Vue panoramique depuis la citadelle de Tétouan (source :ici )
Extrait du sujet:
Le soufi Muhammad
Al-Harrâq (m.1845) : son éducation, sa mystique, son œuvre poétique et musicale
»
Pour l’obtention du diplôme de l’école pratique des
hautes études : école doctorale « sciences des religions et systèmes de pensée
» : année 2004/2005.
Réalisé par :
Tarik Bengarai Sous la direction de Maître Pierre Lory.
Aperçu sur le sujet :
Le soufisme se
présente comme le cœur de la spiritualité musulmane, son but est, selon ses
adeptes, la purification intérieure des vices et l’embellissement intérieur par
toutes les vertus ; ou l’effacement de la créature, qu’elle soit éperdue dans
la vision (shuhûd) de la Vérité (Dieu : Al-Haqq), ou qu’il y ait retour vers le
monde manifesté (al-athar) ; son début est science, son milieu action et sa fin
don (de la part de Dieu) .
L’éducation
spirituelle du Sheikh Muhammad Al-harrâq (éminent disciple du grand Sheikh
Al-‘Arbi Al-derqâwî) s’est distinguée par la richesse culturelle liée à un
environnement joignant la culture orientale et andalouse d’une part et une
présence massive de grands savants (‘ulama) de l’autre. Muhammad Al-harrâq de
formation juriste a su concilier et rapprocher les soufis des juristes, de part
ses discours argumentés de Coran et de Sunna.
Les chants soufis
(Samâ‘, ou audition spirituelle) qui constituent chez les soufis une
manifestation des états spirituels et l’expression de l’Amour (accompagnés
d’instruments musicaux divers) ont contribué à la communication de
l’enseignement de cette voie soufie vers d’autres horizons, les Derviches de la
Turquie, entre autre, se sont beaucoup inspirés de l’œuvre poétique et musicale
de Al-harrâq.
Notre travail consiste à mettre en valeur le rayonnement
socioculturel de l’éducation de ce soufi et sa contribution à l’enrichissement
du patrimoine culturel et spirituel soufi (musulman). Ceci se fera à travers
l’étude de son œuvre poétique, son traité de sagesses qui consiste en ses
commentaires des Hikam d’Ibn ‘Atâ-Illâh d’Alexandrie : à travers notamment la
lecture du manuscrit Annur Allami‘a Al Barrâq Fî Atta‘rîf bi Sheikh Al harrâq
qui met l’accent sur sa réforme et sa vision profonde du soufisme Maghrébin.
Aperçu sur le manuscrit étudié :
An-nûr Al-lâmi‘a
Al Barrâq Fi Atta‘rîf bi Sheikh Al Harrâq : est un manuscrit en trois cent
pages présentant la biographie du maître Al-harrâq, ses sagesses, ses lettres,
son éducation et son œuvre poétique, il a été écrit par le disciple de ce
Sheikh à Rabat et le maître des chanteurs soufis à l’époque dans cette ville,
Sidi Al ‘Arbi Adilâî (mort en 1285H à Casablanca). C’est un manuscrit numéro 44
à Tétouan ou numéro 960 à Rabat. Il est la source la plus complète pour l’étude
sur ce maître à notre avis : car d’une part, il est l’œuvre de son disciple où
il raconte son vécu avec son maître et de l’autre, pour les contemporains qui
ont étudié Al-harrâq, comme M.Dâwûd, c’est une source qui détaille aussi bien
l’éducation spirituelle de ce maître que son environnement social et sa relation
avec le cadre socio-culturel de l’époque. En revanche, compte tenu que cette
source émane d’un disciple du maître, nous tâcherons de distinguer au mieux les
aspects objectifs et subjectifs des récits traduits. Le manuscrit est composé
de : Le début du manuscrit aborde les débuts du maître, ses vertus, sa
rencontre avec la Tariqa Darqâwiya, sa chaîne initiatique et sa vie en quelques
pages. Le premier chapitre contient 45 lettres du maître Al-harrâq pour ses
disciples, pour le Sultan, pour les figures politiques de l’époque et pour
l’Emir Abdelqader d’Algérie. Le deuxième chapitre : contient ses sagesses. Et
le troisième chapitre : contient l’interprétation de quelques versets du Coran,
des paroles du prophète et de quelques sagesses de grands saints notamment ceux
d’Ibn ‘Atâ’ Allah d’Alexandrie, avec quelques commentaires sur des poèmes de
son Diwâne (receuil de poèmes).
Le manuscrit n’a
pas été édité mais a été résumé dans : Bughyate Al-mushtâq de Abdelqader ben
Abdekarim Alwardighi de Chechaoun en 1895 qui a mis en valeur l’explication
d’Al-harrâq de la Salât Almashishiya avec les vertus du maître Al-harrâq et de
son élève Al ‘Arbi Adilâî (édité en Egypte en 1298H en 230 pages); et dans
Târîkh Tittwan de Dâwûd.Muh. (Tétouan, 1953).
Son Diwân de Qasâïd (recueil de poèmes
soufis) :
Ce Diwân a été
édité en 1996 par le professeur à l’université de Tétouan le docteur Jaafar ben
Alhaj Al- Sulamî. Il s’est basé sur la « San‘a » (les règles et normes de la
poésie arabe et des chants soufis) d’Al ‘Arbi Adilâî le célèbre élève
d’Al-harrâq, (les éditions Tétouan Asmir). C’est une version arabe non
commentée mais ordonnée par thèmes musicaux. Nous avons choisi de baser notre
étude sur cet ouvrage dont il existe une version anglaise que nous avons
obtenue grâce aux disciples de la Tariqa Darqawiya en Angleterre.
L’environnement
socioculturel au Maroc de l’époque et définitions des concepts clefs et
caractéristique du soufisme marocain :
Avant propos :
Le Maghreb depuis
le quinzième siècle[1] connut quatre siècles d’or de soufisme marqués par un
rayonnement socio-culturel sans précédent jusqu’à son influence vers les débuts
du dix-neuvième siècle par le mouvement « Wahhabi » venu d’Arabie[2] qui
détourne dès cette époque plusieurs savants de la loi contre les soufis. La
Tariqa Nâsiriyya dont la faveur durait depuis plus d’un siècle depuis la moitié
du dix-septième siècle était basée initialement au Souss vers Agadir (au
sud-ouest du Maroc). Elle produisit plusieurs figures culturelles et autorités
religieuses et juridiques qui ont franchi par leurs savoirs et connaissances
l’horizon du monde musulman. Il eut ensuite respectivement la confrérie des
Derqawa[3] , dont la doctrine procède de l’enseignement de l’Imam Shâdhilî, et
la confrérie Tijâni dû à Sidi Ahmed Al-ttijâni enterré à Fès qui eut le
privilège de communiquer l’Islam en Afrique noir et en Amérique avec une telle
profondeur que les traces en sont restés sous forme de patrimoine riche et
enraciné jusqu’à nos jours (comme la Tariqa Mourîdiya au Sénégal ou au Mali)…
Le soufisme existait dès les premiers siècles de l’hégire au Maroc
particulièrement au Souss où les premiers Ribât (lieu où s’isolaient les
soldats avant de faire la guerre sainte ou pour monter la garde et qui est
utilisé aussi pour les retraites spirituelles vu son invulnérabilité et son
isolement). Le soufisme confrérique par contre est apparu assez tardivement au
Maroc avec notamment la Tariqa Qâdiriya du célèbre Imam Moulay Abdelqader
Aljilani de Bagdad. Sans oublier l’influence de l’Andalousie notamment Ibn
‘Arabi sur l’aspect doctrinal et culturel du soufisme marocain. Une parole qui
remonte au prophète affirme que « l’orient était la terre des prophètes et le
Maghreb sera la terre des saints » le proverbe populaire explique en fait cette
parole : « le Maroc produit les saints comme la terre fertile fait produire le
blé » (Almaghrib yunbitu Al-awliya’ kamâ tunbitu Al-ardu azzar‘a), l’abondance
des saints au Maroc depuis les premiers siècles de l’Islam même avant la venue
de Moulay Idrîss[4] n’affecte point leur qualité et leur rayonnement : voici le
grand Moulay Abdelqader Al-jilânî en parlant de lui même et de sa station dans
le soufisme qui dit :« on n’a jamais vu d’égale à moi (en station) ci ce
n’était le noir au Maroc (il insinuait là le fameux Moulay Bou‘aza(dit aussi
Abi Ya‘azâ[5] ) qui était noir et vivait à Beja‘ad région de Beni Mellale au
sud du Maroc) » « Falam Yura qattu Mithlî Illâ Al-aswadu fi Al-maghrib » [6]
Autour du soufisme au Maroc : [7]
La terre marocaine
a connu, depuis le 11éme siècle, des maîtres illustres dont le rayonnement peut
être considéré comme universel ; c’est le cas de Abou Madyan Al Ghawth
(originaire d’Andaousie)[8] , Ibn Mashîsh, Abu Lhasan Shâdhilî,etc.. Le
soufisme marocain, bien que centré au Maroc a un prolongement à l’Est, jusqu’en
Egypte, au Nord (l’Andalousie musulmane) et au Sud, le Sahara et les pays de
l’Afrique de l’Ouest. A partir du 13éme siècle deux branches importantes du
soufisme universel, la Qâdiriyya et la Shadhiliyya, se sont épanouies sur la
terre marocaine. Citons à titre d’exemple, quelques noms de maîtres qui forment
l’ossature du soufisme marocain: Sidi Bou Madiane Al Ghawth (le secours) :
(mort en 594H/1197), plus connu en orient arabe que dans sa région d’origine le
Maghreb. Il a côtoyé plusieurs soufis illustres tel que Moulay Bou‘zâ (dit
aussi Abi Yaa‘zâ), Moulay Abdel Qader Al Jilâni et Abderrahman Al-madanî. Ce
dernier est le maître du grand Sheikh Moulay ‘Abdessalam Ibn Mashish, le maître
de l’Imâm Shâdhilî. L’histoire de Shâdhilî (656/1258) est bien connue, sa
rencontre avec son maître Ibn Mashîsh (625/1227) au mont ‘Alam (où il se
détacha de sa science et ses connaissances livresques pour recevoir la nouvelle
science (le secret) de son maître), son voyage en Tunisie puis en Egypte, et le
succès remarquable qu’il a rencontré en Orient. Notons simplement que Shâdhilî
est le fondateur de la Shâdhiliyya, la célèbre branche marocaine du soufisme
universel. Cette branche va avoir au fil des siècles diverses ramifications. Au
16éme siècle on trouve une dizaine de Zawiya: 1-Zawiya Jazûliya :
renouvellement de la Tariqa Shâdhiliyya par Muhammad Al-Jazûli, disciple de
Mohamed Amghâr. Il est mort en 870 de l’hégire à Jazoula et enterré à Marrakech
dans le grand mausolée des sept saints (sab‘tu rijâl). Il est surtout célèbre
par son livre « Dalâil Al Akhayrât » (les guides des bienfaits) 2- Tariqa
Zarruqiyya fondée par Ahmed Al Barnousî Al fâsî, connu sous le nom Ahmed
Zarrûq. Contemporain de Jazûli, il a étudié à Fès, puis à Bejaya, il est mort à
Tripoli en 1445. 3- Tariqa ‘Ayssâwiyya se référant au grand maître Al-Hâdi Ben
‘îsâ, dit « Sheikh Al-Kâmil » (le maître parfait) mort en 1524 et enterré à
Meknes. Cette voie est d’origine jazûliya. 4-Tariqa Yûssoufiyya se référant au
Chérif Idrissi Ahmed al Malyânî (de Melyana en Algérie). Mort en 1525, il eut
pour maître Ahmed Zarrûq. 5-Tariqa Ghâziyya, fondée en 1526 à Dar‘a au sud du
Maroc, par Hassan Al-Ghâzî, disciple de Malyanî. 6-Zawiya Sherqâwiya (dûe à
Sidi Bu ‘abîd Ash-sharqî descendant du deuxième Calife Omar Ibn Al-Khattâb (que
Dieu l’agrée)) : fondée à la fin du 16éme siècle, d’origine jazûliya. De ses
ramifications la Tariqa Nâsiriyya. 7-Zawiya Shaykhiya : des Wled Sidi Sheikh en
référence à son fondateur Sidi Sheikh (descendant du premier Calife Abû bakr
As-siddîq (que Dieu l’agrée)). Elle a été fondée en 1615 à partir de la
Malyâniya par Muhammad Sahili. 8-Nâsiriyya à Dar‘a (au Souss, au sud du Maroc),
fondée par Sidi Ahmed Bennaser Dar‘î, mort en 1674 et enterré à Tamagrut dans la
région de Zagura prés de Warzazate au sud du Maroc. 9-Tariqa Wazzâniyya,
d’origine Jazûliya, fondée par Moulay ‘Abdellah Shrif al-Wazzânî (mort en 1089
H) à Wazzâne (à l’est du Maroc), ville qui resta jusqu’ à nos jours une ville
sacrée. La Zawiya wazâniyya s’appelait aussi « dâr dmana » (la maison de
garantie ou de protection) car à l’époque, quiconque demandait refuge aux
Shurafas de Wazzâne était exaucé et protégé.
La plupart de ces
Tariqa (confréries) ont disparu, ou plus exactement se sont éclipsées, à partir
du 19éme siècle, devant l’expansion de deux zawiya plus récentes, à savoir : la
Tijâniyya et la Darqâwiyya. La Tariqa Tijâniyya se réfère à son fondateur Sidi
Ahmed Tijâni, mort en 1230H et enterré à Fès. La Tijâniyya est restée fidèle au
rituel (wazîfa) du fondateur et est bien représentée sur l’ensemble du
territoire marocain. Elle a également une bonne présence en Afrique
Occidentale. C’est une confrérie qui n’est pas originaire du Maroc, elle a été
fondée en 1781 par Ahmed Tijânî à Aïn Mahdi en Algérie au sud du Djebel ‘Ammûr
où ses ancêtres avaient une Zâwiya. Sidi Ahmed Tijâni, persécuté par les Turcs,
s’était réfugié à Fès en 1806 ; il y est mort en 1815. Ahmed Tijâni, après
s’être affilié successivement à la Qâdiriyya, à la khalwatiyya et à la
Taybiyya, eut un songe dans lequel le Prophète lui ordonna d’abandonner tous
les enseignements antérieurs et d’être son Khalîfa sur la terre, ajoutant qu’il
serait lui- même son intercesseur auprès de Dieu et son guide pour diriger les
musulmans dans la vraie voie[9] .
Au cours de la
deuxième moitié du 18éme siècle, le shérif idrissite Abû ‘Abdallah El‘arbi ben
Ahmed ben Husayn ben Saïd ben ‘Ali ed Derqâwî, plus connu sous le nom de Moulay
L‘arbi Derqâwî, né en 1737 et originaire de la tribu des Beni Zerwâl (rive
droite de l’Ouergha), fonde à Bou-Brith une nouvelle confrérie, celle des
Derqâwa, dont la doctrine procède de l’enseignement de l’Imâm Shâdhilî.
Contemporain de Sidi Ahmed Tijâni, Moulay El-‘arbi Derqâwî, était un soufi
exceptionnel (mort en 1239/1823). Il a pu réunir en lui les diverses branches
de la Shâdhiliyya. Après avoir vécu à Fès où il avait rencontré son maître Sidi
‘Ali Al-Jamal (mort 1194H), il est revenu à Zerhoun, sa région d’origine. Il
forma , avec l’aide de son moqaddam et bras droit Muhammad Al-Bouzîdi(mort en
1229/1814), une pléiade de maîtres dont les plus prestigieux sont Ahmed Ibn
‘Ajîba Al-hasanî(mort en 1224/1804). La Darqâwiyya va avoir plusieurs
ramifications notamment au Nord par la zawiya Darqâwiyya Siddîqiyya en référence
à Sidi Muhammad Ben Seddîq(né en 1295H à Ghmara, et mort en 1354H à sa zawiya
de Tanger), au sud par la Darqaouiyya El-ilîghiya en référence à Sidi ‘Ali
Darqâwî Al-Ilîghî, dans la région de Fès par la Tariqa Kattâniya en référence à
Sidi Muhammad ben Ja‘afar Alkattâni(né en 1724, mort en 1345 et enterré à Fès),
au Maroc oriental par la Tariqa Hebriyya en référence à Sidi Muhammad Al Habrî
, en Algérie par la Tariqa Darqaouia ‘Alawiyya en référence à Sidi Ben ‘Aliwa(
Mostapha Al ‘Alawî) enterré à Mostaganem , etc… Plus proche de nous, au début
du vingtième siècle on va trouver un autre soufi exceptionnel, c’est Sidi
Boumediane Boutchich. Qâdiri d’origine et de formation, il va quitter sa région
natale (Ahfîr, près de Berkane à l’Est du Maroc) pour sillonner la terre
marocaine et algérienne à la recherche du Maître parfait. Sa quête va aboutir à
un phénomène assez exceptionnel, puisqu’il va réunir dans une seule voie, la
Tariqa Qâdiriya et les différentes branches de la Shâdhiliyya. Sidi Boumediane
est considéré- avec ses deux cousins Sidi Al-Mokhtâr (emprisonné au début du
vingtième siècle par les généraux français à cause de ses activités
anti-coloniale) et Sidi Al –‘Abbâs – comme le principal fondateur de la Tariqa
Qâdiriya Boutchichiya. Cette Tariqa connaît une expansion remarquable,
puisqu’en l’espace d’une trentaine d’années elle a pu avoir une présence
importante sur l’ensemble du royaume ainsi qu’une implantation sur les quatre
continents, et ceci sous la direction de son Sheikh actuel Sidi Hamza Boutchich.
Elle est remarquable également par l’attrait qu’elle présente pour les jeunes-
qui forment l’essentiel de ses adeptes- et par certains des ses intellectuels
tels que le philosophe Taha ‘Abderrahman, le professeur Fawzi Skali (initiateur
du festival de la musique sacrée de Fès), l’historien (et actuel ministre des
Habous marocain) le docteur Ahmed Tawfîq, l’islamologue française Eva de Vitray
Meyrovitch et bien d’autres célébrité et professeurs dans diverses disciplines.
A travers son
histoire, le soufisme marocain a gardé une particularité essentielle qui fait
de lui en l’occurrence le soufisme de l’éthique qui insiste sur la vertu et le
bon comportement comme étant le fruit le plus utile de cette éducation et la
perle rare recherchée par les véridiques qui agissent pour la face de Dieu,
ainsi, pour ces soufis : ( la droiture est meilleur que milles miracles)
(Al-Istiqâma khayrun Min Alfi karâma), comme a dit Al-harraq lui-même : «
l’utilité des miracles est temporaire et limitée alors que les valeurs(fruit de
l’éducation soufie) sont éternelles et leur utilité est universelle »[10] .
