samedi 18 mai 2013

La Tariqa (la voie) - Salah Khelifa








Auteur: Salah Khelifa, Alawisme et Madanisme, des origines immédiates aux années 50.

Thèse pour l'obtention du Doctorat d'état en études Arabes &
Islamiques. Université Jean Moulin Lyon III.
 
 

La tariqa signifie chemin, voie; elle désigna par la suite la méthode "mystagogique" pour guider chaque vocation en traçant un itinéraire menant de la pratique littérale de la religion islamique(chari'a) jusqu'à la réalité unique (haqiqa). "S'ils se comportent avec droiture dans la voie, nous les abreuverons certes avec abondance" Qoran LXXXII 16. Elle finit par désigner un groupement de fûqaras (pauvres); "Vous êtes pauvres, Seul Allah est Riche" Qoran XXXV 15, dirigés par un Cheikh (Maître spirituel) reliés par " une chaîne de lumière spirituelle, de maître en maître, jusqu'à la source de l'existence ('ayn el woujoud), la cause de tous les êtres (el sabab fi kouli mawjoud) Mohammed "prière et salutation sur Lui ".

La tariqa conduit à la connaissance d'Allah, qu'Il Soit Glorifié et Exalté, quiconque pense que la réalité unique est incompatible avec la loi révélée se trompe...car la réalité unique est occultée dans la chari'a, tout comme la crème se trouve contenue dans le lait et le fruit dans l'arbre,...(en vérité) les actions des hommes sont en trois catégories:
  1. -Celle relative à la loi révélée (chari'a) qui vise à l'adoration d'Allah .
  2. - Celle relative à la voie (tariqa) qui consiste à vouloir aspirer vers Allah.
  3. - Celle ayant trait à la réalité unique (haqiqa) qui porte sur la contemplation, grâce à l'oeil intérieur du coeur.

 
Ainsi donc l'observance de la chari'a a pour corollaire le redressement des actions apparentes, celle de la tariqa, le redressement de la foi, quand à la haqiqa elle vise au redressement des secrets les plus intimes. Nous disons que la chari'a fait office de remparts protecteur de la haqiqa, a l'instar de l'écorce par rapport au fruit; en effet, n'eût été l'écorce protectrice de ce qui est à l'interieur du fruit, la pulpe se serait gâtée.." Al-Mûrchid, Fevrier 1951, n° 6, p 8.

La chaîne d'or
 
"L'héritage spirituel est maintenu grâce a la chaîne qui remonte à la présence divine (al hadra al ilahya) en passant par la source de la réalité (manba' al haqiqa)" Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine. La chaine apparaît comme la condition nécessaire pour la vie de la tariqa, " c'est la chaîne qui nous lie au point fixe, au pivot unique, de maillon en maillon, solides et par leurs attaches et par la pureté de leur métal "elle est là vivante, à nos côtés, la chaîne solide qui conduit au Prophète (mohammed).

Lorsque par la chaîne de l'esprit prophétique nous arrivons au Prophète Mohammed, nous nous lions, non pas à la chaîne des représentants spirituels du Prophète mais a la chaîne des prophètes eux-même....jusqu'au bout, jusqu'au pivot unique. " Ce qui nous intéresse, ce n'est pas de nous savoir liés à une chaîne, c'est de nous savoir liés à une chaîne solide. ce n'est pas l’éclat de sa spiritualité qui nous est nécessaire mais plutôt sa force, sa solidité spirituelle". Al-Mûrchid, Octobre 1949 n° 30, p 6.

"Tous les chemins mènent au but .....oui, tous les chemins conduisent au sommet de la montagne. seulement il faut voir si le chemin est profitable, utilisable et si un tournant, un ravin ne le coupe. Oui il y a beaucoup de chemin dirigés vers le sommet, mais ce qui compte aussi, c'est d'en suivre un pour voir s'il nous conduit vraiment au but, le chemin que Dieu a placé devant moi est praticable; c'est celui du cœur". J.G.Brosset , de l'amour de Dieu, Mostaganem, p 31.

