lundi 7 mai 2012

René Guénon - Coeur et cerveau *






René Guénon




Nous avons lu récemment, dans la revue Vers l'Unité (juillet-août et septembre-octobre 1926), sous la signature de Madame Th. Darel, une étude où se trouvent quelques considérations assez proches, à certains égards, de celles que nous avons eu, de notre côté, l'occasion d'exposer ici même. Peut-être y aurait-il des réserves à faire sur certaines expressions, qui ne nous paraissent pas avoir toute la préci-sion souhaitable ; mais nous n'en croyons pas moins intéressant de reproduire pour les lecteurs de Regnabit divers passages de cette étude.

« … S'il est un mouvement essentiel, c'est celui qui a fait de l'homme un être vertical à stabilité volontaire ; un être dont les élans d'idéal, les prières, les sentiments les plus élevés et les plus purs montent comme un encens vers le Ciel. De cet être, l'Etre suprême fit un temple dans le Temple et pour cela le dota d'un coeur, c'est-à-dire d'un point d'appui immuable, d'un centre de mouvement rendant l'homme adéquat à ses origines, semblable à sa Cause première. En même temps, il est vrai, l'homme fut pourvu d'un cerveau ; mais ce cerveau, dont l'innervation est propre au règne animal tout entier, se trouve, de facto, soumis à un ordre de mouvement secondaire (par rapport au mouvement initial). Le cerveau, instrument de la pensée enclose dans le monde et transformateur à l'usage de l'homme et du monde de cette Pensée latente, la rend ainsi réalisable par son intermédiaire. Mais le coeur seul, par un aspir et un expir secret, permet à l'homme, en demeurant uni à son Dieu, d'être Pensée vivante. Aussi, grâce à cette pulsation royale, l'homme conserve-t-il sa parcelle de divinité et oeuvre-t-il sous l'égide de son Créateur, soucieux de sa Loi, heureux d'un bonheur qu'il lui appartient uniquement de se ravir à lui-même, en se détournant de la voie secrète qui conduit de son coeur au Coeur universel, au Coeur divin... Retom-bé au niveau de l'animalité, toute supérieure qu'il soit en droit de l'appeler, l'homme n'a plus à faire usage que du cerveau et de ses annexes. Ce faisant, il vit de ses seules possibilités transformatrices ; il vit de la Pensée latente répandue dans le monde ; mais il n'est plus en son pouvoir d'être Pensée vi-vante. Pourtant, les Religions, les Saints, les monuments mêmes élevés sous le signe d'une ordination spirituelle disparue, parlent à l'homme de son origine et des privilèges qui s'y rattachent. Pour peu qu'il le veuille, son attention portée exclusivement sur les besoins inhérents à son état relatif peut s'exercer à rétablir chez lui l'équilibre, à recouvrer le bonheur... L'excès de ses égarements amène l'homme à en re-connaître l'inanité. A bout de souffle, le voici qui par un mouvement instinctif se replie sur lui-même, se réfugie en son propre coeur, et, timidement, s'essaie à descendre en sa crypte silencieuse. Là, les vains bruits du monde se taisent. S'il en demeure, c'est que la profondeur muette n'est point encore at-teinte, que le seuil auguste n'est point encore franchi... Le monde et l'homme sont un. Et le Coeur de l'homme, le Coeur du monde sont un seul Coeur.»)



Ceux qui ont eu connaissance de nos précédents articles retrouveront là sans peine l'idée du coeur comme centre de l'être, idée qui, ainsi que nous l'avons expliqué (et nous y reviendrons encore), est commune à toutes les traditions antiques, issues de cette Tradition primordiale dont les vestiges se rencontrent encore partout pour qui sait les voir. Ils y retrouveront aussi l'idée de la chute rejetant l'homme loin de son centre originel, et interrompant pour lui la communication directe avec le « Coeur du Monde », telle qu'elle était établie de façon normale et permanente dans l'état édénique (1). Ils y retrouveront enfin, en ce qui concerne le rôle central du coeur, l'indication du double mouvement centri-pète et centrifuge, comparable aux deux phases de la respiration (2) ; il est vrai que, dans le passage que nous allons citer maintenant, la dualité de ces mouvements est rapportée à celle du coeur et du cerveau, ce qui semble à première vue introduire quelque confusion, bien que cela puisse aussi se soutenir quand on se place à un point de vue un peu différent, où coeur et cerveau sont envisagés comme constituant en quelque sorte deux pôles dans l'être humain.