La méconnaissance
du soufisme marocain à travers le monde (par rapport au soufisme oriental) est
due sans doute au fait que les soufis marocains ont concentré tous leurs
efforts sur l’éducation pratique des disciples par leurs actes et ont par
ailleurs de moins en moins de productions écrites ou d’autobiographies. Le
soufisme marocain pour ainsi dire est une science expérimentale dont le fruit
est le disciple lui même (c’est à dire la transformation de ses comportements).
Terminologies des saints : [11]
Pour pouvoir
aborder le sujet sans créer d’ambiguïté il est nécessaire d’expliquer les
stations qui caractérisent les Shouyûkh (maîtres) : (à savoir qu’un maître
d’éducation « Sheikh at-tarbiya » peut être dans toutes ces stations mais il
doit nécessairement être un pôle (qutb))
Les vertueux (Sâlihûn) : sont ceux dont les actions
extérieures sont sans défaut et dont les états intérieurs sont marqués de
droiture. Les saints (Awliyâ) sont ceux qui connaissent Dieu par vue directe
(‘Iyân), ils sont au-dessus des vertueux. Le nom Wali est dérivé de waliy qui
signifie « la proximité » (Al-qurb). Ils sont en outre ceux dont l’obéissance
est continuelle, dont la proximité est effective et à qui le Seigneur dispense
une aide (madad) permanente. Les substituts (budalâ) sont ceux qui ont remplacé
les vices par les vertus et leurs attributs par ceux de leur Bien-Aimé (Allah)
ou (selon la parole du prophète de l’Islam) : ils sont du nombre de quarante et
à chaque fois que l’un deux meurt il y a un autre qui naît. Les chefs de file
(Nuqabâ) sont ceux qui ont percé une brèche (naqabû) dans la création (al-kawn)
et ont émergé vers la vision sans limite du créateur. Les diligents (nujabaa)
sont ceux qui s’avancent (sâbiqûn) vers Dieu de par leur diligence ; ce sont
les zélés, les doués d’entre les aspirants. Les piquets (awtâd) sont enracinés
dans la gnose, leur nombre est de quatre, car ils sont en chaque époque comme
les piquets marquant les quatre coins de l’univers. Le pôle (qutb) est celui
qui respecte le statut de l’univers et celui du Créateur. Il est unique.
Cependant, le même terme sert à désigner ceux qui ont réalisé une station, si
bien que l’on trouve à une même époque de multiples « pôle » : pôle des
stations, des états et des sciences. On dit qu’un tel est le pôle des sciences,
celui des états ou celui des stations, selon que l’une de ces choses se
manifeste en lui de façon éminente. Lorsque l’on veut désigner spécifiquement la
station qui est l’apanage d’un seul, on parle du « secours » (al-ghawth). Le
secours est celui qui dispense l’aide spirituelle (al-madad ar-rûhâni) aux
hiérarchies de saints, au najîb, au naqîb, aux awtâds et aux abdâls. Il possède
l’imâma, l’héritage, la succession ésotérique. Il est l’esprit de l’univers,
autour duquel celui- ci décrit ses révolutions, ce que l’on exprime en disant
qu’il est comme la pupille de l’œil. Ne connaît cette station que celui qui a
reçu en partage une portion du secret de subsistance par Dieu. On le nomme « le
Secours » parce qu’il exerce vis à vis des mondes une action secourable grâce à
son ampleur généreuse et à son rang exceptionnel. Il se reconnaît à certains
signes. Le célèbre pôle Abû L-hasan Al-Shâdhilî a dit : « Le pôle possède
quinze signes distinctifs. Que celui qui prétend les posséder en totalité ou en
partie démontre qu’il a reçu l’aide de Miséricorde, l’impeccabilité, la
lieutenance, la délégation, l’aide des porteurs du trône céleste ; qu’il montre
que la réalité de l’essence englobante(ihâla) des qualités ; qu’il montre qu’il
a reçu le don de juger et de discerner entre les deux existences, de distinguer
le premier du premier ainsi que ce qui en dérive jusqu’à l’extrême limite(du
rayonnement épiphanique) et ce dont l’existence(distinctive) est posée au sein
de ce rayonnement, de connaître le caractère de ce qui vient avant, de ce qui
vient après et de ce qui n’est ni avant ni après ; qu’il montre enfin qu’il a
reçu la science du commencement, c’est à dire la science qui englobe toute
connaissance et toute chose connue et ce qui s’y rapporte.»
Les Derqawa [12]
Au cours de la
deuxième moitié du 18éme siècle, le shérif idrissite Abû ‘Abdallah El‘arbi ben
Ahmed ben Husayn ben Saïd ben ‘Ali ed Derqâwî, plus connu sous le nom de Moulay
El‘arbi Derqâwî, né en 1737 et originaire de la tribu des Beni Zerwâl (rive
droite de l’Ouergha), fonde à Bû-Brith une nouvelle confrérie, celle des
Derqawa, dont la doctrine procède de l’enseignement de l’Imam Shâdhilî . Son
maître des sciences soufies, le mystique Moulay Ali ben Abderrahman el ‘Amrânî
el Fâsî, dit Al-Jamal, renommé pour son savoir et ses vertus, était mort en
odeur de sainteté à Fès, en 1779 [13]. Héritier de la Baraka et du secret du
défunt, Moulay El‘arbi Derqawî, fort de ses origines shérifiennes (descendant
de Moulay Idrîs, descendant de Hasan fils d’Ali et Fatima fille du Prophète),
donne une impulsion vigoureuse à l’ordre qu’il vient de créer. Son succès est
foudroyant, tant auprès des élites citadines que dans les masses rurales,
notamment en pays Berbère. La Tariqa Derqâwiyya se développe très vite au
détriment de la Tariqa Nâsiriyya dont la faveur durait depuis plus d’un siècle.
Elle fait de nombreux adeptes, non seulement au Maroc mais aussi dans les
provinces algériennes soumises à l’autorité des beys turcs. Les disciples vont
en foule recueillir à Bû-Brith l’enseignement du nouveau saint. Beaucoup sont
des gens intelligents, actifs, ingénieux, qui brûlent de désir de découvrir les
secrets du monde soufi et d’absorber le plus vite les principes de leur école.
Rentrés chez eux, ils fondent des Zâwiyas filiales de la maison mère.
L’activité de Moulay El‘arbi Derqâwî déborde rapidement du plan spirituel sur
le plan temporel. Son influence, la vénération dont il est l’objet , le nombre
et la qualité de ses fidèles le conduisent en effet à jouer un rôle de plus en
plus éminent dans la vie politique du Maroc bien qu’il ait dit un jour : «
Personne ne désirera le pouvoir terrestre qu’il ne périsse ! ». « Les Derqawas
sont très répandus dans toute l’étendue du Maroc, on les rencontre fort
nombreux en Algérie (Oranais), dans le Touat, le Gourara et le Sahara jusqu'à
Tombouctou ; on trouve encore des affilies à la congrégation en Tunisie, en
Tripolitaine, en Egypte et en Arabie. » [14]
Tariqa Derqâwiyya- Harrâqiyya
Branche importante
et prospère fondée à Tétouan par Abû Abdallah Muhammad ben Muhammad Al-harrâq,
élève de Moulay El‘arbî Derqâwî, mort en 1845[15]. Auteur des pièces mystiques
célébrant la confrérie,d'ouvrage de Fiqh et de Shari'a, il eut pour disciples
marquants :
•Sidi el Khadir es
Sejjai, des Ouled Sejja de Fès ;
•Sidi ‘Omar ben Taiyyib el Kettâni, grande école de Sidi
Muhammad ben Jaafer el Kettâni, auteur du Saluwat el Anfâs;
•Sidi Muhammad el Mellouk (Jbel Kandar, Fès);
•El Hajj Muhammad ben L‘arbi, de Casablanca ;
•Sidi el Hajj Muhammad (ou Mfeddel) du Djbel Habîb.
Aperçu sur la
vie de Sidi Muhammad Al-harraq Sheikh de la Tariqa Derqâwiyya- Harrâqiyya:
C’est Sidi Abû
‘Abdallah Muhammad ben Muhammad ben Abdel Al-Wâhed Al ‘Alami (originaire de la
région du mont Al ‘Alam dans la ville de Chefchaoun au nord du Maroc , cette
branche de famille descend du grand saint Moulay ‘Abdessalam Ibn Mashîsh)
el-Mûsâwî (Al-harrâq descend du frère de Moulay Abdessalam Ibn Mashîsh : Sidi
Moussa Ibn Mashîsh)[16] Al- harrâq fut un célèbre juriste, savant et poète, ses
ancêtres se sont déplacés des tribus des Beni ‘Arûs pour s’installer à
Chefchaoun où il est né en 1772 de l’ère chrétienne (1186 de l’hégire). Sa
chaîne initiatique se présente (selon le manuscrit arabe « Manâqib Ash-sharîf
Abi ‘AbdiAllah Ibn Muhammad Al-Harrâq ») comme suit : « Il prit le secret
(As-sirr) de Moulay El‘arbi Adderqâwî qui lui-même le prit de Sidi ‘Ali
Al-jamal qui le prit de Sidi L‘arbi Ben Abdallah qui le pris de Sidi Ahmed Ben
AbdAllah qui le prit de Sidi Qâsem Lakhsâsi qui le prit de Sidi Muhammad Ben
‘Abdallah qui le prit de Sidi Abderahmân Al-fâsî qui le pris de Sidi Youssef
Al-fâsi qui le prit du célèbre grand maître Sidi Abderrahman Al-majdhûb qui le
prit de Sidi Ali As-sanhâji qui le prit de Sidi Ibrahim Al-fahhâm qui le prit
du grand et célèbre sidi Ahmed Zarrûq qui le prit de Sidi Ahmed Ben ‘Uqba qui
le prit de sidi Muhammad Al-qâdirî qui le prit de sidi ‘Ali Ben Wafâ qui le
prit de Sidi Muhammad Bahr As-safâ qui le prit de sidi Dâwud Al-Bakhîlî qui le
prit du grand maître sidi Ahmed Ibn ‘Atâa Allah d’Alexandrie qui le prit du
grand sidi Abî Al-‘a‘bbâs Al-mursî qui le prit du grand pôle et Secours sidi
Abi Al-hasan Ash-shâdhilî qui le prit du grand Imam et pôle Moulay ‘Abdessalam
Ibn Mashîsh qui le prit du pôle sidi ‘Abderrahmâne Al-madanî qui le prit du
pôle sidi Taqiyy Eddîn Al-Faqîr qui le prit de sidi Fakhr Eddîn qui le prit du
pôle Nur Eddîn Abî Al-hasan qui le prit de sidi Tâj Eddîn qui le prit de sidi
Shams Eddîn qui le prit de sidi Zayn Eddîn Al-qarawî qui le prit de sidi
Ibrahim Al-basrî qui le prit du pôle sidi Ahmed Al-marwâni qui le prit du pôle
Sa‘îd qui le prit du pôle Sa‘ad qui le prit du pôle Fath Assa‘ûd qui le prit du
pôle Sa‘îd Al-kirwâz qui le pris d’Abî Muhammad Ben Jâbir qui le prit du
premier pôle Mawlna Al-hasan Fils d’Ali et Fatima qui le prit de son père
Mawlâna ‘Ali le quatrième Calife du prophète et qui était le premier héritier
de la science ésotérique du prophète qui en a parlé et transmis à ses proches :
le prophète de l’Islam lui-même en a témoigné : « Je suis la cité de la
science(ésotérique) et ‘Ali est sa porte » ». Al-harrâq acquit les bases des
sciences religieuses dans sa ville natale puis voyagea à Fès où il eut
plusieurs maîtres dans les différentes sciences de la religion ainsi qu’en
musique et mathématique, il mena une vie prospère de grand noble de
l’époque[17] . Quand la grande mosquée de Tétouan (Al-Jâmi‘ Al-A‘Azam) fut
édifiée, les tétouannés demandent au Sultan Moulay Slimane de leur envoyer un
des grands savants de Fès, c’est ainsi qu’il leur envoya l’éminent juriste Sidi
Muhammad Al-harrâq. Celui-ci s’installe enfin à Tétouan où il devint juriste
Imâm, Mufti et pratique l’enseignement. Il écrit entre autre un fameux traité
de Jurisprudence événementielle (Fiqh An-nawâzil) sous forme de questions et
réponses [(concernant l’école Malikite),] http://www.doctrine-malikite.fr
rassemblé par son grand et célèbre élève Al-Mahdi Ben Al-qâdi. Il était très brillant
et ses prêches témoignaient d’un savoir profond et d’une ferveur originale, ses
discours étaient d’une franchise et d’un courage surprenant. Les Imâms de
Tétouan voyaient en lui un concurrent qui risquait de leurs faire perdre leur
poids chez le monarque et les gens, alors fous de jalousie il font remonter
tout le quartier d’Al ‘Ouyoune près de la mosquée où il prêchait contre lui :
voici les détails de ce complot qui lui a causé une exclusion définitive de
toutes ses fonctions[18] : « Avant la prière du vendredi et pendant que
Al-harrâq se prêtait à donner son prêche dans ses plus beaux habits parfumés
derrière la porte de son « Minbar » qu’il laissa entrouverte, ses ennemis ont
ordonné à une belle et séduisante prostituée qu’ils avaient payé à l’avance
d’entrer le voir en faisant semblant de lui poser des questions concernant la
jurisprudence ; c’est alors qu’entre-temps ils rassemblèrent leurs alliés et
les gens du quartier qui venaient faire la prière pour témoigner contre
Al-harrâq en l’accusant de commettre l’adultère, il y a eu ainsi cent
quarante-quatre témoins voyant la femme sortir du « Minbar » et derrière elle
l’Imâm Al-harrâq . La nouvelle se répandit comme la peste dans tout le quartier
jusqu’à arriver aux oreilles du maire de la ville qui fit remonter la nouvelle
au sultan Moulay Slimane. Celui-ci, savait très bien que l’Imâm pieux Al-harrâq
était victime d’un complot et d’une ruse assez mal réfléchie puisqu’en toute
évidence un homme ne choisira pas une mosquée pour commettre son adultère….Mais
le Sultan se plia finalement malgré lui aux suggestions des différents juristes
de Tétouan (ennemis d’Al-harrâq ) et licencia Al-harrâq de ses fonctions. »
Ainsi, Al-harrâq
succombe et tombe gravement malade jusqu'à ce qu’il faillit mourir, il écrit alors
sa fameuse Qasîda (poème de louange du prophète) appelée Al-Homziyya implorant
le prophète de le guérir et il s’isole pour invoquer Dieu et jouir de Sa
présence : la qasîda commence par : O Muhammad je me protège par ta valeur et
ton honneur du mal qui touche mon corps. Je t’ai imploré quand ma désolation
fut grande Et je n’ai trouvé que toi pour soulager ma douleur. Dans les états
les plus sublimes (graves) on ne peut invoquer que le sublime et le plus
généreux des intercesseurs. Après sa guérison, il s’adonne au soufisme, c’est
ainsi qu’il entendit parler du grand maître Moulay El‘arbi Derqâwî et le
rencontre en (1228 de l’hégire, 1814 de l’ère chrétienne) alors qu’il avait
quarante ans, dans la tribu des Beni Zerwal ou Ghmara selon les sources . Cette
rencontre était à la fois historique et décisive puisqu’elle va changer
catégoriquement sa vie…Ainsi Moulay At-tuhâmî Al Wazzânî dans son manuscrit
appelé « Az-zâwiya » raconte : « Sidi Muhammad Al-harrâq resta à Tétouan
profitant de sa position de notable et d’éminent savant œuvrant pour la bonne
cause, loin de l’hypocrisie, ce qui lui a valu un grand complot de ses ennemis
jaloux de son succès et sa réputation. Il fut exclu officiellement des
fonctions de juriste, enseignant, Imâm et Mufti…..cette catastrophe avait
cachée derrière elle pour Al-harrâq tout le bien, et la récompense de Dieu pour
sa patience fut grande puisqu’il rencontra le pôle de son temps à la tribu de
Ghmâra, pris de lui la science utile et rentra au soufisme par sa grande porte
: dès le premier regard, le grand maître Moulay El‘arbi Derqâwî voyait en
Al-harrâq une prédisposition jamais égalée… Il pris sa main toute de suite (
lui donna le pacte initiatique « Al-Musâfaha ») et lui dit : « Invoque Dieu et
rappelle les gens en Dieu » « Udhkur Allah wa Dhakkir Fi Allah » ce qui
constituait un « Idhn » absolu : une autorisation de communiquer la voie « la
Tariqa » à tout le monde et une autorisation particulière(Idhn Khâss) issue des
deux présences divine et Muhammadianne (Al-hadratayn Al-Ahadiya wa
Al-Muhammadia) pour devenir maître après le maître ; il lui communiqua ainsi
son secret. Quand Al-harrâq partit de chez le pôle, un de ses disciples qui
était présent lors de cet entretien demanda : Ô mon maître nous t’avons
fidèlement accompagné pendant très longtemps et personne n’a eu jusqu'à présent
le grand privilège qu’a eu aujourd’hui le Faqih Al-harrâq ! Tu lui as délivré
ton secret sans qu’il fasse le moindre effort, Moulay El'arbi Derqâwî répondit
alors : « On n’a rien donné de plus à Sidi Al-harrâq , on a juste allumé la
mèche qui était en lui, il est venu avec une lampe claire et pure (il fait
allusion au cœur) et a mis en dessous de l’eau propre(il fait allusion au
respect de la sharî‘a "la loi divine") et a versé de l’huile
(combustible) si pure qu’il allait s’allumer presque tout seul et il a posé une
mèche propre et parfaite qui ne nécessitait aucun dressage ni polissage, il
nous a demandé de l’allumer et c’est ce qu’on a fait ». Ainsi, Al-harrâq
retourna à Tétouan inondé de lumière, maître d’une science profane qui lui a
été transmise sans peine et qu’il a miraculeusement absorbée en l’espace d’une
rencontre. Son réceptacle était pure et totalement prédisposé….Ainsi, il ne
passa pas d’épreuves ni de Khalwa (retraite spirituelle) avec son maître, il ne
s’est pas pris la peine d’effectuer de longs et périlleux voyages pour chercher
la vérité. Ce trajet spirituel va marquer, en fait, toute l’éducation que va
donner Al-harrâq par la beauté et par une révolution fondamentale dans les méthodes
éducatives de sa Tariqa. A Tétouan, les foules des chercheurs de vérité
venaient le rencontrer et apprendre le soufisme malgré l’opposition des
juristes…Al-harrâq était aussi un grand poète attentionné et sensible à la
culture Andalouse, Il jouait le luth et excellait en musique andalouse . C’est
ainsi qu’il fut à l’origine de plusieurs répertoires de cette musique très
connue au Maroc. Il écrit trois grands Diwân (chants soufis) invoquant la grâce
du prophète et évoquant l’amour dans ses sens les plus profonds. C’était un
poète d’amour par excellence qui puisait dans ses ressources internes pour
exprimer d’une part ses états d’extase avec Dieu et de l’autre les interactions
entre la nature et ces flux de chants qui venait du monde des lumières. Il s’ingéniait
à transformer des poèmes qui expriment une beauté naturelle en des poèmes qui
expriment une beauté surnaturelle qu’il sentait sans la voir. Ses chants et
poèmes en dialecte marocain sont toujours chantés dans les grandes occasions
religieuses surtout au nord du Maroc. Les derviches tourneurs du grand empire
turc à l’époque du Sultan Abdel Hamid disciple lui-même de la Derqâwiya se sont
beaucoup inspirés de la musique de Al-harrâq . Voici un vers d’un classique de
la musique andalouse transformé par Al-harrâq : Le matin comme un notable se
promène vêtu de ses plus beaux habits et laisse traîner son Dibâj(Drap en soie)
Al-harrâq écrit alors sur le même Bahr et sur la même gamme musicale concernant
les sens soufis : Soit pure avec ton amant il te dévoilera l’éclat de ses
lumières et tu auras de sa beauté un signe
Il utilisait aussi
les poèmes d’Ibn Al-fârid et Shusturi et tissait à leur refrain ses chants.
