Il y a sur la toile des travaux qui méritent qu’on s’y
attarde, surtout quand elles sont le fruit de longues heures de travail et de
motivation et provenant de sources authentiques, ce qui devient rare à notre époque.
Les Forums des Fuqara contribuent à cette inversion de tendance. Un membre de ce forum, « hznt »,
a eu l’inspiration d’ouvrir une discussion d’un intérêt particulier, sur les
moyens de remplacement pour un candidat au taçawwuf n’arrivant pas à trouver de
Maître éducateur , Cheikh almurrabî, et les constatations à travers les siècles
de Maîtres de la Voie reconnus .
Nous avons
repris le fruit du travail des généreux contributeurs faqirilallah, Mohammed Hâshim et 'Abdoun
da'if et avons précisé leur pseudo pour chaque apport publié .
Félicitations
et bonne continuation pour ce site et ses humbles participants, et qu’Allâh
continue à les illuminer pour le bénéfice des plus nombreux , amîne !
Trouver un
cheikh "éducateur" (cheikh murabbî) est une chose particulièrement
difficile de nos jours.
Les termes
de "cheikh" et de "murrabî" semblent être utilisés,
actuellement, de manière si excessive et dans bien des situations tellement
différentes les unes des autres que l'on peut se demander, finalement, de quoi
l'on parle exactement, tant on a l'impression, un peu trop souvent que les
turûq sont présentées comme étant presque toutes remplies de Maîtres éducateurs
parfaitement réalisés et en pleine possession de leur fonction. (Sommes-nous
donc dans la perfection, la richesse et l'abondance (spirituelles, bien sûr)
des premiers temps de l'Islam et du Taçawwuf pour dire de telles choses ou
plutôt dans ceux de la pauvreté, de l'illusion et de la mascarade, à 14 siècles
de là ?
Voici donc
la liste chronologique des Maîtres qui se sont prononcés (chacun à sa mesure,
chacun en son temps et chacun selon son autorité propre)
- sur la dégénérescence progressive du
Taçawwuf ,
- sur la
raréfaction ou la disparition présente ou future des Maîtres éducateurs et
- sur les
moyens de progression dans la réalisation initiatique effective (sulûk), à
pouvoir mettre en oeuvre régulièrement dans ce cas.
Publié par
faqirilallah
Abû Mûsâ, neveu et disciple d'Abû
Yazîd al-Bistâmî (/874)
Hakim Tirmidhî (310/922)
Quelques
citations extraites de l'article intitulé "Les Maîtres spirituels en
Islam" de Michel Chodkiewicz.
Au III°/IX°
siècle le neveu et disciple d'Abû Yazîd al-Bistâmî, Abû Mûsâ, annonce à ses
proches qu'il emportera dans sa tombe une grande partie de l'enseignement qu'il
a reçu car il n'a trouvé personne capable de le transmettre [note : A.R.
Badawî, Shatahât al-sûfiyya]. Quant à Hakim Tirmidhî (ob. 310/922), c'est en
vain, affirme-t-il à la même époque, qu'il a cherché un Maître dans sa ville
natale de Tirmidh [note : Tirmidhî, Buduww al-sha'n] Publié par faqirilallah
Ghazalî, Hujjatu-l-Islâm (/1111)
le texte présenté se base sur les deux
traductions disponibles respectivement aux éditions du Cerf et chez Al-Burâq
sous les titres de « Maladies de l’âme et maîtrise du cœur » et « L’éducation
de l’âme » ainsi que sur le texte arabe proposé par Dar aç-çaffah (Casablanca).
Voici un
enseignement de plus à ce sujet, tiré de l' Ihya ‘ulûm ed-Dîn (livre XXII) : «
De la voie par laquelle l’homme connaît les défauts de son âme
Sache que,
lorsque Allah, Exalté et Magnifié soit-il, veut du bien à quelqu'un, il lui
ouvre les yeux sur les défauts de son âme (nafs) [ …] S'il connaît les défauts,
il lui est possible de les soigner. Mais la plupart des gens ignorent leurs
propres défauts. Ils voient la paille dans l'oeil de leur frère et ne voient
pas la poutre dans leur oeil, à eux.
