jeudi 24 octobre 2013

Lettre de Michel Vâlsan à Vasile Lovinescu, Paris 18 juin 1951.


 
 
 
 
Lettre de Michel Vâlsan à Vasile Lovinescu, Paris 18 juin 1951.*

J’imagine que vous avez déjà appris, par les journaux ou la radio, la nouvelle douloureuse de la mort de René Guénon, survenue dans la nuit du 7 au 8 janvier. J’ai reçu votre lettre le 8 janvier en même temps que la nouvelle de son agonie. Le jour suivant j’apprenais qu’il était décédé. Il souffrait depuis plusieurs mois et avait cessé toutes ses correspondances vers la fin novembre. Il souffrait d’un œdème à une jambe, causé par des rhumatismes. En décembre le danger semblait complètement écarté, mais l’empoisonnement de son sang lui causa un abcès à la gorge et il semble que cela ait accéléré sa fin, si cela n’en fut pas la cause. Il y a eu des moments durant ses derniers mois où, comme je vous le disais, il était clair que je le dérangeais et que je le fatiguais ; sa résistance avait bien diminué. Mais il était lucide jusqu’à ses derniers instants.

Voici quelques détails bien touchants : durant ses derniers jours, il semble qu’il savait qu’il allait mourir, et dans l’après-midi du 7 janvier il performa un dhikr très intense, soutenu de chaque côté par son épouse et un membre de sa famille. Les femmes étaient fatiguées et s’épuisèrent avant lui. Elles racontent que ce jour là, sa sueur avait l’odeur du parfum de fleurs. Finalement, il leur demanda avec insistance la permission de mourir, ce qui montre bien qu’il pouvait choisir le moment de sa mort. Les femmes le supplièrent de rester en vie plus longtemps. Finalement, il demanda à son épouse : « Ne puis-je mourir maintenant ? J’ai tellement souffert ! » Elle lui répondit en acquiesçant : « Avec la protection de Dieu ! » Il mourut alors presque immédiatement, après qu’il fit une ou deux invocations de plus !

Quelques détails de plus : son chat, qui semblait en parfaite santé, a commencé à gémir et mourut quelques heures plus tard. Le jour de sa mort, René Guénon avait rendu son épouse perplexe en lui disant qu’après son décès elle devait laisser sa chambre inchangée. Personne ne devait toucher ses livres ou ses papiers. Il souligna qu’autrement il ne serait pas capable de la voir, elle et leurs enfants, mais dans cette chambre non perturbée il demeurerait assis à son bureau et il pourrait continuer à les voir, même si eux ne pourraient le voir !

[* Publiée et traduite du roumain par l’éditeur de René Guénon Recueil, Rose-Cross Books 2013.]

 

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