(Publicado no Diorama Filosofico em 1939)
Il ne sera peut-être pas sans intérêt d'examiner ce que
les modernes se complaisent à appeler, avec leur incompétence désormais
légendaire en matière d'orientations théoriques, le "problème
sexuel", eux qui réduisent les rapports entre les sexes à une relation
purement extérieure, à une interdépendance superficielle chargée de préjugés et
d'erreurs qui se résument à deux points de vue également erronés : le point de
vue économique et le point de vue sentimental. Apparemment opposés, ceux-ci
sont étroitement dépendants et se réunissent dans un mariage hybride
parfaitement anti-traditionnel, donc contraire à la vérité, puisqu'il ne peut y
avoir de vérité en dehors de la tradition, qui est le système même des vérités
révélées, contrôlées, approfondies et appliquées sur tous les plans, du plan
métaphysique et proprement sacré jusqu'aux domaines les plus contingents où
s'exerce l'activité humaine.
Tradition et
traditionalisme
La tradition n'est absolument pas le traditionalisme :
l'une est patrimoine vivant éternellement fécond, riche de potentialités
infinies dans tous les temps et en toutes circonstances, comme une source dont
les eaux alimentent plaines et vallées, les irriguant dans tous les sens ;
l'autre est résidu stérile, concrétion refermée sur elle-même, inefficace,
impossible à adapter et privée de toute impulsion énergétique et créatrice. La
tradition s'oppose nettement au traditionalisme, tout comme la vérité s'oppose
aux lois communes : ce qui dans l'une se renouvelle sans cesse avec vigueur,
dans l'autre est mort, cadavérique, au point de constituer une entrave, un
obstacle à la compréhension du caractère originel des normes et des thèmes
traditionnels.
Or, on observe précisément ce passage de la tradition au
traditionalisme dans ce qu'on appelle le "problème sexuel". Lorsque
la première est oubliée, il ne reste que le second, et l'on construit alors
autour de ce résidu trompeur un étrange mélange de théories qui prennent
plaisir à tourner autour d'une absurdité. Laquelle ? Elle vient tout simplement
de l'ignorance profonde de la nature et de la destination des sexes, de ce
qu'on pourrait appeler la "polarité sexuelle".
Il n'est pas
possible, dans le cadre de ces notes, d'exposer ici, même de façon succincte,
les éléments traditionnels du "problème" présumé. Cela nous mènerait
à des considérations d'ordre supérieur, complexes et qui donnent lieu à des
développements, à la "métaphysique des sexes". Il faut donc se
limiter à ce qui est en soi suffisant pour faire comprendre qu'il n'y a en fait
aucun "problème" à résoudre, ce qui est une façon de réduire à néant
le préjugé si cher aux modernes qui fait qu'ils découvrent par tout nœuds et
difficultés, autour desquels ils déambulent avec une inconscience complaisante,
en déclarant impossible à résoudre ce qu'ils ne connaissent pas puisqu'ils se
placent devant un résidu mort qu'on ne peut pas raviver. Ignorant la nature
profonde de la polarité sexuelle, les modernes sont confrontés à ce que les
sexes sont actuellement, après tant d'aberrations et tant de révolte contre les
vérités traditionnelles : au lieu de ramener les rapports entre les sexes à la
normalité, ils continuent de contempler le petit monstre et de le déclarer
absurde, quand ils ne proposent pas des solutions violentes, précipitées et
absolument illégitimes.
Nature
des sexes
En réalité, il faut se référer à la nature des sexes pour
en comprendre la destination et pour descendre, du plan métaphysique, au plan
contingent, social, de façon à établir un rapport normal selon la vérité et la
justice, sans se laisser entraîner par des impulsions irraisonnées ni par un
verbalisme parfaitement imbécile. Disons sans plus attendre que la sexualité,
au sens supérieur, implique dualité, distinction, et que cette distinction ne
peut être originelle : car dans la Suprême Réalité, qui est Dieu, il n'y a rien
à séparer ou à distinguer, à opposer ou à discerner. Elle est ce qu'elle est,
et le caractère impénétrable de Son mystère est la garantie de Son absoluité.
Cette unité substantielle, radicale, originelle, est admise implicitement
partout, appartient à toutes les traditions, est le fondement de toute croyance
reposant sur l'idée de transcendance et d'infinité divines. D'ailleurs, si
mathématiquement parlant la sérieindéfinie des nombres sort de l'unité sans
laquelle elle n'existerait pas, il est logique que la Réalité Suprême soit
l'unité absolue, celle qui n'admet pas la distinction ou la dualité. Nous
désirons faire comprendre que la polarité apparaît, pour ainsi dire, dans un
deuxième temps, et que, tout en existant dès lors qu'elle est posée, elle doit
toujours être rattachée à la réalité originelle qui est absolument une et
indivisible.
