jeudi 20 septembre 2012

L’oeuvre mystique de Uthmân dan Fodio (1754 - 1817)



Tombeau du Cheikh Osmane dan Fodio
 

Dr Seyni Moumouni
Université de Bordeaux, France

En Afrique de l’ouest, s’est constitué au cours des siècles une tradition manuscrite remarquable. Cet héritage culturel est illustré par une importante production littéraire, par une impressionnante liste d’auteurs et par la célébrité historique des anciens centres religieux que furent Tombouctou, Gao, Agadez, Tiggidda, Kano et Sokoto comme centres de formation et de transmission de la culture arabo-islamique.

Les études et recherches consacrées à l’histoire manifestent peu d’intérêt pour les sources écrites d’Afrique pré-coloniale. Ces sources n’ont été utilisées que comme supplément aux sources orales et européennes. Or, si l’on se réfère à l’historiographie africaine (soudan central et occidental) on s’aperçoit que celle-ci a été dominée par le thème de l’islamisation, de l’esclavage, du commerce et de la formation des Etats.

Les premiers contacts remontent vers le VIIIe siècle avec les caravanes transsahariennes qui reliaient la savane au Maghreb et au Proche-Orient.
Elles parcourent ensuite les états médiévaux du Ghana, du Mali, du Gao- Songhay, du pays haoussa et du Kanem-Bornu. Cette présence islamique s'appuie sur l'enseignement de l'écriture sacrée. Elle eut pour conséquence l'invention d'autres formes de communication, telle que l'écriture dite « ajami », l'écriture des langues locales jusqu'alors orales.
La construction et surtout la vulgarisation de ce savoir au Soudan central à connu deux étapes importantes :
- La première étape concerne la mise en place des bibliothèques des sources islamiques par la reproduction des grands recueils islamiques telles que : le Coran, la sunna prophétiques, les hadits et les grands traités juridiques et mystiques.
- La seconde étape est marquée par la participation massive des auteurs africains à la création littéraire et à l'institutionnalisation de l'enseignement dans les grands centres religieux tels que Tombouctou, Agadez et Sokoto.
Ces centres connurent d’intenses pratiques d’écriture. Au fil des siècles, ils ont joué à la fois un rôle d’islamisation et de consolidation de la culture arabo-islamique.
La production du savoir islamique fut assurée dans un premier temps par des gens extérieurs à la région, des auteurs et voyageurs orientaux. Puis, par des générations successives d’auteurs locaux parmi eux des femmes (‘Umû hânî, Nana Asmahu, fille Uthmân dan fodio) et des hommes (Ahmad Bâba, Mahmûd Kâti, Abdel Rahmân al-Sâ’di, les fodiawa, Elhaj Omar fûtî, Cheikh Moussa Kamara, Cheikh Marhaba...).
 
Les disciplines traitées dans ces manuscrits sont diverses, parmi elles : les sciences religieuses et philosophiques, le soufisme, les sciences juridiques, les sciences sociales et économiques, l’histoire et géographie, la littérature, la grammaire, la rhétorique, la médecine (la pharmacopée), l’astronomie, etc.
 
Les manuscrits constituent notre première source de travail, nous avons ainsi choisi dans cette étude de présenter un aperçu de histoire de la littérature religieuse en Afrique au sud du Sahara. Ensuite, en s’appuyant sur l’oeuvre mystique du Cheikh Uthmân dan Fodio, nous évoquons ici, l’influence des maîtres à penser du monde arabo-musulman, de ces confréries sur le cheikh Uthmân dan Fodio et son rôle dans la diffusion du soufisme.
 
La circulation des manuscrits sous différents régimes impériaux
 
Au cours des siècles, les savants et leurs oeuvres furent la cible des différents régimes impériaux qui se sont succédés en Afrique. Ils furent condamnés et contraints à l’exode, leurs oeuvres furent censurées. Dans le Târîh al-Sûdân ‘Abdel-Rahmân al-Sâ’di mentionne les biographies de dix-sept savants de Tombouctou de différentes époques indiquant toutes les oeuvres qu’ils ont produites. L’auteur signala dans son oeuvre, les évènements qui ont suivi l’invasion de l’empire songhay (Mali) par le Maroc en 1593.
 
