lundi 1 août 2011

Le livre de la patience par Al-Ghazâlî



Par l’Imâm Aboû Hamîd Al-Ghazâlî

Sache que la patience est une des stations (Maqama) de la Religion et une demeure (Manzil) parmi celles que traversent ceux qui cheminent vers Allâh (Al-Salikin).
L’ensemble des stations de la Religion s’ordonnent autour de trois choses :

Les connaissances (Al-Ma‘arif)
Les états spirituels (Al-Ahwal)
Et les actes (Al-A‘mal)

Les connaissances sont les fondements ; ce sont la source des états. Ceux-ci, à leur tour, donnent naissance aux actes.
Les connaissances sont donc semblables à un arbre dont les états sont les branches et les actes les fruits. Ceci est valable pour toutes les demeures que traversent celui qui chemine vers Allâh Très-Haut.

Dans certains cas on réservera le terme « Foi » (Imane) pour les connaissances, dans d’autres, il désignera l’ensemble ainsi que nous l’avons fait en mentionnant la différence entre la foi et la soumission (Al-Islam) dans notre livre les Principes du Dogmes.
La patience, comme toutes les stations, n’est obtenue que par une connaissance préalable et opérante. En réalité, la patience est une expression de cette connaissance et les actes sont les  « fruits » qu’elle produit.

On ne peut connaître cela sans connaître la situation respective des anges, des êtres humains et des animaux.

La patience est propre à l’homme et on ne peut l’attribuer ni aux anges eu égard à leur perfection, ni aux animaux car ils en sont incapables.

En effet, les animaux sont dominés par les besoins concupiscents (Chahawat), ils y sont entièrement soumis. Chaque mouvement ou repos est motivé par un besoin. Ils n’ont pas la faculté d’y opposer une résistance qui, si elle était ferme, serait nommée « patience ».

Les Anges ne possèdent que le désir ardent de la Présence seigneuriale et l’allégresse de la proximité divine. Aucun désir ne vient les en détourner. Ils n’ont donc pas besoin d’une force qui éloignerait ce qui détourne de la Présence de Majesté.
Quant aux hommes, ils naissent imparfaits comme les animaux et n’ont dans un premier temps que l’appétit qui les pousse à se nourrir. Puis, apparaît l’envie de jouer, de s’embellir et enfin le désir sexuel. Les enfants n’ont absolument aucune force de retenue (Sabr). Cette dernière est la faculté d’opposer une force à une autre afin de résister. Or, chez l’enfant, la seule force présente est celle de l’envie (Al-Hawa) comme chez les animaux.

Mais Allâh Très-Haut, par Sa Grâce et la largesse de Sa générosité, a honoré les fils d’Adam -‘aleyhi sallam- et les a élevés au-dessus des animaux. Il leur a assigné, à chacun, deux Anges :
Le premier guide
Et le second le renforce.

La connaissance apportée par ces deux Anges le distingue des animaux.

[Dès lors], l’homme possède deux qualités spécifiques.
La première est la connaissance d’Allah Très-Haut, de l’Envoyé -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam- et de la manière d’aboutir aux issues heureuses. Tout ceci arrive par le biais de l’Ange chargé de la connaissance.

Quant aux animaux, ils ne possèdent ni connaissance, ni guidée qui les amènerait aux issues heureuses ; Ils ne savent qu’assouvir leurs besoins immédiats. C’est pour cela qu’ils ne recherchent que l’agréable : le remède profitable mais qui peut être désagréable sur le coup n’est recherché en aucun cas.

Par la lumière de la guidée, l’homme sait que suivre ses désirs amène à des conséquences fâcheuses.Cependant, cette guidée n’est pas suffisante car l’homme n’a pas le pouvoir [par lui-même] de se séparer de ce qui est nuisible.

Combien de méfaits atteignent l’homme, telles la maladie, sans qu’il ait la possibilité de les repousser. Il a donc besoin d’un pouvoir (Qoudra) et d’une force (Qouwa) qui l’aideront à vaincre ses désirs : Il luttera contre eux grâce à cette force pour vaincre cette hostilité.

A cette fin, Allâh Très-Haut lui a assigné un Ange qui le renforce et qui l’assiste par des « armées » (Jounoud)1 invisibles. Elles sont chargées de combattre les forces des besoins concupiscents qui peuvent parfois diminuer et parfois se renforcer.

Cela dépend de l’assistance (Ta’-yid) qu’Allâh accorde à Son serviteur. De la même façon la guidée est différente chez chacun et reste indéterminable.

La qualité qui distingue l’homme de l’animal et qui consiste à réfréner et dompter les désirs concupiscents sera appelé « élan religieux » (Ba’ith Dini) et la tendance qui consiste à rechercher ces désir et à se plier à leur exigences sera appelée « élan passionnel » (Ba’ith Al- Hawa).Il y a donc une lutte entre ces deux élans. Le siège de cette bataille est [dans] le coeur du serviteur.
La force (madad) de l’élan religieux provient des Anges qui sont les auxiliaires d’Allâh Très- Haut dans cette guerre et celle de l’élan passionnel provient des démons qui sont les auxiliaires des ennemis d’Allâh.
La patience désigne alors la ferme constance (Thabat) de l’élan religieux face à l’élan passionnel.