"La chaîne est l'arme du croyant (dans la voie); sans arme comment peut-il guerroyer...c'est la chaîne qui rattache chaque fidèle à son origine primordiale (yassilou bihi ila masdarihi el awal). Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

Le Cheikh
 
"L'homme est en butte à plusieurs ennemis qui le dévoient vers les précipices des frayeurs et l'entraîne vers sa perte. La tyrannie de ses ennemis est tellement puissante que les Hadiths pas plus que les nobles Versets s'avèrent inopérants, quand ils sont inculqués uniquement par la parole ou même quand ils sont appris par cœur au contact de maîtres ordinaires. Aussi le murid a-il besoin d'un guide (murchid) qui le conduit dans la voie de la paraxis. D'un cheikh qui soit versé dans la connaissance, dans la science du livre (coran) et la sunna " Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

Ce Cheikh puise donc dans les fondements scripturaires, il est considéré comme l'héritier légitime du Prophète, le dépositaire de l'héritage spirituel; " Cherchez la compagnie de celui dont la vue vous rappelle Dieu". Hadith. "Aujourd'hui Dieu n'envoie pas de prophètes, car notre Maître Mohammed est le dernier du cycle prophétique, mais par justice et dans sa bonté, Dieu n'abandonne pas le monde, Il lui envoie des remplaçants de prophètes, qui jusqu'à la venue de Issa (jésus, vers la fin des temps) ont le rôle de garder vivant l'esprit de la Prophétie. Ce remplaçant est le vrai Cheikh en tant que guide spirituel. Dieu lui parle dans son cœur, Il ne lui donne pas une nouvelle religion, ou bien une modification de l'ancienne comme à un prophète. Il fait descendre en son cœur la force de la lumière pour qu'il puisse comprendre et maintenir vivante la vérité....

Le vrai Cheikh est le vicaire de Dieu, il peut...en vérité présenter Dieu dans toutes ses expressions, car il Le voit en toutes choses, la Lumière est en lui " Al-Mûrchid, Avril 1949 n° 24, p 5 & 6.

" Nous sommes les remplaçants des Prophètes " Adda Bentounès, al-Mûrchid, Fevrier 1948, n° 15, p 9.

C'est justement par le truchement du Cheikh que la confrérie est rattachée à Dieu, chaque Cheikh antérieur constituant un des nombreux maillons de la chaîne spirituelle.

Le Cheikh authentique
 
"Le Cheikh se doit d'éduquer son âme à priori " Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

Ainsi il pourra oublier ses intérêts propres pour ne servir que ceux de ses disciples dans la voie de Dieu. Il n'est pas nécessaire pour cela de vivre misérablement, le faste est à exclure, la cupidité qui a tenté plus d'un maître.

"ce n'est pas parce que je suis Cheikh que je dois vivre de la richesse de mon disciple" Adda Bentounès, cité par Léon. Langlet, ainsi m'a parlé le vénérable Cheikh sidi haj Adda Bentounès, p 65.

L'infatuation, la présomption, l'orgueil, voilà d'autres rares morales qui doivent être extirpées avec la dernière vigueur, " certes, ils sont nombreux ceux qui se disent maîtres, mais ils sont rares les maîtres qui se disent disciples " Al-Mûrchid, Juillet 1949, n° 28.

"Celui qui veut guider vers Dieu et qui ne peut porter le fardeau des créatures de Dieu, en les soulageant, n'est pas dans la voie de Dieu, mais dans celle de la vie de ce monde " Al-Mûrchid, Mai 1950 n° 37, p 8.

"Ses actes, ses paroles, ses états se situent entre ce qui est prescrit par la Loi et ce qui est recommandé, sans dépasser, de quelque façon que ce soit ces limites. Certes, il évolue en fonction des circonstances, la couleur de l'eau étant celle du récipient qui la contient, il est évident que les circonstances temporelles et spatiales changent si rapidement qu'elles viennent souvent à se transformer radicalement, tu le verras alors agir en conséquence, de telle sorte qu'il aide ses contemporains à enraciner profondément la loi chez eux. C'est pour cela qu'il acquiert le titre du Pôle Spirituel, car les astres gravitent au dessus de lui, alors que fixe, il ne se manifeste qu'à ceux qui ont besoin de lui, la vérité fuse de la bouche, coule sur la langue du connaissant de chaque époque, conformément aux nécessités de la contemporainéité, dont il n'extrait que ce qui est de nature à préserver l'héritage prophètique dont il est le dépositaire fidèle ". Cheikh Ahmed al-Alawi, al-Minah al-Qûdûssiyya.

Une question grave se pose: comment reconnaître un Cheikh véridique, car nombreux sont ceux qui se disent Cheikh . N'en rencontre-t-on pas qui portent barbe et turban bien ajustés ? gandoura bien soignée ? Légions sont ceux qui, égrenant gravement leur chapelet, affirment être affilié à tel grand maître, soutiennent qu'ils sont les seuls dépositaires du Flux divin (Baraka) et seuls, par conséquent, habilités à conduire les disciples vers la réalité unique. Ils connaissent parfaitement la chari'a et parlent de la science des soufis avec une telle aisance qu'ils convainquent leurs interlocuteurs avec une facilité déconcertante, " mais il y a de très belles fleurs qui ont une mauvaise odeur " Al-Mûrchid, Juillet 1949, n° 26, p 9.

