’efficacité de cette élite dépendrait de « l’appui de l’Orient ». Or Robin est fâché par tout ce qui n’est pas occidental et français.; il s’offusque de tout ce qui pourrait s’entendre avec le monde arabo-musulman traditionnel .(3) Ce bel élan patriotique s’accompagne d’ailleurs d’un éloge à peine voilé à l’action du Maréchal Pétain, corollaire de son anti-gaullisme primaire ! (pp.661 à 667) (4)

(3) Il va même jusqu’à affirmer sans rire que « le Mahdi ne sera pas …musulman »(sic!) (p.551)
(4) Robin va jusqu’à écrire : »De Gaulle avait semble-t-il acquitté un assez lourd tribut aux forces des ténèbres, collaborant même à l’occasion, plus ou moins consciemment, avec la Société de Celui qui doit venir ».(p;674). [cette « Société » fait partie des lubies de l’auteur !] . Qui tient la main de M.Robin quand il émet cet avis sinistre ?..


Comme avec les auteurs pseudo-traditionnels, rien n’est simple (c’est confus ad libitum!), nous devons attirer l’attention de nos lecteurs sur une page en fin d’ouvrage qui pourrait être utilisée pour la défense de Jean Robin, et réduire une part de nos critiques à néant : si nous la passions sous silence, on pourrait nous reprocher d’avoir été trop partial.

 Qu’on en juge, selon cette page 668 du livre, dont nous donnons presque l’intégrale, avec un petit rappel du bas de page 667 :
ce livre se propose précisément de mettre en lumière le statut « sacral » unique de la France….(…) [p.668] …cet insigne privilège réservé à notre pays ne concernait nullement la IIIè République et pas davantage la IVè ou la Vè. Que la Divine Providence ait choisi tel lieu pour la Révélation finale de ses Mystères incite certes à en scruter les raisons,avec une gratitude proportionnée à la foi de chacun; mais aux antipodes d’une quelconque idolâtrie nationaliste. Nous pourrions dire que la qualité véritable de français est inséparable de la fidélité à la Tradition (juive, chrétienne ou musulmane) et de la compréhension subséquente des desseins de Dieu dans l’ordre temporel. 

Dans cette fin de chapitre, il faut avoir à l’esprit que Jean Robin essaie de définir le « statut » des Juifs, non pas d’un point de vue politique ou racial, mais traditionnel.

     …un vrai juif,…(…) sera d’autant plus français… qu’il sera moins impliqué dans une action « temporelle » que la misère des temps soumet inévitablement à Moloch ou à Mammon. C’est ici, tout au contraire, que son action de présence  manifestera pleinement sa qualité de juif.
     Il est inutile de souligner que la conscience de ces profondes réalités traditionnelles faisait défaut au maréchal Pétain, qui agissait pourtant (selon des modalités trop évidemment inacceptables mais inhérentes à un contexte désastreux), comme s’il les eût  confusément perçues ».
(« le Royaume du Graal »,p.668).

Tout cela est bel et bon, mais quand M.Robin allègue la « fidélité à la Tradition » avec un grand T, on aimerait qu’il dépasse un peu le plan des exotérismes.

  Ainsi, il ne recourt pas une seule fois au magistère de Guénon qui, me rétorquera-t-il, n’a jamais traité du Destin de la France.(Il disait lui-même qu’ « il n’y  avait rien de français dans ce qu’il écrivait ») M.Robin  aurait pu se demander pourquoi ; mais pour cela, il aurait fallu une fois de plus se référer à Michel Vâlsan, sans reprendre les sornettes et autres propos désobligeants qu’il avait sournoisemment attendu 7 ans avant de les exhaler dans  sa calamiteuse introductrion à la 2è édition de son Ier ouvrage (ruinant par là tout le bien qu’il y avait  et le reste de « baraka » qu’il avait  de ses rencontres  encore récentes avec Cheykh Mustafa )(5).