D'où il découle que les sexes, bien que distincts et
séparés, ont une seule et même origine : il y a donc en eux, simultanément,
différence et similitude, ce qui signifie qu'ils ne sont pas opposés mais
complémentaires. Ce point est de la plus haute importance pour mettre en
évidence le grave préjugé des modernes, qui s'obstinent à considérer les sexes
comme antinomiques, comme deux réalités irréductibles, radicalement opposées,
destinées à s'affronter, ce qui expliquerait l'origine du "problème
sexuel" et par conséquent l'impossibilité de le résoudre. Mais lorsqu'on
considère la vraie nature de la détermination sexuelle, elle apparaît comme une
polarité nécessaire à l'équilibre de l'axe humain. Aucun des deux pôles ne peut
et ne doit l'emporter sur l'autre sans compromettre la norme même de
l'équilibre qui fait des sexes le fondement du plan humain dans la fécondité de
ses développements. Pour lever toute ambiguïté sur la question, nous dirons que
le "mâle" suppose la "femelle" : autrement, pour qui et
pourquoi serait-il "mâle" ? Et si la "masculinité" et la
"féminité" sont les deux extrêmes d'un axe que nous appellerons
"homme", comment peut-on accorder la prééminence à l'un sans
bouleverser l'équilibre, le système, la réalité qui dépend des deux termes ? Il
faut donc que l'homme soit viril et que la femme soit féminine afin de
préserver l'équilibre humain et de maintenir la vérité dans la pureté de la
complémentarité axiale.
Etre soi-même
L'ordre normal implique un équilibre stable de ces deux
extrêmes qui ne le sont que sur le plan humain, puisqu'en réalité ils
convergent en direction d'un point qui est l'unité originelle. En effet, si,
schématiquement et symboliquement parlant, nous réduisons le principe masculin
et le principe féminin à deux coins, à deux angles (ce qui correspond
exactement à la brutalité physiologique de la fonction sexuelle), nous avons
deux pôles tournés vers le même centre : l'un actif, l'autre passif, l'un
émetteur, l'autre récepteur, l'un créateur, l'autre conservateur, l'un
fécondateur, l'autre producteur, l'un "donneur de germes", l'autre
"porteur de germes". Que les lecteurs approfondissent cette
complémentarité et ils verront très précisément qu'on ne peut rien enlever ou
ajouter arbitrairement à l'un de ces pôles nécessaires sans troubler
définitivement l'équilibre de l'axe humain. Nous dirons donc que la femme n'est
vraiment femme que lorsque l'homme est vraiment homme ; que si l'élément féminin
est aujourd'hui dégénéré, cela est dû exclusivement à la décadence de l'élément
masculin. L'homme ayant cessé d'être tel, la femme elle aussi a cessé d'être
femme. Il faudrait que les modernes commencent par prendre conscience de cette
vérité élémentaire pour pouvoir en finir avec une opposition, une querelle, une
lutte pour la suprématie qui n'a aucune valeur et dont la seule cause est la
faiblesse, la dévirilisation croissante de l'homme, qui a produit la
déformation actuelle de la femme. Retourner à la normalité signifie tout
d'abord comprendre la complémentarité sexuelle, dissiper le mythe d'une
"opposition", d'une "lutte" ou d'un "problème"
entre les sexes, et faire en sorte que, concrètement, la vie permette à l'homme
d'être homme et à la femme d'être femme : en excluant toutes les formes de
sentimentalisme, toutes les formes de cynisme, les violences, les impulsions
aveugles qui sont le signe d'une mentalité déplorablement infantile.
De même qu'il y a sur un plan supérieur une voie des
hommes et une voie des femmes pour la réalisation spirituelle, qui se
rejoignent dans la réalité de Dieu, de même il y a dans l'ordre pratique une
activité masculine et une activité féminine complémentaires, et non
divergentes, pour la stabilité de l'axe humain. C'est le devoir de la Romanité
Fasciste que de rétablir cet équilibre, de trancher une fois pour toutes ces
antinomies fallacieuses, de mettre fin à de faux problèmes, de reconduire le
plan humain à la normalité en permettant aux deux éléments qui forment la
polarité sexuelle de se développer selon la nature et la vérité.