Les exactions auxquelles se livrèrent les troupes marocaines durant ce conflit qui visèrent essentiellement les savants et leurs oeuvres.
Certains de ces savants furent déportés et leurs oeuvres furent confisquées… ce fut le cas du Cheikh Ahmad Bâba qui a perdu toute sa bibliothèque (environ 700 ouvrages) au cours de son arrestation.
Dans le royaume du Gobir, le prince imposa aux ulèmas un système d’autorisation préalable pour les prêches, les ateliers d’écriture et les lectures publiques.
 
A l’occasion de la fête célébrant la fin du Ramadan, le sarkin Gobir Bawa dan Gwarzo rassembla les ulèmas à la cour et les offrait des cadeaux.
Le Cheikh Uthmân dan Fodio lui proposa d’échanger son cadeau contre une autorisation de publier. Ce geste du Cheikh montre combien la censure pesait lourd sur l’activité des ulèmas. Aussi, le recours à l’écriture dite ajami (la transcription des langues locales à partir des lettres arabes) par les ulémas pourrait être considéré comme un moyen d’échapper à la surveillance. Mais dans cette situation, tout se qui tient à la littérature change dés que la politique change.
 
En effet, nous pouvons dire que les empires pré-coloniaux ont manié avec force la censure, de même que les empires coloniaux n’ont pas hésité à la pratiquer.
Ainsi, pendant la période coloniale la presse et littérature (religieuse) avaient une vie difficile.
 
Des savants furent condamnés, déportés et contraints à l’exil, leurs oeuvres furent détruites et confisquées. C’est le cas, du fonds Archinard de la bibliothèque nationale de Paris, cette collection environ 511 titres provient essentiellement de la bibliothèque de Chéku Ahmadu de Ségu (Mali) saisie par le Général Archinard en 1894.


                                                                Le général Archinard
 
Ce fut aussi le cas des émigrés Peul et Haoussa qui ont fui, à partir de 1900, l’occupation britannique du Nigeria et se sont installés au Soudan, ces populations avaient emporté avec eux ce qu’elles pouvaient de leurs patrimoines. La circulation des manuscrits et des ouvrages arabes a fait l’objet d’une haute surveillance de la part de services administratifs institués par les métropoles. Toute cette période a donc été une période de très grande surveillance de la presse et du livre arabe. Les textes sont en ce sens des  témoins de toutes les contraintes qui pèsent sur l’écriture avant et pendant la
période coloniale.
 
Cheikh Uthmân dan Fodio : figure mythique et mystique
 
Le Cheikh Uthmân dan Fodio (1754-1817), est une figure quasi mythique de l’histoire de la pensée islamique en Afrique de l’Ouest. Né à Marata(1) en 1754, Uhtmân dan Fodio(2) est issu d’une famille peule qui possède une tradition savante et soufie avérée. Ce fut dans ce milieu familial hautement cultivé que le jeune Uthmân reçut l’essentiel de son éducation de base. Parmi ses maîtres, on trouve au premier rang son père, puis ses oncles, dont Muhammad Sambo ; il reçut auprès de lui l’enseignement des sciences religieuses notamment le hadith (récits) et le tafsîr (commentaires coraniques) jusqu’en en 1793. Mais, c’est surtout son maître Al-hâgg Gibril b. Umar connu sous le nom Malam Gibril dan Omar qui exerça une influence sur le jeune homme. Uthmân dan Fodio étudia auprès de lui durant une année, il apprit le fiqh (le droit musulman), entre autre les oeuvres de Ahmad b. Idriss(3) (m. 1285) ; les oeuvres de Muhammad b. yûsûf al-Sanûssî (m. 1490) parmi eux, les trois créneaux qui traitent du tawhîd (théologie) selon la doctrine Malikite(4) ce sont : al-kubra, al-wusta et al-sugra(5) (la grande, la moyenne et la petite). Il étudiait également auprès de lui le « Mukhtasar : ‘awwal et sânî » de khalîl (m.1374) ; le Shifa’ de Qadî ‘Iyâd (m.1149) ; les oeuvres de l’Egyptien jalâl dîn ‘abd al-Rahman b. Abî Bakr al- Suyûtî (m. 1505), et de l’Algérien Abd al-karim al-Majilî al-Talamsanî (m. 1510).
 
