mardi 4 juin 2013

« Hommage à René Guénon » Louis Cattiaux


 


Article Nécrologique que publia Louis Cattiaux dans la revue poétique de Théophile Briant Le Goéland, en 1951.


J’ai connu tardivement René Guénon, par l’intermédiaire de James Chauvet qui lui ayant parlé de mon livre Le Message Retrouvé, me conseilla de le lui envoyer. René Guénon étonné d’abord, puis intéressé de trouver en Occident un rameau de la tradition primordiale qu’il croyait tout à fait disparue ici, voulut bien faire paraître un compte rendu assez élogieux dans la revue les Etudes Traditionnelles, contrairement à son habitude qui consistait à démolir ces sortes d’ouvrages. Une correspondance s’établit alors librement, basée sur une estime réciproque, et sur un jugement concordant en ce qui concerne la profanation envahissante du monde moderne, et l’obscurcissement parallèle de la révélation primordiale.

 

René Guénon avait exceptionnellement accepté de m’écrire une introduction pour mon ouvrage ce qui aurait heureusement complété la belle préface écrite par Lanza del Vasto, mais la mort apparente est venue contrarier ce projet ; et je n’ai pu obtenir aucune nouvelle de Gizeh où il repose sous le croissant lumineux, si bien servi dans son oeuvre. C’est en effet avec un véritable esprit de lumière qu’il a débrouillé le chaos des révélations, des initiations, des rites et des symboles étrangement mêles, et qu’il s’est approché de cette source de vie qu’est la Tradition primordiale, héritage méconnu, mais très précieux de l’humanité obscurcie par la chute.

 

Il a véritablement préparé les voies du Seigneur en rappelant la transcendance universelle de la révélation divine, et en dénonçant sans jamais faiblir les deux perversions de la Science de Dieu, c’est-à-dire l’occultisme ténébreux, et d’autre part la science profane, qui submergent le monde actuel. Il ne faut pas s’étonner dans ces conditions si son oeuvre a été systématiquement passée sous silence, pendant 40 ans par les profanes ainsi dénoncés comme tels ; leurs titres de Savants, de Philosophes, d’initiés, de littérateurs étant pour René Guénon tout le contraire d’une qualification pour l’approche de la vérité Une. Mais l’oeuvre d’épuration, l’oeuvre d’ordonnance, l’oeuvre de restitution demeure plus claire que jamais, et le nombre de ceux qui s’en nourrissent augmente chaque jour, alors que le nombre des obscurs plumitifs qui pensent l’enterrer diminue aussi rapidement. Ce sera un étonnement considérable pour ceux qui découvriront dans l'avenir l'oeuvre prophétique de René Guénon, mais ce sera aussi pour ceux-là un étonnement encore plus considérable que la découverte de l’ignorance, de la mauvaise foi des gens actuellement en place qui ne reçoivent pas un tel message. Notre époque n’a pas lieu d’être fière de cette soi-disant élite dont les pensées et l’action délirantes aboutissent au chaos inextricable qui menace la planète. René Guénon le dénonce et il le vomit avec ses oeuvres sataniques, comme on recrache le poison et bientôt des milliers de gens avertis vont les vomir également, puis des centaines de mille, puis des millions car les peuples commencent à gronder sourdement contre elles, et leurs slogans abrutissants provoquent les sarcasmes des plus intelligents, et la colère des autres.

 

Dans un temps où la multitude des super-tordus de l’intelligence nous explique tout, nous embrouille tout, et ne nous donne rien, il est réconfortant de rencontrer un honnête homme qui s’est efforcé toute sa vie à dégager le coeur de la révélation divine des immondices qui la recouvrent de toutes parts.

 

René Guenon n’est pas mort et son oeuvre vient seulement au monde, malgré l’extraordinaire pudeur qu’il a toujours manifestée pour tout ce qui concernait la divulgation de sa personnalité, je ne pense pas à présent trahir sa pensée en le laissant s’exprimer à travers quelques extraits de ses lettres dans ce journal ami. Ayant constamment éclairé la source de la vie révélée, il est juste et convenable que la vie l’éclaire à présent de sa douce et véridique lumière.

 

 Louis Cattiaux

 

 Janvier 1948

Ce que vous me dites à propos des Evangiles n’est malheureusement que trop vrai. La plupart des Chrétiens actuels semblent avoir le parti pris de n’y rien voir d’autre que des platitudes morales et sociales.

 

Décembre 1948

 Je ne dis jamais que ce que je pense réellement, et je suis trop souvent obligé de dire plus de mal que de bien des ouvrages dont j’ai à parler; aussi ne suis-je que trop heureux quand il s’en trouve un qui fait exception, comme cela a été le cas pour le vôtre.

 

Octobre 1949

Pour ce qui est des critiques d’art, religieux ou autres, je ne crois pas, hélas ! qu’il y ait grand-chose à faire pour venir à bout de l’incompréhension dont ils font preuve, sauf de bien rares exceptions. Il n’est que trop vrai aussi que la majorité des chrétiens actuels limitent leur horizon au point de vue qu’on désigne du nom barbare d’« historicisme » ; quant à la doctrine, il est évident que cela ne les intéresse en aucune façon. J'ai souvent remarqué que, quand certains parlent de la transcendance du Christianisme, ce qu'ils entendent par là est justement la négation de toute véritable transcendance, je veux dire de toute signification profonde; je me demande ce qu'il pourrait bien y avoir de transcendant dans les banalités morales et sociales où ils se complaisent exclusivement! La vérité est que l'esprit moderne s'infiltre de plus en plus partout, même dans ce qui devrait lui être le plus radicalement opposé; un exemple vraiment effrayant c'est cette réorganisation des ordres religieux dont on parle actuellement et qui, en fait, équivaut tout simplement à la disparition des ordres contemplatifs comme tels; quand on voit des choses comme celles-là, on ne peut plus s'étonner de rien...

 

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