"Ne te laisse pas, ô mûrid guider par un maître, simplement parce qu'il se pare de ce titre, le maître authentique est celui qui relève le voile et est versé dans les maladies des murids; il est celui que ton essence a reconnu comme vicaire de Dieu et que ton secret intime a reconnu réellement grand; c'est celui qui te polisse par ses qualités morales, qui illumine ton for interne par son rayonnement". Cheikh Ahmed al-Alawi, al-Minah al-Qûdûssiyya.

"Demandez à votre guide intérieur, le guide du coeur ne vous trompera pas, le Cheikh est un (envoyé) de Dieu dans votre temps " Al-Mûrchid, Mars 1951, n° 47, p 4.

"Le premier prodige que l'on doit rencontrer avec un vrai guide , c'est en le fréquentant, de sentir pénétrer en soi la force qui vit dans son cœur " Léon. Langlet, ainsi m'a parlé le vénérable Cheikh sidi haj Adda Bentounès, p 16.

La propre preuve de vérité du Cheikh ? " Il faut lui demander Dieu, s'il peut faire vivre votre cœur, jusqu'à ce que vous receviez la force de Dieu, la lumière de Dieu, vous-même, oui, vous pouvez croire que c'est un cheikh qui représente Dieu, car le monde ne reste jamais sans représentant de Dieu. Si vraiment nous voulons le trouver, ceci est sa preuve ." Al-Mûrchid, Avril 1949, n° 24, p 7.

Un Cheikh véridique doit donc irradier la lumière dans le cœur de son murid, même si celui-ci n'arrive pas a épurer son cœur jusqu'au point de recevoir la lumière divine, soit qu'il n'ait pas assez foi en lui soit que trop intense cette lumière ne fasse qu'offusquer son cœur. Dans sa vie, dans son attitude, dans sa conduite, la force spirituelle du Cheikh doit alors travailler a (dégauchir) les aspérités du cœur revêche à le rendre réceptif à la lumière.

"Mais si malgré tout il vous reste un doute, il faut vous redresser vers Dieu avec toute la force de votre cœur, pour qu'il vous montre quelques signes manifestes de ce Cheikh. Enfin, si vous ne trouvez pas cette force de Dieu, ni la force du Cheikh, ni aucun signe manifeste de sa force spirituelle, alors c'est qu'il n'est pas véridique, parce que Dieu n’abandonne jamais celui qui Le cherche " al-Mûrchid, Avril 1949, n° 24, p 7.

"Le sentier de la connaissance spirituelle étant étroit et nombreux les obstacles qui le jalonnant, le maître est justement celui qui est capable d'y conduire ses murids afin de les libérer de l'esclavage des séductions de l'âme et les habillant de parures de soi (soundousiyya) (digne de leurs aspirations) , de les préparer à s'introduire chez (el Haq) le Véridique." Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

"Il ne se contentera pas donc de t'inviter à la porte mais soulèvera le voile entre lui et toi ; pour cela il polira le miroir de ton cœur jusqu’à ce que s'y reflètent les lumières de ton Seigneur. avec toi il s'est levé pour aller vers Allah et tu l'as accompagné; c'est lui qui t'a introduit dans la lumière de la présence Divine et t'as dit: te voilà avec ton seigneur. c'est lui qui déclenche le souvenir d'Allah quand on le voit et fait parvenir le serviteur chez son seigneur ." Cheikh Ahmed al-Alawi, al-Minah al-Qûdûssiyya.

"Alors le sultan de la transcendance de dire au serviteur (sincère) (Ô âme apaisée, retourne à ton Seigneur satisfaite et agrée!)" seul le Cheikh véridique peut faire parvenir ses disciples " à la présence divine et à la station de contemplation par le cœur." Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

"Chaque Maître (authentique), lorsqu'il trouve un vrai disciple qui cherche la vérité, commence par lui poser un point; de ce point il lui développe le A, le lendemain le B, ensuite le C etc.....l'élève alors sera capable de se lancer dans n'importe quelle instruction; il peut s'instruire de tout et pourtant toute l'instruction n'a dérivé que d'un point." al-Mûrchid, Juin 1949, n° 27, p 5.

Cette instruction consiste à élever le niveau de conscience du murid dont on s'accorde à penser qu'ils se subdivisent en trois catégories de créatures:
  1. La créature supra-consciente qui voit en chaque chose la manifestation des actes de Dieu.
  2. La créature consciente qui procède à la qualité de la sagesse et de l'ignorance et qui voit à travers chaque créature tantôt la manifestation de Dieu, tantôt celle de l'égoïsme.
  3. La créature subconsciente égoïste voit en chaque créature la manifestation de l'égoïsme.