    Guénon se plaçait à un point de vue  véritablement universel  (contrairement à Robin) où il n’y a plus ni nations ni races (6) ; pour nous son apport à un lieu doté d’une élection divine résidait essentiellement  dans un lieu subtil (et non géographique) qui s’appelle  langue « française » dans son aspect ésotérique (et eschatologique) et qui en effet n’a rien à voir avec une quelconque « idolâtrie nationaliste » comme le dit si bien l’auteur, qui, par moments, laisse échapper quelques vérités indépendantes de sa volonté !…

En fait, si Guénon a été silencieux quant au Destin de la France   (De Gaulle, à des intimes, parlera de façon très appropriée de sa Fonction Suprême au service de  la « Mission de la France »), c’est parce qu’il jouait discrètement son rôle de Protecteur, missionné par le Centre du Monde, indiquant même  par sa signature arabe ( AWY) (7) qu’il était une Protection , car la racine arabe « awâ »  (terme coranique que l’on retrouve notamment dans a sourate 93 – dhuhâ ) a  le sens de : asile, refuge, protection ; cette sourate nous semble d’ailleurs désigner en partie la Fonction de Cheykh ‘abdel-Wahed Yahya – wa Llahu a’lam!

(5) D’ailleurs,J.Robin se prend parfois les pieds dans les subtilités de sa sournoiserie dialectique,quand il affirme, par ex., que les les initiatives de soutien entreprises par Guénon ont toujours réussi! : « Car aucune initiative suggérée par Guénon,dans quelque domaine que ce soit,n’est restée sans fruit » (p.150,n.2). 
Or,l’indépendance prise par Ch.Mustafa (lors de la fondation de sa Zaiwya  de nov. 1950 ) a été soutenue et en qque sorte « consacrée » par R.G.  de son vivant, malgré les réticence s  – bien compréhensibles –  de F.S…. Alors, dans ce cas, cette initiative n’aurait pas été bénie ?! Que M.Robin se mette d’accord avec lui-même.
     Nous attendons sereinement la réponse à nos critiques qu’il ne peut plus ignorer ,depuis  bientôt 7 mois que nous dépouillons son « testament »  intellectuel..

(6) Ainsi il était aussi bien opposé au pangermanisme, celui  de Schuré ou de Rudolf Steiner, qu’au panarabisme  (à ne pas confondre avec « panislamisme ») .Rappelons que son projet s’appelait « Union d’Entente intellectuelle entre les Peuples »(1926), et non « union raciale ou politique »).
 
(7) « ishara » non remarquée par M.Robin, évidemment.
 Nous avons développé cet idée dans une annexe inédite que nous serons peut-être obligé de publier un jour, si les circonstances nous y contraignent-


Nous préférons abréger les nombreuses notes et pages que nous avons réunies depuis des années sur cet ouvrage pluridimensionnel, car l’auteur ne nous semble pas mériter tous les efforts que nous avons déjà déployés pour le décrypter et au besoins le dénoncer, d’autant que nous avons retrouvé récemment des passages de l’auteur qui ne laissent pas de nous inquiéter, au point de préférer terminer notre recension le plus vite possible.

En effet, on lit dans le « Royaume du Graal », p.12 (à moins que l’auteur ne se soit entre temps renié une fois de plus ) :
« Il faut le préciser, aussi déconcertant qu’en puisse paraître l’aveu : ces livres [Opération Orth ou Seth le dieu maudit ] ne reflétaient en rien le fond de notre pensée, mais constituaient à nos yeux un laissez-passer censé nous donner accès au centre ténébreux dont relèvent temporairement les mystères subvertis de certain haut lieu – origine (mais non terme) de notre quête.. Attitude délibérément provocatrice(…). »

Que faut-il de plus pour fuir comme la peste ce genre de littérature ?
Et pourtant, last but not least, il y a encore un aveu imprudent (ou calculé ?) encore plus surprenant dans son opuscule sur Nostradamus, Trédaniel, p.131-132 :
Quand de Robin la traistreuse entreprise
Mettra Seigneures et en peine un grand prince,
Sceu par la Fin,…………………………………………
Et l’escrivain dans l’eau se jettera.(sixain VI)

Commentaire de M.Robin : « le sixain décrit à l’évidence le châtiment que nous vaudra notre « traistreuse entreprise ». Certes, ce « Robin » que nous revendiquons non sans quelque présomption, M. de Fontbrune nous dit qu’il désigne en fait Biron, selon la technique de l’anagramme chère à Nostradamus. Mais peut-être, pour une fois, M. de Fontbrune s’est il trompé. »

Il ne nous restera plus, pour faire oeuvre de salubrité littéraire que de donner la liste des erreurs, mensonges, omissions, confusions et contradictions qui permettront au lecteur de se méfier et de lire l’ouvrage avec un oeil averti.
J.F.


samedi 4 avril 2015

Guy de Maupassant - La vie errante


La mosquée du Barbier, connue sous le nom de mausolée de Sidi Sahab à Kairouan, Tunisie .