« Chez l'homme, la force centrifuge a pour organe le Cerveau, la force centripète, le Coeur. Le Coeur, siège et conservateur du mouvement initial, est représenté dans l'organisme corporel par le mou-vement de diastole et de systole qui ramène continûment à son propulseur le sang générateur de vie physique et l'en chasse pour irriguer le champ de son action. Mais le Coeur est autre chose encore. Comme le Soleil qui, tout en répandant les effluves de vie, garde le secret de sa royauté mystique, le Coeur revêt des fonctions subtiles non discernables pour qui ne s'est point penché sur la vie profonde et n'a point concentré son attention sur le royaume intérieur dont il est le Tabernacle... Le Coeur est, à notre sens, le siège et le conservateur de la vie cosmique. Les religions le savaient qui ont fait du Coeur le symbole sacré, et les bâtisseurs de cathédrales qui ont érigé le lieu saint au coeur du Temple. Ils le sa-vaient aussi, ceux qui, dans les traditions les plus anciennes, dans les rites les plus secrets, faisaient abs-traction de l'intelligence discursive, imposaient le silence à leur cerveau pour entrer dans le Sanctuaire et s'y élever par delà leur être relatif jusqu'à l'Etre de l'être. Ce parallélisme du Temple et du Coeur nous ramène au double mode de mouvement qui, d'une part (mode vertical), élève l'homme au delà de lui-même et le dégage du processus propre à la manifestation, et, d'autre part (mode horizontal ou circulaire), le fait participer à cette manifestation tout entière. »


La comparaison du Coeur et du Temple, à laquelle il est fait ici allusion, nous l'avons trouvée plus particulièrement dans la Kabbale hébraïque (3), et, comme nous l'indiquions précédemment, on peut y rattacher les expressions de certains théologiens du moyen âge assimilant le Coeur du Christ au Tabernacle ou à l'Arche d'Alliance (4). D'autre part, pour ce qui est déjà considération du mouvement vertical et horizontal, elle se rapporte à un aspect du symbolisme de la croix, spécialement développé dans certaines écoles d'ésotérisme musulman, et dont nous parlerons peut-être quelque jour ; c'est en effet de ce symbolisme qu'il est question dans la suite de la même étude, et nous en extrairons une dernière citation, dont le début pourra être rapproché de ce que nous avons dit, à propos des symboles du centre, sur la croix dans le cercle et sur le swastika (5).
« La Croix est le signe cosmique par excellence. Aussi loin qu'il est possible de remonter dans le temps, la Croix représente ce qui unit dans leur double signification le vertical et l'horizontal ; elle fait participer le mouvement qui leur est propre d'un seul centre, d'un même acte générateur... Comment ne pas accorder un sens métaphysique à un signe susceptible de répondre aussi complètement à la nature des choses ? Pour être devenue le symbole presque exclusif du divin crucifiement, la Croix n'a fait qu'accentuer sa signification sacrée. En effet, si dès les origines ce signe fut représentatif des rapports du monde et de l'homme avec Dieu, il devenait impossible de ne point identifier la Rédemption à la Croix, de ne point clouer sur la Croix l'Homme dont le Coeur est au plus haut degré représentatif du divin dans un monde oublieux de ce mystère. Si nous faisions ici de l'exégèse, il serait facile de montrer à quel point les Évangiles et leur symbolisme profond sont significatifs à cet égard. Le Christ est plus qu'un fait, que le grand Fait d'il y a deux mille ans. Sa figure est de tous les siècles. Elle surgit du tom-beau où descend l'homme relatif, pour ressusciter incorruptible dans l'Homme divin, dans l'Homme racheté par le Coeur universel qui bat au coeur de l'Homme, et dont le sang est répandu peur le salut de l'homme et du monde. »


