mardi 4 février 2014

Najm-Oud-Dine Bammate - René Guénon et l'Islam





Najm-Oud-Dine Bammate - René Guénon et l'Islam (1)

Bismillâhi-r-rahmâni-r-rahîm : « au nom de Dieu Clément et Miséricordieux ». C'est la formule que tout Musulman prononce au moment de parler ou d'agir. Ainsi chaque décision ou événement se trouve signifié par cette parole inaugurale qui l'oriente, en intention, vers la réalité unique. Chaque fait s'accomplit de la sorte sub specie aeternitatis, avec sa portée absolue. C'est la formule même que Guénon prononçait avant d'écrire et à chaque moment de la vie quotidienne, et qui ponctuait sa journée. Avec toute la rigoureuse lucidité, la fermeté d'intention que Guénon pouvait y mettre, la parole devenait alors bénédiction et tout acte apparaissait comme action de grâce, et cela en toute simplicité, sans effusion de religiosité ni sentimentalisme ; recto tono pourrait-on dire, comme la lecture plane, sans sursaut de la voix, d'un texte sacré.

La dernière parole de Guénon fut «Allah». L'expérience métaphysique de l'Islam s'était fixée à l'intérieur même de la vie de Guénon. Que cela déplaise à certains ou les déçoive, elle est liée au plus intime de son existence. Le moindre respect commande de considérer cette expérience, dont Guénon ne se cachait nullement, comme chose importante et non comme simple adaptation au milieu social du Caire, à la façon dont on revêt un habit, ou bien encore, et quelques-uns semblent portés à le croire, comme opportunisme ou refuge exotique.

Il est curieux de voir même des adeptes fervents de l'oeuvre guénonienne s'efforcer de mettre entre parenthèses, comme un incident gênant, la conversion à l'Islam et noter, par exemple, qu'il y a relativement peu de place pour la tradition islamique dans ses écrits. Il n'en traitait guère en effet, car il la vivait. Il n'appartient à personne de porter jugement sur un acte d'adhésion qui relève au plus profond de son for intérieur. Encore conviendrait-il de le prendre au sérieux sans le ravaler à un conformisme superficiel ou un besoin d'évasion, aussi loin que possible de tout ce qui a fait la personnalité de Guénon.

Parmi les références de Guénon à l'Islam, il en est une qui montre la portée de la tradition islamique pour les temps actuels, disjoints, tronqués de tous principes absolus, émiettés dans le multiple : c'est le rappel énergique, essentiel, à l'Unité. Commentant la formule arabe : Et-Tawhidu Wâhidun, Guénon écrit : « Les formes traditionnelles les plus récentes sont celles qui doivent énoncer de la façon la plus apparente à l'extérieur l'affirmation de l'Unité ; et, en fait, cette affirmation n'est exprimée nulle part aussi explicitement et avec autant d'insistance que dans l'Islamisme où elle semble même, si l'on peut dire, absorber en elle toute autre affirmation ».(2)

Lorsqu'il s'agit de décrire la tradition sous des formes originaires, Guénon se réfère, dans ses ouvrages, le plus souvent à des formes plus anciennes que l'Islam. Lorsqu'il s'agissait de pratiquer, dans les conditions actuelles, il se tournait vers la forme qui se présente elle-même, dans le Coran, comme la récapitulation et la simplification «pour la fin des temps» d'une tradition primordiale, symbolisée par Abraham.

L'Islam est introduit en effet, là encore les témoignages en apparaissent dans le Coran, non pas comme une religion nouvelle, mais s'inscrit dans une continuité de transmission prophétique qui passe par le judaïsme et le christianisme. Elle est donc, au sens le plus strict et précis, une forme traditionnelle. Khatim ul nubuwwat, sceau de la prophétie, telle est la formule coranique. Enfin, la polarisation de l'Islam en ésotérisme et exotérisme, tous deux légitimes, permet de garantir une expérience métaphysique authentique, tandis que se déroule, d'autre part , la vie d'une communauté religieuse, avec un ordre social et des formes de civilisation, rattaché aux mêmes principes, mais vécus dans la contingence historique. Or Guénon a toujours maintenu que la vérité traditionnelle, si elle pouvait être conçue dans l'abstrait de ses principes, ne pouvait être vécue que dans le rattachement à une communauté traditionnelle existante.

Accent mis, impérieusement, sur la doctrine de l'Unité, avec toutes ses conséquences métaphysiques et humaines ; sens d'une continuité traditionnelle à partir de principes absolus, mais reflétés en des formes diverses selon les périodes de l'histoire et les civilisations ; coexistence d'un ésotérisme et d'un exotérisme, avec les possibilités d'une vie quotidienne rythmée, comme scandée, par le rite et la perception du sacré, autant de «piliers de l' Islam» qui sont, d'autre part, des fondements de la pensée traditionnelle selon Guénon.

L'adhésion de Guénon à l'Islam ne peut être ramenée à une «conversion religieuse». Elle permettait d'affirmer l'unité principielle et la continuité de la vérité traditionnelle par-delà les religions, tout en rendant possible une existence vécue, sur cette terre et dans un moment donné, selon une voie traditionnelle déterminée et dans le respect des formes régulières.