La vie errante est un récit de voyages écrit par Guy de Maupassant et publié en 1890.

Au travers un récit de voyage littéraire en Méditerranée ainsi qu'au Maghreb à la fin du XIXe siècle, Maupassant a réalisé une enquête journalistique, attiré par l'exotisme de ces pays. Il découvre avec émerveillement les pays lumineux et accueillants du Maghreb. Sensible à la beauté des paysages et fasciné par la vie quotidienne de ces habitants, il rédige plusieurs chroniques qui seront publiés dans Le Gaulois et La Revue des deux Mondes. Ces chroniques seront réunies dans l'ouvrage La vie errante en 1890 publié aux éditions Ollendorff.

Le commandant Louis Rinn est l'informateur du grand écrivain, qui , grâce à lui, écrira dans son compte rendu de voyage en Tunisie (1887-88), les pages les plus sensées et les plus remarquables sur l'Islam (et le tasawwuf)  de la part d'un auteur plutôt porté sur l'érotisme et les contes et nouvelles . Et le vocabulaire arabe est exact .  C'est unique au 19è siècle (Flaubert n'a écrit que des sottises sur ses exploits érotiques en Egypte!).


Ce récit a été republié à Tunis par les Editions Ibn Charef il y a une dizaine d'années sous le titre :"De Tunis à Kairouan"


Cliquer ici 



Mosquée du Barbier : céramiques de Nabeul


Guy de Maupassant, qui visite l'édifice lors de son séjour à Kairouan, décrit ses impressions en découvrant la cour qui précède la chambre funéraire : « La grande cour carrée où l'on arrive ensuite en est aussi entièrement décolorée. La lumière luit, ruisselle, et vernit de feu cet immense palais d'émail, où s'illuminent sous le flamboiement du ciel saharien tous les dessins et toutes les colorations de la céramique orientale. Au-dessus courent des fantaisies d'arabesques inexprimablement délicates. C'est dans cette cour de féerie que s'ouvre la porte du sanctuaire qui contient le tombeau de Sidi-Sahab, compagnon et barbier du Prophète » . voir aussi l'article  Kairouan : la ville aux cent mosquées

mercredi 25 mars 2015

Notes de lecture (Le Point n° 2218 du 12 mars 2015) concernant Michel Onfray et l’Islam


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Lettre de lecteur

Notes de lecture (Le Point n° 2218 du 12 mars 2015)

Nous avons retenu la critique de M. Ali Benmakhlouf concernant l’idée que se fait Michel Onfray de l’Islam (p.58).

M. Benmakhlouf remarque justement que M. Onfray « propose une lecture partielle du Coran (…). Il reprend les arguments des musulmans radicaux. En agissant ainsi, il se met à leur niveau ; il les valide même en les présentant comme théologiquement significatif… » (etc).

Nous souscrivons tout à fait à cette analyse, et comme M. Onfray est « philosophe » (auto-proclamé : la France est un pays où il n’y a plus de profs de philo, mais que des philosophes !!!), nous ajouterons quelques arguments de synthèse qui devraient le ravir.

Onfray se proclame fièrement « athée » – c’est son droit – mais est-ce bien la plateforme adéquate pour parler des choses invisibles et surnaturelles, comme Dieu, La Foi, le religieux, le Sacré ? Les croyants aimeraient qu’on leur fiche la paix et que les aveugles cessent de vouloir parler à tout prix des couleurs (car l’athéisme est une sorte de cécité, non?), sous prétexte qu’on est en démocratie et que tout le monde a le droit de parler…

Nous constatons qu’il ignore les études arabo-islamologiques, ne se fiant qu’à son grand savoir de « philosophe » (Tout cela nous rappelle Bernard-Henri Lévy essayant sa dialectique du prêt-à-penser sur le grand rabbin Josy Eisenberg qui l’écoutait sidéré, lui avouant : « J’ai 30 ans d’études bibliques et hébraïques ; et quand je vous entend parler, je suis au regret de vous dire que nous n’avons pas la même religion » – ce qui cloua le bec à l’audacieux).