Pour celui
qui veut connaître ses défauts, il existe quatre méthodes :
1. La
première consiste à se confier à un cheikh clairvoyant (baçîr) connaissant les
défauts les défauts de l’âme et capable de scruter jusqu'aux plus secrètes des
infirmités, à l'investir juge de son âme (yahkimu-hu fi nafsi-hi) et suivre ses
indications dans cette lutte [intérieure] (mujahâdithi). C'est le cas du disciple
avec son cheikh et de l'élève avec son professeur (ustâdh). Ce dernier, tout
comme le cheikh , fait connaître à l'élève les défauts dont il est affligé,
ainsi que la méthode à suivre pour les traiter. Mais ceci existe rarement à
notre époque.
2. La deuxième
méthode consiste a demander à un ami-sincère (çadîqan), clairvoyant (baçîr) et
attaché à la religion (mutadayyin), puis à l'investir surveillant de son âme
(fayançibu-hu raqîban ‘alâ nafsi-hi) , pour qu’il remarque ses états
(ahwâlu-hu) et ses actes (af’âlu-hu) afin qu'il l'avertisse de tout ce qui est
détestable dans ses comportements (akhlâq), ses actes et ses défauts, cachés et
apparents. C'est ainsi que faisaient les hommes intelligents, de mêmeque les
notables parmi les chefs religieux [ …] Cependant, cela s'avère aussi être
rare. En effet, peu nombreux sont, parmi les amis, ceux qui n'usent pas de
flatterie, qui font connaître les défauts, ou qui ne sont pas jaloux, de sorte
qu'ils ne font rien de plus que leur strict devoir […]Ainsi donc, le désir des
hommes soucieux de religion consistait à se faire informer de leurs défauts par
autrui. Quant à nous, et les gens qui sont comme nous, nous en sommes arrivés
au point que les personnes que nous détestons le plus sont celles qui nous
donnent des conseils etqui nous font connaître nos défauts. Peu s'en faut que
cela ne soit révélateur de la faiblesse de notre foi. […]
3. La troisième méthode consiste à acquérir la
connaissance de nos défauts en tirant profit de [ce qui en est révélé par] la
langue des ennemis, car l'oeil de leur courroux révèle nos méchancetés et il se
peut que l'homme ait davantage intérêt à écouter un ennemi haineux, qui lui
signale ses défauts, plutôt qu'un flatteur, qui lui fait des compliments et des
éloges et lui cache ses défauts. Mais la nature est ainsi faite qu'elle
considère l'ennemi comme un menteur et attribue ses paroles à la jalousie.
Toutefois, l'homme clairvoyant ne manque pas de bénéficier des paroles de ses
ennemis, car c'est nécessairement que ses défauts sont exprimés par leurs
propos.
4. La quatrième méthode consiste à fréquenter
les autres humains, puis à se demander compte, à soi-même, de tout ce que l'on
aura remarqué de blâmable chez eux, et à se l'attribuer.
En effet, tout croyant est le miroir de son semblable:
il considère que les défauts des autres sont ses propres défauts et il sait que
les tempéraments sont, tous, proches les uns des autres dans la poursuite de
leur passion. Ce par quoi l'un de ses pairs se caractérise, un autre n'en est
pas exempt dans sa racine, ou pour une part plus ou moins importante. Qu'il
examine donc son âme et qu'il la purifie de tout ce qu'il réprouve chez les
autres. Cela pourrait te suffire comme méthode d'éducation. Si tous les humains
abandonnaient ce qu'ils détestent chez les autres, ils pourraient se passer
d'éducateur.
Voila donc
autant de solutions [hîl] pour ceux qui ne disposent pas d’un cheikh avisé et
intelligent, clairvoyant dans le domaine des défauts de l'âme, bienveillant et
bon conseiller en matière de religion, bref, un cheikh qui, ayant achevé sa
propre formation, est occupé à former les serviteurs de Allah et à les
conseiller. Quant à celui qui a découvert un tel cheikh , il a trouvé son
médecin. Qu'il s'attache donc à lui, car c'est lui qui le délivrera de ses
maladies spirituelles et le sauvera de la perdition dont il est menacé. »
*
le texte présenté se base sur les deux traductions disponibles respectivement
aux éditions du Cerf et chez Al-Burâq sous les titres de « Maladies de l’âme et
maîtrise du cœur » et « L’éducation de l’âme » ainsi que sur le texte arabe
proposé par Dar aç-çaffah (Casablanca).