Dans sa Zawiya de Tétouan qu’il construisit juste avant sa mort on utilisait
les plus beaux instruments arabo-andalous et les oiseaux qu’on amenait de
l’Afrique noir.
Al-harrâq est
considéré comme un grand orateur en matière de soufisme, il clarifie la notion
de « Al-hulul wa Al-Ihlâl » l’union et l’unicité de l’univers qu’on développera
dans le chapitre concernant son éducation. Même ses poèmes, en plus de leurs
messages éducatifs entendaient rapprocher la compréhension des notions les plus
ambiguës du soufisme. On a de lui quelques manuscrits : ses commentaires sur la
Mashîshiya, un commentaire sur les sagesses d’Ibn A‘ta Allah qui est imprimé,
des lettres à ses disciples rassemblées par son disciple Muhammad Al-‘arbi
Ad-dilâî dans son ouvrage : « An-nur Al Barrâq Fi At-ta‘arîf bi Sheikh
Al-harrâq » Manuscrit numéro 44 à Tétouan où il décrit la biographie de son
maître Al-Harrâq et ses stations en soufisme; traité de Jurisprudence
exceptionnel(Fiqh An-nawâzil) sous forme de questions et réponses, rassemblé
par son grand et célèbre élève Al-Mahdi Ben Al-qâdî. Al-harrâq est mort le 25
août 1845 (21 du huitième mois de l’hégire (Sha‘abâne) 1261) à Tétouan et fut
enterré dans sa Zawiya près de Bab Al-maqâbir.
An-nûr Al-lâmi‘a Al Barrâq Fi Atta‘arîf bi
Sheikh Al Harrâq : Avant propos:
Al ‘Arbi Adilâî
décrit son maître dans cette ouvrage : « Il était le modèle, la lumière et
l’argument de l’Islam, le maître de la Tariqa et la langue de la vérité,
descendant du prophète par le sang et par l’éducation spirituel (le sirr).
Savant des deux sciences (ésotérique et exotérique), le pôle seigneurial. Imâm
pieux et « majestueux », il possédait un grand savoir dans la science de la
religion (de l’extérieur) et dépassait ses contemporains dans la science du
Hadîth, de l’interprétation du Coran et dans la logique (Al-Mantiq). Quant à la
littérature et la poésie, Al-harrâq était sans égale et excellait
merveilleusement en musique, il a même créé une musique unique dans le genre,
comme en témoignaient ses contemporains. Dieu a voulu parfaire l’éducation
d’Al-harrâq en lui procurant la science de l’intérieur pour qu’il soit une
miséricorde sur terre et un exemple pour les fidèles. Il était une lumière qui
éclairait le chemin des égarés et un nuage de miséricorde qui pleuvait de
sciences. Il a explicité les secrets de la science soufie métaphorique (Ishâra)
et l’a simplifiée pour qu’elle soit accessible (en sens) à tout le monde. Il a
fondé sa voie sur quatre piliers : l’invocation (Dhikr), le rappel (les cours
donnés dans l’assemblée du Dhikr), la science et l’amour. Il conseillait
toujours de faire le Dhikr abondamment et disait : je n’ai pas vu une chose
aussi utile pour le cœur orienté d’un disciple sincère que le Dhikr. Il disait
aussi : j’ai réussi dans la voie de Dieu (bonne guidance) par « la porte » de
la grâce divine (Al-fadl) ainsi je ne guide que vers cette porte… Al-harrâq
était très généreux, il n’hésitait pas à communiquer ses états et ses sciences
au point qu’il faisait parvenir à Dieu par une seule rencontre celui qui avait
la prédisposition nécessaire. Il était humble et doux avec tout le monde au
point que celui qui s’assoie à ses côtés était si fasciné qu’il souhaitait
rester dans cette position toute sa vie de part ce qu’il goûte en sa compagnie
et de ce qu’il ressent comme états d’amour et de présence divine. Al-harrâq
avait un très beau visage, mais ses compagnons n’osaient pas le regarder en
face par pudeur et en raison de la majesté qui se dégageait de lui. Quand le
maître parlait, ses yeux brûlaient de lumière et il était dans un état sublime
et d’une beauté indescriptible. Et l’on n’avait jamais entendu d’aussi douces
et fines expressions jaillir du cœur d’un amoureux de Dieu et de Son prophète.
Il s’habillait et mangeait humblement, et donnait de ses biens aux pauvres et
nécessiteux et disait : la Himma (l’aspiration divine) élevée est celle qui ne
se satisfait que d’Allah. Il était très sociable et vénérait tout le monde en
les nommant par le titre honorifique de « Sidi ». Il insistait sur la rigueur
dans les pratiques et disait : suivez les gens sérieux et rigoureux. Il
encourageait les travailleurs et les incitait à faire encore plus et s’avancer
sans regarder ce qu’ils ont fait[19] , il disait : le cœur est voilé du regard
de Dieu s’il détourne son regard vers un atome du bas monde…. »
La rencontre
enchantée (An-nûr Al-lâmi‘a Al Barrâq Fi Atta‘arîf bi Sheikh Al harrâq : 1er
chapitre)
Le complot contre
Al-harrâq montre en fait très clairement la crise d’éthique dont souffrait le
Maroc et que les savants de la loi et les juristes étaient particulièrement
orientés vers le matériel et la réputation et que les valeurs de l’Islam (les
valeurs humaines vertueuses) ont été complètement perdus. Après son exclusion
injuste Al-harrâq, pendant sa maladie, invoqua Dieu : « Gloire à toi ô Allah !
À quoi sert la science et la réputation si elles ne guident pas vers Toi et ne
permettent pas Ta connaissance ; je jure par Allah s’il me guéri et me prête
vie je rentrerai à la voie des gens de Dieu (Tarîq Al-qawm), je T’invoquerai
jour et nuit et me réfugierai auprès de Toi, pourvu que tu me procure la
science utile et l’ouverture. » Une fois guéri ses étudiants fidèles vinrent le
voir pour avoir de sa science, il refusa et leur proposa de leur enseigner les
sagesses d’Ibn ‘Ataa Allah, et comme Al-harrâq était officiellement interdit
d’enseignement, les disciples de Sidi El‘arbi Derqâwî lui proposèrent
d’enseigner dans leurs Zawiya qui était hors contrôle de l’état. Cette
rencontre avec les soufis n’était pas la première car Al-harrâq avait rencontré
le grand savant soufi Ibn ‘Ajiba quand il était encore Imâm de la mosquée de Tétouan,
Ibn ‘Ajiba lui donna cadeau son interprétation du Coran « Al-Bahr AlMadîd Fî
Tafsîr Alqoraâne almajîd », Al-harrâq le lui rendit après quelques jours sans
le lire en disant poliment à Ibn ‘Ajiba : « c’est une très bel œuvre ». En
fait, il s’est abstenu de lire les arguments d’Ibn ‘Ajiba car le cadre des
savants à l’époque était hostile au soufisme et Al-harrâq tenait à rester
neutre et savait que s’il lit à Ibn ‘Ajiba il va être obligé de se mettre au
rang des soufis contre les savants qui ignoraient la vérité sur les soufis. Le
moment venu Al-harrâq s’adonne au soufisme car il eut la certitude que les gens
n’épargnent personne et qu’il devait suivre la vérité sans se soucier des
conséquences . Selon Le Mouqaddam de la confrérie d’Al-Harrâq à Tétouan
Abdallah Mrîr dans son ouvrage « An-na‘îm Al-muqîm» : « un jour alors que le
grand maître Moulay El ‘arbi Derqâwî était réuni avec son grand disciple Sidi
Muhammad Al-Buzîdî à la mosquée d’Al Qarawiyyîne à Fès, il lui dit : «
j’aimerai tant que nous ayons au sein de cette confrérie deux grands savants de
la science exotérique pour défendre le soufisme contre les détracteurs », son
disciple répondit alors « quant à moi j’ai trouvé mon compagnon « il s’agissait
du grand savant Ibn ‘Ajîba qui a embrassé le soufisme et la confrérie Derqawiya
grâce à Sidi Muhammad Al-Buzîdî » » Moulay El‘arbi Derqâwî trempa alors son
doigt index dans l’eau comme s’il péchait et révéla qu’il allait trouver son
compagnon après la mort de Muhammad Al-Buzîdî. Les jours passèrent, Ibn ‘Ajiba
mourut et juste après lui Muhammad Al-Buzîdî. Le grand maître Moulay El ‘arbi
Derqâwî se rendit à Ghmâra pour les obsèques de son grand disciple Al-Buzîdî,
il ordonna à ses disciples de préparer un cheval et de l’amener à Tétouan, ils
furent pris d’étonnement, encore plus qu’une fois à Tétouan, la bête ne
s’arrêta que près de la maison d’Al-harrâq qui était situé près de la Zawiya
des Derqawa, Al-harrâq compris alors que c’était un message pour lui, il pris
ainsi le cheval et se dirigea vers la rencontre tant attendue du Sheikh Moulay
El ‘arbi Derqâwî. Une fois chez le Sheikh il fait ses ablutions et se détacha
de sa science et ses connaissances pour recevoir la nouvelle science de son
maître, il fit ainsi la même chose qu’avait fait avant lui Abûu Al-hasan
Al-shâdhilî quand il s’était rendu auprès du grand maître le pôle Moulay
‘Abdessalâm Ibn Mashîsh, sans connaître cette histoire qui lui sera racontée
par la suite par son maître El ‘arbi Derqâwî et qui constitue en fait une
tradition d’ordre obligatoire chez les shâdhilî. Après la chaleureuse rencontre
entre les deux hommes, une femme est venue voir Moulay El‘arbi Derqâwî et lui
offra un jus sucré qu’il but et laissa le reste à Al-harrâq. C’était le signe
de l’héritage du secret de son maître ! après, le maître dit : « vois-tu
Al-harrâq , le maître parfait est en même temps en plein ivresse et en plein
éveil, en extrême « Jadhb »(terme soufi qui désigne un éperdument dans les sens
du divin) et en extrême « Sulûk » (terme soufi qui désigne l’accomplissement et
la maîtrise des états) , en extrême « Fana »(l’absence(extinction) dans Dieu)
et extrême « Baqâa »(la présence avec Dieu) » Al-harrâq ne comprenant pas les
propos de son maître, répliqua poliment et en toute humilité : « Il m’est
apparu, ô mon maître à cause de mon incompétence intellectuelle et ma
compréhension bornée, qu’il serait impossible de réunir des concepts aussi
contradictoires ! » alors El ‘arbi Derqâwî lui dit « le prophète (sur lui la
paix) a dit : « Dans le royaume d’Allah le tout puissant, il y a un ange dont
la moitié est en glace et l’autre moitié en feu qui invoque son Seigneur en
disant « Ô Allah toi qui a réconcilié la glace et le feu : ni la glace éteint
le feu et ni le feu fait fondre la glace , réconcilie ô mon seigneur entre les
cœurs des croyants » ». Al-harrâq compris alors, par une grâce divine, qu’il
s’agit de l’ivresse intérieure (Bâtine) et de l’éveil extérieur… Qu’il
s’agissait de respecter la Sharî‘a qui consiste à assumer les responsabilités
mondaines, tout en étant avec Dieu et détaché par le cœur de ce bas monde...
Ensuite, le maître lui enseigna les pratiques de la voie (Al-wird) et
l’autorisa à la communiquer sans lui imposer (ou poser) la moindre condition,
qu’elle soit d’ordre vestimentaire ou comportementale : comme le fait de faire
la mendicité pour détruire l’ego, (chose qui était courante à l’époque), ou de
partir en retraites spirituelles prolongées (Al-khalwa )….Il lui conseilla
avant de le quitter d’invoquer Dieu abondamment (avec la formule « La Ilâha Illa
Allah » « il n’y a pas de divinité si ce n’est Allah ») , d’unir les cœurs des
disciples en Allah sur la bonne parole et d’agir en toute sincérité (Ikhlâs: la
pureté de l’intention). »
Bref sur son éducation à travers la traduction de ses
lettres pour ses disciples, ses sagesses et ses commentaires sur les Hikam
(An-nûr Al-lâmi‘a Al Barrâq Fi Atta‘arîf bi Sheikh Al harrâq : 1er et 2éme
chapitre)
Après sa rencontre
avec le pôle, Al-harrâq s’installa à Tétouan son cœur empli d’une science rare,
ses activités d’enseignements prennent une dimension spirituelle très profonde
qui arrive à toucher même l’élite des savants de Fès. Sa parole s’adoucit et
s’embellit par l’amour de Dieu et de Son prophète. Ses discours sont orientés
vers une réforme totale du soufisme[20] s’appuyant sur le Coran et la Sunna du
prophète pour purifier le cœur et l’embellir des bons caractères et ce en
procédant par étapes :
•Invoquer Dieu
abondamment (Dhikr)
•Aboutir ainsi à sa Connaissance (Al-ma‘rifa)
•l’amour de Dieu (Al-Mahabba) dû à cette connaissance qui
est aussi une forme de gratitude envers lui. Cette amour évoluera en fonction
du dévoilement (Raf‘ Al-hijab) de la Beauté (Al-jamâl) du Bien –Aimé et ses
bienfaisances (Al-Ihsân) au serviteur
•Le bon comportement (Husn Al-mu‘âmala) « résultat direct
de cet Amour» avec les créatures et avec le Créateur en considérant que dans
chaque créature quelque-soit sa race ou sa religion il y a « le souffle de Dieu
» « An-nafkha » selon le verset du Coran : « et Il(Dieu) lui insuffla (à l’être
humain)de Son esprit» (ce qui correspond dans le soufisme à la station
d’observance(Al-murâqaba) c’est à dire avoir la conscience que Dieu est
toujours présent et observe les actes du serviteur, donc celui-ci ne peut
qu’être en permanence en conformité avec la loi (Ashari‘a) et s’abstenir de
tout caractère blâmable. D’autre part le serviteur se voit vénérer « l’être
humain » en le considérant comme le souffle de Dieu et l’héritier élu par Dieu
sur la terre.
•La liberté (Al-hurriyya « Muharraran » selon le terme
coranique) qui veut dire le détachement de tout ce qui n’est pas Dieu
(As-siwâ), ainsi ce bas monde devient tout simplement un pont vers l’au-delà
qui sera la vrai vie éternelle pour laquelle il faut s’approvisionner
(At-tazawwud selon le terme coranique) essentiellement de piété (At-taqwâ).
•Le serviteur méritera ainsi l’amour de Dieu pour lui et
son acceptation parmi ses amis (Walis). Et c’est à partir de là que commence la
station de l’Amour vrai et pure qui n’a pas de fin et qui est une grâce divine
et un secret que seul l’élu de l’élite peut comprendre les sens.
Sa lettre pour le sultan ‘Alaouite Aderrahmâne Ibn Hicham
après la mort de Moulay Slimane :
Le choix de cette
lettre est important car elle nous trace la relation de ce soufi avec le
pouvoir en place et permet de voir que le soufi a aussi son action politique et
son rôle essentiel de conseiller.
Al-harrâq était un
grand partisan de la royauté garante de la sécurité, la stabilité et l’union du
pays, il a même été emprisonné et expulsé de Tétouan quelque temps au cours du
coup d’état contre le Sultan Moulay Slimane. Il revint après l’élection du
Sultan Abderrahmâne Ben Hicham pour s’installer à Tétouan, il écrit à ce Sultan
: « louange à Dieu et prière sur son prophète … saches notre bien-aimée
souverain et shérîf (descendant par le sang du Prophète Muhammad) que j’ai reçu
de tes bonnes nouvelles…elles montrent votre degré de sainteté, car rare sont
ceux que le pouvoir et son éclat n’a pas détourner le cœur de Dieu. Mon cœur
avait senti bien avant qu’on me parle de vous votre présence avec Dieu que Dieu
m’avait dévoilé sans que je le veuille, ce que reçoit le cœur en fait, est
confirmé par le témoin de la sagesse car si le cœur est confiant et rassuré de
son seigneur au moment de la réception « de ses messages » le témoin « ashâhid
» les reçoit avec une certitude. Le prophète a dit : « le croyant est le miroir
de son frère » on comprend par -là que le cœur du croyant reçoit l’image,
l’état, les univers et les mondes dans lesquels vivent ses frères et bien aimés
au point qu’il est presque présent avec eux. C’est la prédiction du croyant «
Firâsatu Al-mûmin ». Quand j’ai senti la certitude profonde de la bienveillance
jaillir sur les langues par son apparition dans les univers, j’ai été poussé
par le sentiment de porter ma main vers vous pour vous aider fraternellement et
vous adresser mes conseils dans le soucis de vous servir car le pouvoir est un
grand mal. Les musulmans ont besoin de gens comme vous, votre guidance implique
la guidance de la communauté. On aimera de vous, que Dieu vous compte parmi ses
bien-aimés, que vous continuez à vous dévouer dans l’adoration afin que Dieu
vous inspire de ses qualités seigneuriales. La gratitude est un acte et n’est
pas une simple parole. Dieu a mis le secret des choses contradictoires
(al-addâd) dans les choses contradictoires : le secret de la grandeur est dans
l’humilité, qui s’abaisse Dieu l’élève…Celui qui possède (ou qui croit avoir)
les qualités basses (misérables) ne pourra que s’enrichir des qualités suprêmes
jusqu’à ce qu’elles l’inondent, il se croira ainsi le plus misérable tout en
étant en réalité le plus riche et noble (en caractères). Tu t’imprègneras de la
réalité selon ton comportement, si tu t’humilies elle sera plus accessible. Il
(Allah) est avec vous où que vous soyez . Ton aptitude à voir la vérité «
Al-haqîqa » et ton état dans cette vérité seront exactement similaires au
regard et à l’état que l’univers te procurera : si tu accomplis Ses devoirs
dans la mesure de ton possible en considérant ton impuissance et ta faiblesse
humaine, elle accomplira ses devoirs envers toi dans la mesure du possible en
toute grandeur, en toute perfection et puissance seigneuriale. En somme, soit
avec Dieu comme Il veut, Il sera avec toi comme tu le veux. « Dieu apporte la
victoire à ceux qui soutiennent Sa cause : O vous qui croyez ! Si vous faites
triompher (la cause d’Allah), Il vous fera triompher et raffermira vos pas » .