Ce qui est gênant, c’est que M. Onfray ignore toute pensée symbolique – ce qui est le cas de tous les philosophes modernes qui réduisent tout à la pensée mentale la plus plate ; or tout langage de la Révélation est hautement symbolique (de l’Orient jusqu’à l’Occident), mais il faut des clés pour cela : ainsi, les versets (bibliques, coraniques…) ont plusieurs sens, et là où des générations de savants se sont affrontés, on admire avec quelle aisance M. Onfray tranche avec l’aplomb souverain de l’ignorance. Heureux homme, pour qui tout est simple et facile! Sait-il qu’il ne suffit pas de connaître l’arabe pour comprendre le Coran ? Avec ce genre d’exégète, on a à faire à un Islam « au ras des pâquerettes » – c’est-à-dire une lecture littérale et univoque – comme le font allègrement les Salafistes et autres fondamentalistes intégristes, fossoyeurs de l’Islam.

Ce point de vue prétendument objectif et en fait pseudo-scientifique s’appelle du « réductionnisme », pratiqué par tous ces touche à tout qui se mêlent de Religion sous prétexte que tout se réduirait à de la pensée, sous-entendu de la « philosophie ». Un fin penseur comme Kierkegarde disait : « Les systèmes philosophiques sont des palais vides que leurs auteurs n’habitent! » – à méditer… Non, messieurs, la religion ne se réduit pas à de la spéculation mentale. Comme l’a dit avec beaucoup d’esprit un invité d’Europe n°1 le 10 mars dernier : « Onfray mieux de se taire! ».

On pourrait encore développer longtemps ces questions, mais débattre avec des « philosophes de profession » devient oiseux. Ils sont intelligents, malins et pas toujours honnêtes dans leurs arguties…n’écoutant qu’eux-même et refusant vaniteusement de se mettre à l’école de ceux qui connaissent et comprennent la religion de l’intérieur.

Ils me font penser aux tenants du libre examen (= rejet de la tradition orale de l’Eglise catholique) où tout le monde se permet d’intervenir et de dire n’importe quoi, comme si la liberté d’expression devait remplacer l’étude et la connaissance, dont se targuent tous ces diplômés : c’est le piège bien connu de l’intelligence, piège typiquement français. Mais les esprits forts se gaussent quand les croyants osent se rebiffer!…

P.S. (28 septembre 2016) :
1°) Les religions ne sont pas un jeu spéculatif : elles sont essentiellement une pratique dont l’exercice échappe par définition à la « philosophie », fût-ce celle de M.Onfray : il y a des rites, des jeûnes , des fêtes …etc, qui n’ont rien de « philosophiques »…
2°)Les religions sont en même temps un « art de vivre », surtout en Orient : dans l’islam, l’Hindouisme, le confucianisme, le Shinto… L’Europe chrétienne a dû inventer (tardivement ) les manuels de « savoir-vivre », de « bonnes manières « …pour compenser cette lacune originelle. On est frappé en orient de voir comment un oriental qui a cessé de pratiquer – et qui affiche en Europe des idées « modernes » et apparemment anti-religieuses – reste toujours imprégné d’une courtoisie très subtile et guère saisissable par les européens sans manières ni finesse (cf. les réflexions très justes d’Alain Daniélou à la fin de son autobiographie, par ex, à propos du Comte Ostrorog, diplomate chargé de mission par la France – « Le Chemin du labyrinthe » ).
3°)Enfin, last, but not least : nous livrons à la sagacité de M.Onfray cette considérable espièglerie : contrairement à ce que croyait Marx et ses pauvre thuriféraires, ce ne sont pas les sociétés qui ont inventé les religions, mais les religions qui ont fondé les grandes civilisation : imagine-t-on des cathédrales gothiques avant l’apparition du Christianisme? (1)
Mais bien sûr, M.Onfray va encore s’en tirer par une pirouette : à la différence des religions, la parole philosophique est un jeu, un jeu un peu irresponsable, qu’adorent les Français (comme disait Michel Vâlsan à propos des Français qu’il aimait beaucoup : »quel peuple léger, inconstant et frivole » – mais là, quelque cuistre diplômé va demander : mais qui est ce Michel Vâlsan ?).
J.F.


(1) cf. le « Théorème de l’incomplétude » de Gödel, repris par Régis Debray dans sa démonstration – qui nous intéresse – que : « les sociétés ne peuvent se fonder elles-mêmes »… – cf. aussi le difficile ouvrage d’épistémologie traditionnelle de Raymond Mercier ,écrit en collaboration avec Michel Vâlsan : »Clartés métaphysiques » / Editions Traditionnelles,1971 , p.60.

vendredi 20 mars 2015

Jean Foucaud - Présentation des articles d'Aguéli

Avec l’aimable autorisation de l’auteur et du site http://dinul-qayyim.over-blog.com/


"...Je pris une mousse parmi les neiges…(…) Une déesse en pierre noire à la tête de lionne – me fit voir le Soleil africain sur le sable brûlant…Je lisais les livres du Maître avant de savoir l’arabe...."


