Source : "La Genèse de la Sagesse" Philippe De Vos, Ed Dervy
La pratique du "dhikr Khafi", l'invocation silencieuse, n'est pas sans rapport avec la pratique de la "Râbita". Peut être même peut on dire que ces deux pratiques: dhikr et râbita sont articulés entre elles à la façon des deux composantes essentielles d'une bague: l'anneau et la pierre. La lumière du dhikr en effet, demande à prendre forme et à être enchâssée selon une forme particulière. La forme ultime de la lumière, c'est la forme mohammadienne qui n'est jamais représentée car elle se renouvelle à toute époque d'une manière neuve à travers la chaîne de ses héritiers. C'est la réalité de cette forme que contemple le disciple qui pratique la "Rabita" avec l'image de son maître. C'est pourquoi également, la transmission du dhikr et de l'initiation suit le modèle même de la "Râbita".
Dans l'enseignement prophétique tel que nous l'avons
reçu par exemple à travers le "hadith" sur: "l'islâm, l'imân,
l'ihsân", l'ange Gabriel s'était manifesté sous l'aspect d'un homme beau
aux vêtements immaculés sans trace de poussière ou sans les signes d'un voyage
bien que venant du désert. Il s'était assis face au Prophète genoux contre
genoux, lui enseignant ou transmettant des vérités, de coeur à coeur. De même
un jour, le compagnon du Prophète Abu Bakr , reçut cette transmission de façon silencieuse,
dans la caverne où il se réfugia avec le Prophète, sur le chemin de Médine.
Cette caverne symbolise et réalise selon une harmonie visuelle, l'enveloppement
de la conscience dans l'espace spirituel du coeur. Il est intéressant de
remarquer l'analogie constante entre le coeur, la caverne et le
"Tabut" (expression rappelons-le qui désigne d'une façon générique le
lieu d'un dépôt spirituel quelles que soient les formes qu'il prendra dans
l'histoire des hommes; l'arche d'alliance, le Graal, ou la pierre noire de la
Kaaba).
Ceci est encore plus significatif si l'on remarque que
le Coran indique de façon très claire que là où est l'arche d'alliance, là est
le roi et que la manifestation d'évidence qui authentifie ce dépôt, c'est la
descente de la Sakina. On comprend que ce modèle puisse être aussi celui de
l'élection du "Khalif" qu'il soit de ceux qui gouvernèrent les corps
où de ceux qui gouvernèrent les coeurs. Or lors de cette transmission du
Prophète à Abu Bakr, le Coran énonce "Alors Dieu descendit sur eux la
Sakina"(Coran 9-40). Cette Paix "Sakina" sera aussi celle que
cherchera à réaliser le disciple "murid", selon son degré de
réalisation initiatique, comme une expression de la Présence divine dans le
silence du dhikr. Pour le murid le Sheikh est le représentant du Prophète et
lui même doit se mettre dans la position de sincérité d'Abu Bakr . Le disciple
est face à son maître qui est pour lui le support de cette lumière
mohammadienne (nûr mohammadî) alors, le maître par la force de son tawwajjuh (l'orientation
de son coeur vers celui du disciple) projette sa "himma" son énergie
spirituelle et sa "rahma" sa compassion, dans le coeur de son élève.
Cette pratique sur laquelle nous reviendrons, si elle
existait avant Baha-ud-dîn a néanmoins commencé avec lui à être pratiquée de
façon méthodique. On se souvient de l'anecdote où le gendre de Baha-ud-dîn, son
élève 'Alau ad-dîn, le questionne sur le coeur; le maître répond par une
projection effective de son influence spirituelle dans le coeur du disciple
éveillant ainsi celui-ci à une nouvelle connaissance. Cette forme de
transmission restera (sans être exclusive) l'une des caractéristiques de la
voie Naqshabandi. C'est pourquoi un célèbre disciple de Baha-ud-dîn la
pratiquera après lui aussi avec un rayonnement extraordînaire: 'Ubayd Allâh
Ahrâr.
source : "La Genèse de la Sagesse" Philippe
De Vos, Ed Dervy
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