samedi 2 mars 2013

Guido De Giorgio - Sur la fonction Traditionnelle des Sexes








(Publicado no Diorama Filosofico em 1939)

 
Il ne sera peut-être pas sans intérêt d'examiner ce que les modernes se complaisent à appeler, avec leur incompétence désormais légendaire en matière d'orientations théoriques, le "problème sexuel", eux qui réduisent les rapports entre les sexes à une relation purement extérieure, à une interdépendance superficielle chargée de préjugés et d'erreurs qui se résument à deux points de vue également erronés : le point de vue économique et le point de vue sentimental. Apparemment opposés, ceux-ci sont étroitement dépendants et se réunissent dans un mariage hybride parfaitement anti-traditionnel, donc contraire à la vérité, puisqu'il ne peut y avoir de vérité en dehors de la tradition, qui est le système même des vérités révélées, contrôlées, approfondies et appliquées sur tous les plans, du plan métaphysique et proprement sacré jusqu'aux domaines les plus contingents où s'exerce l'activité humaine.

 

                                 Tradition et traditionalisme

 

La tradition n'est absolument pas le traditionalisme : l'une est patrimoine vivant éternellement fécond, riche de potentialités infinies dans tous les temps et en toutes circonstances, comme une source dont les eaux alimentent plaines et vallées, les irriguant dans tous les sens ; l'autre est résidu stérile, concrétion refermée sur elle-même, inefficace, impossible à adapter et privée de toute impulsion énergétique et créatrice. La tradition s'oppose nettement au traditionalisme, tout comme la vérité s'oppose aux lois communes : ce qui dans l'une se renouvelle sans cesse avec vigueur, dans l'autre est mort, cadavérique, au point de constituer une entrave, un obstacle à la compréhension du caractère originel des normes et des thèmes traditionnels.

Or, on observe précisément ce passage de la tradition au traditionalisme dans ce qu'on appelle le "problème sexuel". Lorsque la première est oubliée, il ne reste que le second, et l'on construit alors autour de ce résidu trompeur un étrange mélange de théories qui prennent plaisir à tourner autour d'une absurdité. Laquelle ? Elle vient tout simplement de l'ignorance profonde de la nature et de la destination des sexes, de ce qu'on pourrait appeler la "polarité sexuelle".

 Il n'est pas possible, dans le cadre de ces notes, d'exposer ici, même de façon succincte, les éléments traditionnels du "problème" présumé. Cela nous mènerait à des considérations d'ordre supérieur, complexes et qui donnent lieu à des développements, à la "métaphysique des sexes". Il faut donc se limiter à ce qui est en soi suffisant pour faire comprendre qu'il n'y a en fait aucun "problème" à résoudre, ce qui est une façon de réduire à néant le préjugé si cher aux modernes qui fait qu'ils découvrent par tout nœuds et difficultés, autour desquels ils déambulent avec une inconscience complaisante, en déclarant impossible à résoudre ce qu'ils ne connaissent pas puisqu'ils se placent devant un résidu mort qu'on ne peut pas raviver. Ignorant la nature profonde de la polarité sexuelle, les modernes sont confrontés à ce que les sexes sont actuellement, après tant d'aberrations et tant de révolte contre les vérités traditionnelles : au lieu de ramener les rapports entre les sexes à la normalité, ils continuent de contempler le petit monstre et de le déclarer absurde, quand ils ne proposent pas des solutions violentes, précipitées et absolument illégitimes.

 

                                        Nature des sexes

 

En réalité, il faut se référer à la nature des sexes pour en comprendre la destination et pour descendre, du plan métaphysique, au plan contingent, social, de façon à établir un rapport normal selon la vérité et la justice, sans se laisser entraîner par des impulsions irraisonnées ni par un verbalisme parfaitement imbécile. Disons sans plus attendre que la sexualité, au sens supérieur, implique dualité, distinction, et que cette distinction ne peut être originelle : car dans la Suprême Réalité, qui est Dieu, il n'y a rien à séparer ou à distinguer, à opposer ou à discerner. Elle est ce qu'elle est, et le caractère impénétrable de Son mystère est la garantie de Son absoluité. Cette unité substantielle, radicale, originelle, est admise implicitement partout, appartient à toutes les traditions, est le fondement de toute croyance reposant sur l'idée de transcendance et d'infinité divines. D'ailleurs, si mathématiquement parlant la sérieindéfinie des nombres sort de l'unité sans laquelle elle n'existerait pas, il est logique que la Réalité Suprême soit l'unité absolue, celle qui n'admet pas la distinction ou la dualité. Nous désirons faire comprendre que la polarité apparaît, pour ainsi dire, dans un deuxième temps, et que, tout en existant dès lors qu'elle est posée, elle doit toujours être rattachée à la réalité originelle qui est absolument une et indivisible.