La dernière remarque, bien qu'exprimée en termes un peu obscurs, s'accorde au fond avec ce que nous avons dit de la valeur symbolique qu'ont, en outre de leur réalité propre (et, bien entendu, sans que celle-ci en soit aucunement affectée), les faits historiques, et surtout les faits de l'histoire sacrée (6) ; mais ce n'est pas sur ces considérations que nous nous proposons d'insister présentement. Ce que nous voulons, c'est revenir, en profitant de l'occasion qui nous en est ainsi fournie, sur la question des rapports du coeur et du cerveau, ou des facultés représentées par ces deux organes ; nous avons déjà donné quelques indications sur ce sujet (7), mais nous croyons qu'il ne sera pas inutile d'y apporter de nou-veaux développements.


Nous avons vu tout à l'heure qu'on peut, en un sens, considérer le coeur et le cerveau comme deux pôles, c'est-à-dire comme deux éléments complémentaires ; ce point de vue du complémentarisme correspond effectivement à une réalité dans un certain ordre, à un certain niveau si l'on peut dire ; il est même moins extérieur et moins superficiel que le point de vue de l'opposition pure et simple, qui renferme pourtant aussi une part de vérité, mais seulement lorsqu'on s'en tient aux apparences les plus immédiates. Avec la considération du complémentarisme, l'opposition se trouve déjà conciliée et résolue, au moins jusqu'à un certain point, ses deux termes s'équilibrant en quelque sorte l'un par l'autre. Cependant, ce point de vue est encore insuffisant, par là même qu'il laisse malgré tout subsister une dualité : dire qu'il y a dans l'homme deux pôles ou deux centres, entre lesquels il peut d'ailleurs y avoir antagonisme ou harmonie suivant les cas, cela est vrai quand on l'envisage dans un certain état ; mais n'est-ce pas là un état que l'on pourrait dire « décentré » ou « désuni », et qui, comme tel, ne caractérise proprement que l'homme déchu, donc séparé de son centre originel comme nous le rappelions plus haut ? C'est au moment même de la chute qu'Adam devient « connaissant le bien et le mal » (Genèse, III, 22), c'est-à-dire commence à considérer toutes choses sous l'aspect de la dualité ; la nature duelle de l'« Arbre de la Science » lui apparaît lorsqu'il se trouve rejeté hors du lieu de l'unité première, à laquelle correspond l'« Arbre de Vie » (8).
Quoi qu'il en soit, ce qui est certain, c'est que, si la dualité existe bien dans l'être, ce ne peut être qu'à un point de vue contingent et relatif ; si l'on se place à un autre point de vue, plus profond et plus essentiel, ou si l'on envisage l'être dans l'état qui correspond à celui-ci, l'unité de cet être doit se trouver rétablie (9). Alors, le rapport entre les deux éléments qui étaient apparus d'abord comme opposés,puis comme complémentaires, devient autre: c'est un rapport, non plus de corrélation ou de coordination, mais de subordination.



Les deux termes de ce rapport, en effet, ne peuvent plus être placés sur un même plan, comme s'il y avait entre eux une sorte d'équivalence ; l'un dépend au contraire de l'autre comme ayant en lui son principe; et tel est bien le cas pour ce que représentent respectivement le cerveau et le coeur.


Pour faire comprendre ceci, nous reviendrons au symbolisme que nous avons déjà indiqué (10), et suivant lequel le coeur est assimilé au soleil et le cerveau à la lune. Or le soleil et la lune, ou plutôt les principes cosmiques qui sont représentés par ces deux astres, sont souvent figurés comme complémentaires, et ils le sont en effet à un certain point de vue ; on établit alors entre eux une sorte de parallé-lisme ou de symétrie, dont il serait facile de trouver des exemples dans toutes les traditions. C'est ainsi que l'hermétisme fait du soleil et de la lune (ou de leurs équivalents alchimiques, l'or et l'argent) l'image des deux principes actif et passif, ou masculin et féminin suivant un autre mode d'expression, qui sont bien les deux termes d'un véritable complémentarisme (11). D'ailleurs, si l'on considère les apparences de notre monde, ainsi qu'il est légitime de le faire, le soleil et la lune ont effectivement des rôles com-
parables et symétriques, étant, suivant l'expression biblique, « les deux grands luminaires dont l'un préside au jour et l'autre à la nuit. » (Genèse, I, 16) ; et certaines langues extrême-orientales (chinois, an-namite, malais) les désignent par des termes qui sont pareillement symétriques, signifiant « oeil du jour » et « oeil de la nuit ». Pourtant, si l'on va au delà des apparences, il n'est plus possible de maintenir cette sorte d'équivalence, puisque le soleil est par lui-même une source de lumière, tandis que la lune ne fait que réfléchir la lumière qu'elle reçoit du soleil (12). La lumière lunaire n'est en réalité qu'un reflet de la lumière solaire ; on pourrait donc dire que la lune, en tant que « luminaire », n'existe que par le soleil.



