samedi 12 août 2017

Jeff Kerssemakers - Compte-rendu - La Gnose . Réédition intégrale . Editions de l’Homme Libre







La Gnose . Réédition intégrale . Editions de l’Homme Libre, Paris 2009
 
En décembre 2009, exactement un siècle après le lancement de la Revue « La Gnose » par René Guénon, un éditeur courageux a pris sur lui de rééditer en un seul volume tous les numéros parus, en incluant le Supplément des Philosophumena, attribué à Origène et traduit par Synésius (Fabre des Essarts) et Palingénius (René Guénon) avec de nombreuses notes de la main de Guénon .
 
Dans les trois premiers numéros la Revue garde son sous-titre : « Organe officiel de l’Eglise Gnostique Universelle ». Le numéro quatre de l’année 1910 fait valoir que « La Gnose » est une « Revue mensuelle consacrée à l’étude des Sciences ésotériques ».  A partir du numéro quatre de l’année 1911, en première page, le mot La Gnose est reproduit en chinois, en sanscrit, en arabe et en hébreu . En septembre 1911 René Guénon ajoute pour la première fois « et métaphysiques » au sous-titre . Ainsi la Revue échappe progressivement à l’Eglise Gnostique .
 
On sait que, en 1906, René Guénon, étudiant en mathématiques, avait été initié à l’hindouisme orthodoxe du Vedanta, de l’école de Shankaracharya . René Guénon avait alors 20 ans . Ensuite, il commence un long voyage à travers les organisations initiatiques qui pullulent en Occident, pour en vérifier l’authenticité . Ce n’était pas du tout « une recherche de connaissance » comme beaucoup ont pu l’écrire . Dans une lettre (1921) à Mme Denis-Boulet il déclare que « ni les milieux gnostiques, ni les milieux occultistes n’avaient eu d’influence sur ma pensée ». Dans une autre lettre à la même personne il avoue qu’ « il n’était entré dans ce milieu de la Gnose que pour le détruire ». Cependant, il apporta à sa recherche le sérieux et le soin méticuleux qu’il mettait à toutes choses . Il se fit admettre dans toutes les organisations qui se groupaient autour du Dr. Encausse, mieux connu sous le pseudonyme de Papus . En 1906 René Guénon s’inscrit comme élève à son Ecole Hermétique et devient « Supérieur Inconnu » de l’Ordre Martiniste . Parallèlement aux occupations papusiennes, il se fit initier par des francs-maçons d’obédience espagnole (Loge Humanidad) et par ceux de Rite Primitif et Originel Swedenborgien de Theodor Reuss . De Papus il reçut encore une patente de haut grade pour le Rite de Memphis-Misraïm .
 
Vers 1909 les martinistes et les maçons l’exclurent . René Guénon n’en avait pas moins vu ce qu’il voulait voir : la caricature occidentale des antiques initiations . Il avait engrangé une masse impressionnante de documentation : tous ceux qui ont connu personnellement René Guénon ont été frappé par sa mémoire phénoménale .
 
C’est à cette époque qu’il rencontra Fabre des Essarts (Synésius), le Patriarche de l’Eglise Gnostique Universelle qui lui proposa de participer à la fondation d’une Revue : « La Gnose ». Reçu évêque dans l’Eglise Gnostique sous le nom de Palingénius (son prénom René en grec), il est nommé directeur de la Revue . Les Templiers Marnès (Alexandre Thomas) et Mercuranus (Patrice Genty) l’assistent . Tous les trois collaboreront bien plus tard au Voile d’Isis, Patrice Genty alors sous le nom de Basilide .
 
Synésius (Fabre des Essarts)

René Guénon devait se dégager très vite de l’influence de Synésius et il donnera à La Gnose, autant qu’il est possible, une orientation véritablement traditionnelle, comme il le fera plus tard avec le Voile d’Isis, devenue Etudes Traditionnelles en 1934 .
 
Le premier article de Palingénius-Guénon s’intitule « Le Démiurge » et développe magistralement une cosmologie et une cosmogonie, qui explique le « problème du mal » et la « fatale illusion du dualisme ».
 
« La Gnose » continua son humble carrière : elle ne dépassa jamais les 150 abonnés .  Elle publia bientôt deux articles de Palingénius qui contiennent en germement deux des plus importants ouvrages de René Guénon : « L’Homme et son devenir selon le Vedanta » (1925) et « Le Symbolisme de la Croix » (1931) . A la lecture de ces articles on constate avec une évidence indéniable, combien la pensée de René Guénon est déjà fixée . Elle est enracinée définitivement dans la Vérité métaphysique intemporelle d’où elle descendra pour se manifester dans des exposés tour à tour doctrinaux, historiques, critiques, initiatiques, toujours relié à ce Centre immobile .
 
A la suite de quelle quête a-t-il trouvé cette Vérité métaphysique ? Nous n’en savons rien . Guénon s’est tu sur la genèse de sa pensée . Quand il commence à publier ses premiers textes, il n’a plus à chercher la Vérité, il La possède et La transmet . Jusqu’à sa mort il fonctionne comme une « Boussole infaillible et une Cuirasse impénétrable ». Car ses différents ouvrages ne trahissent aucun progrès, aucune évolution . Guénon livre toujours la même pensée, indéfiniment répétée . Mais cette pensée est inépuisable, car elle est l’expression de la Totalité .
 
Le secret du prestige de René Guénon n’est pas ailleurs . Quand une œuvre, dans une époque de désordre  comme la nôtre, se saisit avec force des plus angoissants des problèmes : quand elle ne se contente pas de spéculations artificielles, mais que sans tâtonnements ni hésitations, elle pose avec une totale lucidité les principes de la connaissance, elle est nécessairement incantatoire . Le charme, au sens symbolique du mot, n’est pas seulement le propre de certaines œuvres d’art ou de certaines personnes, il se dégage aussi irrésistiblement du caractère illuminateur de certaines œuvres de doctrine pure .
 
La réédition de « La Gnose » est importante également par les contributions de Léon Champrenaud (Abdul-Haqq), de Ivan Aguéli (Abdul-Hadi) de Albert de Pouvourville (Matgioi) . De haute importance aussi est l’étude sur l’Archéomètre de Saint-Yves d’Alveydre en 12 livraisons . C’est un travail collectif de Barlet et de Marnès . Palingénius en fournit surtout les notes . Le texte est moins confus et plus intelligible que l’œuvre originelle .
 
Oswald Wirth contribua également à la Revue, ainsi que Patrice Genty et Fabre d’Olivet .
 
Toutefois, « La Gnose » reste un ensemble fort intéressant . Elle traduit une volonté d’ « assainissement » de certains milieux à tous égards défavorables à une restauration d’une perspective authentiquement traditionnelle .
 
Jeff Kerssemakers
 

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