D'où il découle que les sexes, bien que distincts et séparés, ont une seule et même origine : il y a donc en eux, simultanément, différence et similitude, ce qui signifie qu'ils ne sont pas opposés mais complémentaires. Ce point est de la plus haute importance pour mettre en évidence le grave préjugé des modernes, qui s'obstinent à considérer les sexes comme antinomiques, comme deux réalités irréductibles, radicalement opposées, destinées à s'affronter, ce qui expliquerait l'origine du "problème sexuel" et par conséquent l'impossibilité de le résoudre. Mais lorsqu'on considère la vraie nature de la détermination sexuelle, elle apparaît comme une polarité nécessaire à l'équilibre de l'axe humain. Aucun des deux pôles ne peut et ne doit l'emporter sur l'autre sans compromettre la norme même de l'équilibre qui fait des sexes le fondement du plan humain dans la fécondité de ses développements. Pour lever toute ambiguïté sur la question, nous dirons que le "mâle" suppose la "femelle" : autrement, pour qui et pourquoi serait-il "mâle" ? Et si la "masculinité" et la "féminité" sont les deux extrêmes d'un axe que nous appellerons "homme", comment peut-on accorder la prééminence à l'un sans bouleverser l'équilibre, le système, la réalité qui dépend des deux termes ? Il faut donc que l'homme soit viril et que la femme soit féminine afin de préserver l'équilibre humain et de maintenir la vérité dans la pureté de la complémentarité axiale.

 

                                        Etre soi-même

 

L'ordre normal implique un équilibre stable de ces deux extrêmes qui ne le sont que sur le plan humain, puisqu'en réalité ils convergent en direction d'un point qui est l'unité originelle. En effet, si, schématiquement et symboliquement parlant, nous réduisons le principe masculin et le principe féminin à deux coins, à deux angles (ce qui correspond exactement à la brutalité physiologique de la fonction sexuelle), nous avons deux pôles tournés vers le même centre : l'un actif, l'autre passif, l'un émetteur, l'autre récepteur, l'un créateur, l'autre conservateur, l'un fécondateur, l'autre producteur, l'un "donneur de germes", l'autre "porteur de germes". Que les lecteurs approfondissent cette complémentarité et ils verront très précisément qu'on ne peut rien enlever ou ajouter arbitrairement à l'un de ces pôles nécessaires sans troubler définitivement l'équilibre de l'axe humain. Nous dirons donc que la femme n'est vraiment femme que lorsque l'homme est vraiment homme ; que si l'élément féminin est aujourd'hui dégénéré, cela est dû exclusivement à la décadence de l'élément masculin. L'homme ayant cessé d'être tel, la femme elle aussi a cessé d'être femme. Il faudrait que les modernes commencent par prendre conscience de cette vérité élémentaire pour pouvoir en finir avec une opposition, une querelle, une lutte pour la suprématie qui n'a aucune valeur et dont la seule cause est la faiblesse, la dévirilisation croissante de l'homme, qui a produit la déformation actuelle de la femme. Retourner à la normalité signifie tout d'abord comprendre la complémentarité sexuelle, dissiper le mythe d'une "opposition", d'une "lutte" ou d'un "problème" entre les sexes, et faire en sorte que, concrètement, la vie permette à l'homme d'être homme et à la femme d'être femme : en excluant toutes les formes de sentimentalisme, toutes les formes de cynisme, les violences, les impulsions aveugles qui sont le signe d'une mentalité déplorablement infantile.

De même qu'il y a sur un plan supérieur une voie des hommes et une voie des femmes pour la réalisation spirituelle, qui se rejoignent dans la réalité de Dieu, de même il y a dans l'ordre pratique une activité masculine et une activité féminine complémentaires, et non divergentes, pour la stabilité de l'axe humain. C'est le devoir de la Romanité Fasciste que de rétablir cet équilibre, de trancher une fois pour toutes ces antinomies fallacieuses, de mettre fin à de faux problèmes, de reconduire le plan humain à la normalité en permettant aux deux éléments qui forment la polarité sexuelle de se développer selon la nature et la vérité.