Peut-être conviendrait-il de résumer ici même très brièvement, ces «piliers de l'Islam», dont beaucoup d'aspects apparaîtront sans doute étonnamment familiers à ceux qui, sans connaître nécessairement la métaphysique musulmane, connaissent l'oeuvre de Guénon.

Au sens étymologique, le mot arabe arkân qui a produit arcanes n'a rien de mystérieux et signifie simplement «piliers», pour indiquer les cinq préceptes rituels de l' Islam : profession de foi, prière, aumône, jeûne et pèlerinage. La profession de foi, dont l'énoncé suffit à faire reconnaître la qualité de musulman, s'intitule shahâda. Elle est le témoignage de l'Unité : la ilâha ill-Allâh, « il n'y a pas Dieu si ce n'est Dieu ».

La formule arabe est plus abrupte que la traduction. Elle pose la négation, la ilâha, négation absolue ; rien n'est ni dieu, ni vérité, ni réalité, ni beauté, en soi, sous l'espèce disjointe. Puis, cela même qui vient d'être nié est affirmé, avec les mêmes consonances et la même vocalisation, mais renversées. La seconde partie de la profession de foi correspond à l'affirmation coranique : « Tout passe sauf le visage de Dieu ». Cela même qui venait d'être nié, comme «idoles», anéanti sous l'espèce disjointe, se trouve réaffirmé, dans la plénitude de l'être, par rapport à l'Unique. La Vérité, la Beauté, le Bien sont absolument en tant que «Noms divins» : asma al husna. La shahâdah place ainsi à vif le Non et le Oui, ou plutôt une double négation, qui est l'affirmation suprême. Cette voie apophatique où la vérité se découvre par le retournement, la metanoïa, de l'esprit sur lui-même, caractérise la pensée métaphysique de l' Islam. Mais elle est traditionnelle au sens le plus large. Comme le disait Maître Eckhart, avec sa truculence : «Une vache dans l'esprit du Seigneur est plus haut que les anges enfermés dans leur condition angélique.» De même le Coran propose le signe de la fourmi ou de l'araignée.

Entre la partie négative et la partie affirmative de la profession de foi, on arrête un instant le souffle en suspens. C'est le lieu du retournement des perspectives, de l'oeil de chair à l'oeil du coeur, du non au oui, de la chose, quantité inerte, au signe de la réalité absolue, de la multiplicité discordante à l'Unité. C'est le lieu aussi où se situe l'éternel présent , à la fois incréé et créé à chaque instant de notre existence. La tradition musulmane a élaboré la doctrine de la création renouvelée en chaque instant. Dieu déploie, ramène, redéploie l'univers en un instant, en un clin d'oeil, Lamh el absar. Ainsi la vitalité d'un cheval, la joue d'un enfant sont aussi pleins de sang ou de tendresse qu'au premier jour de la création.

De même, selon certaines traditions, dans la «Nuit du Destin», laylat-al-qadr, à l'approche de la fin du mois de Ramadan, l'univers s'arrête un moment en suspens, comme le souffle dans la profession de foi. Mais ce n'est pas l'arrêt dans la durée d'un monde qui se figerait. C'est au contraire un moment de vitalité et de réalité surabondantes ou l'humanité est surhaussée par rapport à elle-même, ou la création se trouve portée à son suprême degré d'amour et d'incandescence. Intensité vibrante qui se traduit dans l'immobilité d'un instant .

Négation de la mort. La première partie de la profession de foi est comme une mort initiatique, à quoi répond l'affirmation seconde qui ouvre à la vie réelle. La profession de foi, répétée chaque jour par le Musulman, rend la mort et la vie également présentes à sa conscience. Quand j'étais adolescent , j'avais été choqué par la glose d'un orientaliste à propos d'un verset du Coran où il était écrit : « Nous mourons et nous vivons ». Le critique qui était aussi le traducteur en français, notait : « Manifestement une erreur de copiste : on vit d'abord, on meurt ensuite.» Mais, pour la vie spirituelle, le grain doit mourir d'abord afin de renaître. De même, le Musulman distingue entre la petite guerre sainte et la grande guerre sainte, menée à l'intérieur de soi-même contre les passions de l'âme.

Mais en vérité il n'y a pas d'ensuite ni d'avant et les parties affirmative et négative de la profession de foi, comme le creux entre elles où le souffle se résume, ne sont que les traces diverses de la même Unité. Voici, sur le thème de la création renouvelée en chaque instant, deux citations : « Lorsque la succession est transmuée en simultanéité, toute chose demeure en l'éternel présent, de sorte que la destruction apparente n'est véritablement qu'une transformation au sens le plus rigoureusement étymologique de ce mot. Le présent, dans la manifestation temporelle, n'est qu'un instant insaisissable ; mais lorsqu'on s'élève au-dessus des conditions de cette manifestation transitoire et contingente, le présent contient au contraire toute la réalité. »(3)

L'autre citation : « L'homme ne se rend pas compte habituellement de ce qu'il n'est pas, et pourtant qu'il est absolument et à nouveau créé à l'instant même, à chaque souffle. A nouveau ne suppose aucun intervalle de temps dans le bien de la création. A chaque souffle, l'instant de l'anéantissement coïncide avec l'instant de la manifestation.» Le premier de ces textes est de René Guénon, le second est d'ibn'Arabî, sheikh al akber, le plus grand sheikh, maître de la métaphysique musulman. Si l'on ignorait les auteurs, il serait sans doute difficile de distinguer les deux textes.