"Ainsi la montée du subconscient au supra-conscient à travers le conscient est le fait du Maître qui sait être un avec la créature subconsciente pour l'éveiller, un avec la créature consciente pour la dégager du subconscient et l'élever vers une conscience supérieure, un avec la créature supra-consciente pour maintenir son unité en Dieu. " al-Mûrchid, Septembre 1948, n° 22, p 9.

Les Disciples
 
Tous les disciples quel que soit leur rang social, leur âge, leur origine s’appelant pauvres (foqaras). Cette appellation dérive du coran qui affirme que "Allah est riche et (que) vous êtes les pauvres" Qoran XLVII 38.

"Le faqir est pauvre dans le vrai sens du mot, à tous les degrés, aussi bien matériellement que moralement et spirituellement, il porte malgré lui l'habit de la pauvreté " Adda Bentounès, pro Humanitate, Mai 1952, p50.

Quand bien même il se perfectionnerait pour se réaliser en Dieu, il sera en effet toujours pauvre, puisqu'il ne cessera d'avoir constamment besoin de Lui, la richesse étant détenue par Allah seul, l'homme et notamment l'adepte sont appelés à vivre dans cet état de pauvreté absolue. Conscient de cet état de dépouillement vis à vis d'Allah, le faqir dans une première démarche devient aspirant d'Allah (mûrid) , il s'emploiera à s'enrichir au contact de Dieu. Afin de s'aider en cela, il doit pratiquer le dhikr (remémoration du Nom de Dieu) car " à ceux et celles qui invoquent beaucoup Allah, Il leurs réserve l'absolution et une grande rétribution ". Qoran XXXIII 35

Le faqir passe ainsi à l'étape de dakir (remémorant) à qui " Allah a promis le degrés le plus élevé au jour de la résurrection, plus élevé que celui du combattant pour la foi , dût-il se servir de son épée jusqu'à ce qu'elle se brise et soit souillée de sang " Hadith de El-thirmidi.

Le dakir, alors est considéré comme un cheminant (salik), il entreprends son voyage vers Allah, pour lui rien n'existe que Lui (Allah) et à l'égard du monde il se comportera comme un étranger ou un passant " .Qu'ai-je de commun avec ce monde, je suis comme un passant qui se met à l'abri d'un arbre puis reprend son chemin et laisse l'arbre derrière lui " Hadith d'ibn Majah. Pour lui rien n'existe que Lui et à l'égard du monde il se comportera " comme un étranger ou un passant " Hadith dal-Bûkhari.

Peu arriveront au bout du voyage, les foqaras le savent mieux que personne "seul un petit nombre parmi les derniers(dernières générations)" Qoran LVI 14. Car, il est difficile de faire abstraction de ce monde plein de séductions, de tentations, pour compter parmi les cheminants heureux (salikines) , mais plus que d'être passant ou étranger, il faut en réalité mourir de ce monde, , "celui qui était mort, que nous avons ressuscité et à qui nous avons remis une lumière pour se diriger parmi les Hommes" Qoran VI 122, celui-là peut proclamer qu'il est parvenu au terme de son voyage " son coeur ressemble à celui d'un oiseau " Hadith de Mûslim.

Ces Salikîns qui atteignent cette station, ont entrepris leur long voyage, sans attendre de personne, ni aide, ni réconfort, seul le Maître avec l'aide d'Allah les ont aidés, parce que toutes leurs actions visaient à plaire à la face du Seigneur, en vue de s'absorber en son sein, c'est seulement quand il parvient a cette station (maqam) qu'il peut se considérer à juste titre comme un soufi.

"Faqir" est donc un vocable générique qui recouvre deux réalités soufiques, d'abord l'aspirant soufi (mûtassawif) qui peut être l'aspirant (mûrid), le dakir (remémorant), le cheminant non réalisé (salik), ensuite beaucoup moins nombreux; les Soufis parvenus au stade de la réalisation comme les mûqaddams , les grands mûqaddams, les Cheikhs et le Qûtb (le Pôle) relèvent de cette deuxième catégorie de fûqaras.

Le Mûrid et ses semblables
 

Le disciple, s'il veut gravir les cimes les plus hautes de la connaissance spirituelle (al ma'rifa) dés le début de son noviciat, doit nécessairement se mettre sous "le chapelet" d'un Maître, parvenu quand à lui au sommet des stations de la connaissance (maqamat el ma'rifa) c'est à dire à la pleine réalisation spirituelle.