Si tu laisses pour Lui ce que tu désires, Il t’épargnera le mal que tu crains.
Si tu t’accroches à Sa loi (Shari‘a), il te dévoilera ta vérité « haqîqatuka »,
Il te fera hériter d’une science que tu n’as jamais connue, d’une compréhension
de ce que tu n’as jamais compris, d’une sagesse que tu n’as jamais prononcé,
d’un honneur « ou une grandeur » que tu n’as jamais imaginé, et d’une victoire
sans hommes ni argents (moyens). Pour chaque station (situation) il y a une
parole, un acte et un état, il faut veiller ainsi à protéger et à montrer ta
gratitude pour chaque bienfaisance divine. Vénère les choses d’Allah dans la
mesure de ton possible, Il te vénérera dans la mesure de Son possible, et toute
chose rentre dans Son possible comme elle est en dehors de notre possible si ce
n’est par Sa grâce et Sa générosité. Et si tu devais sympathiser et te mettre
au côté de quelqu’un que tu crois t’apporter la victoire, met toi du côté du
Roi Majestueux qui peut faire triompher le moustique sur l’éléphant. Sa
victoire te contentera des alliés, car tout l’univers se mettra de ton côté et
t’obéira comme tu Lui as obéi et tu t’es soumis à Lui. C’est pour cela que le
Glorieux a fait que la victoire n’est qu’en Lui (et par Lui) : « la Victoire
n’est que par Allah le Puissant et Sage » . Ainsi si le cœur s’apaise en Lui et
s’unit en Lui (c’est à dire que sa préoccupation devient Dieu uniquement), il
verra les miracles de Sa puissance indépendamment des causes, bien que
celles-ci doivent avoir lieu pour que cette puissance reste discrète. Celui qui
est si incapable qu’il voit que la servitude est dû au Seigneur, Dieu lui
montrera que la seigneurie est indépendante de tout, elle est due à elle-même
et n’a besoin de personne pour s’accomplir. On insiste fortement sur le fait
que tu dois d’abord être juste avec ton Seigneur avant de pratiquer la justice
divine (la loi) sur tes sujets. Je crois que si tu es juste avec ton Seigneur
tu seras une miséricorde pour tout le peuple et un œil de Dieu sur Ses
serviteurs (c’est à dire qu’il y aura une relation d’amour et d’affection entre
le peuple et le monarque). Ceci était mon devoir de conseil à ton égard,
j’espère que Dieu t’ajoutera de ses biens. Prie pour nous et à Dieu de te
récompenser. Votre dévoué, le plus misérable de l’univers qui a besoin de Sa
Miséricorde, Muhammad In Muhammad. »
Cette petite
lettre montre aussi bien le courage de Al-harrâq que sa sincérité, sa sagesse
et son dévouement pour servir les autres. Il est aussi franc que généreux
puisqu’il donne ses précieux conseils et son éducation à tout le monde sans
distinction : des plus démunis jusqu’au roi. On peut aussi voir les bases de
son éducation qui témoignent d’un savoir profond aussi bien en sciences
exotériques qu’en sciences ésotériques, à partir de ses lettres envoyées à ses
disciples (Fukaras) de Fès :
Une lettre envoyée à son élève Muhammad ben
Attâleb ben Suda de Fès
Le choix de cette
lettre est stratégique car ce disciple est de Fès qui était à l’époque un
centre de rayonnement culturel et spirituel, on retrouvera en plus les mêmes
enseignements dans toutes les autres lettres : c’est une lettre modèle à notre
avis, qui résume l’essentiel de son éducation.
«Louange à Dieu et
prière sur son bien aimé Prophète, on Te loue des plus belles louanges pour la
beauté de Ta création, et on Te remercie pour Ta grâce, et on témoigne que Tu
es Allah qui brise les habitudes et étale Tes biens et Tes richesses sur tout
le monde et chacun prend selon ses capacités, et selon ce que peut assimiler
son intellect, Tu as créé dans la perfection toutes choses au point qu’aucune
pensée ne peut contenir les merveilles de ton œuvre. Tu as montré la vérité
unie entourée des différences : Tu as permis à l’être humain de sentir et
goûter des choses différentes et Tu as diversifié ses sens et sa vision du
monde sensible. Entre ceux qui prétendent- en se limitant à l’interprétation
extérieur (Az-zâhir)- que l’être humain crée ses actes, et ceux qui prétendent
-en se limitant à l’interprétation intérieur (Al-bâtin)- que l’être humain est
contraint et n’a aucune volonté, Il y a ceux qui préfèrent fuir le danger des
pensées humaines en disant que l’être humain est contraint dans le cadre du
choix en étant voilé par l’existence éphémère et absent du néant qui accompagne
les accidents. En fait, si les choses existaient réellement (par elles même),
elles seraient indépendantes... Tu as caché ce que Tu as montré, et Tu as
protégé ce que tu as caché par tes secrets qui ne sont connus que par les élus
par Ta grâce… Le prophète paix et bénédiction sur lui a dit : « Le croyant est
le miroir de son frère », cette parole chez les gens de l’extérieur veut dire
que le croyant regarde les états de son frère, chez les gens des sens (ou de
l’intérieur) cela veut dire et « Dieu seul est savant » que le croyant reçoit
dans son for intérieur l’image, les états et les mondes de son frère en Allah.
Au point que même si celui-ci est absent physiquement, il y a une connexion des
esprits entre ces deux personnes dans le monde caché qui ne contient pas de
voiles. Ce contact des esprits est dû au fait qu’Allah a vu ces deux personnes
d’un regard uni qui a fait qu’elles se sont conciliées et aimées. C’est à ce
sens que le Prophète (paix et bénédiction sur lui) a fait allusion quand il
s’adressa à ses compagnons : « Par Allah ! Je vois votre prosternation (Sujûd),
votre inclinaison (Ruku‘) et votre humilité (khushu‘)». Et vous, nos biens
aimés, même si vous êtes absents, on est toujours avec vous et on voit –louange
à Dieu - vos silhouettes et vos images dans notre cœur et parfois même par le
dévoilement. On est content d’apprendre que vous n’épargnez pas d’efforts dans
la voie de Dieu et que vous assistez régulièrement aux assemblées des
invocations «Dhikr ». On aimerait que vous soyez en rangs serrés « marsus »
dans les assemblées du Dhikr : c'est-à-dire que vous le faites en étant unis,
comme s’il s’agissait d’un seul cœur et d’une seule langue, sans se précipiter
pour garder la présence avec Dieu. Il faut persévérer sur l’état de servitude
pour que vous vous imprégniez des attributs et des qualités divines. La
présence avec Lui est conditionnée par l’absence par rapport à tout ce qui
n’est pas Lui. Sachez mes frères que cette subtilité lumineuse « particulière à
l’être humain » n’a d’origine que le cœur, elle est en même temps « codée »
(mutalsama) et voilée par les cercles du sensible (Al-hiss) issue du monde du
corps. Au fur et à mesure que ces cercles disparaissent et se dégagent, on
arrive à l’éveil spirituel, la science s’étale (augmente) et les théophanies ou
les inspirations lumineuses deviennent de plus en plus fortes….Comme la source
d’eau qui est freinée dans son écoulement par les herbes sauvages (au fur et à
mesure qu’on élimine les herbes sauvages (les voiles qui entravent le
cheminement) l’eau peut couler librement et en abondance)… Les gens sont à des
degrés différents quant à cet éveil du cœur et à cette vision ou conscience
(Idrâk) … Il y a ceux qui n’arrivent pas à dégager les voiles et ne voient en
conséquence que l’extérieur de toutes choses. Et parmi ceux qui sont arrivés à
dégager ces voiles et ces cercles du monde sensible il y a deux sortes : ceux
qui grâce à ce dégagement sont parvenus à comprendre très vite toute chose du
monde sensible…et ceux qui sont arrivés à dégager ces cercles jusqu ‘à faire
parvenir la lumière au monde du cerveau : c’est les gens dont la compréhension
est lumineuse et qui naviguent dans l’océan des sens subtiles du monde
sensible. C’est la limite supérieure que peut atteindre les gens de l’extérieur
(ahlu az-zâhir) : car ils se sont limités aux choses concrètes (condensées) en
s’arrêtant à la contemplation extérieur. Il y a des gens que Dieu a assisté et
fortifié par l’abondance de Son invocation et la compagnie des invocateurs et
des maîtres spirituels jusqu’à qu’ils dépassent leur nature et les limites de
leur vision sensible…Ils arrivent alors à faire jaillir cette lumière au-delà
du monde du cerveau pour naviguer dans le monde de la lumière. Ils sortent
ainsi de l’existence étroite au vaste espace du « Shuhûd » (vision réelle).
Tout ce qui est créé dans les deux demeures est un corps, une simple image, le
disciple doit détacher son intellect de sa vision. Le rayonnement du cœur
intelligent (basîra) fera constater au disciple Sa proximité (de Dieu), l’œil
même de cette intelligence lui fera constater sa non existence (‘adam) en face
de Son Etre, et l’essence même de cette intelligence le rendra témoin de Son
Etre. Il ne verra alors ni sa propre existence, ni sa non-existence………. »
Celui qui vous
aime et vous vénère Muhammad Ibn Muhammad
Lettre de l’Emir
‘Abdelqader d’Algérie pour le maître :
C’est une réponse
aux lettres d’Al-harrâq par le prince algérien l’Emire ‘Abdelqader (héros de la
résistance algérienne). Al harrâq s’occupait des affaires des musulmans et
encourageait ceux qui militaient pour la liberté. Nous ne disposons pas de ses
lettres pour le prince ‘Abdelqader.
«Louange à Dieu et
prière sur son Prophète, au juriste agréé et maître modèle des gens de la foi
et de l’Islam Sidi Al-harrâq, ta lune est lumineuse et ton soleil brille
toujours… On sait que vous vous occupez de notre situation avec les colons et
vous attendez nos nouvelles, -il site les morts et les prisonniers des deux
côtés- on a résisté et on résiste encore autour de la ville d’Umm‘Askar où les
combats se poursuivent sans relâche, l’ennemi utilise une cinquantaine de
canons et on le combat grâce aux chevaux. L’ennemi brûlait ses morts pour les
cacher et montrer qu’il prend le dessus…On a pris beaucoup de butin surtout des
armes…Il y a eu dans notre camp 1500 blessés, et personne ne va céder ou trahir
notre cause. Tout ce qu’on a eu de succès et de bien c’est par votre
bénédiction, votre prière et votre satisfaction. Priez pour nous. » Le Hâdj
‘Abdelqader, le cinquième mois de l’hégire 1257 .
Le testament d’Al-harrâq
Quand Al-harraq
sentit sa mort approchée, il écrit son dernier testament : «Louange à Dieu,
après avoir attesté à Allah l’unicité et l’omnipotence, et l’unique vérité
existentielle, l’humble serviteur demande à son Seigneur de l’agréer comme
esclave car il L’avait agréé comme Maître. J’atteste à Son prophète- notre seigneur
Muhammad prière et salut sur lui- le message universel et qu’il avait
communiqué le message comme cela lui a été ordonné. Si Dieu me prend à Ses
côté, je déclare que le tiers de mes biens fonciers doit être réparti comme
suit : Une partie servira pour abolir mes servantes Zayd Al-khayr, Satra,
Mubâraka, Yâqûta et son fils Saïd… Ils seront libres et auront les mêmes droits
et devoirs que tout autre musulman. Une partie servira aux expiations petites
et grandes….au financement de mes funérailles, à l’achat de mille pains et le
reste sera versé aux pauvres et nécessiteux. On donnera de ce tiers cinquante «
wasaq » au savant pieux et vertueux, notre représentant à Fès, Sidi Lakhdar
Al-saj‘î, et - il cite d’autres noms de savants et de juristes connus à l’époque
à qui il va léguer des sommes d’argents en reconnaissance à leur égard et par
amour pour eux -…Cinquante wasaq seront donnés aussi à ma sœur Tâhira ; à ma
femme qu’on va quitter on donnera vingt wasaq. Ma petite maison dite «
al-quwâtî » et ma grande dite « al hadâr » à Fès seront arrêtées « habs » et
consacrées perpétuellement à l’invocation de Dieu. On donnera des revenus de
ces deux maisons un salaire à deux personnes qui liront sur ma tombe onze fois
la Sourate al- ikhlâs, ils liront : « O Allah prie sur Ton Prophète sa famille
et ses compagnons », ils invoqueront cent fois « lâilâha illaallah », et le Nom
suprême « Allah » cinq cent fois, et ils diront : « O Allah pardonne à Muhammad
Al-harrâq » cent fois. Ils feront cela le matin et le soir : après la prière du
Subh et après celle du coucher du soleil. Le reste des revenus des maisons
servira à acheter du pain chaque mois, qui sera distribué chaque jeudi aux
pauvres en commençant par mes proches. -Il désigne par la suite les
représentants « nâibûn » qui vont assurer la suite de son éducation à Tétouan,
à Fès, à l’ouest du Maroc et dans d’autres régions -, - il cite aussi les
témoins sur son testament -. » Enregistré chez le juge de Tétouan de l’époque.
Ce testament montre une fois de plus la générosité de cet homme, sa justice, et
son dévouement pour son Seigneur. Il montre surtout que le vrai soufi est celui
qui sert son prochain, se met à son service en ayant le meilleur comportement.
Ce testament montre que les gens de la vérité sentent les choses qui viennent
de l’au-delà puisque peu après cette lettre ce maître va rendre l’âme à Son
seigneur.
Son interprétation de la Salât Al
mashîshiyya
Cette prière fait
partie du patrimoine soufi universel, elle est récitée par les adeptes de
toutes les Tariqa du monde musulman et dans plusieurs mosquées jusqu’à nos
jours. La version arabe de cette invocation due au grand pôle Sidi ‘Abdessalâm
Ibn Mashîsh :
Cette prière
constitue un rite important dans la voie d’Al-harrâq comme dans la voie
Shâdiliyya de base. Il dit en expliquant cette prière[21] : « Allahumma
correspond à Yâ Allah en éliminant le Yâ et en ajoutant le Mîm, c’est un Nom
englobant l’essence divine et tous les attributs de Sa grandeur. C’est le Nom
suprême chez le commun des connaisseurs.
Salli, la prière
sur le Prophète est de la part de Dieu une miséricorde, de la part des anges
une demande de pardon et de la part des serviteurs une prière pour implorer Sa
miséricorde. La miséricorde est une finesse (une subtilité), une sensibilité et
une faiblesse du cœur. Par rapport à Dieu, il est impossible de la comprendre
de la sorte, c’est plutôt la grâce et les bienfaits envers le Prophète (paix et
salut sur lui). Ces bienfaits et cet élitisme sont spéciaux à l’égard du
Prophète et ne peuvent être égalés par aucun de Ses bienfaits envers les autres
créatures. Le Prophète est la lumière de l’existence et est l’origine de toute
chose créée et existante. L’existence d’une chose est une miséricorde pour
elle, par conséquent le Prophète (paix et salut sur lui) est la miséricorde
pour les univers et une guidance pour les croyants. Dieu a même fait du
Prophète l’intermédiaire et la liaison, car sa station est inconnue, sa
noblesse et sa grandeur ne seront jamais égalées par aucune des créatures.
Inshaqqat -qui
veut dire fendre ou émerger – c’est-à-dire de sa vérité (celle du prophète : la
vérité Muhammadienne) lumineuse qui provient de la vérité de Son essence s’est
répandue les secrets (Asrâr sing. Sirr) dans les secrets (les cœurs) des
gnostiques et les états spirituels des réalisés. Le sirr est ce qui est profond
de vérité subtile et éternelle. Cette vérité englobe toutes les vérités : de
l’Essence, du Nom et de l’Attribut : elle est ce qui existe dans l’existence
au-delà du temps, de l’incarnation (al-hulûl) et de tout ce qui ne se mesure
pas à elle.
Infalaqat veut dire apparaître de Son essence et de Sa
vérité de par la constitution de sa beauté.
Al-anwâr –les
lumières – c'est-à-dire les attributs de l’existence (création) (al-takwîn)
sont apparus grâce à la vérité Muhammadienne. Ce sont les lumières qui montrent
la voie vers l’essence, à travers elles, Dieu guide celui qu’Il veut guider
vers la connaissance de ces secrets qui émanent du secret Muhammadien qui
englobe les secrets de l’univers.
Irtaqati- ce verbe
exprime l’élévation et la grandeur qui n’admet pas la comparaison et qui est
au-dessus de tout car elle se diversifie et prouve la perfection de la
puissance au regard de la sagesse.
Al-haqâiq –les
vérités- quelque-soit ces vérités, elles sont toutes issues de la vérité
Ahmadienne. Il est, paix et salut sur lui, le flambeau qui illumine toutes les
lumières et le minerai à partir duquel tous les secrets ont été constitués.
Tanazzalat ‘ulûmu âdama [22] : ce sont les noms qui constituent la beauté Muhammadienne,
sa vérité et son essence. Il n’y a pas de nom qui ne coïncide pas avec une de
ses lumières essentielles ou avec une manifestation de ses attributs. C’est
dans ce sens que le poète[23] dit : « Pour toi (o Muhammad) a été révélé
l’essence des sciences de la part du Connaisseur des secrets et parmi ces
sciences les noms que Dieu avait appris à Âdam ». C’est lui -paix et salut sur
lui- la vérité qu’on a appelé par ces noms. Il connaissait les noms que Dieu
avait révélé à Âdam et il connaissait en plus l’utilité, les qualités de ces
noms et d’autres sciences que lui seul pouvait connaître.
Fa a‘jaza
alkhalâiq : c'est-à-dire les créatures ont été réduites à l’incapacité et
l’impuissance. Ils ne peuvent percevoir sa vérité englobant les vérités universelles.
Il est le secret caché par la présence de la création qui constitue le grand
voile visualisant la différence. Sa grande station dépasse ce que peut
atteindre l’intellect, elle est le voile de la vérité.
Tadâalati : ce
verbe évoque aussi l’impuissance et l’imperfection.