La profession de foi s'achète par les mots : wa Muhammad rasoulAllah, «Muhammad est envoyé de Dieu». Alors que l'énoncé précédent résume les aspects métaphysiques auxquels s'attache l'ésotérisme musulman, ce dernier en reconnaissant la mission de Muhammad, sans nier pour autant l'existence d'autres prophètes, insère la communauté musulmane dans l'histoire et dans la continuité traditionnelle, il établit la nouvelle forme exotérique dans le droit de la succession ou chaîne de la prophétie, silsilat al nubuwwat, en tant que Khatim al nubuwwat. Sceau de la Prophétie, message pour les temps actuel jusqu'à l'accomplissement des temps.

Le deuxième pilier de l'islam est la prière. Je ne pourrai qu'évoquer brièvement le symbolisme, à la fois ésotérique et exotérique, des différentes phases de la prière. D'abord, le Musulman se place sur un tapis orienté dans la direction de La Mecque. Le tapis de prière est uniquement destiné à créer autour de nous un espace abstrait, qui nous retranche de la géographie et fait que nous ne sommes plus ni dans notre maison ni dans une mosquée, mais situés par rapport au seul pôle absolu dont le sanctuaire de La Mecque n'est que la trace terrestre, il s'agit de se séparer du monde de la contingence. J'ai vu par exemple, en Arabie, des employés qui, à défaut de tapis de prières, montaient sur des caisses de machines-outils, tournés vers La Mecque, perchés sur les caisses mêmes du monde de la productivité économique mais retranchés par là-même des apparences, par une ironique transmutation des signes, comme autant de nouveaux styles du désert. Le tapis n'a donc pas de réalité en lui-même. Il peut être un tissage précieux ou un bout d'étoffe misérable. Chez les nomades, on place même parfois des cailloux pour dessiner l'espace isolé de la prière. Sacralisation de l'espace lui-même, et orientation de l'espace. Orientation dont l'aspect physique, le visage tourné vers La Mecque, n'est que la projection d'une réalité spirituelle, qui est la niyat, l'intention de celui qui va prier. Elle est l'ouverture à la prière. C'est l'acte par lequel l'homme signifie sa présence au regard de Dieu, en tant qu'unité, séparée, chétive, mais unit quand même, par le corps qui se consacre, orienté, à la prière, et par l'esprit qui se dédie. Le propre de l'homme est la rectitude de l'intention sincère, refit dans la volonté de ce que la foi, ou iman, est dans sa conscience. L'aboutissement appartient à Dieu seul. D'où la notion, populaire en chrétienté également, que c'est l'intention qui importe. Mais non pas au sens dégradé dans un moralisme trivial et velléitaire qu'il a fini par prendre, mais dans un sens fort et métaphysique. Au moment où s'achève la prière collective, chacun se tourne à droite, à gauche, vers son voisin et lui souhaite que Dieu accueille son intention, car c'est en Dieu seul que la prière est parfaite.

Après l'intention et durant la prière, le Musulman prononce à plusieurs reprises, comme marquant ses diverses phases de l'invocation, la parole Allah akbar, «Dieu est plus grand». Il affirme ainsi la transcendance absolue de Dieu. La prière est orientée vers Lui ; n'a de réalité que par Lui mais elle ne saurait avoir d'aucune façon prise sur la divinité. Tout quiétisme découragé par cette formule abrupte, rappel de la distance insurpassable, qui scande la prière en même temps qu'elle exclut toute familiarité avec le divin. De même, les yeux ne doivent être ni fermés ni grand ouverts, mais le regard retenu. Et la voix ne doit être ni trop forte ni un murmure. Pas d'exaltation ni, non plus, de pâmoison, mais l'invariable milieu qui est la condition de l'homme.



Grammaticalement, la forme Allah akbar n'est ni un comparatif ni un superlatif mais une sorte de comparatif absolu. Cette sorte de comparatif, qui marque un dépassement perpétuel de tout ce qui pourrait lui être opposé, rappelle ici qu'à chaque possibilité de l'être se trouve opposée la transcendance de Dieu. De même, il n'y a pas, à vrai dire de temps présent en arabe, pas plus qu'en hébreu. Seuls existent l'accompli et l'inaccompli. Dieu dans le Coran parle toujours au passé, c'est-à-dire dans l'accompli, même lorsqu'il s'agit de la promesse ou d'une action future. Entre l'accompli et l'inaccompli, le présent se creuse comme un hiatus. Il peut être symbolisé par le temps de silence dans la profession de foi. Mais tout comme ce laps de silence dans la profession de foi est le temps de la conversion et de l'adhésion pour le fidèle, de même il n'est pas d'autre temps, en vérité, que ce présent éternellement en suspens, jamais prononcé, qui contient le temps historique et le transcende tout à la fois. Guénon a souvent traité ce thème et plusieurs fois avec le symbolisme de Janus. Un visage de Janus est tourné vers le passé, l'autre vers l'avenir, mais l'oeil frontal du milieu représente l'éternel présent. Guénon rappelle à ce propos les formes grammaticales de l'arabe et de l'hébreu qu'il compare au symbolisme de Janus, avec l'accompli et l'inaccompli, alors que seul persiste l'éternel présent. De même la récitation des 99 Noms divins, et les grains du chapelet musulman, s'arrêtent au silence et au vide du centième, qui ne s'accomplit que dans la réalisation en soi de l'unité de l'être, et ne s'articule ni ne se matérialise.

