mercredi 25 mars 2015

Notes de lecture (Le Point n° 2218 du 12 mars 2015) concernant Michel Onfray et l’Islam


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Lettre de lecteur

Notes de lecture (Le Point n° 2218 du 12 mars 2015)

Nous avons retenu la critique de M. Ali Benmakhlouf concernant l’idée que se fait Michel Onfray de l’Islam (p.58).

M. Benmakhlouf remarque justement que M. Onfray « propose une lecture partielle du Coran (…). Il reprend les arguments des musulmans radicaux. En agissant ainsi, il se met à leur niveau ; il les valide même en les présentant comme théologiquement significatif… » (etc).

Nous souscrivons tout à fait à cette analyse, et comme M. Onfray est « philosophe » (auto-proclamé : la France est un pays où il n’y a plus de profs de philo, mais que des philosophes !!!), nous ajouterons quelques arguments de synthèse qui devraient le ravir.

Onfray se proclame fièrement « athée » – c’est son droit – mais est-ce bien la plateforme adéquate pour parler des choses invisibles et surnaturelles, comme Dieu, La Foi, le religieux, le Sacré ? Les croyants aimeraient qu’on leur fiche la paix et que les aveugles cessent de vouloir parler à tout prix des couleurs (car l’athéisme est une sorte de cécité, non?), sous prétexte qu’on est en démocratie et que tout le monde a le droit de parler…

Nous constatons qu’il ignore les études arabo-islamologiques, ne se fiant qu’à son grand savoir de « philosophe » (Tout cela nous rappelle Bernard-Henri Lévy essayant sa dialectique du prêt-à-penser sur le grand rabbin Josy Eisenberg qui l’écoutait sidéré, lui avouant : « J’ai 30 ans d’études bibliques et hébraïques ; et quand je vous entend parler, je suis au regret de vous dire que nous n’avons pas la même religion » – ce qui cloua le bec à l’audacieux).

Ce qui est gênant, c’est que M. Onfray ignore toute pensée symbolique – ce qui est le cas de tous les philosophes modernes qui réduisent tout à la pensée mentale la plus plate ; or tout langage de la Révélation est hautement symbolique (de l’Orient jusqu’à l’Occident), mais il faut des clés pour cela : ainsi, les versets (bibliques, coraniques…) ont plusieurs sens, et là où des générations de savants se sont affrontés, on admire avec quelle aisance M. Onfray tranche avec l’aplomb souverain de l’ignorance. Heureux homme, pour qui tout est simple et facile! Sait-il qu’il ne suffit pas de connaître l’arabe pour comprendre le Coran ? Avec ce genre d’exégète, on a à faire à un Islam « au ras des pâquerettes » – c’est-à-dire une lecture littérale et univoque – comme le font allègrement les Salafistes et autres fondamentalistes intégristes, fossoyeurs de l’Islam.

Ce point de vue prétendument objectif et en fait pseudo-scientifique s’appelle du « réductionnisme », pratiqué par tous ces touche à tout qui se mêlent de Religion sous prétexte que tout se réduirait à de la pensée, sous-entendu de la « philosophie ». Un fin penseur comme Kierkegarde disait : « Les systèmes philosophiques sont des palais vides que leurs auteurs n’habitent! » – à méditer… Non, messieurs, la religion ne se réduit pas à de la spéculation mentale. Comme l’a dit avec beaucoup d’esprit un invité d’Europe n°1 le 10 mars dernier : « Onfray mieux de se taire! ».

On pourrait encore développer longtemps ces questions, mais débattre avec des « philosophes de profession » devient oiseux. Ils sont intelligents, malins et pas toujours honnêtes dans leurs arguties…n’écoutant qu’eux-même et refusant vaniteusement de se mettre à l’école de ceux qui connaissent et comprennent la religion de l’intérieur.

Ils me font penser aux tenants du libre examen (= rejet de la tradition orale de l’Eglise catholique) où tout le monde se permet d’intervenir et de dire n’importe quoi, comme si la liberté d’expression devait remplacer l’étude et la connaissance, dont se targuent tous ces diplômés : c’est le piège bien connu de l’intelligence, piège typiquement français. Mais les esprits forts se gaussent quand les croyants osent se rebiffer!…

P.S. (28 septembre 2016) :
1°) Les religions ne sont pas un jeu spéculatif : elles sont essentiellement une pratique dont l’exercice échappe par définition à la « philosophie », fût-ce celle de M.Onfray : il y a des rites, des jeûnes , des fêtes …etc, qui n’ont rien de « philosophiques »…
2°)Les religions sont en même temps un « art de vivre », surtout en Orient : dans l’islam, l’Hindouisme, le confucianisme, le Shinto… L’Europe chrétienne a dû inventer (tardivement ) les manuels de « savoir-vivre », de « bonnes manières « …pour compenser cette lacune originelle. On est frappé en orient de voir comment un oriental qui a cessé de pratiquer – et qui affiche en Europe des idées « modernes » et apparemment anti-religieuses – reste toujours imprégné d’une courtoisie très subtile et guère saisissable par les européens sans manières ni finesse (cf. les réflexions très justes d’Alain Daniélou à la fin de son autobiographie, par ex, à propos du Comte Ostrorog, diplomate chargé de mission par la France – « Le Chemin du labyrinthe » ).
3°)Enfin, last, but not least : nous livrons à la sagacité de M.Onfray cette considérable espièglerie : contrairement à ce que croyait Marx et ses pauvre thuriféraires, ce ne sont pas les sociétés qui ont inventé les religions, mais les religions qui ont fondé les grandes civilisation : imagine-t-on des cathédrales gothiques avant l’apparition du Christianisme? (1)
Mais bien sûr, M.Onfray va encore s’en tirer par une pirouette : à la différence des religions, la parole philosophique est un jeu, un jeu un peu irresponsable, qu’adorent les Français (comme disait Michel Vâlsan à propos des Français qu’il aimait beaucoup : »quel peuple léger, inconstant et frivole » – mais là, quelque cuistre diplômé va demander : mais qui est ce Michel Vâlsan ?).
J.F.


(1) cf. le « Théorème de l’incomplétude » de Gödel, repris par Régis Debray dans sa démonstration – qui nous intéresse – que : « les sociétés ne peuvent se fonder elles-mêmes »… – cf. aussi le difficile ouvrage d’épistémologie traditionnelle de Raymond Mercier ,écrit en collaboration avec Michel Vâlsan : »Clartés métaphysiques » / Editions Traditionnelles,1971 , p.60.

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