"Le mûrid, parrainé ainsi, est astreint à observer certaines règles de courtoisie (adâb), non seulement à l’égard d’autrui, mais encore vis à vis de ses condisciples. Pour y parvenir, il lui sera absolument prohibé de mépriser qui que soit, et il doit se parer des habits des gens de la certitude, ô mûrid ! Sois détourné du monde d'ici-bas, de son faste, et ne te nourris surtout pas de l'espoir fallacieux susceptible de te prendre dans ses traquenards. Car le faqir, s'il ne bannit pas ses préjugés de classe, pour peu qu'il soit issu d'un milieu social aisé, risque de ne pas respecter ses confrères aînés, et de traiter sans clémence ses cadets, il doit privilégier indistinctement les personnes de rang noble et celles que les aléas de la vie ont rendues méprisables, par ailleurs, nul d'entre les créatures ne doit être par lui maltraité. On peut reconnaître un faqir sincère au fait qu'il supporte les injustices des hommes, qu'il s'arme de patience, qu'il loue le Seigneur à tout moment, aussi bien qu'il Le comble de Ses dons que quand Il l'en prive. La repentance sincère qu'on reconnait tant au rejet inconditionnel, sans appel, qu'au reniement de tous les actes et même des tares morales répréhensibles de sa vie anté-soufique, voilà une autre caractéristique du mûrid sincère, certes cela est nécessaire mais loin d'être suffisant, car le disciple une fois qu'il est paré de ce titre (faqir) doit réparer, s'employer à effacer les injustices faites à autrui." Cheikh Mohammed al-Madani, Hadiyat al-Ihkwan fil-Iman wal-Ihsan.

Le Mûrid et son Cheikh
 

"Le patronage étant donc absolument obligatoire pour le mûrid, celui-ci se doit de respecter un code rigoureux de courtoisie, en aucune façon "il ne doit élever sa voie en compagnie de son Cheikh, ni d'une voie élevée et bruyante (propre aux gens mal dégrossis) l'interrompre, au contraire, il doit observer le silence, écouter réellement attentivement ses paroles, en sa présence, le mûrid ne peut parler que si on le lui demande. Rire, s'asseoir en allongeant ses jambes sont des actes inconvenants, bref, en présence du Maître, nul ne doit être plus grand que lui aux yeux du faqir, lequel, devant se comporter comme le plus humble des serviteurs, à l'obligation d'obéir au Cheikh, de se conformer à ses interdits, bref, en un mot, les relations qui unissent le Cheikh à son mûrid sont de même nature que celles qui lient le thérapeute à son patient, pourtant il y a loin entre la maladie frappant les corps et celles frappant les esprits. Dans la vie des compagnons du Prophète, on trouve mille et un exemples d’obéissance inconditionnelle aux ordres et injonctions du Prophète. En effet, ils ne lui ont jamais désobéi, qu'ils se fût agi de choses insignifiantes ou d’affaires importantes, bien au contraire, ils lui obéissaient aveuglément, à la manière d'un aveugle qui s’abandonne à un voyant, cette qualité doit forcément se perpétuer chez les foqaras (héritiers légitimes) des compagnons du Prophète, tout comme le Cheikh est le représentant du Messager de Dieu, en son temps " Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

"Qui aspire à pénétrer dans la Présence divine, doit nécessairement suivre son imam qui n'est autre que son Maître qui guide vers Lui, en aucune façon, le mûrid ne doit manifester une opposition quelconque à son égard, ni par sa langue, ni par son cœur, ni prendre son commandement à la légère, en aucun cas le mûrid ne doit s'éloigner de son Cheikh, même pas de la distance d'un pas de fourmi, il doit se comporter exactement, comme un mort, déposé sur son lit funèbre, entre les mains de son laveur." Cheikh Ahmed al-Alawi, al-Minah al-Qûdûssiyya.

Il bénéficiera, spécialement à cette condition, de l'assistance (al-Madad) du Cheikh dont le flux coulera vers le mûrid, le submergera. Pour peu que le mûrid désobéisse au Guide (el Mûrchid), il se retournera d’où il est venu, c'est à dire au point zéro, et se verra dépouillé des sciences du secret du Cheikh, l'abeille ne défend-elle pas son miel, quand bien même il serait de mauvais aloi ?" Cheikh Mohammed al-Madani, Hadiyat al-Ihkwan fil-Iman wal-Ihsan.
Auteur: Salah Khelifa, Alawisme et Madanisme, des origines immédiates aux années 50.
Thèse pour l'obtention du Doctorat d'état en études Arabes & Islamiques.
Université Jean Moulin Lyon III.

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