Si [le serviteur] est ferme dans l’opposition aux désirs concupiscents jusqu’à pouvoir les dompter, il aura vaincu pour le parti d’Allâh et sera au nombre des patients.
Mais s’il abandonne [la lutte] et s’affaiblit au point d’être vaincu par la force des désirs sans faire preuve de patience en les repoussant, il sera au nombre de ceux qui suivent les démons.
Ainsi, donc l’état spirituel qui amène à abandonner les actes concupiscents se nomme « patience ». Cet état est l’affermissement de l’élan religieux dans son opposition à l’élan passionnel. L’affermissement de l’élan religieux est un état spirituel qui naît de la connaissance de l’hostilité des désirs concupiscents et de leur opposition aux causes du bonheur dans ce monde et dans l’Au-delà.

Si la certitude, la connaissance que l’on nomme « foi », que les désire concupiscents sont des ennemis placés en travers du chemin d’Allâh se renforce, l’élan religieux se raffermit.
C’est alors que l’opposition aux désirs concupiscents devient parfaite.

Ainsi, l’abandon des désirs concupiscents n’est possible que par la force de l’élan religieux dans son opposition à l’élan passionnel.
La connaissance et la foi mettent en évidence les conséquences malheureuses des désirs concupiscents.

Ainsi, l’abandon des désirs concupiscents n’est possible que par la force de l’élan religieux dans son opposition à l’élan passionnel. La connaissance et la foi mettent en évidence les conséquences malheureusement des désirs concupiscents.
Les deux anges dont nous avons parlé, sont assigné à chaque être humain.

Si tu sais que le degré de l’Ange chargée de la guidée est plus élevé que celui de l’Ange chargé de renforcer, il ne t’échappe pas que le côté droit, le plus noble des deux côtés, est occupé par le premier. Il convient que le serviteur lui soit soumis.

Le deuxieme Ange occupe la gauche. Le serviteur connaît deux situations :
L’insouciance et l’attention2
L’abandon et la lutte.
Dans l’insouciance, il se détourne de l’Ange de la droite. Par là, il est injuste envers lui : une mauvaise action lui sera alors écrite. A l’inverse, par l’attention il se tourne vers l’Ange afin de profiter de la guidée. Il se montre ainsi bienfaisant : une bonne action lui sera alors écrite.

De même, par l’abandon il se détourne de l’ange de la gauche et perd la source de sa force.

Par là, il est injuste envers lui ; Une mauvaise action sera [donc] consignée. Par contre, par l’effort il est renforcé par les « armées » de l’Ange et une bonne action lui est écrite.

Les bonnes actions et les mauvaises sont donc liées aux réactions [précédentes]. C’est pour cela qu’on nomme [ces anges] « les Nobles Scribes »3.

« Nobles » parce qu’ils sont bienfaisants envers le serviteur par leur générosité et parce tous les Anges sont nobles.
« Scribes » car ils notent les bonnes et les mauvaises actions.
Il les notent sur des feuillets enroulés dans l’intime du coeur (Sir Al-Qalb) afin que cela reste caché dans ce monde : leurs écriture, leur graphie, leurs feuillets, tout ce qui les concerne appartient au monde de l’Invisible et non au monde sensible. Or, toute chose appartenant au monde l’Invisible ne peut être saisie par la vue dans ce monde-ci.

Ces feuillets seront présentés au serviteur à deux reprises : lors de la Résurrection mineur puis lors de la grande Résurrection. Par la première expression, je désigne la mort conformément à la parole du Prophète -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam- « Celui qui meurt vit alors sa résurrection. » [Rapporté par Ibn Abî Dunya]
Dans cette résurrection, le serviteur se trouve seul. Il sera alors dit :
« Et vous voici venus à Nous, seuls, tout comme Nous vous avions créés la première fois. »(Sourate 6, verset 94)
« Aujourd’hui, ton âme (ou toi-même) suffit à faire ton compte ».
(Sourate 17, verset 14)

1 On retrouve cette idée dans de nombreux passages du Qur’ân : « Allâh a fait descendre sur lui Sa Paix (Sakina) et l’a assisté par des armées que vous ne voyez pas. » (Sourate 9, verset 40). Ou encore :
« Souvenez-vous du bienfait (Ni‘ma) qu’Allâh vous a accordé lorsque des armées vous sont venues : Nous avons envoyé un vent et des armées que vous ne voyez pas. » (Sourate 33, verset 9) Et encore : « Personne ne connaît les armées de ton Seigneur, si ce n’est Lui. » (Sourate 74, verset 31).

2 Littéralement : La pensée : Al Fikr
3 Cette expression est tirée du Qur’ân : « Alors que veillent sur vous des gardiens, de Nobles Scribes qui savent ce que vous faites. » (Sourate 83, verset 10-12).


Source : Ihyâ’ ‘Ulûm al-Dîne, chapitre 32, Kitâb As-Sabr.

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