De même la direction de La Mecque n'est qu'une orientation provisoire, pour ici-bas, car la dernière orientation sera la Jérusalem de pierre, empreinte de la Jérusalem céleste, et la dernière prière, qui ne sera plus articulée dans l'histoire mais située en éternité, rassemblera tous les croyants, musulmans ou non, sortis de leurs tombes pour le jour du jugement , et cette dernière prière sera conduite par Jésus. Telle est la doctrine de l' Islam et il ne s'agit pas d'ésotérisme mais du dogme musulman le plus légaliste. D'où l'importance de Jérusalem pour l' Islam. Au-delà des tragédies de l'histoire, Jérusalem est dans l'absolu le lieu de rencontre de tous les monothéistes.

Nous avons laissé la prière musulmane à la phase où, s'étant orienté, ayant dédié sa prière en encadrant son visage de ses deux mains, l'homme se présente comme une unité, debout , dans toute sa stature humaine. Comme en témoigne le Coran : «Nous l'avons créé — l'homme — dans la plus belle des statures.» Il possède à la fois la verticalité et l'expansion, l'élévation et l'ampleur, l'ésotérisme et l'exotérisme, la consécration à l'Unique et l'épuisement des différentes possibilités de l'être.

C'est ainsi que Guénon, dans l'un des rares passages qu'il ait consacré au christianisme dans le Symbolisme de la Croix, écrit en note : « Le chrétien vénère le signe de la Croix, le musulman le vit ».(4) Ceci fut écrit d'ailleurs à l'époque même où Guénon se tournait vers l'Islam.

Deuxième phase de la prière : après avoir affirmé la stature humaine, faite de rectitude, le musulman se penche, prend appui avec les mains sur les genoux et s'incline. Il symbolise alors la situation de l'animal ou du végétal et décrit un autre état de l'être, celui de la nature soumise à la Loi par nécessité, non par volonté comme l'homme. Islam veut dire en effet «soumission». Tout être créé, animal ou végétal, est soumis du fait de sa condition même de créature. Il relève d'un Islam de nature. Seul l'Islam de l'homme est un acte d'adhésion.

Dans le temps suivant, le fidèle se met à genoux et se prosterne complètement. Il symbolise ainsi l'état figé de la pierre, du minéral. C'est l'acte de soumission et d'adoration totale. L'homme est replié sur lui-même comme la lettre mîm en arabe, qui est un cercle refermé sur lui-même, lettre de la mort, suivie dans l'alphabet de la lettre noun, également de forme circulaire, mais d'un cercle ouvert, qui est la lettre de la résurrection. Cette prosternation, après que les divers gestes de la prière aient symbolisé les différents états de l'être, marque le point le plus bas en même temps que l'accomplissement le plus haut de la prière : la rigidité de la mort en même temps que la résurrection spirituelle. Car la pétrification ainsi décrite n'est pas l'inertie de la matière, elle est l'état de concentration et de rassemblement des facultés de l'être, elle est l'état d'adoration consciente, éveillée, dans l'anéantissement physique.

Quelques versets d' Ibn al-Farid, un des grands mystiques de l' Islam, décrivent cet état : «La taille de l'homme se modifie dans la prière, il se replie comme le rouleau d'un écrit. Mais c'est dans la prosternation ultime que le serviteur est le plus près du Seigneur». C'est dans l'état de sancta simplicitas, de retour à l'enfance seconde, que cette phase de la prière situe le croyant. Voici une autre citation, du sheikh Ahmad al-Alawi : «Avant sa prosternation, il s'éteint comme une chose disparue, effacée en lui-même, éteint dans son Seigneur». Il ne s'agit pas d'un vieux grimoire, relatif à une tradition éteinte, mais d'un maître mort en 1933, dont les disciples sont encore vivants et dont l'enseignement a marqué Frithjof Schuon et René Guénon.

Cette première prosternation, ainsi que chaque phase de la prière, est ponctuée par l'affirmation de la transcendance : Allah akbar. Après la figure de l'anéantissement et de l'adhésion, le fidèle se redresse et se prosterne aussitôt de nouveau.

Ce geste, par sa répétition, rectifie ce que la première prosternation, réduite à elle seule, pourrait avoir de pathétique sentimental. Le fidèle ne reste pas confit dans l'état de prosternation, dans lequel existe un risque de complaisance. La répétition du geste, qui en rectifie la portée, s'intitule : «l'extinction de l'extinction». Ainsi Maïmonide appelait-il Dieu la «négation de la négation».