Publié par
Sidi 'Abdoun da'if
Mohammed Abu-l-'Abbâs Al-Hadramî
(787/1372)
Cheikh Ahmed
Zarrûq dans la conclusion de ses Qawâ'id et-Taçawwuf
« Notre Cheikh Abu al-‘Abbas al-Hadramî a dit
: « L’enseignement spirituel conventionnel (bi-l-içtilâh) a cessé [lit. a été
enlevée]. Ne subsiste que le profit par l’aspiration (himma) et l’état (hâl)
spirituels. Suivez-donc le Livre et la pratique prophétique, ni plus ni moins.
»
ce que l'on
rapporte aussi de lui :
Le Cheikh Zarrûq a également dit (et il se
peut que cela provienne de son Cheikh / el-Hadramî) : « J’ai vu les portes
d’Allah en train d’être fermées. Ne restaient ouvertes que les portes de la
prière sur l’Envoyé d’Allah, qu’Allah prie sur lui et le salue. »
Publié par faqirilallah
Baha al-Dîn Naqshaband (/1318-1389)
Voici une
parole du Cheikh Baha al-Dîn Naqshaband (fondateur de la voie Naqshabandiyya,
mort en 1389) :
« Nous n’acceptons pas tout le monde […] et ce
n’est qu’avec difficulté que nous acceptons quelqu’un de nouveau. Les
conditions de l’acceptation, telle qu’elles devraient être fermement imposées,
sont difficiles à remplir. Ou bien un disciple capable se présente et il n’y a
pas de Maître compétent, ou bien le Maître est là mais il n’y a pas de disciple
possédant les capacités requises ».
(cité in Djélâl Salik «
La voie Naqshabandi » Dervy – 2005
Publié par faqirilallah
Ibn Abbad al-Rundi (/1333 - 1390)
Ibn Abbad
al-Rundi (1333–1390) disait dans ses rasa'il es-soughra à propos du maître
d'éducation (sheikh al-tarbiya) qu'il "était difficile à trouver de nos
jours et plus précieux que le soufre rouge", avant de poursuivre en donnant
des indications à la personne qui voudrait avancer dans la Voie dans ces
circonstances.
Publié par
Sidi Mohammed Hâshim
Abd er-Rahmân ibn Mustafâ el-'Idrûs
Le cheikh
en- Nabbahânî dans son Sa'âdatu-d-dârayn cite l'avis que rapporte le Cheikh
Ahmed Dhalân (notamment auteur d'une réfutation du point de vue des wahâbî pour
avoir été témoin de leur arrivée en Arabie) dans son Taqrîb el-uçûl fî tashîl
el-wuçûl li-ma'rifati-r-Rabb subhâna-Hu wa ta'âlâ wa er-Rasûl de Sidi Abd
er-Rahmân ibn Mustafâ el-'Idrûs , mentionné lui-même dans son livre appelé
Mir'ât ech-chumûs fî manâqib Al el-'îdrûs :
les Maîtres
spirituels éducateurs (el-Murabbûn) disparaîtront à la fin des temps (yadimu
el-murabbûn fî âkhir ez-zaman -sauf erreur de lecture-), au point qu'il arrivera
(wa yaçîr) que ne fera plus parvenir à Allah ta'âlâ que la prière sur le
Prophète (saw), en état de sommeil ou à l'état de veille (...)
Publié par
faqirilallah
Ahmed Zarrûq el-Burnûsî (846 -
899/1442-1494)
Parmi les
règles citées par Sheikh Zarrûq dans son livre Qawâ`id At-Tasawwuf (Les règles
du tasawwuf) figure le besoin d’un maître pour l’aspirant. Il dit à ce sujet :
« La piété ne nécessite pas un maître car elle est claire. » Il dit également :
« Le livre suffit à la promotion du doué mais ce dernier n’est pas à l’abri de
sa propre bêtise. » L’essentiel est donc la capacité de l’individu à apprendre,
suivie du cheminement à la lumière de la science… Tel est le minimum qu’Allâh
exige de Ses serviteurs. Ceci peut se vérifier chez un individu capable d’apprendre
et de comprendre par des lectures personnelles dans les ouvrages reconnus et
authentifiés, tout comme il peut puiser auprès d’un savant pratiquant, fût-il
communément qualifié de soufi ou non
Le cheikh
Aboû-l-'Abbâs Zarroûq racontait qu'il avait entendu dire par son maître
Aboû-l-'Abbâs Ahmed ibn 'Oqba el-Hadramî : « Si vous recherchiez depuis
l'extrémité de l'Orient jusqu'au bout de l'Occident un moûrîd loyal et sincère
dans toutes les circonstances, vous ne le trouveriez pas. Comment trouveriez-vous
donc un Gnostique parfait ? »
Cependant
l'imperfection du siècle et des hommes de ce temps ne peut avoir pour
conséquence la cessation des règles, de la Religion, ni des bons conseils.