PRESENTATION DES ARTICLES D’AGUELI :



Comme rien n’est banal dans les œuvres de Cheikh ‘Abdul-Hedi Aguéli, il nous fait l’honneur d’une révélation tardive et sensationnelle dans l’ E.C.I. du 30 juin 1913, p.40, à savoir que ces deux articles sont la version occidentale de ses traités intitulés « Sahaïf ‘ataridiyah » et « sahaïf shamsiyah » (1). Si l’on comprend bien, il doit donc en exister une version sous forme orientale, c’est à dire en arabe, puisque Aguéli, comme Guénon, écrivait couramment en arabe classique. Où sont ces versions ?, nous ne les avons pas et jusqu’ici, nous sommes les seuls à en faire mention. Peut-être que les recherches de documents appartenant à Aguéli, faites par Guénon (en 1917) et Michel Vâlsan (vers 1965) portaient là dessus?

On remarquera que la publication de ces articles correspond à la période de rattachement de René Guénon (janvier-février 1911).

D’ailleurs, le 1er contient un court paragraphe consacré à l’initiation et intitulé « les deux Chaînes initiatiques », intercalé sans raison apparente dans ces pages (comme nous l’avions déjà fait remarquer dans notre article de 1998 -VLT, n°72.).

Deuxième remarque : cet article traite apparemment d’Art pur, mais, en fait, il y a derrière toute une doctrine métaphysique implicite à laquelle réfère Aguéli (notamment la notion de « Tawhid »).

Enfin, comme hasard, la planète Mercure et le Soleil sont les deux seuls astres interchangeables dans les correspondances traditionnelles des sciences ancienne (’ulûm al-Qudama’).

§

Revenons sur la question des « deux Chaînes initiatiques »…

Quand Jean Reyor voulut réimprimer ce passage dans la revue E.T en août 1946, il demanda à Guénon d’ajouter quelques explications car il s’agissait de l’initiation en dehors des voies normales, notamment celle des Afrad (cf. la traduction par Aguéli du texte arabe : « Tartibu-t-tasawwuf », dans La Gnose de déc. 1911 – paragraphe III) . Aguéli y oppose « ta’limur-rijal » et « ta’limur-rabbani ». Il n’est pas inutile de préciser que cette distinction est connue des soufis persans sous les dénominations équivalentes de : « tarbiyat-i-jismani » et « tarbiyat-i-ruhani » et y correspond parfaitement. Curieusement, Aguéli l’appelle initiation « marienne » (c’est à dire « mariale»). Ce qui est étonnant, c’est qu’il affirme que cette initiation « marienne » est fréquente en Europe, mais presque inconnue en orient. Si on nous permet un essai d’explication, Aguéli, faisant évidemment allusion à son cas et à celui de Guénon (et peut-être de Champrenaud,…etc) veut dire que, dans le monde arabe, il ne manque pas de Maîtres c’est à dire de « murshid » qui rattachent et dispensent un enseignement ( « ta’lim ») ; alors qu’en Europe, les gens qualifiés sont tellement isolés que la Miséricorde divine s’exerce à leur égard d’une façon « parallèle » qui est en dehors de la voie normale du Pôle et qui relève donc ipso facto de Seyydna al-Khidr (al-salam ’alayhi) : ces êtres qualifiés capables d’attirer à eux la Grâce divine s’appellent des Afrad (comme le dit Guénon, citant el-Mathnawi de Jalal ed-din Roumi : « La main du Pir n’est pas refusée à l’absent … C‘est l‘étreinte même de Dieu») . Nous ajouterons qu’il y en a encore dans le monde, et qu’ils jouent un rôle particulier en faveur des « isolés » qui ont besoin de leur aide et auxquels ils ne refusent pas leur appui. Cela fera sourire les esprits forts qui peuplent le microcosme du soufisme européen actuellement!… Mais il faut que certaines choses soient dites !