Enfin, le fidèle se redresse mais reste assis pour le temps final de la prière. Il l'achève ainsi dans la situation médiane qui convient à sa qualité de médiateur dans la création, après avoir retracé dans les phases antérieures de la prière, les divers états de l'être créé.

Le symbolisme de la prière peut être éclairé par une dernière citation du Sheikh al-Alawi : « II est prosterné à l'égard de la vérité, mais droit à l'égard de la création. Il est éteint comme s'éteint une qualité divine dans l'unité transcendante. Mais il est subsistant dans l'unité immanente à l'existence. Ainsi la prosternation est ininterrompue, et l'union ne connaît pas de séparation. La vérité nous a tués d'une mort qui ne connaît pas de résurrection, mais alors Dieu nous a donné une vie intime, qui ne connaît pas de mort ». La prière musulmane peut être interprétée non seulement d'après un symbolisme cosmologique, comme il vient d'être indiqué, mais à bien d'autres niveaux d'expérience et notamment selon un symbolisme des lettres et des sons. L'alif, trait vertical, le A de la première lettre du nom d'Allah, correspond ainsi au statut de l'être dans l'unité, son témoignage unique, debout à la prière, en tant que personne responsable. C'est également la première lettre de la manifestation.

Ensuite, le moment de l'inclination correspond à la lettre courbe lâm, le L double du nom d'Allah. Cette forme littérale est considérée par le symbolisme musulman comme médiatrice par excellence, celle qui fait pénétrer dans les manifestations universelles, et décrit par sa trajectoire les divers états de l'être. Puis, avec la prosternation, le hâ, le H, la lettre qui dans l'écriture arabe se boucle sur elle-même, est celle du retour à l'origine.

Cette lettre, qui fait vibrer le pronom Houa, « Lui », correspond au Soi. Philippe Lavastine retrouvera peut-être ici quelque équivalence avec le AUM : l'A qui institue la création, U la lettre médiatrice, M la vibration continue, et finalement la lettre non écrite du retour sur soi. Le même symbolisme se retrouve dans les trois mystérieuses premières lettres qui ouvrent le Coran : alif, lâm, mîm (A, L, M) que l'on appelle les «sceaux» du Livre. L'Alif de l'origine, l'alpha, le son ouvert de l'expansion ; L, le son intermédiaire qui s'appuie au milieu de la glotte ; M, le bourdonnement de la création et vibration finale. Qu'il s'agisse de symbolisme, de rite religieux, ou de métaphysique, il se retrouve un tissu très serré de correspondances, où chaque signe renvoie à d'autres termes de référence. L'Islam est un rappel constant à l'unité transcendante, comme à l'unité de l'être individuel, ainsi qu'à l'unité sociale de la communauté. Au moment de la mort , le croyant qui n'a plus la force de prononcer le nom d'Allah peut lever le doigt dans un geste qui, résumant la prière et la profession de foi, témoigne encore de l'Unité.

Le pèlerinage matérialise la cohésion de la société musulmane en tant que communauté, de même que la profession de foi témoigne de l'unité de l'Être, et que la prière exprime l'intégrité de la personne individuelle. Venus de toutes les parties du monde musulman, du Maghreb à l'Indonésie, dans un rassemblement de peuples et d'ethnies, entraînés au coude à coude dans la même procession autour du sanctuaire de La Mecque, les pèlerins éprouvent leur solidarité. Mélange d'individualisme et d'unanimité, chacun vient se mêler à l'incessante marche et récite lui-même sa propre prière. L'ensemble produit l'effet d'un corps unique et d'une seule invocation. Jour et nuit, avec de nouveaux participants, et sans interruption aucune, c'est une garde perpétuelle, en rotation autour du pôle symbolique de la communauté, le bloc cubique noir, compact, posé sur le cercle, étincelant de clarté, de la place.

J'en garde un souvenir personnel auquel rien dans mes lectures ne m'avait préparé. Lorsque le Musulman prie, où qu'il se trouve, il se tourne dans une direction de l'espace qui est celle de La Mecque. Mais qu'arrive- t-il une fois le lieu géographique atteint, de tous les points de l'horizon, de Jakarta, de Tombouctou, de Kaboul, que sais-je encore? Une fois à La Mecque, la cérémonie s'accomplit, non plus en ligne de fidèles côte à côte, mais en cercle. Alors, au moment où l'on se relève de la prosternation, que voit-on devant soi ? On voit une figure humaine, le visage de son prochain, venu de son propre horizon, avec la même intention. Dans cette religion sans images ni autels qu'est l'Islam, religion de transcendance et d'abstraction, religion d'iconoclastes, l'homme qui prie, une fois arrivé au but du voyage, a pour la première fois de sa vie, devant soi, de l'autre côté de la place et comme dans un miroir, une figure humaine, un être de chair et de sang, qui vous regarde et vous correspond, avec la même intention et des gestes symétriques, dans l'espace, dans la prière. Cette prière, qui n'a d'autre direction que le pur espace, se résout dans l'accomplissement du pèlerinage, en rencontre humaine et fraternelle. La fraternité paraît d'ailleurs s'étendre à tous les règnes de la nature. Au moment où l'air et l'espace vide résonnent du bruit des corps qui se prosternent et de l'appel des Noms divins, il répond en écho un grand claquement d'ailes. Ce sont les pigeons innombrables sur la place, qui s'envolent. J'ai pensé alors au verset du Coran : « Allah, tout être connaît Son Nom et Sa Gloire et l'oiseau lui-même en étendant ses ailes ».