Al-fuhûm :
masculin de fahm –la compréhension- c’est la lumière subtile qui permet la
compréhension consciente, c’est dans ce sens que l’auteur de la Burda (le
manteau) dit : « Comment des gens insoucieux qui sont distraits à cause de
leurs rêveries pourraient comprendre sa vérité ! » Si les compagnons eux même,
bien qu’ils furent la meilleur communauté et que leur station fût grande, n’ont
pas pu voir en Gabriel (paix et salut sur lui) que la beauté de Dihyata
Alkalbî[24] , comment alors quelqu’un pourrait comprendre la réalité de
Muhammad (paix et salut sur lui) ?! Il est le secret protégé par l’Essence et
l’origine de l’existence des créatures des cieux et de la terre…
Sâbiqun : nul
parmi les précédents ne peut connaître son secret. Il est l’Imâm qui devance
les mondes car il est l’origine et l’explication (subtile) du monde apparent.
Wa lâ lâhiq :
Malgré sa manifestation apparente, nul parmi ceux qui sont venus après ne peut
comprendre sa vérité. Il est la lumière à laquelle sont rattachées toutes les
lumières par sa lumière et il est la dernière lumière. Il était le premier à
être créé, le dernier à être envoyé, le premier qui sera ressuscité, le plus
noble des créatures et l’intercesseur.
Firiyâdu : les
paradis ou les jardins,
Al-malakût : Son
royaume,
bizahri jamâlihi :
c’est le monde de lumière qui jaillit du monde de l’essence vers le monde des
Noms et des Attributs.
Mûniqa : qui plait
à tous ceux dont l’œil du cœur n’est pas voilé et dont la lumière du secret
intime brille. En tant que vérité immuable, Dieu Se déploie (théophanie) dans
le monde à travers Ses signes : Son signe le plus grand est la vérité de la
beauté Muhammadienne. C’est un déploiement infini d'une Création qui repose sur
la "Compassion" divine (ar-rahma).Riyâdu est utilisé ici pour faire
allusion à son essence et zahri (fleurs ou parfums) est utilisé pour faire
allusion à la manifestation de ses attributs : c’est le guide vers l’Essence
divine, et la preuve de Sa perfection, par l’apparition des attributs et la
clarté des signes.
Hiyâdu (sing.
Hawd) c’est le réservoir ou le bassin où l’eau se rassemble pour irriguer les
jardins. Cela fait allusion à la vérité essentielle source de toutes les
vérités qui donne la vie.
Al-jabarût : les
secrets de Son Essence (Monde de l’omnipotence et des lumières originales). Ce
monde jaillit (émane) de la lumière de l’existence cosmique (takwîniyya). Il
concerne ce que Dieu a octroyé à son élu Prophète (paix et salut sur lui), de
puissance et de volonté.
Anwârihi : ses lumières
essentielles Mutadaffiqa : ces lumières jaillissent par une force et une
abondance.
Wa lâ shay’a :
Toute chose dans les univers.
Illâ wa huwa bihi
manût : est liée à lui car il en est l’origine. Toute chose dans les univers
est une branche et une conséquence de son existence principielle et
essentielle. Idh lawla al-wâsitatu : l’intermédiaire et le moyen qui est
Muhammad.
Ladhahaba kamâ
qîla al-mawsût: Si ce n’étais pas toi ô Muhammad qui est l’intermédiaire, toute
chose (al-mawsût) ne serait pas créée et serait anéantie (idmahallat). Ceci est
une chose admise par les savants exotériques et ésotériques et reconnue par la
logique et la tradition (révélée). Les choses ne seraient pas sorties du néant,
si tu ne devais pas être créé.
Salâtan talîqu :
une prière qui honore son rang élevé…
Bika minka ilayhi
kamâ huwa ahluhu : de Toi vers lui car Tu possèdes la science ancienne et
personne ne peut connaître son rang hormis Toi.
Allahumma innahu
sirruka aljâmi‘u : Il est Ton secret subtile, et il est la synthèse de la
lumière de Ta beauté,
Ad-dâlu : qui
s’étend et se répand pour guider vers Toi : par la parole, l’état, l’essence et
l’aspiration (himma).
‘alayka : vers
l’essence des secrets de Son Essence (Monde de l’omnipotence et des lumières
originales) qui se manifeste dans le Malakût (le Royaume).
Wa hijâbuka :
c'est-à-dire le voile (Muhammad) que Tu as mis pour « voiler » Ta Gloire et Ta
Grandeur sublime, car Tu es Le Superbe, Celui qui se magnifie (Al-Moutakabbir).
Personne ne pourra ainsi parvenir à Ta connaissance sauf par une providence
(‘inâya) venant de Toi. Tu T’es voilé par Ton dévoilement, car même en état de
voile, Tu es Le plus apparent parmi toute chose par Tes signes évidents dans
les univers.
Al-a‘azam : Ce
voile a montré Ta puissance dominante et Ta sagesse manifeste. Tu as montré le
point de l’unicité dans la diversité des choses contradictoires. Tu as montré
la manifestation de la proximité à travers les enceintes de l’éloignement. Tu
es ainsi L'Extérieur, l'Apparent (Az-Zahir) par ce qui Te cache, et Tu es
L'Intérieur, le Caché (Al-Bâtin) par Ta manifestation. Tu as réalisé la vérité
Muhammadiénne dans tout cela, Muhammad (paix et salut sur lui) est le voile
venant de Toi pour Toi (pour Te voiler) et le guide vers Toi par Ta lumière
première. Al-qâimu laka bayna yadayka : Ce voile est entre les Mains de Ta
Contemplation (shuhûdika). Ne peut se trouver dans la présence de cette
contemplation que celui qui dans la manifestation muhammadiénne, se réalise par
les attributs de la servitude où réside les attributs de la seigneurie. La
confirmation dans la station de la liberté est tributaire de la confirmation
dans la station de la servitude. La servitude est le talisman de la liberté et
la liberté est le secret de la servitude. Celui qui réalise la servitude
jusqu’à ce qu’elle soit pour lui une nature, réalisera sans doute la liberté.
Et Dieu est plus Savant.
Allahumma al-hiqnî
bi nasabihi : O mon Dieu affecte moi à sa filiation lumineuse et argileuse,
afin que je réalise sa vérité et que je tourne autour de son cercle (le cercle
fait allusion à sa vérité) jusqu’à qu’il ne me quitte d’un clin d’œil comme
cela était le cas pour le pôle Sidi ‘Abdessalam Ibn Mashîsh.
Wa haqqiqnî
bihasabihi : Confirme ô mon Dieu mon affectation à sa gloire et son honneur…Il
insinue ici par le « hasab » : le breuvage, le goût et le sens de ses
attributs. C'est-à-dire même si je ne suis pas à la hauteur de son rang élevé,
ô Dieu fasse – par Ta grâce- que je sois réalisé par ses qualités sublimes.
Wa ‘arrifnî iyyahu
: Fais-moi connaître le prophète (paix et salut sur lui). Ma‘rifatan : Une
connaissance globale car la connaissance de l’élitisme du Prophète ne peut être
attribué qu’à Dieu.
Aslamu bihâ : Tu
me prémuniras et Tu me protégeras
Min mawâridi
al-jahl : des sources de l’ignorance et le la méconnaissance de sa valeur.
Cette connaissance qui permet d’éviter la méconnaissance de sa valeur et de sa
faveur se résume dans l’anéantissement (al-fanâ) en lui. Car, si on s’anéantie
en lui on sera présent et vivant par Dieu. Ceci est chez l’élite le plus haut
degré car c’est le signe de la perfection. Abû Bakr avait dit à propos du
Prophète : « J’ai aimé dans ce bas monde trois choses : que je m’assois entre
tes mains, que je dépense mon argent pour toi, et que je prie sur toi
abondamment. » La femme d’Abû Bakr dit un jour à sa fille ‘Âïsha mère des
croyantes : « remercie le Prophète paix et salut sur lui.. »[25] . Omar a dit
après la mort du Prophète : « Je frapperai avec ceci (l’épée) quiconque ose
prétendre que le Prophète (paix et salut sur lui) est mort. »[26] : Les
réalisés perçoivent la présence Muhammadiénne en permanence par la grâce de
Dieu.
Wa akra‘u bihâ :
Je m’abreuve par cette connaissance.
Min mâwâridi
al-fadl : des breuvages de la lumière des bienfaits et de la grâce. La lumière
des bienfaits est la vision contemplative qu’on acquiert par l’effort continu
(al-mujâhada). Sinon, cela ne peut être réellement atteint que par la grâce et
la faveur purement divine sans aucune cause intermédiaire. Que Dieu prenne en
sa miséricorde le poète soufi qui dit : « Je croyais que parvenir à Toi
s’achetait au prix de sacrifices…Jusqu’à ce que je réalise que Tu prends en
charge qui Tu veux par Ta grâce… » Ce breuvage est le moyen d’accès à Sa
présence. Ce moyen ne s’acquiert pas par les causes et ne s’obtient pas par le
travail. La fin du travail ou de l’effort et son apogée, c’est le fait de
s’arrêter devant Sa porte (la porte de Dieu). L’accès ou l’entrée ne peut avoir
lieu que par Sa générosité.
Wa hmilnî ‘alâ
sabîlihi ilâ hadratik : porte moi par ce chemin de Ta providence -qu’est le
Prophète- vers Ta présence. C'est-à-dire vers une présence où Tu seras seul
sans aucun idole dans mon cœur. Le prophète (paix et salut sur lui) est la
preuve et le guide vers Toi par la grâce venant de Toi. Tu lui as donné sans
cause et Tu l’as enrichi sans effort. Il était la preuve de Ta générosité.
Hamlan mahfûfan
binusratik : Tu me porteras et Tu m’entoureras de Ta victoire et Ton soutien.
Celui que Tu soutiens dans le cheminement vers Toi, ne sera pas lésé ou coupé
de Toi à cause des obstacles. Tu es le Parfait dans Ta puissance, et Tu le
protéges de la rupture du cheminement vers Toi par la vision des lumières de Ta
sublimité. Tu assistes celui qui est sincère dans sa recherche de la vision de
Ta face, et dans son désir de s’arrêter avec Toi (auprès de Toi) et avec
personne d’autre que Toi.
Wa qdhif bî :
jettes moi, car Tes attributs cacheront mes attributs jusqu’à ce que je sois
une lumière de Tes lumières : c’est l’union.
‘alâ albâtili : le
faux, l’orgueil : l’illusion de la séparation (al-farq) dans l’essence de
l’union(al-jam‘a) pour les gens de l’extinction en Dieu (fanâ). Et l’illusion
de l’union dans l’essence de la séparation pour les gens de la subsistance en Dieu
(baqâ) (les gens qui sont dans un état où l’extinction de la conscience dans la
présence divine est accompagnée d’une grande lucidité envers le monde des
phénomènes). Pour les gnostiques nulle illusion, car l’évolution de la station
de la séparation (al-farq) (la différence : on voit les choses comme elles sont
dans le monde des phénomènes : différentes les unes des autres) à la station de
l’union commence par un brouillard d’illusion mais finit par la confirmation
dans la station. L’évolution de la station de l’extinction en Dieu (fanâ) à la
station de la subsistance en Dieu (baqâ) passe par l’anéantissement dans cette
subsistance et l’extinction de l’extinction : l’absence qui augmente la
présence.
Fa admaghahu : Tu
me permettras de toucher le faux en pleine tête et je le tuerais… J’extrairai
l’illusion de l’essence de l’union et je ne verrai plus de séparation
(al-farq). J’extrairai l’illusion de l’essence de la séparation et je ne verrai
plus d’union (al-jam‘a). Je serai dans (la station) de l’union et de la
séparation en même temps : l’union ne me voilera pas la séparation, ni la
séparation l’union ; mon extinction ne me détournera pas de ma subsistance, ni
celle-ci de mon extinction. A chaque chose sera donnée sa part qui lui revient,
envers chacune, je m’acquitterai de son dû.
Wa zujja bî fî
bihâri al-ahadiyya : Fais-moi entrer dans les océans de l’union. Al-ahadiyya
veut dire ici l’unicité pure ou l’union qui efface tout ce qui n’est pas Dieu
du cœur. Je serai porté par les vagues de Ta puissance vers les manifestations
de la séparation jusqu’à ce que je sois mélangé avec le point du témoignage de
Son unicité pure ou de l’union : tafrîd. Ma vision sera celle de l’unicité
envers la création de la beauté essentielle dans le grand espace du dépouillement
(al-tajrîd). Je m’arrêterai avec l’essence et je serai absent des causes et des
volontés : c’est le ravissement : jadhb.
Wa nshulnî min
awhâli al-ttawhîd : Fais-moi sortir ô mon Dieu (car je ne dois pas rester dans
le (jadhb) : l’inconscience, le ravissement) des obstacles qui freinent mon
cheminement, et qui m’empêche d’accomplir (de parfaire) l’union (tafrîd). Ces
obstacles sont le (tawhîd) : l’unicité ou l’attestation de l’unicité qui amène
à la séparation : la différence entre le serviteur qui atteste (Al-muwahhid) et
le Seigneur : le sujet de l’attestation (Al muwahhad) : Le fait de voir que
l’un est le contraire de l’autre au regard de la sagesse. Ceci constitue le
frein de l’accomplissement de la vision de l’union pour ceux qui croient que la
proximité réside dans l’existence de l’éloignement et que le contact
(al-ittisâl) avec Lui réside dans l’exclusion (attard) : cela est le
cheminement pure (Al-ssulûk al-mahd).[27]
Wa aghriqnî fî
‘ayni bahri al wahda : après m’avoir jeté dans les océans de l’unité qui est un
dépouillement et un affranchissement des altérités (al-aghyâr) et une absence
par rapport à toute chose existante : et ceci est un union sans séparation, une
vie sans mort, une bienveillance (lutf) sans densité (kathâfa), une liberté sans
dépendance, une puissance au-dessus de la sagesse, une imparité (watriyyatun)
sans parité (shaf‘iyyatun) , une antériorité sans postériorité, une extériorité
sans intériorité, une vie dans le monde spirituel sans retour dans le monde des
phénomènes (manifesté), et une entrée dans l’océan profond de la vérité sans
noyade ou perte de conscience. Sors-moi (sauve-moi) de cette sainteté
incomplète, de ces chemins touffus de l’unicité (les pièges et les voiles), et
inonde moi dans l’essence de l’océan de l’union ou la fusion (al-wahda) qui
englobe la présence (la vision) seigneuriale avec son opposé qui est la
servitude, et la présence de la parité dans l’essence de la présence de
l’imparité. Je serai ainsi, l’isthme (barzakh) entre les deux choses. Je verrai
l’essence des choses (al-‘ayn) dans la différence (al-bayn). J’acquérrai
l’union de l’union qui est la subsistance (baqâ) dans l’extinction (fanâ) :
ceci est la sainteté complète.
Hattâ lâ arâ : par
l’oeil du cœur - intelligence (al-basîra) qui est aussi le lieu de l’ouïe, car
il voit de là où il entend, et il entend de là où il voit. Par conséquent, il
peut percevoir Celui qui est partout.
Wa lâ asma‘a : par
l’ouïe du cœur - intelligence (al-basîra), qui est aussi le lieu de la vision,
car il entend de là où il voit et il voit de là où il entend.
Wa lâ ajida : et
je ne trouverai (sentirai) dans la manifestation apparente de l’existence
cosmique que l’essence de l’existence cosmique, par la manifestation de
l’Intérieur dans l’Extérieur (la présence de l’intériorité dans Son
extériorité) et du Premier dans le Dernier (la présence de Son antériorité dans
Sa postériorité).
Wa lâ uhissa : je
ne sentirai que par l’union : c’est une exagération (une insistance) au sein de
la présence à cause de la prédominance de l’intérieur sur l’extérieur. Jusqu’à
ce que je sente dans le monde manifesté (le monde des phénomènes) (‘âlam
al-hiss) ce que je sens dans le monde spirituel (‘âlam al-ma‘anâ), grâce à la
force de la présence et la prédominance de l’état spirituel (extatique)
(al-wajd) sur la conscience.
Illâ bihâ : je ne
sentirai que par l’union (al-wahda). Le sens de ceci – et Dieu est plus savant-
est : la demande à Dieu de l’inonder dans la présence de l’essence de l’unité
jusqu’à ce qu’elle pare son intérieur et son extérieur, qu’il ne voit que par
elle, qu’il n’entend que par elle et qu’il ne sent dans ses états intérieurs
que par elle. Il est d’elle et par elle dans ses deux états : intérieurs et
extérieurs. C’est le sens du fameux hadîth du wali rapporté dans le Sahîh
al-Bukhârî: «…et lorsque Je l’aime je suis son ouïe par laquelle il entend, son
regard par lequel il voit, sa main par laquelle il saisit, et son pied par
lequel il marche ; s’il Me demande, assurément Je l’exaucerai ; s’il cherche
près de Moi asile, assurément ; Je le lui donnerai. »[28]
Wa j‘ali al-hijâba
al-a‘zama: O Dieu, fasse que le monde dense (‘âlam al-kathâfa) : le voile
sublime qui est le monde manifesté, s’alimentant de l’essence des attributs et
se caractérisant par la vérité muhammadienne. Son côté humain –paix et salut
sur lui- est équivalent à l’esprit du commun parmi les créatures. Gabriel ne
s’est- il pas arrêté bien au-dessous de la station où le Prophète s’est arrêté
à cause de ses limites humaines[29] .
Hayâta rûhî : O
Dieu fasse que ce voile sublime soit la vie de mon esprit : la vie de l’esprit
par la présence et l’absence par rapport à une partie des choses est une
absence par rapport au tout. Car, la vie de l’esprit se réalise grâce à sa
contemplation complète, sa contemplation de la vérité ne peut se compléter que
par la vision de la différence des silhouettes (des corps) (al-ashbâh) dans
tous les esprits. L’esprit sans le voile est voilé en réalité, et en sa
présence (en présence du voile) il est lié et vivant. C’est pour cela que les
esprits des communs après qu’ils aient quittés les matrices (al-arhâm) sont
dont l’isthme et ne sont destinés ni pour la vie d’ici-bas ni pour l’au- delà
car ils n’ont pas encore vu le monde intérieur. Les esprits de l’élite sont eux
à l’intérieur des cous d’oiseaux verts qui errent au paradis et qui convergent
vers des lampes suspendues au-dessous du trône, pour leur permettre de savourer
les moments de proximité auprès de leur Bien Aimé dans le monde des
silhouettes. Ce monde implique la perfection seigneuriale par la manifestation
de l’union (la fusion) dans les miracles des choses opposées s’alimentant du
monde des attributs qui sont dans l’au-delà plus beaux et plus majestueux. Les
communs sont après leur mort enveloppés dans l’essence (adh-dhât). Ils sont
après leur mort, cachés et intérieurs car ils se sont manifestés dans le monde
d’ici-bas par leur existence. L’élite, quant à elle, est, après sa mort,
répandue par les attributs. Et elle est après la mort, dans la manifestation et
l’illumination car elle était dans cette vie, cachée et intérieure grâce à son
extinction dans la contemplation. Le fait de voir la séparation dans l’union,
montre la vie de l’esprit et sa manifestation dans le monde des attributs.