Le Cheikh consacra sa vie à l’enseignement, à la rédaction d’une oeuvre abondante (prés de 103 titres édités ou manuscrits) et à l’éducation des disciple dans la zawiyya (hobèré : grand demeure) qu’il avait fondée.
 
Certains parmi ses ouvrages nous livrent des témoignages importants sur sa vision du soufisme et sur ses expériences spirituelles comme le kitâb wa lamma balaghtu, et constituent des preuves pour accepter l’importance du Tasawwuf dans la vie et l’oeuvre du cheikh. D’autres, notamment les Kitâb Fatkh al-basâ’ir et Al-tafriqa bayna ‘ilm al-tasawwuf alladhî lil-taÌalluq wa bayna ‘ilm al-tasawwuf alladhî lil-taÎaqquq wa madâÎil ‘iblîs, le premier nous informe sur la position danfodienne en matière d’ijtihâd, sur l’acquittions du savoir islamique, et sur les relations socio-culturelles entre les élites et les gens du peuple dans l’organisation interne de l’empire ; le second réaffirme l’étendu de ses connaissance des sources du soufisme ancien. Quant aux kitâb salâsil qâdiriyya et salâsil dhahabiyya wa l-sâdât alsûfiyya, ils contiennent de précieuses indications sur le début des turuq en Afrique, sur ses affiliations aux turuq et ses réceptions des hirqa. Ces traités nous fournissent des rares informations sur les étapes de la voie et sur la description des degrés de sainteté. Un ensemble de faits nouveaux qui nous permettra d’évaluer l’importance du soufisme dans le processus de réforme socio-politique et culturelle qu’il a entrepris(6).
 
A l’époque du Cheikh, la tradition mystique était largement diffusé en Afrique à partir de l’axe walata (Mauritanie), Tombouctou (Mali), Agadez (Niger) et Sokoto (Nigeria). Les livres des grands sûfi comme Ghazalî, Muhâssibî, Ibn Arabî, Zarrûq, étaient introduits en Afrique avec d’autres classiques de la culture islamique. Le soufisme commença à s’inscrire dans une société plus ou moins confrérique, tout en conservant un certain élitisme.
 
Le Cheikh dans son entreprise du renouveau islamique s’ouvrit à tous les courants. Il considérait comme normal à cet époque de suivre simultanément l’enseignement spirituel de plusieurs maîtres soufis. Le Cheikh Uthmân dan fodio fut initié à la khalwatiyya(7) et à la Shadaliyya(8) et à la Qâdiriyya(9). Mais, c’est à cette dernière, c’est à dire la Qâdiriyya qu’il consacra plus d’égards tant dans son oeuvre que dans sa vie spirituelle.
 