Le jeûne ne doit pas être confondu avec une ascèse même si, dans les conditions de la vie moderne surtout, il représente pour beaucoup une épreuve réelle. Le jeûne a pour objet véritable le retour de l'homme à son identité réelle, un retrait sur la profondeur de sa réalité ontologique. Le va-et-vient des affaires, les soucis de gains et de pertes, les conditionnements du prestige ou de l'ambition sont dépouillés ou du moins simplifiés. Neutralisation des événements extérieurs, concentration durant un mois sur l'essentiel. La journée est marquée non par le rythme physiologique de l'alimentation, ni par le rythme social des affaires courantes, mais par les cinq prières quotidiennes et concentrée sur l'intériorisation du simple fait d'exister. Une sentence populaire proclame « Gloire à Celui qui efface les noms, surnoms et professions pour faire de notre âme un clair miroir où se reflète la Face de Dieu ». La définition de la qualité humaine ne se fait pas en termes d'enracinement dans un sol, un terroir, ni par des rapports de sang, en termes de races et de nations. Elle s'effectue selon un pôle de référence transcendant, comme à la verticale, et non pas à l'horizontale selon une géographie terrestre. Le jeûne consiste précisément à gommer les noms, prénoms, surnoms, titres et qualités pour ramener, un temps, l'individu sur l'être, par le rappel au souvenir de Dieu : Dhikr Allah. Dans le silence du corps, la vie intérieure se fait vigilante. L'être se dépouille dans sa nudité ontologique. De même, dans les récits sur la vie des mystiques, l'éveil à la réalité spirituelle s'accompagne littéralement de la mise en pièces des vêtements. En société traditionnelle surtout, l'habillement se présente comme l'emblème d'une condition sociale. Le seul costume qui convienne au spirituel est la tunique sans coutures du pèlerin ou le manteau rapiécé du derviche, fait de pièces disparates, le seul qui ne l'enferme pas dans une condition sociale déterminée, le seul qui ne soit pas une livrée utilitaire. Ainsi Ghazali, du haut de sa chaire magistrale, déchire ses vêtements au moment d'entrer dans la voie mystique. Ainsi le derviche porte- t-il au sens propre un costume d'Arlequin. Il échappe au jeu de la représentation sociale, comme se trouve hors-jeu le bateleur du tarot ou le « joker » du jeu de cartes, pièces non marquées, ni roi ni d'autre valeur, qui peut, liberté totale, être à volonté marqué d'un chiffre quelconque.

C'est d'ailleurs au manteau d'Arlequin, qui était déjà le vêtement rapiécé des derviches « melametis » ceux qui suivent la « voie du blâme » et attirent par leurs paradoxes les critiques des hommes rangés qu'Abdul Hadi, l'un de ceux qui introduisirent Guénon à l' Islam, consacra son premier article dans le Voile d'Isis. Le costume fait de bric et de broc, bariolée, reproduit le tohu-bohu de la vie sociale. Celui qui le porte n'est personne en particulier, il est capable d'être tout le monde et n'importe qui. Entre la muraq'a, vêtement en pièces bigarrées du derviche et le costume d'Arlequin, la filiation paraît d'ailleurs directe par les confréries musulmanes de Sicile. Celle-ci fut, avec l'Andalousie, l'un des hauts lieux de l'Islam en Europe. Ce vêtement est celui de l'anonymat supérieur. C'est ainsi vêtu que Tristan se présente d'abord à la cour du roi Marc. La légende de Tristan, tout comme les cycles du Graal, surtout celui de Wolfram von Eschenbach, sont pleins de rappels de signes et paraboles ésotériques islamiques avec des correspondances souvent troublantes dont plusieurs ont été relevées par Guénon.

Suivant la voie métaphysique, le nom et le prénom de René Guénon, tout comme ceux du sheikh Abdul Wahed Yahia, son nom en Islam, ne se sont-ils pas unifiés et abolis dans l'expérience du Soi ?

Pour l'aumône, dernier des cinq piliers ou arkan de l'Islam, je ne dirai qu'un mot. C'est le sacrifice, avec cette particularité que l'Islam, étant la forme religieuse pour la fin des temps, une religion pour le siècle, prend la forme sociale du don à partager, plutôt que la forme rituelle ou liturgique du sacrifice tel qu'il apparaît en des traditions plus anciennes.