Puisque la femme est passive, réceptive, porteuse de germes et conservatrice, elle doit considérer l'homme comme son maître. Ainsi seulement deviendra-t-elle maîtresse d'elle-même et sa servitude, vécue consciemment, sera son plus beau triomphe et sa plus grande fierté. Que la femme s'agenouille devant l'homme et que celui-ci soit vraiment tel, c'est-à-dire digne d'être respecté, servi, compris, dans sa fonction de maître qui décide. Saint Paul dit à ce sujet : "Mulier in silentio discat cum omni subiectione. Docere autem mulieri non permitto, neque dominari in virum sed esse in silentio" (1). Il n'y a nul besoin de recourir à d'autres traditions pour confirmer ce qui est éclairé par l'évidence même des attributions qui reviennent à l'un et l'autre sexe, attributions que les modernes sont en train d'inverser, ce qui ne les empêche pas de se retourner ensuite contre les résultats de cette déformation. La  raison de tout cela doit être recherchée dans le sentimentalisme, qui est la plaie de l'humanité actuelle et qui engendre par réaction des affirmations cyniques, bestiales, niaises, tout aussi injustifiées et illégitimes.

 

                                      Aberrations

 

Le mépris de l'homme pour la femme se situe sur le même plan que l'adoration sentimentale : il s'agit d'aberrations dues à l'incompréhension de la polarité sexuelle et de sa destination précise. Si, à un niveau plus élevé, l'élément masculin correspond à la connaissance et l'élément féminin à l’amour, il y a pourtant un point d'unification encore plus élevé : l'amour de la connaissance, où les deux voies se complètent et s'intègrent. A un degré inférieur, l'unification advient spontanément dans la descendance, résolution immédiate du dualisme sexuel dans la trame indéfinie de l'existence humaine conditionnée. Tous les autres pseudo-problèmes relèvent de la sexualité morbide et sensitive et ne méritent même pas d'être examinés ici, car ils ne représentent que l'accumulation détritique de l'hystérisme littéraire. Tout autre est l'union sexuelle : symbole, en réalité, de la consommation réalisatrice par laquelle la dualité se dissout dans l'acmé béatifique. Il n'est pas possible d'insister ici sur l'inversion humaine et la limpidité du plan divin, où ce symbole se vide de son schéma figuratif pour se fixer en créativité d'ordre supra-humain.

L'agonie actuelle ne nous présente que de fausses positions privées de toute formulation traditionnelle : il n'y a aucun intérêt à en parler, parce qu'au fond elles ne sont rien, bien qu'elles fassent obstruction à tout. Mais une constata tion s'impose : la révolte de la femme contre 'homme, quelque forme qu'elle revête, est la démonstration la plus claire de la dévirilisation progressive de l'homme, qui a adopté devant la femme une forme de réaction exactement copiée sur les réactions féminines. La "lutte des sexes" est le mythe d'une réalité d'ordre infiniment plus vaste, qui se résout dans le rapport entre l'essence informatrice et actualisatrice et la substance plastique et potentielle, dont l'union donne naissance à la manifestation cosmique et humaine. Face à la femme, l'homme est exactement ce que la femme est face à lui : de même qu'ils ne peuvent pas vivre séparément, de même il est parfaitement vain de parler d'autonomie tant qu'il y a polarité. Pour bien comprendre ce que sont les sexes, il faut se placer au-dessus d'eux en les résolvant dans un principe commun qui est l'Unité Originelle.

La modernité ignore tout de ces vérités traditionnelles et ne peut retrouver la norme qui équilibre les polarisations apparentes, dont la sexualité est l'expression la plus visible. A ceux qui méprisent la femme, nous dirons qu'en se mirant mieux en elle ils apprendront à connaître leur propre dégénérescence, et que l'obéissance et le respect qu'ils voudraient obtenir et qu'ils n'obtiennent pas sont directement proportionnels au prestige et à la puissance qu'ils ont perdus.

Ici comme ailleurs, un retour à la normalité n'est possible qu'avec la restauration traditionnelle, le rétablissement de la hiérarchie et la reprise de la fonction appropriée, sur le plan considéré, à la valeur symbolique et réelle qu'elle a dans les sphères supérieures. Ce n'est que lorsque l'homme redeviendra vraiment homme, que la femme redeviendra elle aussi vraiment femme et, conformément à la nature et à la vérité, l'absurdité du "problème sexuel" se résoudra sans résidus dans l'harmonie des complémentarités tournées vers la dissolution du mirage humano-cosmique dans la suprématie du Monde Divin.

                                                                                                                        

                                                                                                                    
[1er Juin 1939]

                                                                                

                                                                              ***                                                                                                                                

 

Nota:

1 "Que la femme apprenne silencieusement en toute sujétion. Or je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de dominer sur l'homme mais de se tenir en silence". (N.D.E.).

Voir aussi la correspondance entre Guido de Giorgio et René Guénon ici

 

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