Wa rûhahu sirra
haqîqatî wa haqîqatahu jâmi‘a a‘wâlimî : C'est-à-dire l’esprit de Son essence
qui est élevé par la noblesse de Ses lumières et ne peut être comparé à un
autre esprit. Son esprit ne pourra se mêler ou s’unir à un autre jusqu’à ce que
ce dernier s’élève à la station spirituelle par la persévérance dans la
purification : il s’élève par ce biais dans la station de lumière originale
jusqu’à ce qu’il parvient à la station de l’esprit. C’est là où la réunion avec
lui (paix et salut sur lui) se réalise. Mais cette réunion n’est qu’une réunion
des rayons avec la lumière et non la réunion des lumières avec les lumières. Le
prophète ne pourra en fait jamais être égalé. Il est la première manifestation
de l’existence cosmique. La lumière Subtile a été projetée sur lui en premier
puis, de lui ont émergé les phénomènes. Il n’y a pas au-delà de la lumière de
Muhammad que la lumière originale. Il (Muhammad) voit le monde de l’omnipotence
et des lumières originales (al-jabarût) par son affirmation en son sein. C’est
pour cela qu’il a pu voir son Seigneur par l’œil de sa tête et il « ne fut plus
qu’à une longueur d’arc (tout près) ou plus près encore » , et la vision de
Dieu lui était possible sans même des conséquences sur sa constitution
d’humain[30] . C’est parce qu’il « le Prophète (paix et salut sur lui) » est
resté toujours dans le monde original et n’est apparu dans l’existence que son
ombre. Les gens qui ne sont pas des experts (des connaisseurs) ont cru que
c’est son essence qui est apparu. Ses compagnons ont pu le percevoir et
personne d’autre.
Bi tahqîqi
al-haqqi al-awwal : par la réalisation de la vérité première. Une vérité
dépourvue des obstacles des formes et des voiles.
Yâ awwalu : O
Premier en étant le Dernier sans personne avec Toi hormis Toi.
Yâ âkhiru : O
Dernier en étant le Premier sans personne avant Toi. Que c’est merveilleux :
comme l’existence se manifeste dans le néant ! Et comme se confirme Ton
incidence bien que Tu aies l’attribut de l’antériorité absolue (al-qidam) !
Yâ zâhir : O
l’Apparent dans Son Intériorité. Il est apparu par Son essence pour Son essence
dans Son intériorité par Son essence par rapport à Son essence, car personne
n’était avec Lui pour qu’Il apparaisse pour lui ou qu’Il s’intériorise par
rapport à lui. Il est l’Apparent pour Son essence dans son intériorité par
rapport à Son essence.
Yâ bâtin : O
l’Intérieur dans son extériorité (la manifestation de Ses signes). Il est
Intérieur par Son essence par rapport à Son essence dans Son extériorité par
Son essence pour Son essence car Il est l’Unique Existent dans Son extériorité
(apparition) et Son intériorité. Il est donc l’Apparent à Son essence dans son
intériorité et l’Intérieur à Son essence dans sa manifestation. Il est Lui
(huwa), il n’y a avec Lui que Lui. Il est subtil dans Sa manifestation par Son intériorité
due à Sa forte manifestation par la sagesse : on dira, Il est quelqu’un d’autre
et personne d’autre avec Lui. Il est tellement subtil dans Sa manifestation et
Son intériorité qu’Il se manifeste par sa forte intériorité grâce à
l’omnipotence. Son sens est ainsi si fin que les compréhensions ne parviennent
pas à le déceler et qu’elles restent éblouis derrière la sublimité et la
magnificence. Les consciences restent incapables de comprendre dans tous les
états. L’incapacité des consciences est une conscience. La sagesse de
l’Omnipotent a fait qu’Il soit le Premier, le dernier, l’Apparent (l’Extérieur)
et l’Intérieur.
Isma‘a : Entend ô
mon seigneur
Nidâî : mon appel,
et exauce le par Ta générosité grandiose.
Bimâ sami‘ta : que
Tu agrées mon appel, comme pour lui paix et salut sur lui. Tu l’as laissé dans
la subsistance en Toi (baqâ) après l’extinction. Son appel était de Toi, par
Toi et pour Toi.
Nidâa ‘abdika :
l’appel de Ton prophète (Zacharie) que Tu as honoré par la servitude qui est en
vérité le fait qu’il agit à Ta convenance et qu’il observe l’obéissance, qu’il
suit Ta volonté et non la volonté de son âme.
Zakariyyâ :
Zacharie qui a mis entre les mains de Ta seigneurie sa plainte, et qui a montré
son humilité, son besoin et sa faiblesse et il n’était pas malheureux[31] dans
sa prière car elle fut accomplie par Ton autorisation et Ton agrément.
Wa nsurnî bika :
donne-moi la force pour que les cercles du monde manifesté qui sont l’ombre du
soleil de la vérité, s’anéantissent et soient son soleil.
Laka : pour Toi
car tout doit être pour Toi dans le commencement et la fin. »
Sidi Al ‘Arbi
Ad-dilâî, interrompt alors le récit en disant : « ceci est la fin de
l’interprétation de mon maître, mais j’ai eu une inspiration après avoir prié
Dieu pour continuer le travail, et je me suis permis malgré ma faiblesse
d’intervenir entre ces deux maîtres (Al-harrâq celui qui interprète et
‘Abdessalam Ibn Mashîsh celui qui a écrit cette prière) que Dieu nous fasse
profiter de leur bénédiction. Et je dis :
Wa ayyidnî bika
lak : Il demande à Dieu le soutien par Lui pour Lui dans sa subsistance en Lui
(baqâ). Ce n’est que grâce à ce soutien qu’il sera victorieux dans tous ses
états pour que tout ce qu’il reçoit ou ce qu’il donne ne soit que par Dieu et
pour Dieu. Le soutien comme le définit Al-ghazâlî, est une consolidation du
cœur – intelligence (basîra) venue de l’intérieur. C’est aussi, un
affermissement des actions et une aide par les causes intermédiaires venus de
l’extérieur. Il (le soutien) englobe la guidance qui provient du cœur –
intelligence (basîra) et qui dévoile la réalité des choses. Il comprend de
même, la maturité qui mène au bonheur, la bonne orientation vers le but ultime
et la facilité pour l’atteindre. Notre maître dit : Celui qui est guidé par Lui
n’est pas absent à cause des faveurs et n’est pas subverti par la souffrance :
c’est un ésotériste en qui la conscience des causes est annihilée par la vision
du Causateur des causes. Rappelle-toi d’Ayyoub (Job) et Sulaymân (Salomon)[32]
. Si cela est la limite (l’apogée) du soutien (divin) et ses conséquences, le
gnostique réalisé doit le demander à Dieu pour parfaire sa réalisation et
embellir son secret intime (sarîra) et son cheminement (sayr). Dieu a dit à son
prophète (paix et salut sur lui) qui est le plus grand connaisseur de Dieu et
l’élu du Seigneur : « C’est Lui qui t’a soutenu par Sa victoire et par les
Croyants »[33] . Le soutien par Sa victoire est la vérité et le soutien par les
croyants est la loi divine et la cause (sharî‘a). Le soutien par Sa victoire
est ce qui est d’intérieur et d’ésotérique et le soutien par les croyants est
ce qui est d’extérieur et de manifesté. L’Imâm demande à Dieu une volonté sur
l’existence cosmique qui lui permettra de prendre de toute chose sans qu’aucune
chose ne puisse le désorienter ou le distraire de Dieu. Il a eu ce qu’il
voulait car Dieu lui a fait parvenir à la réalisation parfaite et la présence
avec Lui. Et il fut exaucé aussi, car il a eu un disciple éminent et un soutien
de Dieu en la personne d’« Abû al-hasan ash-shâdhilî » qui donna naissance à
cette voie .
Wa jma‘a baynî wa
baynaka : unis entre moi et Toi, une union qui me protégera de voir un autre
que Toi et grâce auquel je serai dans le chemin de la rectitude (droiture).
Il demande «
l’union de l’union » : l’union dans la station de la subsistance en Dieu (baqâ)
consiste à voir Dieu en toute chose, car il dit : unis entre moi et Toi. Il a
confirmé ainsi son existence par son Seigneur. L’expression « inonde moi dans
l’essence de l’océan de l’union (al-wahda) … » fait allusion à la subsistance
par Dieu (baqâ) après l’extinction, quant à l’extinction toute seule elle est
exprimée dans : « jette-moi (zujja bî) dans l’océan de l’unité (al-ahadiyya)… »
Gloire à Celui qui
a caché le mystère de la sainteté sous l’extérieur de la nature humaine
(bashariyya) et qui a manifesté Sa magnificence seigneuriale en faisant
apparaître l’état de la servitude.
Wa hul baynî wa
bayna ghayrika : épargne-moi la présence dans mon cœur d’un autre que Toi. La
réalité des choses réside dans leurs opposés : celui qui a fait rentrer à son
cœur la présence sacrée de son Seigneur le purifie de son implication dans le
monde manifesté (le monde des sens) (hiss), jusqu’à ce qu’il parvient à Allah
dépouillé : « Très certainement vous êtes venus à Nous seuls, tout comme Nous
vous avions créés une première fois. » C’est pour cela qu’il dit pour terminer
sa prière et pour montrer que « le terme, en vérité, est vers ton Seigneur » :
Allâh, Allâh, Allâh : Il a répété trois fois ce Nom noble, pour que le lecteur
s’abreuve de la clarté de l’eau de ce Nom sacré, pour qu’il frôle le sens du
secret subtil, et que le Nom assure sa fonction dans son for intérieur avec une
rectitude sans déviation ou dérive. L’Imâm Al-Bukhârî dit : « chapitre de la
répétition d’une parole trois fois pour l’apprentissage et pour mettre l’accent
sur le fait que l’extinction est de trois sortes : une extinction dans les
actions, une extinction dans les attributs, et une extinction dans l’essence
(divine), la première correspond à l’établissement de la station de l’Islam, la
deuxième correspond à la déclaration de la station de la foi et la troisième
correspond à la présence dans la station de l’excellence. On peut dire plutôt
que la première est le chemin vers Dieu, la deuxième est l’extinction en Lui et
la troisième la subsistance par Lui (baqâ). Et Dieu est plus savant ». Quand le
prophète a émigré par son esprit (rûhâniyyatihi) de la Mecque de son humanité
(bashariyyatihi), une émigration qui représente son effort spirituel
(mujâhadatihi), vers Médine qui représente sa vision contemplative
(mushâhadatihi), il a été appelé par l’annonciateur de son arrivée qui lui
annonça la bonne nouvelle (bishâratihi) (il a parfait son effort et en a
récolté les fruits, car il parvint à Son seigneur : le terme de son voyage).
Inna alladhî
farada ‘alayka al-qurâna la râddika ilâ ma‘âd : c’est le verset coranique : «
Oui, Celui qui t’a prescrit le Coran te ramènera certainement à un (beau) lieu
de retour ».
Ma‘âd : est un des
noms de la Mecque.
Quand le
connaisseur (le gnostique) s’affirme dans l’extinction et la vision, il revient
à la subsistance par Dieu (baqâ), en se félicitant de la bonne nouvelle de
l’ouverture (al-fath), et de la rencontre (avec Dieu), content et joyeux, soutenu
et victorieux. Quand Le prophète (paix et salut sur lui), quitta la Mecque il
dit : « O Dieu, Tu m’as fait sortir de l’endroit le plus chère à moi, installe
moi alors dans l’endroit le plus chère à Toi ». Le verset coranique suivant lui
fut alors révélé : « Inna alladhî farada ‘alayka al-qurâna la râddika ilâ ma‘âd
» : Dieu lui a promis qu’il reviendra à la Mecque et ce fut accompli en l’année
de la conquête (‘âmu al-fath). Le prophète rentra à la Mecque soutenu et
victorieux. Sa religion fut honorée au-dessus de tout et c’est à Dieu que
revient la finale de toute chose. Le gnostique est toujours dans le besoin
permanent de Dieu (idtirâr), il est tourné dans ses décisions vers Dieu seul,
et il dépend entièrement de Sa faveur. Ainsi, le pôle continue à implorer la
faveur divine en évoquant le verset : Rabbanâ âtinâ min ladunka rahmatan wa
hayyi’ lanâ min amrinâ rashadâ : « O notre Seigneur, apporte nous de Ta part
une miséricorde ; et arrange-nous une bonne conduite de notre affaire » : le
pôle (auteur de cette prière) demande à Dieu Sa miséricorde spéciale avec
laquelle Il recouvre l’élu de l’élite. Il classe cette miséricorde parmi les
dons purs (min ladunka) : qui viennent de Dieu. Il a demandé à Dieu le secours
et l’assistance (madad) sans un intermédiaire, un effort, ou une cause. En
effet, le connaisseur accompli n’a plus aucun voile (hijâb) entre lui et son
Seigneur. On peut dire aussi : quand le gnostique s’installe dans la caverne de
l’existence cosmique chez Dieu seul (avec Dieu), il demande- comme l’avaient
demandé auparavant les gens de la caverne quand ils se sont consacrés à Dieu et
se sont remis à Lui seul: « Quand les jeunes gens se réfugièrent dans la
caverne et dirent :- « Notre Seigneur ! Apporte nous de Ta part une miséricorde
et fais en sorte que notre conduite nous mette sur la juste voie » »[34] : Dieu
les a ainsi reposé et leur a épargné les souffrances et les épreuves de ce bas
monde par le biais du sommeil qui est un repos extérieur. Comme Dieu leur a
évité les tracas dans le monde sensible (extérieur), Il a reposé leurs esprits
dans le monde intérieur en leur épargnant la perception des choses créées
(al-âthâr). Le prophète (paix et salut sur lui) a dit : « le repos du serviteur
est auprès de son Seigneur ». Le connaisseur ne demande à Dieu que Sa proximité
et l’observance des bonnes convenances (al-adab) à Son égard. Notre maître dit
dans ses sagesses : « demande à Lui le soutien dans ta volonté et qu’Il te
protège des causes de l’éloignement (de Lui) », Ibn ‘atâ Allah dit dans ses sagesses
à ce propos : « Les connaisseurs (‘ârifîn) demandent à Dieu d’être sincères
dans le service, et d’observer les droits de la seigneurie ». Les bonnes
convenances (al-adab) à Son égard sont proportionnelles à la proximité (de
Lui). Dieu –Vérité- n’a pas de fin et les convenances (al-âdâb) du connaisseur
n’ont -eux aussi- pas de fin. C’est pour cela que le prophète disait : « Je
suis celui qui connaît le plus Dieu, et celui qui Le craint le plus ». Ceci,
car les connaisseurs perçoivent Sa grandeur, Sa majesté et Sa beauté. Lorsque
le pôle a pu percevoir Sa sublimité, il s’est convaincu de son impuissance et
son humilité vis-à-vis de Son seigneur, il chanta alors Sa gloire en évoquant
le verset : « Gloire et pureté à ton Seigneur, le Maître de la puissance et de
la considération, très au-dessus des descriptions qu’ils inventent. Paix et
salut aux messagers et la louange est à Dieu, Seigneur et Maître des univers »
. Il fit savoir ainsi, que seul Dieu peut connaître Dieu, et que personne ne
peut Le décrire ou L’apprécier à sa juste valeur, même les purs adorateurs ou
les connaisseurs : « Et ils n’englobent rien de Son savoir sauf ce qu’Il veut
bien » . Il a clôturé sa prière par ce verset « Gloire et pureté à ton
Seigneur, le Maître de la puissance.. » car la tradition incite à couronner les
prières par cette noble parole divine. Ceci est la fin de cette interprétation
par l’aide et le bon soutien divin. »
Interprétations
de quelques sagesses d’Ibn ‘Atâ’ Allah : An-nûr Al-lâmi‘a Al Barrâq Fi Atta‘rîf
bi Sheikh Al harrâq : deuxième chapitre.
(On a choisi de présenter au public ici les commentaires
des grands maîtres qui ont influencé et marqué Al-harrâq et sa littérature
comme Ibn ‘Ajîba, Ibn ‘Arabî et Ash-shâdhilî ou qui ont vécu à la même époque
que lui comme l’Emir Abdelqader)
Les paroles de sagesses, al-Hikam, d’Ibn ‘Atâ’ Allah
d’Alexandrie comptent parmi les plus célèbres recueils d’aphorismes soufis.
Elles sont répandues dans presque tout le monde islamique, depuis le Maghreb,
où elles ont été l’objet de plusieurs grands commentaires, jusqu’en Indonésie,
où elles furent traduites en malais. Leur diffusion est en quelque sorte
parallèle à celle de l’ordre shâdhilite, qui voit dans les Hikam le vade mecum,
le guide et le compagnon de route de celui qui parcourt la voie contemplative.
Car Ibn ‘Atâ’ Allah, qui est né vers le milieu du 7éme siècle et qui mourut en
l’an 709/1309 au Caire, fut non seulement le disciple et successeur du maître
Abû-l-‘Abbâs al-Mursî, lui-même disciple du fondateur de l’ordre, Abû-l-Hassan
Ash-Shâdhilî ; il fut aussi le premier maître de cette chaîne à laisser un
ouvrage doctrinal écrit, qui fixe et résume l’enseignement oral de ses
prédécesseurs.[35]
Commentaires et
analyses sur son Diwâne (son recueil de poèmes)
Sidi Muhammad Al-harrâq a dit : J’ai répandu l’encens en
proférant Son Nom Par amour éperdu, en hommage à Sa gloire Un souffle s’est
levé, et qui m’a fait connaître Qu’à travers le parfum résidait Son essence.
J’ai alors touché à la certitude Qu’il n’est dans l’univers nul autre que Lui.
Il a dit aussi : Un soleil, à peine luit-il dans l’esprit
du buveur, Il le fait pur essence, avec les êtres pour noms. Quand la coupe
s’habille de ses ors, Que bulles lui font un collier perlé du tout la robe
étincelle. D’expérience, les Avertis connaissent sa brûlure. Du dehors de la
jarre non encore déflorée, Ils peuvent être grisés sans en briser le sceau. Les
hommes de sens dans l’ivresse savent garder élégance. Nul d’entre eux en
société n’a fracassé la coupe ni à l’égarement n’a cédé. Et si d’autres parfois
trahissent le secret, Les gardent du faux-pas la face et le revers.
Aperçu général
sur le Samâ‘ (chants spirituels)
Si le samâ‘ ou «l’audition spirituelle » ou «le chant
soufi » ou encore « Qasâïd » est un vin dont s’abreuvent les âmes, les oreilles
sont autant de coupes servant à cette ivresse divine. Le prophète Abraham
auquel l’ange apporta l’annonce de son agrément au sein de l’amitié intime
auprès de Dieu, dansa de joie et surtout d’ivresse spirituelle. A travers ce
modèle prophétique, la tradition fonde cette pratique sur ce geste immémorial
survenu à la suite de la Visite de l’Ange.