Quand Aguéli dit qu’ « il y a toujours un Maître », on nous opposera l’argument contraire chez certains Cheykhs, notamment Cheykh el-’ALawi lui-même : c’est tout simplement que ce dernier n’a pas voulu évoquer cette possibilité qui à son époque était réservée aux cas marginaux, dont il avait forcément connaissance, mais ne concernait pas les Arabes qui venaient à lui et avaient donc un Maître. Il n’empêche que Frithjof Schuon est venu à lui, car il vaut mieux jusqu’à un certain point avoir« un Maître vivant que décédé ».. D’ailleurs Aguéli lui -même a bénéficié de 3 ou 4 Maîtres (cf notre 1er artricle – VLT n° 72).

Ensuite Aguéli fait remarquer que cette initiation exceptionnelle était fréquente en Orient il y a 8 siècles, c’est à dire au 12è siècle, qui est l’époque où disparaît Sidi ‘Abdel-Qadi el-Jilani (1166) et où naît, presque simultanément (et ce n’est pas un hasard) Sidi Mohyed-din Ibn ‘Arabi (1165) , coincidence que nous pourrons expliquer à une autre occasion… Ceci correspond à l’époque de l’organisation (ou de la ré-organisation) des turuq .

Dans ce court passage, Aguéli termine par une réflexion curieuse et totalement inédite sur les œuvres de poètes de l‘Occident, comme fruit d’ « initiations mariennes plus ou moins inachevées »; ce qui est sûr, c’est que des Anciens comme Homère et Virgile sont d’authentiques initiés; alors, Aguéli avait peut-être en vue des poètes symbolistes modernes comme Baudelaire ou Nerval, à cause de leur conception (très littéraire) de la loi des Correspondances,- indispensable pour comprendre le Symbolisme – mais qu’ils n’ont pas comprise de façon initiatique, à notre avis. Et leur éventuelle initiation maçonnique ne suffit pas à en faire des Sages comme Homère ou Virgile!

§

Venons-en maintenant à la question centrale et énigmatique posée par le titre de ces deux articles.

Quelques remarques préliminaires ne seront pas inutiles pour aborder notre problème .

D’abord, le nom islamique d’Aguéli : « el-Hedi » non seulement signifie « el-Nûr » (selon l’Imam Razi), mais de plus, ces deux noms se suivent dans liste courante des 99 Asma’u l-Husna . On pourrait parler, en évitant de tomber dans l’idolâtrie, de « culte de la Lumière » chez Aguéli. Selon la note de Charles-André Gilis, pour Ibn ’Arabi « la Lumière essentielle [est] présente en toute couleur, sans être altérée par aucune (Fusûs-al-Hikam, tome I, p. 129, note 115) ». D’après ce que nous savons de lui, on peut se demander si la peinture n’était pas un support de méditation, selon une technique qui lui était propre, unique (le symbolisme des couleurs correspondant à certains états de réalisation spirituelle). Viveca Wessel rappelle opportunément un passage d’un CR d’Aguéli dans la revue ECI du 31/1/1913 :

« Il importe, alors, de se souvenir qu’il existe une ’lumière noire’. Elle existe, elle est familière aux mystiques, au moins à ceux de la tradition musulmane, et nous l‘apercevons dans l’art comme une sorte de profondeur qui nous attire irrésistiblement- » . (« Porträtt av en rymd »,p. 185, note 17). Cette lumière réfère tacitement à la « noche escura » de San Juan de la Cruz.

A propos de Mercure, ibn ’Arabi dit que les Abdal « possèdent la connaissance des Planètes (« Hilyatu-l-Abdal », p.40, note – trad de Michel Vâlsan – 1950) et nous ajouterons qu‘ils en tirent une certaine « énergie » pour accomplir leur fonction  ; Ruzbehan parle même de “nourriture céleste venant de la Grande Ourse” (Corbin,”L’Homme de lumière”,p.60) . Mais dans ce chapitre dédié à Mercure, il s’agit plus souvent du Soleil; et les connaissances qu’avait Aguéli de la « logha suriyaniya » n’y sont sans doute pas étrangères … d’autant plus que ces 2 astres sont interchangeables selon une économie précise mais secrète (Guénon disait que les « Asrâr Qutbaniya » sont bien gardés, mais se dévoileront à la fin des temps ) que nous allons essayer d’expliciter.