Ce qui est vrai pour le soleil et la lune l'est aussi pour le coeur et le cerveau, ou, pour mieux dire, pour les facultés auxquelles correspondent ces deux organes et qui sont symbolisées par eux, c'est-à-dire l'intelligence intuitive et l'intelligence discursive ou rationnelle. Le cerveau, en tant qu'organe ou instrument de cette dernière, ne joue véritablement qu'un rôle de « transmetteur » et, si l'on veut, de « transformateur » ; et ce n'est pas sans motif que le mot de « réflexion » est appliqué à la pensée rationnelle, par laquelle les choses ne sont vues que comme dans un miroir, quasi per speculum, comme dit saint Paul. Ce n'est pas sans motif non plus qu'une même racine man ou men a servi, dans des langues diverse, à former de nombreux mots qui désignent d'une part la lune (grec mênê, anglais moon, al-lemand mond) (13), et d'autre part la faculté rationnelle ou le « mental » (sanscrit manas, latin mens, anglais mind) (14), et aussi, par suite, l'homme considéré plus spécialement dans la nature rationnelle par laquelle il se définit spécifiquement (sanscrit mânava, anglais man, allemand mann et mensch) (15). La raison, en effet, qui n'est qu'une faculté de connaissance médiate, est le mode proprement humain de l'intelligence ; l'intuition intellectuelle peut être dite supra-humaine, puisqu'elle est une participation di-recte de l'Intelligence universelle, qui, résidant dans le coeur, c'est-à-dire au centre même de l'être, là où est son point de contact avec le Divin, pénètre cet être par l'intérieur et l'illumine de son rayonnement (16).

La lumière est le symbole le plus habituel de la connaissance ; il est donc naturel de représenter par la lumière solaire la connaissance directe, c'est-à-dire intuitive, qui est celle de l'intellect pur, et par la lumière lunaire la connaissance réfléchie, c'est-à-dire discursive, qui est celle de la raison. Comme la lune ne peut donner sa lumière que si elle est elle-même éclairée par le soleil, de même la raison ne peut fonctionner valablement, dans l'ordre de réalité qui est son domaine propre, que sous la garantie de principes qui l'éclairent et la dirigent, et qu'elle reçoit de l'intellect supérieur.


Il y a sur ce point une équivoque qu'il importe de dissiper les philosophes modernes (17) se trompent étrangement en parlant comme ils le font de « principes rationnels », comme si ces principes appartenaient en propre à la raison, comme s'ils étaient en quelque sorte son oeuvre, alors que, pour la gouverner, il faut au contraire nécessairement qu'ils s'imposent à elle, donc qu'ils viennent de plus haut ; c'est là un exemple de l'erreur rationaliste, et l'on peut se rendre compte par là de la différence essentielle qui existe entre le rationalisme et le véritable intellectualisme. Il suffit de réfléchir un instant pour comprendre qu'un principe, au vrai sens de ce mot, par là même qu'il ne peut se tirer ou se déduire d'autre chose, ne peut être saisi qu'immédiatement, donc intuitivement, et ne saurait être l'objet d'une connais-sance discursive comme celle qui caractérise la raison ; pour nous servir ici de la terminologie scolastique, c'est l'intellect pur qui est habitus principiorum, tandis que la raison est seulement habitus conclu-sionum.