Le chant Soufi
(qasîd) est un ensemble de poèmes et de chants composés (par la voie de
l’inspiration en général) par les plus grands saints de l'Islam à travers
l'histoire. C'est une expression sincère des états les plus purs du cœur. Ses
thèmes tournent autour de l'amour de Dieu et de Son prophète, de la confiance
en Dieu, du besoin extrême à Lui et des différentes valeurs nobles qui
composent l’éthique soufie. C'est l'expression humaine, enivrée de vin divin,
dans son image la plus pure et la plus saine. Il se chante généralement en
groupe dans les mosquées ou les confréries. Les chants soufis véhiculent
toujours des messages éducatifs pour le cheminant.
Interrogé sur le
samâ‘, Dhù-l-Nùn l’Egyptien, maître soufi éminent du II eme siècle de l’hégire
(XI e siècle), fit la réponse suivante : « c’est un messager de vérité (rasùl
haqq), venu pour pousser les cœurs vers Dieu. Celui qui l'écoute comme il
convient, en réalise la vérité, mais celui qui l’écoute avec son âme charnelle
est dans l’hérésie ». La tentation est grande de ne retenir de ces récitatifs
poétiques qu’une saisie bien extérieure au dépôt sacré que le raccourci
poétique est censé véhiculer.
La pratique du samâ‘a est liée historiquement aux milieux
soufis, énergiques défenseurs de son usage collectif. Les auteurs qui
consignèrent par écrit certains aspects de cette tradition s’appuient
principalement sur l’autorité «des gens de la Voie ». C’est le cas du faqîh al
Hayek de Tétouan, celui-ci nous lègue un recueil, «Kunâch al Hâyek », où il
mêle poésie mystique et musique. Dès le prologue, Al hâyek évoque la jouissance
toute intérieur et la gratification dont bénéficie celui qui fait honneur au
samâ‘. En outre, la bonne santé des corps, dit-il, se trouve à son tour
tributaire de son influx spirituelle.
Les villes de vieille tradition au Maroc, Fès, Marrakech,
Rabat, Salé, Tétouan ont su préserver jusqu’à nos jours cette pratique vivace.
Les petites agglomérations telles Essaouira ou Ouazzane participent de la même
manière et enrichissent les assemblées des récitatifs de mussammi’s et
musiciens de talent à l’échelle du pays.
Le samâ‘, de tout temps considéré comme un «noble savoir
», se transmet par enseignement oral. La fréquentation assidue des Zawiyas
(ordres soufis) dans une même ville et les longues pérégrinations dans les
différentes régions du royaume marocain, à la recherche des dépositaires des
secrets de l’œuvre, confirment l’aspiration dans son art. Malgré les grandes
chaleurs d’été, il y a de ces rendez-vous que l’on ne pourrait manquer : la
grandes cérémonie annuelle tenue à la fin du mois de juillet de chaque année au
Mausolée de Moulay Idriss sur le mont Zarhûn près de Meknés, est le signe de
ralliement des plus belle voix que compte le Maroc rivalisent d’éclat pour
fêter le Mawlid du prophète sous forme de samâ‘a et de madîh, récitatifs en
hommage au modèle prophétique muhammadien.
En temps ordinaire, les cérémonies sont tenues régulièrement
dans les Zaouiyas et auprès des tombes et mausolées des Awliyâ’ au Maroc. Par
ailleurs chaque vendredi, il n’est pas rare de voir un groupe de samâ‘a
programmer sa journée selon une topographie spirituelle précise dans sa ville.
Les membres du groupe rejoignent les cérémonies animées en différents lieux
spirituels d’une cité. Pour celui qui arpente en connaisseur la médina de
Marrakech par exemple, terre de la sainteté par excellence, les belles voix
«qui tirent la bride aux regards » fusent d’endroits différents de la vielle
citée et accompagnent ses pas.
Nous avons
mentionné la ferveur spirituelle qui saisit les médinas, et ses pratiques
citadines ; les faits sont analogues dans les campagnes : ses habitants
honorent jusqu’à nos jours un Islam globalement traditionnel. Les moussems
organisés annuellement en pays arabophone et berbérophone se présentent avant
tout comme l’occasion de fêter la mémoire vénérée des maîtres soufis enterrés
dans une région donnée.
Les poèmes chantés (au sein de la confrérie) proviennent
souvent d’époques très éloignées dans le temps. Déclamé selon le mode musical
d’une nouba Maroco-andalouse, le thème du pur Amour opposé à l’amour mercenaire
peut allier le lumineux visage de la grande sainte de l’Islam Râbi‘a Al‘Adawiyya
(IXème siècle, Bagdad) aux affres de l’arrachement extatique d’Omar Ibn al
Fârid (le Caire, XIII ème siècle), surnommé le Sultan des Amoureux. Quelques
vers plus loin dans le même élan didactique, Abu Medyen (Tlemcen, XII ème
siècle). D’autres fragments de poèmes de fuqâha ou d’autres que d’aucun
qualifierait de soufis (Abu Nuwas, al Mutanabbi,…) figurent dans la riche
matière poétique du samâ‘. Interprétée par un chœur à l’unisson dans les
Zaouiya, la dite matière poétique aux accents originellement profanes, subit
une transmutation radicale. La force spirituelle nouvellement acquise s’absorbe
instantanément dans le flux général du récitatif. Néanmoins cette poésie,
qu’elle ait une origine soufie ou nom, sert en fait à orner la trame
habituellement récitée que représentent les deux poèmes : la Burda et la
Hamziya de l’Imâm al Busayrî . Ces deux poèmes composés en hommage au prophète
eurent un destin exceptionnel dans le monde musulman depuis le XIII ème siècle.
Toute œuvre d’art
traditionnel requiert une dimension esthétique évidente il reste à signaler que
le raccourci poétique utilisé ici est fermement établi dans une densité
doctrinale saisissante. Ses formulations et sa thématique (le Pur amour divin,
le vin, la coupe, l’ivresse, la célébration du bien-aimé…) doivent beaucoup à
l’école d’Ibn ‘Arabi et Ash-shusturî ; le recueil chanté en audition
spirituelle puise largement dans l’enseignement et le vocabulaire de ces deux
maîtres et leur postérité spirituelle.
Le samâ‘ chez Sidi Muhammad Al-Harrâq (An-nûr Al-lâmi‘ Al
Barrâq Fi Atta‘rîf bi Sheikh Al Harrâq : 3éme chapitre)
Terminologie et
différents types de samâ‘ :
On distingue dans
la poésie soufie et particulièrement celle d’Al-harrâq :
•les poèmes dits
d’ « Al-hadra » ou « khamriyya » : poèmes d’extase ou des sens « alma‘nâ » ou
encore de présence (avec Allah) : ce sont des poèmes « qasâïd » qui n’obéissent
pas aux règles et normes de la poésie arabe et qui sont le pur fruit de
l’Inspiration. Chaque poème (qasîda) correspond à un état d’ivresse ou de
présence avec Allah. Ils sont la spécialité des soufis.
Un exemple tiré du Diwâne d’Al-harrâq faisant allusion à
la notion d’Union avec l’Aimé qu’on développera plus loin, correspond
parfaitement à ce type de poésie : « Tu cherches Laïla, alors qu’elle se
manifeste en toi, et tu crois qu’elle est en dehors de toi, alors qu’elle n’est
que toi ».
•Les poèmes d’ «
Al-Ahadiyya » « l’Unicité » : ce sont aussi une spécialité soufie, leurs sujets
est particulièrement l’Amour de Dieu dans les sens les plus profonds et Sa
beauté. Ils peuvent être inspirés ou réfléchis c’est à dire faisant partie de
la « San‘a » (tissés ingénieusement en se basant sur les règles de l’art dans
le domaine, ou les répertoires anciens)
Ces deux types de poésie sont le fruit d’un degré très
haut dans les stations de l’Amour divin, ils s’adressent à des soufis initiés
qui ont goûté les saveurs de la présence divine. Ils portent des messages
subtils (d’ordre éducationnel) qui ne peuvent être compris et parfaitement
décodés et interprétés que par les soufis.
•Les poèmes dits
«qasâid Muhammadiyya » : la Burda et la Hamziya d’Al-Busayrî en sont les deux
exemples les plus célèbres dans le monde musulman. Ils traitent l’amour du
prophète, sa beauté et son degré élevé, ils peuvent aussi être faits par des
poètes doués et amoureux du Prophète.
•Les poèmes dits «
qasâid madhiya » : « de louange au prophète » ils représentent le répertoire le
plus populaire dans le monde musulman auquel a contribué tous les poètes de
l’Islam. Ils ne sont pas spécialement dûs aux soufis, bien que ces derniers
soient à l’origine de la communication et la popularité de ce type de poésie.
Les « qasâïd madhiyya » propres aux soufis s’appellent les «Muludiyya ». Ils
font référence à la naissance du Prophète de l’Islam et aux miracles concernant
ce grand jour. Ils sont chantés partout dans les confréries et mosquées durant
tout le mois de naissance du prophète (le troisième mois de l’hégire « Rabi‘a
Al-awwal »). La nuit du douzième jour de ce mois correspondant à sa naissance «
Laïlatu Almawlidi annabawi » est particulièrement célébrée au sein de toutes
les confréries du Maroc avec les chants soufis et les « Mawlidiyya » chantés
par les plus belles voix du royaume.
Les notions clef
qui construisent le samâ‘a d’Al-harrâq
Le sacré (la
femme) :
La femme en Islam
a un statut d’honneur particulier : elle est la « source de la vie » et c’est
elle qui « éduque les générations », elle apparaît ainsi comme le noyau de la
société. Les soufis et particulièrement Al-harrâq n’a pas manqué de l’employer
comme symbole de l’ « Aimé » du « Beau », du « Secret », et du « monde des sens
» « Al-ma‘anâ » dans presque tous ses poèmes « qasâïd » d’ « Al-hadra » . La
femme fait allusion au « secret » qui ne doit être dévoilé qu’aux personnes initiées
qui savent mesurer « le sens » à sa juste valeur. La compréhension de ces types
de signes ou d’allusions concerne une élite qui ont déjà vécu l’expérience
soufie : « l’Amour », « l’ivresse », et l’ « extase avec Dieu » ; car on ne
saura jamais, comme a dit Al-Ghazâli, « expliquer l’orgasme à un enfant ». Et
d’ailleurs ces chants d’Amour ont fait l’objet de critiques et de rejet de la
part de quelques savants de la loi (sharî‘a) et surtout des plus extrémistes
parmi les Wahhabi qui n’ont pas hésité de traiter ces types de poèmes d’hérésie
et de perversion. En effet, la profondeur du sens de ces « qasâïd » a fait
qu’elles touchent particulièrement le cœur et non l’intellect, ce qui les rend
inaccessible et incompréhensible et parfois source de confusion et à
connotation libertine pour les intellectuels. « Tu cherches Leïla alors qu’elle
s’est manifesté en toi Et tu crois qu’elle un autre, elle n’est en fait que toi
» Et il dit aussi : « Combien as-tu de sens, ô Leïla ! Pour celui qui connaît
ton sens ancien, tu as rempli par ta beauté les coupes, et il n’y pas
d’amoureux qui ne soit ravi et ébloui en toi »
Le symbolisme et
la métaphore fortement présents sous le signe de prénoms féminins connus dans
la légende des histoires d’amour arabes comme : « Laïla » , « ‘Azza », « Mayya
», ou « Su‘âd », étaient le procédé adéquat pour masquer et conserver
soigneusement le « sacré» pour ne laisser comprendre le « secret » de la qasîda
qu’à l’élite vers laquelle le message est transmis. Ainsi, « Al-wasl »(le
contact, la liaison) ou « Al-wisâl »(la rencontre ou le contact permanent), «
Al-qurb » (le rapprochement ou la proximité), « ad-diyâr » ou « al-himâ » (la
maison ou le territoire de l’Aimé et tout ce qui s’y rattache), sont des termes
parmi d’autres qui font référence à la relation « exponentiellement charmeuse »
avec l’Aimé (qui est le sacré : Allah, le prophète et le maître) qui n’est
évidemment pas physique et que le soufi(Al-harrâq ) essaie de rapprocher « le
sens » en s’apparentant à l’amour connu par le commun des mortels : entre
l’homme et la femme. D’autre part le message porté par ce symbolisme diffère au
sein même des soufis : d’un soufi à l’autre selon les stations et les états
spirituels de chacun. Le goût ressenti par chacun dépend de son amour. La finalité
qui est l’amour de Dieu (amour qui n’a pas de limite ni de fin puisqu’il est le
don de Dieu et Sa Grâce qui ne cessera jamais de se multiplier au cœur des
attachés à Lui) passe d’abord par l’amour du maître « al-wasîla ou al-wâsita»
(l’intermédiaire ou le chemin) qui conduit à l’amour du prophète (al-wasîla
al-‘uzmâ ou al-wâsita al-‘uzmâ) (le grand intermédiaire ) pour lâcher enfin le
disciple dans l’océan de l’Amour divin, où tout se résume en Lui, le sacré se
manifestera en Lui et ne sera vu que grâce à Lui et pour Lui. Cette station de
déperdition complète dans les sens du divin s’appelle la station d’«Al-Ahadiyya
» (l’unicité) qui fait référence à la notion de « Al-hulûl wa Al-Ihlâl » «
l’union et l’unicité » développée plus loin. C’est dans cette station
qu’Al-hallaj a été piégé et avait connu la fin tragique de sa passion. En
effet, pour les maîtres réalisés, comme Al-Harrâq cette station dangereuse
constitue un état d’ « équilibre instable » puisque le soufi risque de
divulguer des secrets que le vulgaire «‘âmmî » ne comprendrait pas et qui
ressembleraient à ses yeux à de l’association « shirk » ou à de la mécréance
évidente « kufrun bawâh ». La station des réalisés « as-sâlikîn » nommé la
station d’ « Al-muhammadiyya » consiste à vivre le goût soufi tout en gardant
le secret par respect à la sharî‘a (la loi et la règle de l’univers), elle est
la station de l’équilibre stable. Le sacré est aperçu dans ce cas comme étant
le goût et l’harmonie entre l’intérieur et l’extérieur. Le trait marquant de la
station Al-muhammadiyya est le respect de l’éthique sociale communément admise
et des lois en vigueur (dans la parole et dans l’apparence résultantes de
l’état dû à l’audition spirituelle) Voici une expression claire d’Al-harrâq qui
montre sa station dans l’Amour et où apparaît explicitement son « sacré » : «
J’ai alors touché à la certitude Qu’il n’est dans l’univers nul autre que Lui.
»
L’Amour :
Lié toujours au «
sacré » il est omniprésent dans les poèmes d’Al-harrâq, « la brise de ma bien
aimée souffle sur mon cœur… », il inonde son cœur et habite son esprit, le
résultat est un amour universel qui est gracieusement offert à toutes les
créatures c’est la notion de paix divine « assakîna ». C’est aussi une brûlure
qui fait souffrir les cœurs assoiffés pour sa rencontre : « D’expérience, les
Avertis connaissent Sa brûlure.» L’amour apparaît enfin comme l’ultime station
et toute station au-delà de la réalisation de l’amour n’est que l’un de ses
fruits ou l’une de ses conséquences comme la nostalgie d’amour, la familiarité,
le contentement et toute station antérieur à l’amour n’en est que le prélude,
comme la repentance, la patience, l’ascèse etc. « J’ai répandu l’encens en
proférant Son Nom Par amour éperdu, en hommage à Sa gloire Un souffle s’est
levé, et qui m’a fait connaître Qu’à travers le parfum résidait Son essence. »
Absolument, l’amour le plus indispensable, le plus élevé et le plus sublime est
l’amour de Celui pour qui les cœurs s’inclinent naturellement d’amour, que les
créatures aspirent spontanément à adorer. Allah est adoré pour Lui-même sous
tous les rapports tandis qu’autrui n’est aimé qu’accessoirement par rapport à
Son amour. En effet, Son amour est attesté par tous Ses livres révélés, par
l’appel de tous Ses envoyés, par la disposition originelle et l’intelligence
qu’Il a placé en Ses créatures, et par Ses Bienfaits en leur faveur. En fait,
si les cœurs s’inclinent en général à aimer leur bienfaiteur, qu’en est-il de
Celui qui est le Dispensateur suprême de toute faveur ? Si les cœurs s’inclinent
vers l’amour de toute chose belle qu’en est-il de Celui qui a créé la « beauté
» ?
La beauté :
Elle est le sujet
de l’amour, elle est aussi une image du sacré autour duquel tourne le
symbolisme d’Al-harrâq. Elle est représentée par le « sacré » lui-même ou par
les éléments naturels : la brise, le soleil, l’aube, la fleur… Ou encore par
les parfums : l’encens, le musc…. « Qu’à travers le parfum résidait Son essence
» : il fait allusion ici à la Beauté divine.
L’ivresse (le
vin):
Traditionnellement,
le vin a été utilisé par tous les soufis « les gens du goût » pour exprimer
l’ivresse et l’état d’extase qu’ils ressentent lors de leur présence avec leur
Bien-Aimé. Al-harrâq n’a pas manqué d’embellir ses vers d’expressions
magnifiant le goût et donnant aux âmes le breuvage qu’elles méritent pour
assouvir la soif d’Amour. Il dit : « Un soleil, à peine luit-il dans l’esprit
du buveur, Il le fait pur essence, avec les êtres pour noms. Quand la coupe
s’habille de ses ors, Que bulles lui font un collier perlé de toute la robe
étincelante. »
L’unicité et l’union :
« J’ai alors
touché à la certitude Qu’il n’est dans l’univers nul autre que Lui. »
C’est un sujet
épineux qu’Al-harrâq a su traiter simplement et avec succès. Le fait que
l’univers se résume en Dieu, est en fait l’expression claire que l’origine de
tout est Dieu et que c’est par Sa Grâce, Sa volonté et Sa miséricorde que
l’univers existe et fonctionne correctement. Le fait que l’être humain soit
Dieu (ils ne forment qu’un Seul) veut dire que si l’amour du serviteur et son
dévouement sont purs, sa volonté et ses désirs seront en conformité avec la
Volonté de l’Aimé (Dieu) et ne pourront en aucun cas aller à Son encontre.
Al-harrâq fait référence au fameux hadîth du wali, rapporté dans le Sahîh al-Bukhârî
«…et lorsque Je l’aime je suis son ouïe par laquelle il entend, son regard par
lequel il voit, sa main par laquelle il saisit, et son pied par lequel il
marche ; s’il Me demande, assurément Je l’exaucerai ; s’il cherche près de Moi
asile, assurément ; Je le lui donnerai. » « Ils prétendent que Tu es dans le
cœur . Est ce que celui qui Te voit a encore un cœur. Le cœur s’est éteint, il
n’y a que Toi, Tu es l’aspirant (le désirant) en vérité et le désiré »
La musique
soufie chez Al-harrâq:
L'Andalousie était
le carrefour de trois cultures et trois religions monothéistes qui ont cohabité
et échangé efficacement donnant naissance à une culture riche qui a marqué par
la suite la culture du nord marocain.
