samedi 27 juillet 2013

Frithjof Schuon : « Vox populi, Vox Dei »



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« ... Toutefois, cette participation du peuple, c'est-à-dire d'hommes représentant la moyenne de la collectivité, à la spiritualité de l'élite ne s'explique pas uniquement par des raisons d'opportunité, mais aussi, et surtout, par la loi de polarité ou de compensation suivant laquelle « les extrêmes se touchent. », et c'est pour cela que « la voix du peuple est la Voix de Dieu » (Vox populi, Vox Dei) ; nous voulons dire que le peuple est, en tant que porteur passif et inconscient des symboles, comme la périphérie ou le reflet passif ou féminin de l'élite qui, elle, possède et transmet les symboles en mode actif et conscient. C'est là ce qui explique aussi l'affinité curieuse et apparemment paradoxale qui existe entre le peuple et l'élite ; par exemple, le Taoïsme est ésotérique et populaire à la fois, tandis que le Confucianisme est exotérique et plus ou moins aristocratique et lettré ; ou bien, pour prendre un autre exemple, les confréries soufiques ont toujours eu, à coté de leur aspect d'élite, un aspect populaire en quelque sorte corrélatif ; cela parce que le peuple n'a pas seulement un aspect périphérique, mais aussi un aspect de totalité, et celle-ci correspond analogiquement au centre. On peut dire que les fonctions intellectuelles du peuple sont l'artisanat et le folklore, le premier représentant la méthode ou la réalisation et le second la doctrine ; le peuple reflète ainsi passivement et collectivement la fonction essentielle de l'élite, à savoir la transmission de l'aspect proprement intellectuel de la tradition, aspect dont le vêtement sera le symbolisme sous toutes ses formes. »

Frithjof Schuon (Cheikh 'îssâ Nûr ed-Dîn Ahmed), De l'Unité Transcendante des Religions (1948).

 Annexe : Extrait de correspondance : René Guénon à Frithjof Schuon (Le Caire 16 avril 1946) :

« Merci pour les envois successifs des chapitres de votre livre, maintenant complété; je le trouve du plus grand intérêt, et il aurait été assurément bien regrettable que vous ne vous décidiez pas à l’écrire. Je ne vois vraiment pas quelles modifications je pourrais vous suggérer, ni ce qu’il pourrait y avoir à ajouter ou à retrancher; je crois que ce qui se rapporte au Christianisme, en particulier, n’avait jamais été présenté sous ce jour, et cela pourra aider certains à comprendre bien des choses. Il importerait que ce livre puisse paraître le plus tôt possible [...] Pour ce qui est de votre nouveau titre, il me semble en effet préférable au premier parce qu’il est plus court, et que peut-être aussi il semblera plus clair aux lecteurs qui ne sont pas encore habitués à notre terminologie. |...] A ce que vous dites dans votre réponse au sujet de st Jean il y aurait peut-être seulement ceci à ajouter: beaucoup de Musulmans considèrent aussi St Georges comme un Prophète, appartenant à la famille spirituelle de Seyidnâ El-Khidr, Seyidnâ Idris et Seyidnâ Ilyas; mais, en tout cas, il est bien entendu qu’il ne serait également que Nabî et non Rasûl. A ce propos, je ne sais plus si j’ai jamais eu l’occasion de vous dire que ce qui m’avait donné l’idée d’écrire les articles sur la « réalisation descendante » parus au début de 1939, c’est le fait que certains Shiites prétendent que le Walî a un maqâm plus élevé (sous le rapport d’el-qurb) que le Nabî et même que le Rasûl. Ce que j’ai écrit dernièrement à propos des Malâmatiyah, comme vous le verrez (ou peut-être l’avez-vous déjà vu, car le 4e no des « E. T. » doit être paru maintenant), touche aussi à la même question; cet article se rencontre d’ailleurs avec ce que vous avez écrit vous-même sur les rapports des initiés avec le peuple, et, par une assez curieuse « coïncidence » (?),je venais justement de projeter de l’écrire quand cette partie de votre livre nous est parvenue! »

 

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