Une autre conséquence résulte encore des caractères fondamentaux de l'intellect et de la raison : une connaissance intuitive, parce qu'elle est immédiate, est nécessairement infaillible par elle-même (18); au contraire, l'erreur peut toujours s'introduire dans toute connaissance qui n'est qu'indirecte ou médiate comme l'est la connaissance rationnelle ; et l'on voit par là combien Descartes avait tort de vouloir attribuer l'infaillibilité à la raison. C'est ce qu'Aristote exprime en ces termes (19) : « Parmi les avoirs de l'intelligence (20), en vertu desquels nous atteignons la vérité il en est qui sont toujours vrais, et d'autres qui peuvent donner dans l'erreur. Le raisonnement est dans ce dernier cas ; mais l'intellect est toujours conforme à la vérité, et rien n'est plus vrai que l'intellect. Or, les principes étant plus notoires que la démonstration, et toute science étant accompagnée de raisonnement, la connaissance des principes n'est pas une science (mais elle est un mode de connaissance supérieur à la connaissance scientifique ou ra-tionnelle, et qui constitue proprement la connaissance métaphysique). D'ailleurs, l'intellect est seul plus vrai que la science (ou que la raison qui édifie la science) ; donc les principes relèvent de l'intellect. « Et, pour mieux affirmer le caractère intuitif de cet intellect, Aristote dit encore : « On ne démontre pas les principes, mais on en perçoit directement la vérité » (21).


Cette perception directe de la vérité, cette intuition intellectuelle et supra-rationnelle dont les modernes semblent avoir perdu jusqu'à la simple notion, c'est véritablement la « connaissance du coeur », suivant une expression qui se rencontre fréquemment dans les doctrines orientales. Cette connaissance est d' ailleurs, en elle-même, quelque chose d'incommunicable; il faut l'avoir « réalisée » ; au moins dans une certaine mesure, pour savoir ce qu'elle est vraiment ; et tout ce qu'on en peut dire n'en donne qu'une idée plus ou moins approchée, toujours inadéquate. Surtout, ce serait une erreur de croire qu'on peut comprendre effectivement ce qu'est le genre de connaissance dont il s'agit quand on se contente de l'envisager « philosophiquement, c'est-à-dire du dehors, car il ne faut jamais oublier que la philosophie n'est qu'une connaissance purement humaine ou rationnelle, comme l'est tout « savoir profane ».



Au contraire, c'est sur la connaissance supra-rationnelle que se fonde essentiellement la « science sacrée », au sens où nous employions cette expression en terminant notre dernier article ; et tout ce que nous avons dit de l'usage du symbolisme et de l'enseignement qui y est contenu se rapporte aux moyens que les doctrines traditionnelles mettent à la disposition de l'homme pour lui permettre d'arriver à cette connaissance par excellence, dont toute autre connaissance, dans la mesure où elle a aussi quelque réalité, n'est qu'une participation plus ou moins lointaine, un reflet plus ou moins indirect, comme la lumière de la lune n'est qu'un pale reflet de celle du soleil. La « connaissance du coeur », c'est la perception directe de la Lumière intelligible, de cette Lumière du Verbe dont parle saint Jean au début de son Évangile, Lumière rayonnant du « Soleil spirituel » qui est le véritable « Coeur du Monde ».


RENÉ GUÉNON.






∗ « Regnabit » - 6e année – N° 8 – Tome XII – Janvier 1927.




(1) Voir Le Sacré-Coeur et la légende du Saint GraaI, août-septembre 1925.

(2) Voir L'idée du Centre dans les traditions antiques, mai 1926, p. 485.
 
(3) Le Coeur du Monde dans la Kabbale hébraïque, juillet-août 1926; La Terre Sainte et le Coeur du Monde, septembre-octobre 1926.
(4) A propos des signes corporatifs et de leur sens originel, février 1926, p. 220.
(5) L'idée du Centre dans les traditions antiques, mai 1926.
(6) Les Arbres du Paradis, mars 1926, p. 295.