§

Normalement, à la planète Mercure correspondant à Hermès en grec, sont attribuées les sciences hermétiques, c’est-à-dire intermédiaires, tandis qu’au Soleil correspondent les sciences purement spirituelles. Or, comme le fait remarquer Guénon, traditionnellement correspond à chaque ciel un prophète :

Mercure, Hermès correspondent à Henoch, lequel est en fait Idris de la tradition arabo-islamique.
Dans ce cas le prophète au ciel du soleil doit être S. ‘Isa (Jésus).
Seulement, par une étrange interversion, dans la liste traditionnelle des 7 cieux et des prophètes afférents, on trouve:

1°)-S.Idris au ciel du Soleil (1er ciel),ce qui peut se justifier par d’autres arguments [(notamment historico-linguistiques: en suédois (et en allemand), le jour du Seigneur n’est pas le dimanche ,mais le samedi (lördag) et le dimanche s’appelle (söndag), jour du soleil ou de la lumière totale.
2°) S.’Isa au ciel de Mercure (4è ciel).
Il y a à cela une raison à cette ambiguïté que Guénon omet d’éclairer, c’est que curieusement, dans le récit de la création du monde, le 4è jour ce n’est pas Mercure qui est créé, mais le Soleil – axe central de la galaxie (2); la lumière totale,( fiat lux!) – comme nous le disions ci-dessus – étant réservée pour le 1er jour de la semaine (en arabe : yaum al-ahad). Ceci n’est pas sans conséquence pour la suite, notamment pour expliquer l’interversion que signale Guénon et surtout, l’événement eschatologique du retournement des Pôles, qui est la clé de l’énigme suggérée par Aguéli quand il choisit bizarrement les 2 titres de ses articles. Ceci oblige à déplacer Mercure à un autre jour de la semaine (cf. les arguments des Cabbalistes à ce sujet).

Tout se passe comme si, à la fin des temps, il se produisait un basculement, faisant « remonter » Seyyidna ‘Isa du ciel de Mercure au ciel du Soleil, pendant que Seyidna Idris retrouverait le ciel de Mercure, laissant la Lumière totale au Christ de la 2è venue, comme en témoigne son titre ésotérique de « Sol justitiae » . Idris s’efface donc devant le Christ à la fin des temps, transmettant sa fonction solaire (ce qui ne l’empêche pas de rester le « Pôle des Esprits humains ») pour que soit rétablie toute chose dans sa Vérité totale. Mais on assistera – wa Allahu a’lam – à ce qui est annoncé comme le Retournement des Pôles, et où, au sens propre comme au sens figuré, le soleil se lèvera à l’ouest (encore une allusion de S. Ibn ‘Arabi à l’énigme de « ‘Anqa mughrib » et aux « wuzara’ al-Mahdi »). Les Evangiles ajoutent même que : « les Puissances des cieux seront ébranlées…les étoiles tomberont du ciel…etc ». Ce retournement correspondra à un bouleversement social sans précédent, comme le suggère Guénon dans son article de 1935 « Varna » : l’élite cachée dans la plus basse caste reprendra sa place qui avait été occultée , le terme hindou étant « Hamsa », riche de connotations relevant de «  ‘ilmu-l-hurüf ». Wa Llah a’alam !

Voilà ce qu’à notre avis, il faut considérer pour lire avec profit ces 2 articles de cheykh ‘abdul-Hedi, dont on n’a pas fini de découvrir la complexité (il y a chez lui bien d’autres énigmes que nous développerons, in sh’a Llah)

.

Comme souvent, Guénon fournissant un éclairage sur un point particulier, il se produit qu’Ibn ‘Arabi complète ou éclaire l’exposé guénonien. Ainsi, dans ses Oraisons Métaphysiques (awrâd al-usbû’) traduites par Michel Vâlsan dans les E.T. de septembre 1949 (n° 278),nous apprenons que, à la nuit du milieu de semaine,c’est à dire du mercredi, correspond le Nom divin « al-Nûr ». Dans son ouvrage intitulé « Introduction aux oraisons de la Semaine » (le Turban noir – 2012), Charles-andré Gilis ajoute les précisions suivantes : « En tant que ‘jour céleste’, le mercredi est appelé le ‘jour de la lumière'; à ce titre,il est placé sous l’égide de sayyidnâ ‘Isâ.(…) Idrîs ,qui est le prophète -pôle des sphères célestes exerce, par la rûhaniyya de ‘Isâ, une influence ‘mercurielle’  qui maintient l’unité traditionnelles de notre monde tout au long de son développement cyclique ».(op;cité, pp.42-43).