== Notes et références ==1.
2. Voir : ‘Allâl Al-fâsî : at-tasawwuf al-islâmî fi
al-maghrib ; Ben Rochd Er Rachid : « le soufisme : patrimoine universel,
méthode d’épanouissement et doctrine d’harmonie », édition Déchra : 2002 ; et
un ouvrage important à notre avis qui constitue une étude doctrinale du
soufisme marocain : « At-tasawwuf bayna ahli al-fikr wa ahli al-dhikr » du
docteur Ahmed Ghânî, librairie Al-ttawfîq, lido Fès, année 2001.
3. Avec le début de l’époque coloniale, le monde musulman
souffrait d’une crise d’éthique profonde. Les manuscrits témoignent que
Muhammad Ibn Abdel Wahhab fonda un mouvement appelé le « wahhabisme » à Nadjd
en Arabie basé sur un dogme qui interprète le coran et les attributs divins en
se limitant au sens direct et extérieur (Zâhir) sans voir les sens intérieurs
ou métaphoriques et en ne considérant que l’aspect extérieur pour juger de la
conformité de l’individu aux lois de Dieu, éliminant en particulier les notions
de goût (Al-dhawq) et de l’éducation spirituelle (culte des saints). Ce
mouvement propose une réforme ferme de l’Islam et s’oppose farouchement au
soufisme en éliminant le concept de la sainteté et de la vénération de la
descendance du prophète (Ahlo Al-bayt) et en interdisant la visite des
tombeaux. Ce mouvement considère ainsi depuis ce temps ces actes une hérésie et
une association (shirk) passible de la peine de mort. Etude tirée de plusieurs
références historiques dont : « Fiqh Ahmad Ibn As-siddîq Al-ghumârî » (étude
comparative) : auteur : Abî Muhammad Al-hasan Ibn ‘Ali Al-kattânî Al-atharî :
édition : Muhammad ‘Ali Bîdûn, Dâr Al-kutub al-‘ilmiyya : Beyrouth Liban : p :
25-28. Amîn Ar-rayhânî « Târîkhu Najd » : (3éme édition : dâr arrayhânî :
Beyrouth, 1964) ; Mustafa Talâs : « ath-thawra al-‘arabiyya Al-kubrâ (4éme
édition, dâr talâs, Damas, 1986) ; Mahmoud Shâkir : « at-târîkh al-islâmî »:
(première édition : al-maktab al-islâmî, tome 8 : Beyrouth). Abdel ‘Azîz
a-shenâwî : « Ad-dawlatu al-‘uthmâniyya dawlatun Muftarâ ‘alayhâ » (première
édition : maktabatu Al-anjilou al-misriyya, tome II : Le Caire 1984).
4. Le nom de Derqawî viendrait d’un ancêtre, Youssef ben
Jennoun, surnommé Abû derqa (l’homme au bouclier de cuir).
5. Premier descendant de la famille du Prophète venu au
Maroc fuyant les épées de l’empire des ‘Abbasite. Il trouva refuge au Maroc où
il fut très bien accueilli, Fès fut construite ainsi que la première dynastie
marocaine : La dynastie Idrisite.
6. Ce maître berbère a vécu 130 ans de 424/1046 à
554/1176, il était illettré, strictement végétarien, il vivait parmi les bêtes
sauvages et enseignait dans une langue simple ce que les mystiques orientaux
expriment de façon sophistiquée, il fut surnommé le professeur de lumière « yâ
lâ nnûr ». Il fut le contemporain de Abû Madyan Al-ghawth originaire
d’Andalousie. V.J. Cornell, « the way of Abû Madyan », Cambridge, 1996 et voir
l’ouvrage de référence pour la biographie de ce maître : « Kitâb al-mu‘zâ fî
manâqibi al-shaykh Abî Ya‘azâ » : Ahmad Al-tâdilî Al-sawma‘î (m. 1013/1592).
7. ‘Allâl Al-fâsî : attasawwuf al-islâmî fi al-maghrib P
52
8. Ben Rochd Er Rachid, « le soufisme : patrimoine
universel, méthode d’épanouissement et doctrine d’harmonie », édition Déchra :
2002
9. Pour ce maître voir: V.J. Cornell, « the way of Abû
Madyan », Cambridge, 1996
10. Michaux Bellaire, les confréries religieuses au
Maroc- imprimerie officielle. Rabat 1923
11. Al-sagir Abdel-Magîd, Ishkâliyat islâh al-fikr
as-sûfî fi Al-qarawiyîn (Al-‘Abbas Ahmed Ibn Muhammad Al-mahdi Ibn ‘Ajiba et
Muhammad Al-harrâq), 1994, édition Al-Baydâ Dar Al-Afâq Al-jadîda Al-Maghrib.
12. Voir : Ibn ‘Ajiba « le Mirage » : glossaire du
soufisme.
13. Tiré du livre : « confréries religieuses de l’Islam
Marocain ». Edouard Moulet : Paris 1902 Ernest Leroux.
14. Ce mystique, qui avait quitté le Maroc en 1738, lors
des troubles consécutifs à la mort du sultan Moulay Ismail, s’était réfugié à
Tunis où il suivit les leçons de divers shuyûkh(maîtres). Il revint ensuite au
Maroc sous la protection de Moulay Tayeb, quatrième shérif Baraka d’Ouezzane,
qui l’envoya à Fès étudier le soufisme auprès d’Abu Addallah Jassous. Il eut
ensuite pour maître Larbi Ben Ahmed ben Abdellah el Al-andalousi, auquel il
succéda. Il construisit alors à Fès une Zawiya, au lieu-dit Hûmat er Remula
(cf.A.Cour, article Derqawa dans l’ « Encyclopédie de l’Islam, tome I, 1913, p.
971 »).
15. Edouard Moulet : Paris 1902 Ernest Leroux Editeur : «
les confréries religieuses de l’Islam Marocain »
16. Cf. Levi-Provencal, loc.cit., p 343
17. Sidi Muhammad Al-harrâq fils de Muhammad fils
d’Abdelwahed fils de Yahya fils d’ ‘Omar fils d’Husayn fils d’Husayn (deux
fois) fils d’Ali fils de Muhammad fils d’ ‘Abdallah fils de Youssef fils
d’Ahmed fils d’Al-Husayn fils de Mâlik fils d’Abdelkarîm fils d’Hamdoun fils de
Mûsâ fils de Meshish fils d’Ali fils d’Horma fils d’ ‘Îsa fils de Salâm fils de
Mizwâr fils d’Haydar fils de Muhammad fils d’Idrîs fils du grand Moulay Idrîs
(fondateur de la première dynastie marocaine) fils d’ ‘AbdAllah Al-kâmil (le
parfait) fils de Al-Hasan Al-mothannâ Fils d’Al-hassan As-sibt fils d’Ali et
Fatima fille du prophète Muhammad paix et bénédiction sur lui: Manuscrit en
Arabe ancien « Salwat Al-Anfâs wa Muhâdathat Al-Akyâs biman Uqbira mina Al
‘ulamâ wa As-solahâ bi Fâs »de Muhammad ben Jaa‘far ben Idriss Al-Kattâni
volume 1 page 342. Tétouan Maroc.
18. Tohfat Al-Ahbâb d’un disciple de Fès de Sidi Muhammad
Al- harrâq : Ibn Suda (manuscrit en Arabe à Fès).
19. Selon Le Mouqaddam de la confrérie à Tétouan Abdallah
Mrir dans son ouvrage « Anna‘îm Al-mouqîm »et « Annour Al-barrâq » Manuscrit
numéro 44 à Tétouan ou numéro 960 à Rabat de Sidi Al ‘Arbi Ad-dilâî de Rabat
grand disciple de Al-harrâq et maître des Mâdihîne à Rabat (chanteur des éloges
du prophète) à l’époque. Et « Az-zâwiya » de Tohami Al-wazzâni et Histoire de
Tétouan M.Daoud Volume 6 p 289.
20. Agir avec un cœur détaché de tout ce qui n’est pas
Dieu : « le corps et l’intellect font les efforts nécessaires mais le cœur
reste chez Dieu (attaché à Lui seul) ».
21. Al-Harrâq est juriste de formation, ses discours et
ses écrits conciliaient et rapprochaient les juristes et les soufis.
22. Sidi Al ‘Arbi Addilâî, ManâqibAsh-sharîf Abi
‘AbdiAllah Muhammad ibn Muhammad Al-Harrâq Al-‘Alamî Attitwanî, manuscrit
numéro 275, Rabat Page : 121-132 Chapitre 5
23. Il est fait allusion au verset coranique : « Il enseigna
à Adam les noms et caractéristiques de toutes choses puis exposa aux anges les
porteurs de ces noms et leur demanda : « Informez Moi des noms de ces choses si
vous êtes véridiques » Sourate II verset 31 La science humaine est-elle autre
chose que la connaissance des noms et caractéristiques ou propriétés des choses
de ce monde sans jamais en connaître l’essence ou l’entité ? C’est donc cette
science enseignée par Dieu au premier homme qui a justifié aux yeux des anges
(d’abord récalcitrants) le droit de l’Homme à la lieutenance sur terre. Al
Qur’ân Alkarîm, traduction et notes Dr Salah Eddine Kechrid, édition Dar
Algharb Al islâmî, p:8
24.↑ Il s’agit d’Al-bûsîrî dans sa fameuse Humaziyya. Le
maître fait référence à ses poèmes à plusieurs reprises sans le citer.
25.↑ Voir le fameux Hadîth de Jibrîl (Gabriel), où
Gabriel interroge le Prophète sur la religion en présence des compagnons,
Gabriel est descendu exceptionnellement sous la forme humaine d’un compagnon
qui était très beau qui s’appelle Dihyat Al-kalbî. (Ref. Les quarante Hadîth
d’An-nawawî).
26. Il fait allusion à l’événement du « Ifk » : le
mensonge à l’égard de ‘Âïsha : elle a été accusé à tort d’adultère par les
hypocrites et le Coran l’a innocenté…On lui demanda alors de remercier le Prophète
qui est venu lui annoncé la nouvelle, mais elle dit, je remercie plutôt Dieu
car c’est Lui qui m’a innocenté. Beaucoup de soufis commentent cet événement en
disant que ‘Âïsha était (baignaite) dans la station Al-ahadiyya (de la
contemplation de Dieu l’unique) et n’a pas eu conscience des convenances à
l’égard du Prophète. Al-harrâq ici s’abstient de tout commentaire (par pudeur
et par scrupule). Ibn ‘atâ allah dit au sujet de cet événement : « lorsque
Aïsha fut justifiée par la Révélation et que cette justification fut proclamée
par la bouche de l’envoyé, Abû bakr dit à sa fille : « Remercie l’envoyé de
Dieu ! » Elle répliqua : « Par Dieu, je ne remercierai que Dieu seul ! » En
cette circonstance, Abû Bakr lui montrait la station la plus parfaite, celle de
la subsistance (baqâ) qui permet d’être conscient des créatures. Dieu n’a-t-il
pas dit : « Sois reconnaissant envers ton père et ta mère » ? (Coran XXXI, 13).
L’envoyé de Dieu n’a-t-il pas déclaré : « N’est pas reconnaissant envers Dieu
celui qui ne l’est pas envers les hommes » ? Mais, à ce moment, Aïsha était
arrachée à la perception des objets extérieurs, inconsciente des créatures et
ne voyait que l’Unique, le Triomphant. » Ref : Hikam : paroles de sagesse d’Ibn
‘Atâ-Illah al-Iskandarî, traduite de l’arabe par El-Hâj ‘Abd-ar-Rahmâne Buret
2éme épître p : 124
27. C’est Abû Bakr qui prend la parole juste après. Il
fut sage et ferme pour confirmer que la mort « physique » peut toucher le
prophète (paix et salut sur lui), qu’il fallait se tourner vers Dieu l’Eternel
et rester fidèle à l’Islam. Al-harrâq ici considère que Omar avait aussi raison
car finalement l’esprit et le message du Prophète (paix et salut sur lui) sont
toujours vivants.
28. Il veut dire ici, que pour chaque station du tawhîd,
il y a des voiles « lumineux » et des pièges : comme l’autosatisfaction (‘Ujb),
ou le fait de se croire supérieur aux autres (al-kibr)…
29. C’est un Hadith qudsî qui commence par : « Allah
exalté a dit : celui qui fait montre d’hostilité envers un de Mes Walis (saints
ou amis de Dieu) je lui déclare la guerre.. » Hadith rapporté par al-Bukhârî.
30. L’allusion est faite ici au voyage ascensionnel du
Prophète vers la présence et la vision divine effective : juste avant l’accès à
cette vision réelle Gabriel dit au Prophète : « si tu continues tu perces
(grâce à la prédisposition venant de Dieu), et si je continue je brûle.. »
31. Moïse (paix et salut sur lui) par exemple, n’a pu
voir Dieu, et lors de sa rencontre avec Dieu, quand il demanda à Le voir, il
s’effondra foudroyé. Dieu dit dans le Coran à ce propos : « Et lorsque Moïse
vint à Notre rendez-vous et que son Seigneur lui parla, il dit : « Mon Seigneur
! Donne-moi la force de voir pour que je Te regarde ». Il dit : « Jamais tu ne
Me verras ; mais regarde du côté de la montagne et si elle tient en place tu Me
verras ». Et lorsque son Seigneur Se manifesta dans toute Sa splendeur à la
montagne, Il la nivela avec le sol et Moïse s’effondra foudroyé… » Sourate 7,
verset : 143.
32. L’allusion est faite aux versets de la Sourate de
Marie : « C’est l’évocation de la miséricorde que ton Seigneur accorda à Son
humble adorateur Zacharie. Lorsqu’il adressa à son Seigneur un appel discret.
Il dit : « Seigneur ! Voilà que mes os se sont affaiblis et que ma tête s’est
enflammée de cheveux blancs et, grâce aux invocations que je T’ai, Seigneur,
toujours adressées, je n’ai jamais été un misérable (un malheureux) » » Sourate
XIX versets : 2-4. « O Zacharie ! Nous t’annonçons la bonne nouvelle de la
prochaine naissance d’un garçon du nom de Jean et Nous ne lui avons fait
auparavant aucun homonyme » Sourate XIX versets : 7.
33. Le premier était un prophète des plus patients malgré
les épreuves surhumaines qu’il avait subi, et le deuxième était un prophète roi
(l’épreuve de la richesse et du pouvoir sur terre). Malgré cela, les deux
personnages sont restés humbles et reconnaissants envers le Causateur.
L’analogie est faite surtout entre le prophète Zacharie et Ibn Mashîsh car le
premier a eu grâce à son appel (invocation) son enfant Jean (Yahyâ) bien qu’il
eut dépassé l’âge d’enfanter …Ibn Mashîsh quand à lui a eu une progéniture
spirituelle en la personne d’Abî Al-hasan Ash-shâdhilî qui fut d’ailleurs son
unique disciple.
34. Coran Sourate IIX, verset 62.
35. Coran, Sourate 18 verset : 10 :c’est le récit des «
sept dormants » qui seraient des princes Byzantins qui auraient fui les fausses
croyances de leur peuple et se seraient réfugiés dans une caverne avec leur
chien. Dieu les fit dormir trois cent neuf ans et obstrua l’entrée de la
caverne pour les sauver des persécutions de leurs concitoyens. Trois siècles
plus tard Dieu les réveilla de leur sommeil, et ayant envoyé l’un deux à la
ville pour leur acheter des vivres, on s’aperçut à l’antiquité de leur monnaie
qu’ils avaient quelque secret étrange. Quand ils vinrent à la caverne et qu’ils
les virent bien vivants, Dieu leur retira alors leur âme et ils moururent
aussitôt après. Dieu a voulu montrer ainsi aux sceptiques qui ne croyaient pas
à la résurrection des corps mais seulement à celle des âmes qu’Il était
absolument capable de faire revivre les uns aussi bien que les autres. Ref.
Al-Kur’ân al-karîm, traduction et notes : Dr Salah Eddin Kechrid, édition Dar
Al-gharb al-islâmî, p : 381. Ce récit prend dans le contexte soufi un sens
mystique et métaphorique comme on le voit ici.
36. Titus Burckhardt, Hikam : paroles de sagesses, Arché
Milano.
Bibliographie:
•Dâwûd.Muhammad., Mukhtasar Târîkh Tittwân,
Tétouan, 1953
•Même
auteur, Târîkh Tittwân (1953)
•Edouard
Moulet : Ernest Leroux Editeur : les confréries religieuses de l’Islam
Marocain, Paris 1902
•Sidi Al
‘Arbi Addilâî (disciple du Sheikh Al-harrâq à l’époque à Rabat), Annûr Allâmi‘
Al Barrâq Fi Atta‘rîf bi Sheikh Al harrâq, Manuscrit numéro 44 à Tétouan ou
numéro 960 à Rabat : c’est notre ouvrage de base. Il existe aussi un même
ouvrage de 200 pages appelé « manâqib ashssharîf Abî ‘abdallah Muhammad Ibn
Muhammad Al harrâq » du même auteur édité à Tunis en l’année 1331 et à Fès sans
mention de date et à Rabat il porte le numéro 275
•Muhammad
ben Ja‘far ben Idriss Al Kattâni, Salwat Al Anfass wa Muhâdathat Al Akyâs biman
Uqbira mina Al ‘ulamâ wa Al Ssolahâ bi Fâs , volume 1 Tétouan Maroc (Manuscrit
en Arabe ancien )
•Abdallah
Mrir (Le Muqaddam de la confrérie à Tétouan), Anna‘ îm Almuqîm
•Tuhami
Alwazzani, Azzâwiya
•Sidi Al
‘Arbi Addilâî, ManâqibAsh-sharîf Abi ‘AbdiAllah Muhammad ibn Muhammad Al-harrâq
Al-‘Alamî Attitwanî, manuscrit numéro 275, Rabat
•Al-Tashawwuf
Ilâ-Rijâl Al Tassawuf, Rabat, 1958
•Allouche
IS. Et Regragui, Le catalogue des manuscrits arabes de Rabat (Paris 1954 et
Rabat 1958)
•Al-sagir et
Abdelmagid, Ishkâliyat islâh al-fikr al-sufi fi Al-qarawiyîn (Al-‘Abbas Ahmed
Ibn Muhammad Almahdi Ibn ‘Ajiba et Muhammad Al-harrâq), 1994, édition AlBayda
Dar Al-Afâq Aljadida Al-Maghrib
•Burckhardt
T., Introduction aux doctrines ésotériques de l’Islam, Lyon 1955
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