(7)Le Coeur rayonnant et le Coeur enflammé, avril 1926.
(8) Voir Les Arbres du Paradis, mars 1926. - De certaines comparaisons qu'on peut établir entre le symbolisme biblique et apocalyptique et le symbolisme hindou, il résulte très clairement que l'essence de l'« Arbre de Vie » est proprement l'« Indivisible » (en sanscrit Aditi) ; mais ceci nous éloignerait trop de notre sujet.
(9) On peut se souvenir ici de l'adage scolastique : « Esse et unum convertuntur ».
(10) Le Coeur rayonnant et le Coeur enflammé, avril1926, p. 384.
(11) Il faut d'ailleurs remarquer que, sous un certain rapport, chacun des deux termes peut à son tour se polariser en actif et passif, d'où les figurations du soleil et de la lune comme androgynes; c'est ainsi que Janus, sous un de ses aspects, est Lu-nus-Luna, comme nous l'avons signalé précédemment (A propos de quelques symboles hermético-religieux, décembre 1925, p. 24). On peut comprendre par des considérations analogues que la force centrifuge et la force centripète soient, à un point de vue, rapportées respectivement au cerveau et au coeur, et que, à un autre point de vue, elles le soient toutes deux au coeur, comme correspondant à deux phases complémentaires de sa fonction centrale.


(12)Ceci pourrait être généralisé : la « réceptivité » caractérise partout et toujours le principe passif, de sorte qu'il n'y a pas une véritable équivalence entre celui-ci et le principe actif, bien que, en un sens, ils soient nécessaires l'un à l'autre, n'étant l'un actif et l'autre passif que dans leur relation même.
(13) De là aussi le nom du mois (latin mensis, anglais month, allemand monat), qui est proprement la « lunaison ». - A la même racine se rattachent également l'idée de mesure (latin mensura) et celle de division ou de partage ; mais ceci encore nous entraînerait trop loin.
(14) La mémoire se trouve aussi désignée par des mots similaires (grec mnêsis, mnêmosunê) ; elle n'est en effet, elle aus-si, qu'une faculté « réfléchissante », et la lune, dans un certain aspect de son symbolisme, est considérée comme représentant la « mémoire cosmique ».
(15) De là vient également le nom de la Minerva (ou Menerva) des Etrusques et des Latins ; il est à remarquer que l'Athena des Grecs, qui lui est assimilée, est dite issue du cerveau de Zeus, et qu'elle a pour emblème la chouette, qui, par son caractère d'oiseau nocturne, se rapporte encore au symbolisme lunaire ; à cet égard, la chouette s'oppose à l'aigle, qui, pouvant regarder le soleil en face, représente souvent l'intelligence intuitive, ou la contemplation directe de la Lumière intelligible.
(16) Voir Le Coeur rayonnant et le Coeur enflammé, avril 1926, p. 384 ; La Terre Sainte et le Coeur du Monde, septem-bre-octobre 1926, p. 213.
(17) Précisons que, par cette expression, nous entendons ceux qui représentent la mentalité moderne, telle que nous avons eu souvent l'occasion de la définir (voir notamment notre communication parue dans le n° de juin 1921, pp. 6-11) ; le point de vue même de la philosophie moderne et sa façon spéciale de poser les questions sont incompatibles avec la métaphysique vraie.


(18) Saint Thomas note cependant (I, q. 58, a. 5, et q. 85, a. 6) que l'intellect peut errer dans la simple perception de son objet propre ; mais cette erreur ne se produit que per accidens, à cause d'une affirmation d'ordre discursif qui est interve-nue ; ce n'est donc plus, à vrai dire, de l'intellect pur qu'il s'agit dans ce cas. Il est d'ailleurs bien entendu que l'infaillibilité ne s'applique qu'à la saisie même des vérités intuitives, et non à leur formulation ou à leur traduction en mode discursif.
(19) Derniers Analytiques.
(20) On rend ordinairement par « avoir » le mot grec exis, qui est à peu près intraduisible en français, et qui correspond plus exactement au latin habitus, signifiant à la fois nature, disposition, état, manière d'être.
(21) Rappelons aussi ces définitions de saint Thomas d'Aquin : « Ratio discursum quemdam designat, quo ex uno in aliud cognoscendum anima humana pervenit ; intellectus vero simplicem et absolutam cognitionem (sine aliquo motu vel discur-su, statim in prima et subita acceptione) designare videtur » (De Veritate, q. XV, a. 1).

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