Cette défectuosité s'est attachée à la religion, aux intelligences, au temps, à
l'imâmat suprême, a l’imâmat de prière ainsi qu’à la distribution des conseils
et à beaucoup d'autres choses. C'est l'effet de la destinée annoncée par le
Prophète sincère et véridique (que Dieu répande sur lui ses bénédictions et ses
grâces !) avant que cette prédiction ne fût enregistrée dans de nombreux hadith
.
C'est à
cette prophétie que font allusion les vers suivants :
"Voici
le temps que nous redoutions ::: annoncé par les paroles de Ka’b et d'Ibn
Mas'oûd ; S'il dure sans qu'apparaisse aucun changement ::: on ne pleurera plus
les morts, on ne se réjouira plus à l'occasion d'une naissance...
« Hélas ! Pût-il avoir duré ce temps ! Le nôtre ne fait
qu'empirer et le bien recule sans cesse, et il en sera ainsi jusqu'à la fin des
temps. Mais chacun considère l'époque où il vit. La volonté de Dieu
s'accomplit, mais la Religion subsiste et la Vérité demeure manifeste en
attendant que vienne l'ordre de Dieu. O donneur de conseils ! Les obligations
qui nous incombent, à toi incombent aussi. Ta réponse est la nôtre. Tu t'es
proposé d'enseigner : as-tu trouvé un disciple digne de t'entendre ? Remplis tu
toi-même les conditions exigées d un Maître ? Ou sont le maître et le disciple
remplissant extérieurement et intérieurement les conditions requises ? Enseigne
donc, sinon, l'esprit de ton disciple éventuel restera troublé. Et pourtant,
comment serait-il licite que tu enseignes puisque les conditions stipulées ne
sont pas remplies...
« Le Prophète (que Dieu répande sur lui ses
bénédictions et sa grâce) a dit ceci : « Ne communiquez la science qu'à ceux
qui en sont dignes, autrement vous la trahiriez. » [Ce moûrîd] peut objecter
qu'entre deux maux il choisit le moindre ou que sa science ne peut être acquise
par des être indignes, ou tout autre argument analogue : Voilà qui ressemble
beaucoup à notre réponse. Que Dieu nous aide, nous accorde son pardon et nous
couvre de sa miséricorde « Il a le pouvoir de le faire. »
Publié par
Mohammed Hâshim
Alî b. Maymûn (mort à Damas en
917/1511)
Citations
extraites de l'article intitulé "Les Maîtres spirituels en Islam" de
Michel Chodkiewicz
Natif du
Maroc (...) 'Alî b. Maymûn, mort à Damas en 917/1511, dresse lui aussi un
sévère réquisitoire. Dans sa Risâlat al-ikhwân [note : Ms BN 1372 ff. 1-85], il
déclare que le vrai murabbî, l'instructeur spirituel qui se conforme aux
exigences de la Voie mohammadienne, est absent du Maghreb depuis lontemps (fol.
7a.). Mais la situation, selon lui, est pire en Orient : les
"maîtres" qu'on y rencontre sont des dajjâlûn, des imposteurs (fol.
54b). Au cours de ses voyages, il n'a rencontré, assure-t-il, qu'une seule
exception, un Shaykh de Nefzâwa, en Tunisie, qu'il a connu en 902/1497 et
auprès duquel il a passé quatre mois (ff. 9a, 22b). Un peu plus tard,
l'égyptien Sha'rânî (ob. 973/1565) critique lui aussi les prétentions de
shuyûkh de son pays qui, à les en croire, auraient atteint la qutbiyya, le plus
haut degré de la hiérarchie initiatique [note : Sha'rânî, Latâ'if al-minan].