Influences culturelles et religieuses
 
a) Influences maghrébines
 
La fin du XVe siècle est marqué par l'influence des enseignements et des écrits d'un certain nombre de juristes du monde musulman.
Muhammad ibn Abd al-karim al-Maghili(10), est considéré comme l’un des savants les plus féconds du XVe siècle. Ses connaissances des sciences religieuses, de l’exégèse coranique, du fiqh malikite, du hadith, de la rhétorique et de la logique lui ont donné une très grande réputation.
Originaire de la tribu des Maghîla de Tlemcen en Algérie où il commença ses études qui se poursuivirent dans les localités périphériques, il s’installa à Touat où il fut surnommé « le réformateur de Touwat » ; de là il entreprit son périple en Afrique au sud du Sahara. Il séjourna dans plusieurs villes africaines et y dispensa des cours. Il fut consulté sur le plan juridique et rendit des sentences (fatwâ). De Tigidda, il s'était rendu à Kathina où il avait établi le siège de son enseignement à la mosquée de Gabarou qui fut construite pendant son séjour de 1493 et dont l'architecture rappelle celle de Gao, Agadez et Djenné. Musulman, il lutte contre la corruption, le polythéisme, etc. et condamne l'attitude de Sonni, à l'égard des religieux.
Puis, il se rendit à Gao auprès de l’Askia Muhammad. Pendant son séjour à Gao, al-Maghili rédigea une épître dans laquelle il répondit aux questions posées par son hôte El-hat Askia Muhammad.
On trouve l’influence de la pensée d’al-Maghili dans le livre « Sirâ’ aliÌwân fî ahamm ma yuhtâ’ ilayhi fî hâghâ al-zamân » (Guide des frères sur les règles principales à suivre à cette époque). Ce texte est un discours à la fois historique et religieux centré sur l’épître de l’al-Maghilî. Dans son enseignement comme dans ses oeuvres, al-Maghili, se pose en défenseur vigilant de l'orthodoxie islamique, continuant ainsi l'oeuvre entreprise dans son pays sans grand succès. Dans ses livres, al-Maghili insiste sur la nécessité d'établir un Etat théocratique. L’influence d’al-Maghili reste cependant minime dans l’oeuvre du Cheikh, à l’instar d’Ahmad al-Zurrûq. Il est en effet parmi les soufis maghrébins celui qui, par les rapports qu’il entretenait avec l’islam africain, a le plus influencé le Cheikh Uthman dan Fodio.
 
Al-Zarrûq(11) n’acquit sa notoriété qu’en Orient. Ses fréquents voyages entre Machreq et Maghreb lui donnent une double expérience. Cependant, l’Ifriqiyya semble bien d’ailleurs constituer pour lui une importante étape initiatique, vu l’importance de ses écrits dans les oeuvres des ulèmas africains. De plus, il se fixa dans une zone intermédiaire, à Misurata, dans l’actuelle Libye. Dans son « ‘uddat al-murîd al-sâdiq », il dénonce une forme de soufisme dégénérée qui sévit dans son pays. Les références aux oeuvres du Cheikh ahmad al-Zurrûq sont nombreuses, s’agissant du livre « ‘uddat almurîd al-sâdiq », nous citons quelques exemples : à propos du but du tasawwuf, il cite Ahmad al-Zurrûq dans le kitâb « al-tafriqa bayna ‘ilm altasawwuf allathî lil-taÌalluq wa bayna ‘ilm al-tasawwuf allathî lil-taÎaqquq wa madâÎil ‘iblîs » en ce terme :
« Car, le tasawwuf a pour finalité l’étude des principes de l’unicité divine et sa mise en pratique. Mais, les Gabarites(12) pensent que le tasawwuf est un moyen de s’isoler de (ce bas monde)… ».
 
b) Influences africaines
 
Cette acculturation de valeurs traditionnelles tiendra sur la base de l’ouverture ; elle intègre toutes les cultures au sein de la communauté. De cet échange entre islam et pratiques traditionnelles, le facteur le plus intéressant reste la pratique de la géomancie « hass al-raml » (littéralement l’écriture dans le sable). Pour les auteurs arabes le « hass al-raml » est né d’une forme de divination préislamique, agréée par le prophète Muhammad. Il repose sur seize signes en relations symboliques avec d’autres aspects de l’univers tels que : les quatre points cardinaux, les quatre éléments, les signes du zodiaque, la nuit, le jour, le mois, l’année, les nombres, les lettres, les parties du corps, les planètes, les couleurs, les pièces de la maison, les saveurs, les formes, les prophètes et les califes etc.
Pour les adeptes de cette pratique, son appartenance islamique serait attestée par ce récit :
« Un jour qu’il laissait ses mains jouer avec le sable, un homme apparut subitement devant ses yeux, et lui demanda : « que fais-tu là ? » « Je me distrais avec ce sable » répondit Idris. « Non », rétorqua l’étranger, « tu ne te distrais pas ; tu fais quelque chose de très sérieux ». Cette apparition, c’était celle de l’ange Gibril, venu révéler à Idris la science de la divination, appelée « hass al-raml ». Ainsi, l’art divinatoire traduit la subtilité des influences réciproques des pratiques et des idées religieuses musulmanes et non musulmanes en Afrique.