En cette période, celui qui accomplit un iota de la Loi est sauvé. En conséquence, l'aumône n'est que l'abandon d'une partie déterminée des biens. Avec ses aspects de solidarité humaine, l'attitude traditionnelle islamique quant à l'argent a profondément marqué l'histoire économique de la communauté musulmane. L'interdiction de l'usure, voire du prêt à intérêt ou même, dans l'interprétation la plus rigoriste, la réprobation du profit, répondent à la conception que l'argent ne saurait être reconnu comme créateur. Seul Dieu est créateur. L'attitude envers l'argent et celle envers la représentation de la figure humaine, qui devait consacrer l'art abstrait de l'arabesque, ont les mêmes fondements. Ainsi également des assurances sur la vie : le pari sur l'avenir d'un être humain est immoral car seul Dieu est maître de donner la vie et de la reprendre. Ces conceptions ont pu entraver ou aliéner en des mains étrangères le développement financier dans l'Islam traditionnel.

Il n'en reste pas moins qu'à l'heure où la croissance sans frein, la productivité pour elle-même et la concurrence à tout prix sont sérieusement mis en procès au profit de conceptions économiques qui feraient la plus large part aux exigences de justice sociale et de qualité de la vie humaine, l'impératif éthique et les finalités sociales, imposées en ces matières par l' Islam, pourraient trouver, adaptés et transposés aux conditions actuelles, des résonances nouvelles.

Les rappels de l'Unité et de la transcendance, au point de vue métaphysique, de la fraternité humaine au point de vue social, sont parmi les valeurs — pour employer un mot profane — qui sont encore vécues et témoignées dans la vie quotidienne et pourraient représenter, aujourd'hui encore, des apports essentiels de l'Islam. Mais, là est le drame, au moment même où certains en Occident, souvent inspirés par l'oeuvre de Guénon, essaient , au-delà du règne de la quantité, de retrouver un ordre traditionnel, l'Orient, lui, fasciné par la réussite, se laïcise et se profane très vite, de telle sorte que le dialogue n'est plus situé, en réalité, entre Orient et Occident, mais devient un débat intérieur pour chacun.

Guénon avait à la fois raison et tort : raison par son diagnostic, et peut-être tort car il n'avait pas prévu à quel point ses prédictions — même les plus catastrophiques — risquaient d'être dépassées ; ou peut-être a-t-il eu la pudeur de ne pas prendre un ton apocalyptique. En réalité, peu d'années seulement après sa mort, la situation est non seulement celle qu'il a décrite, mais elle est pire encore, c'est-à-dire que la possibilité de dialogue entre un Orient qui détiendrait une tradition et un Occident qui serait porté à la rechercher correspond à une vision bien optimiste des choses. Il y a un dicton musulman selon lequel « le dernier refuge, la dernière embuscade de Satan est le coeur du juste dans sa bonne conscience ». C'est la bonne conscience des technocrates qui croient que le bien-être suffit à combler l'homme, que la croissance quantitative est une réponse à tout, c'est aussi l'effort laïcisant et profanateur du moderniste oriental qui, croyant de bonne foi développer son pays, le déracine. En réalité, le fait qu'il ne s'agisse pas d'un dialogue mais que le débat soit intériorisé en chacun de nous, lui donne la profondeur d'un examen de conscience.

Il n'y a plus de justes et nous nous débattons tous dans le même naufrage. La grande difficulté pour une approche de l'Islam est peut-être la proximité de l'Occident . L'Inde, la Chine ou le Japon furent découverts par l'Europe comme étant véritablement l'autrui, l'exotique. Mais l'histoire de la Chrétienté et de l'Islam se sont trop entrecroisées. Les références théologiques sont les mêmes : Abraham, Moïse, Jésus et même Marie, plus présente à l' Islam qu'au protestantisme.

Aristote, transmis à la philosophie européenne par les Arabes, est aussi présent, Plotin bien davantage, à la pensée de l'Islam classique qu'il ne l'était au moyen âge chrétien. La même rationalité se retrouve à travers la science grecque et la technologie, parvenues elles aussi à l'Occident par l'intermédiaire de la civilisation musulmane. Ainsi, le dialogue aujourd'hui n'est pas marqué par la distance de l'exotisme, mais par celle plus subtile de l'ambiguïté. Il est celui des occasions manquées, des situations déviées. C'est une image gauchie de soi-même que chacune des deux civilisations présente à l'autre. Il existe une similitude entre le paysage spirituel de l' Islam et de la Chrétienté occidentale jusqu'à l'époque à peu près de Philippe le Bel. La devise « Dieu premier servi » de la chevalerie chrétienne répond à la ibadat , au service d'Allahou akbar. Dieu plus grand. Il y eut guerres mais non opposition profonde du système des valeurs, comme entre les doctrines économiques et sociales qui se découpent le monde actuel.