D’après ce que nous venons d’expliquer ci-dessus, cette maintenance – terme remarquable concernant la Fonction de Seyyidna Idris – se modifie à la fin du cycle,au moment du « retournement des Pôles ». Wa Llahu a’alam !

**************

Présentation des « Pages dédiées au Soleil »

Nous signalerons seulement l’énigme que constituent les dernières lignes de cet article (en italique dans le texte) :

Je pris une mousse parmi les neiges…(…) Une déesse en pierre noire à la tête de lionne – me fit voir le Soleil africain sur le sable brûlant…Je lisais les livres du Maître avant de savoir l’arabe.

Je le vis lui-même avant de connaître son nom ».

On peut essayer de dater ce passage grâce à 3 indications données ici par Aguéli et plus tard dans une lettre .

D’abord, c’est bien en Suède que cette vision prémonitoire a eu lieu, à cause des termes « mousse, neige, brume froide »; ensuite, cette lecture des textes akbariens réfère, selon Axel Gauffin, à l’Endymion de Verner von Heidenstamm (1889) où il est fait allusion à ibn ‘Arabi. Ces lectures datent des années 1892-3; enfin ,il y a cette lettre de 1907 où il décrit sa vision (en songe ) d’ibn ‘Arabi, 14 ans plus tôt. (cf. VLT, n°73, p.41)

Maintenant , il y aurait à expliquer ce que vient faire ici la déesse à tête lionne…

D’après les indications données, il s’agit de la déesse Sekhmet, de Memphis, parèdre de Ptah (lequel donne son nom à l’Egypte : hi-ku-ptah, c’est à dire « le château de l’âme de Ptah) honorée par un rite particulier : deux séries de 365 statues de granit noir étaient consacrées à ce rite qui avait lieu 2 fois par jour (« la Mythologie égyptienne », par Nadine Guilhou et Janice Peyré, p.398 – Paris, 2005). Il s’agit bien d’une divinité solaire qui symbolise, à l’avance , un lien spécifique d’Aguéli avec l’Egypte, la lumière, et, en régime islamique, avec le nom divin « al-Nur ». Selon F.Daumas, elle a entre autres fonctions celle de tuer les ennemis du dieu RA.

Coincidence curieuse, c’est à Memphis qu’émigre Aguéli, fin 1909, obligé de fuir Le Caire, victime de l’hostilité des ennemis de l’oeuvre traditionnelle qu’il avait entreprise avec la revue « al-Nadi=Il-convito), sous l’égide du Cheykh Elish el-Kébir, Pôle de son époque.

Signalons aussi que, selon la mythologie hindoue, la Déesse Durga, appelée aussi Kali, chevauche un lion.

En conclusion, nous pouvons redire que ce songe est prémonitoire de sa carrière initiatique ultérieure.



Statue de Sekhmet au  temple de Ptah de Karnak (Louxor)

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conclusion:

C’est la lumière qui compte pour Aguéli, non l’objet, donc la Source plus que le fleuve, le Créateur plus que la créature. Il veut saisir l’acte même de la manifestation, sans perdre de vue son Auteur; en ce sens il échappe à l’idôlatrie et à l’interdit sémitique du double. Il déteste les naturalistes et n’apprécie pas les impressionnistes, car ce qui compte pour lui, c’est non l’objet mais la projection d’une vision intérieure. On se demande ce qu’aurait donné une rencontre entre Vincent van Gogh et Aguéli. Hélas, quand ce dernier débarque à Paris, van Gogh vient juste de mourir.

L’art d’Aguéli n’est absolument pas sensuel, il est et se veut traditionnel au sens guénonien. Il a une haute conception de son art qu’il exprimera dans deux formules sybillines : « Je suis le serviteur d’une tradition que je n’ai pas le droit de renier »  et : « Je dois réussir par devoir cosmique » (av cosmiskt plikt).(Axel gauffin,tome II)…

Notes :

(1) Nous devons cette référence inédite à l’obligeance de M. Jean-François Lesbre, grand connaisseur d‘Aguéli. Qu’il soit ici remercié.


(2) Ce qui expliquerait le culte rendu par les anciens Germains à Odin/Wotan (=Mercure) au point que les missionnaires chrétiens, jaloux de ce culte qu’ils trouvaient idolâtre et concurrentiel débaptisèrent ce jour (Wotantag/wednesday/onsdag) en « mittwoch » qui signifie simplement « milieu de semaine », sauvegardant tout de même son sens « central » pour les initiés! 








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