 
La position du Cheikh Uthmân dan Fodio concernant la pratique de « hass al-raml » est ambiguë. Dans le kitâb : « nûr al-albâb », le Cheikh désapprouve cette pratique qu’il estimait contraire à la Charia, il tolère néanmoins ceux qui s’y adonnent dans la cité. En dépit de cette condamnation, nous avons trouvé des traces concernant l’art divinatoire dans ses textes de la fin du XIXe siècle. Le cheikh pour trouver une réponse à des questions liées à son avenir spirituel notamment à propos de l’arrivée de l’imâm al-Mahdi attendu et celle du muaddid rapporté par ce hadit(13) :
« Dieu envoie à cette communauté, au tournant de chaque siècle, un homme chargé de rénover la religion ».
Dans le manuscrit : « al-mahzûrât min ‘alâmât hurû’ al-mahdî » (faits et signes liés à l’arrivée d’Al-mahdi). Dans le même ouvrage, le cheikh aborde la question de savoir qui sera le réformateur « mugaddid » du siècle.
 
Des schémas représentent une circonférence et des rayons. Dans le premier cas, le centre représente « Al-Mahdi » et les personnages les formules qui l’entourent sont les rayons. Le second tableau, est identique sauf que là, le Cheikh ‘Uthman dan Fodio représente le centre sur lequel s’appuient les personnages représentés par le niveau A, ensuite par des formules pieuses désignées par le niveau B. Le recours à la géomancie serait pour le cheikh un moyen de démontrer l’exactitude de ses propos.
Dans tous les cas, ici il est question de la quête d’une promotion spirituelle, c’est la réalité essentielle, la finalité de toute voie spirituelle. Ceux qui y parviennent tiennent un même langage, celui de la perfection, de l’amour et de l’unité. Il ressort de cette analyse que la géomancie est une pratique qui s’appuie sur une logique, un système intellectuel ordonné et exprimé par une pensée. Les signes et les sujets présentés sont le symbole des messages codés provenant du monde caché.
 
Adhérence et expériences spirituelle
 
Le Cheikh a reçu et propagé le wird de la Qâdiriyya al-Mukhtariyya dans le pays Haoussa à propos, il déclare : « le wird (qâdirite) nous fut rapporté par plusieurs personnes qui l’on reçu du Cheikh al-Mukhtâr alkuntî...
Ce wird est le plus important des wirds... »(14). Ce passage montre l'ancrage de la Qâdiriyya en Afrique, ces règles sont connues de tous, mais le Cheikh al-Mukhtâr al-kuntî qui se décrivait comme le rénovateur de la Qâdiriyya reste l’artisan de cette diffusion.
Ces expériences spirituelles du Cheikh Uthman dan Fodio montrent bien que les raisons de ses différentes affiliations se trouvent non pas dans des projets d’intérêt matériel comme le pensent certains auteurs, mais surtout dans un cheminement initiatique rigoureux et obligatoire pour tous ceux qui souhaitent parvenir à la voie Muhammadienne qui transcende toutes les autres voies.
 