Publié par
faqirilallah
'Alî al-Khawwâç (939/1532)
Citations
extraites de l'article intitulé "Les Maîtres spirituels en Islam" de
Michel Chodkiewicz
Plus loin,
il cite 'Alî al-Khawwâç, un saint ummî, "illettré", un idiotia dont
la science confond les doctes, selon qui "le vrai maître et le vrai
disciple sont plus rares à notre époque que le soufre rouge" [note :
Sha'rânî, op. c., II, p. 73].
Abd el-Wahhâb
Charani (973/1565)
Cheikh Abd el-Wahhâb Charani
Ce
texte figure en préambule de l’exposé des âdâb de la Voie (Lawâqîh el-anwâr
el-qudussiyah) et constitue, à ce titre, une indication significative de
l’esprit dans lequel l’auteur synthétise et transmets ces aspects importants de
la Voie.
« Nous avons
suivi, grâce à Allah, un groupe de Maîtres de la Voie au début de ce siècle (le
10° de l’Hégire). Ils étaient à un stade si important de progression en ce qui
concerne les œuvres d’adoration et de dévotion, le scrupule et la crainte, leur
capacité à abstenir leurs sens extérieurs et intérieurs des péchés, qu’on ne
pouvait trouver aucun d’eux en train de faire quoi que ce soit qui aurait pu
être noté par l’ « écrivain de gauche ».
Les actions de chaque être, bonnes et
mauvaises, sont inscrites par deux anges, se trouvant respectivement au-dessus
de ses épaules droite et gauche. Publié par faqirilallah
« Ils
représentaient à la fois la défense et la respectabilité de la Voie. Les
princes et les rois venaient bénéficier de leur influence spirituelle (barakah)
et embrassaient la plante de leurs pieds, tant ils leur reconnaissaient de
qualités. Lorsqu’ils s’en furent partis, le caractère sacré de la Voie déclina
ainsi que ceux qui en faisaient partie. Les gens furent enclins à se moquer de
l’un d’eux, disant entre eux : » Savez-vous ce qui est arrivé ? L’autre, là,
s’est fait Cheikh ! » tant ils n’acceptaient pas ce à quoi il prétendait et
voyant à quel point il aimait ce bas-monde et ses désirs, la jouissance
intarissable qu’il nourrissait pour les vêtements, les mariages et leurs
conquêtes. Si bien que j’en vins à interroger un certain commerçant : «
Pourquoi ne te réunis-tu pas avec le Cheikh Untel ? » Il répondit : « Si lui
est un Cheikh , j’en suis un autre ! Il aime ce bas-monde comme moi, court
après lui comme je le fais et même pire encore puisqu’il est allé jusqu’à
voyager à l’étranger pour cela alors que moi je ne l’ai pas fait ! Peut-être
profite-t-il de ce bas monde grâce à sa « piété », ce que moi je ne fais pas ;
je vaux mieux que lui » J’ai voulu lui répondre mais j’ai vu que les apparences
me donneraient tort ! »
J’ai vu de mes propres yeux le Sultân
el-Ghoûrî embrasser la main de Sidi Mohammed ibn Annân ; j’ai vu le Sultân
Toumân Bey, qui lui succéda, embrasser la plante de ses pieds. Je suis allé une
fois chez Sidi le Cheikh Aboû-l-Hasan el-Ghamrî chez le Sultân el-Ghoûrî
intercéder pour quelqu’un. Il se leva pour accueillir le Cheikh à bras ouverts
et dit : « Tu m’as honoré aujourd’hui car mon royaume tout entier et moi-même
ne pourront jamais ni récompenser ni honorer ta Voie ! »
Le dernier
des Maîtres que nous avons connus et suivis, Sidî le Maître Alî el-Monçafî (.)
(mort en premier Joumâdâ 930), l’organisation de la Voie au Caire et en ses
alentours dégénéra et beaucoup s’établirent dans la maîtrise spirituelle par
leur propre fait et sans aucune autorisation de leurs Maîtres : il n’y a de
force et de puissance qu’en Allah, l’Elevé, l’Immense !
Sache mon frère que tout ce que je mentionne
dans cet épître des qualités des murîdîn n’est qu’une goutte dans la mer !