Puisque la femme est passive, réceptive, porteuse de
germes et conservatrice, elle doit considérer l'homme comme son maître. Ainsi
seulement deviendra-t-elle maîtresse d'elle-même et sa servitude, vécue
consciemment, sera son plus beau triomphe et sa plus grande fierté. Que la
femme s'agenouille devant l'homme et que celui-ci soit vraiment tel,
c'est-à-dire digne d'être respecté, servi, compris, dans sa fonction de maître
qui décide. Saint Paul dit à ce sujet : "Mulier in silentio discat cum
omni subiectione. Docere autem mulieri non permitto, neque dominari in virum
sed esse in silentio" (1). Il n'y a nul besoin de recourir à d'autres
traditions pour confirmer ce qui est éclairé par l'évidence même des
attributions qui reviennent à l'un et l'autre sexe, attributions que les
modernes sont en train d'inverser, ce qui ne les empêche pas de se retourner
ensuite contre les résultats de cette déformation. La raison de tout cela
doit être recherchée dans le sentimentalisme, qui est la plaie de l'humanité
actuelle et qui engendre par réaction des affirmations cyniques, bestiales,
niaises, tout aussi injustifiées et illégitimes.
Aberrations
Le mépris de l'homme pour la femme se situe sur le même
plan que l'adoration sentimentale : il s'agit d'aberrations dues à
l'incompréhension de la polarité sexuelle et de sa destination précise. Si, à
un niveau plus élevé, l'élément masculin correspond à la connaissance et l'élément
féminin à l’amour, il y a pourtant un point d'unification encore plus élevé :
l'amour de la connaissance, où les deux voies se complètent et s'intègrent. A
un degré inférieur, l'unification advient spontanément dans la descendance,
résolution immédiate du dualisme sexuel dans la trame indéfinie de l'existence
humaine conditionnée. Tous les autres pseudo-problèmes relèvent de la sexualité
morbide et sensitive et ne méritent même pas d'être examinés ici, car ils ne
représentent que l'accumulation détritique de l'hystérisme littéraire. Tout
autre est l'union sexuelle : symbole, en réalité, de la consommation
réalisatrice par laquelle la dualité se dissout dans l'acmé béatifique. Il
n'est pas possible d'insister ici sur l'inversion humaine et la limpidité du
plan divin, où ce symbole se vide de son schéma figuratif pour se fixer en
créativité d'ordre supra-humain.
L'agonie actuelle ne nous présente que de fausses
positions privées de toute formulation traditionnelle : il n'y a aucun intérêt
à en parler, parce qu'au fond elles ne sont rien, bien qu'elles fassent
obstruction à tout. Mais une constata tion s'impose : la révolte de la femme
contre 'homme, quelque forme qu'elle revête, est la démonstration la plus
claire de la dévirilisation progressive de l'homme, qui a adopté devant la
femme une forme de réaction exactement copiée sur les réactions féminines. La
"lutte des sexes" est le mythe d'une réalité d'ordre infiniment plus
vaste, qui se résout dans le rapport entre l'essence informatrice et
actualisatrice et la substance plastique et potentielle, dont l'union donne
naissance à la manifestation cosmique et humaine. Face à la femme, l'homme est
exactement ce que la femme est face à lui : de même qu'ils ne peuvent pas vivre
séparément, de même il est parfaitement vain de parler d'autonomie tant qu'il y
a polarité. Pour bien comprendre ce que sont les sexes, il faut se placer
au-dessus d'eux en les résolvant dans un principe commun qui est l'Unité
Originelle.
La modernité ignore tout de ces vérités traditionnelles
et ne peut retrouver la norme qui équilibre les polarisations apparentes, dont
la sexualité est l'expression la plus visible. A ceux qui méprisent la femme,
nous dirons qu'en se mirant mieux en elle ils apprendront à connaître leur
propre dégénérescence, et que l'obéissance et le respect qu'ils voudraient
obtenir et qu'ils n'obtiennent pas sont directement proportionnels au prestige
et à la puissance qu'ils ont perdus.
Ici comme ailleurs, un retour à la normalité n'est
possible qu'avec la restauration traditionnelle, le rétablissement de la
hiérarchie et la reprise de la fonction appropriée, sur le plan considéré, à la
valeur symbolique et réelle qu'elle a dans les sphères supérieures. Ce n'est
que lorsque l'homme redeviendra vraiment homme, que la femme redeviendra elle
aussi vraiment femme et, conformément à la nature et à la vérité, l'absurdité
du "problème sexuel" se résoudra sans résidus dans l'harmonie des
complémentarités tournées vers la dissolution du mirage humano-cosmique dans la
suprématie du Monde Divin.
[1er Juin 1939]
***
Nota:
1 "Que la femme apprenne silencieusement en toute
sujétion. Or je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni
de dominer sur l'homme mais de se tenir en silence". (N.D.E.).
Voir aussi la correspondance entre Guido de Giorgio et René Guénon ici
Voir aussi la correspondance entre Guido de Giorgio et René Guénon ici
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