Dans ce monde en débris, l'Orient n'est plus en Orient, pas plus que l'Occident n'est en Occident. II n'y a pas de forme traditionnelle privilégiée en soi. La tradition musulmane elle-même affirme que « les voies vers Dieu sont aussi nombreuses que les enfants d'Adam ». La seule distinction à faire est entre les formes éteintes et celles qui sont encore vivantes ; celles qui sont lettre morte, simple objet de curiosité intellectuelle, et celles qui sont encore dans le vif, voies de réalisation spirituelle. En vérité, la connaissance des civilisations et surtout des métaphysiques orientales est moins stimulante pour l'esprit que les mathématiques, moins intéressante pour la culture générale parce que moins riche d'aspects divers, que les arts et lettres profanes d'Occident, si elle n'est expérience transformante de l'être. Autrement, elle se pétrifie en érudition ou se perd en discours superficiel, parce que purement descriptif, comme le fait le plus souvent l'orientalisme. En principe, toutes les formes traditionnelles sont d'égale valeur. Seulement , certaines correspondent, sans qu'il y ait là aucune supériorité dans l'absolu, aux possibilités et même aux limitations du temps présent. A ce propos, René Guénon écrit : « Les formes traditionnelles les plus récentes sont celles qui doivent énoncer de la façon la plus apparente à l'extérieur l'affirmation principielle de l'Unité ». Le règne présent de la quantité, l'idolâtrie de la matière diffuse et multiple, appellent comme une reprise en main cette fixation de l'unique essentiel. Or, l'affirmation inconditionnelle de l'unité n'est exprimée nulle part avec autant d'insistance et de fermeté que dans l'Islam, où elle paraît comme résorber en elle toute autre affirmation.

René Guénon précise bien : « En tant que Sceau de la Prophétie, l'Islam est par conséquent la forme ultime de l'orthodoxie traditionnelle pour le cycle actuel. » Voilà qui éclaire sans doute la portée, les limites et le sens de l'adhésion de Guénon à l'Islam comme voie traditionnelle, en tant que règle de vie et de conduite personnelles, alors qu'en doctrine il a recours bien plus souvent à d'autres formes, selon les besoins de l'exposé, lorsqu'il présente au lecteur la tradition en soi et dans ses manifestations multiples.

De quelque nom qu'on l'appelle, René Guenon ou sheikh Abd el Wahid Yahia, son nom initiatique en Islam, l'essentiel en lui était le lieu le plus intérieur de l'être, la fine pointe de l'âme où toutes les individualisations s'abolissent, et que l'on appelle en arabe, par respect, afin de le qualifier, le sirr, le secret .

Que soit respecté le secret de celui dont le dernier souffle, avec la parole « Allah », articulait le mystère de l' Identité suprême. Toute autre parole est alors exclue et le silence s'impose. Non pas la minute de silence embarrassé qu'une société profane, ne sachant comment affronter le sacré, réserve en hommage à ses morts. Mais un moment, de concentration sur le voeu d'un homme, réalisé dans son destin, et qui pourrait être également symbolisé par cette tradition musulmane où la parole divine est invoquée pour signifier l'union de l'être et de la connaissance : « Celui qui Me cherche Me trouve. Celui qui Me trouve Me connaît. Celui qui Me connaît m'aime. Celui qui m'aime, je L'aime. Celui que J'aime, je le tue. Celui que Je tue, c'est Moi-même qui suis sa rançon ».

La pensée que je dédie pour conclure ne s'adresse ni à l'homme René Guénon auteur d'une oeuvre traditionnelle, ni au sheikh en Islam, et ce sera ma réponse à l'invitation qu'il me fit au moment de le quitter pour la dernière fois, de dire avec lui la prière de ceux qui vont d'une terre à une autre terre : Ya Abd el-Wahid, qaddasa Allah sirraka, « Serviteur de l'Unique, que Dieu bénisse ton secret».

NOTES

(1) Conférence extraite du Colloque de Cerisy-la-Salle (1973) intitulé : René Guénon et l'actualité de la pensée traditionnelle.

(2) Le Voile d'Isis, juillet 1930, repris dans, Aperçus sur l'Ésotérisme islamique et le Taoïsme chap. III : Et-Tawhid.

(3) Le Voile d'Isis, juillet 1929; repris dans Symboles fondamentaux de la Science sacrée chap XVIII : Quelques aspects du symbolisme de Janus.

(4) La note en question dit textuellement : « Lorsque l’homme, dans le « degré universel », s’exalte vers le sublime, lorsque surgissent en lui les autres degrés (états non-humains) en parfait épanouissement, il est l'« Homme Universel ». L’exaltation ainsi que l’ampleur ont atteint leur plénitude dans le Prophète (qui est ainsi identique à l'« Homme Universel ») » (Épître sur la Manifestation du Prophète, par le Sheikh Mohammed ibn Fadlallah El-Hindi). – Ceci permet de comprendre cette parole qui fut prononcée, il y a une vingtaine d’années, par un personnage occupant alors dans l’Islam, même au simple point de vue exotérique, un rang fort élevé : « Si les Chrétiens ont le signe de la croix, les Musulmans en ont la doctrine. » Nous ajouterons que, dans l’ordre ésotérique, le rapport de l'« Homme Universel » avec le Verbe d’une part et avec le Prophète d’autre part ne laisse subsister, quant au fond même de la doctrine, aucune divergence réelle entre le Christianisme et l’Islam, entendus l’un et l’autre dans leur véritable signification. Il semble que la conception du Vohu-Mana, chez les anciens Perses, ait correspondu aussi à celle de l'« Homme Universel ». (Le Symbolisme de la Croix, chapitre III : Le symbolisme métaphysique de la croix.)


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