Le Cheikh en a fait mention à plusieurs reprises dans ses textes de la « tarîqa Muhammadiya » (la voie Muhammadienne), comme étant la voie quitranscende toutes les voies particulières. Il pense que pour y parvenir, la pratique du tajdîd constitue un élément principal de la quête incessante de la proximité de Dieu. Le tajdîd dit-il, se fait avec quelqu’un de plus proche de la source ou de l’origine de la voie mystique. Le mujaddid se doit d’être en contact avec celui qui peut transmettre la plus grande baraka, cette grâce indéfinissable qui procure des bénédictions du monde caché. Ces actions bienfaisantes ne peuvent être transmises que par des hommes ayant intégré la religion dans leur vie et accompli une transformation intérieure spirituelle :
« Se rapprocher d’un saint homme est un moyen de se rapprocher de Dieu » dit-il. En évoquant ce hadith, le Cheikh adhère au postulat de l’ensemble des soufis.
 
Les écrits du Cheikh Uthmân dan Fodio et ceux des savants qui l’ont précédés montrent bien que les lettrés ouest-africains étaient bien informés de l’activité des autres foyers culturels de la région. La présence des écrits du Cheikh Uthmân dan Fodio sur le soufisme et celle de ses héritiers sur la théologie, la littérature et la grammaire, prouvent qu’ils possédaient une large connaissance de la culture arabo-islamique.
 
 
Notes :
 
1 - Marata, ville située au Nord-Ouest du Gobir et nom du 72e roi du Gobir.
2 - Hiskett (M.) "Abdullah b. Muhammed : Tayan al waraqat bi-jam'ba'd ma la min al-abyât", trans, Ibadan University Press, 1963. Last Murray "The Sokoto Caliphate", London: Longman, 1967. Al-Masri (H.-F.) "Uthmân b. Fûdî Bayân wujûb al-hijra 'ala l-jihâd", ed. Khartoum-Oxford: Khartoum University Press, Oxford University Press, 1978.
3 - Grand juriste Malikite, parmi ses oeuvres notons : Anwâ' al-burûq fî anwâ alfurûq et Sarh tanqih al-fusûl.
4 - L'une des quatre écoles de jurisprudence de l'islam sunnite fondé à Médine par le juriste Malik ibn Anas (m. 795) ; les adeptes de cette doctrine se trouvent surtout en Afrique de l'Ouest, au Maghreb et anciennement en Andalousie (Espagne).
5 - Ces livres représentent la base de l'enseignement théologique dans le Soudan central. Aujourd'hui, on trouve beaucoup des commentaires théologiques inspirés par ces textes.
6 - Seyni (M.) : "Soufisme et reforme socio-politique et culturelle en Afrique : vie et oeuvre du Cheikh Uthmân dan Fodio (1754 - 1817)", thèse, université Bordeaux 3, janvier 2003.
7 - Kitâb al-salâsil l-dhahabiyya, chapitre III. La khalwatiyya est l'oeuvre de 'Omar al-khalwati (XIVe siècle). Studia Islamica, 1998, p. 181.
8 - C’est une confrérie "maghrébine" fondée par l'imâm Chadli (1196), né en Tunisie, disciple d'un grand soufi de Tlemcen. On attribue à l'imâm Chadli la découverte du café.
9 - La Qâdiriyya est fondée à Bagdad, par 'Abdel-Qader al-Jilani (1077 - 1166).
10 - Voir Encyclopédie de l'Islam, p. 1155.
11 - Voir Ali Fahmi (K.): "Zarrûq the Sûfî, a guide in the way and a leader to the truth" published by the general company for publication, Tripoli, 1976, p. 218.
12 - Désigne les adeptes de la toute-puissance divine (Gabriyah) qui, dans les deux premiers siècles de l'Hégire (VIIe - VIIIe siècles), s'opposent aux Sadârites qui  prônent le libre arbitre de l'homme en toute chose, et partant de là sa responsabilité finale.
13 - Ce hadith ouvre le kitâb al-Malâhîn, dans le sunna d'Abû Dâ'ud, dont l'authenticité est contestée par certains auteurs. Voir, Landeau - Tasseron Ella : "The cyclical reform : a study of the mu’addid tradition", in E. I, LXXX, p. 79.
14 - Manuscrit Salâsil al-qâdiriyya folio1.

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