Quiconque y regardera y trouvera exposé ce qui le concerne sous le rapport du
comportement spirituel.
S’il s’en trouve dépourvu qu’il prenne la
méthode qui consiste à acquérir, par le travail spirituel, les états
correspondants entre les mains d’un Maître de bon conseil (naçiha). Mais s’il
se trouve avec quelqu’un qui s’est établi frauduleusement dans la maîtrise,
qu’il s’en écarte, pour son bien propre et celui de ses frères, car celui qui
s’installe dans la fonction de maîtrise sans détenir d’autorisation, égare et
est égaré !
On remarquera ici que le critère indiqué est
d’ordre fonctionnel, sans référence à l’acquisition de qualités spirituelles
personnelles. Publié par faqirilallah
Nous ne mentionnerons rien de relatif à ceux
qui appartiennent à la Perfection spirituelle dans cette épître, en
considération de l’élévation et de la rareté de ce qu’elle constitue et de
celles de ceux qui s’en sont revêtus. C’est pourquoi nous ne mentionnerons que
ce qui a uniquement rapport avec les muridîn*…
… car c’est
la Voie qui est suivie actuellement (maslûkah). Qui même parmi nous maintenant,
est capable d’atteindre l’état (la station) du murîd ?
Et la Gloire est à Allah, Seigneur des Mondes
! » Publié par faqirilallah
Ici un texte extrait du troisième tome de
"Ifhâm al-Munkir al-Jânî" Réduction au silence du dénégateur d'El
Hadji Malick Sy (1815 - 1922), édité chez Al Bouraq, dont il constitue le
troisième chapitre ; y figurent, de surcroit, deux avis de l'Imâm Charani -qu'Allah soit satisfait d'eux tous !
L’éducation
spirituelle
Exposé sur
l’éducation spirituelle par le dessein (himma) qui est la base et la méthode
par laquelle Mohammad (saw) avait éduqué ses compagnons.
Dans la
conclusion de Qawâ’id at-taçawwuf de notre maître Zarrûq, notre maître Abû
al-‘Abbas al-Hadrami a dit que l’éducation spirituelle par « içtilâh »
(convention) n’existe plus. On ne peut plus tirer profit que de l’éducation par
la « himma » (dessein) et du « hâl» (état mystique). Conformez-vous alors au
Coran et à la Sunna sans plus ni moins. Il en est de même pour le comportement
à adopter vis-à-vis de Dieu, de l’âme et des hommes.
L’attitude à observer envers Dieu tourne
autour de trois points :
1 -
S’acquitter des obligations
2 – Eviter les interdits
3 – S’en remettre aux décrets de Dieu.
Quant à l’attitude à prendre vis-à-vis de
l’âme, elle consiste aussi en trois points :
1 – Être impartial ;
2 – Ne pas innocenter l’âme à tout prix ;
3 – Se prémunir contre ses travers dans
l’acquisition, la cession, les propos, l’abord et la préparation.
Pour ce qui est des rapports à entretenir avec
les hommes, il s’articule autour de trois points :
1 – Leur donner ce qui est leur dû
2 – Se désintéresser de leurs biens ;
3 – Eviter de leur causer des ressentiments,
sauf s’il s’agit d’une vérité à dire ou à pratiquer obligatoirement ». Fin de
citation.
Publié par
faqirilallah
Ahmad Shihâb ad-Dîn al-Qalyûbî
(1069/1659) - Auteur des Nawādir
Voyons
maintenant un passage de Sa'âdatu-d-dârayn du cheikh en-Nabbahânî , et plus
précisément d'une partie de la 11° question à propos de savoir si la prière sur
le Prophète(saw) est nécessairement acceptée ou pas (maqbûlah
mutlaqan aw lâ), figurant au début de l'ouvrage.
Après y
avoir donné l'avis de plusieurs autorités du Taçawwuf, l'auteur rapporte l'avis
que donne le Cheikh égyptien el-Qalyûbî
dans la préface de son livre de prières sur le Prophète(saw) :
en résumé,
c'est la plus aisée des oeuvres d'adoration et la plus proche vers le Roi
Majestueux (aqrabu-hâ ilâ el-Malik el-Jalîl). Elle est acceptée de chacun en
chaque situation (...)
Abou Ali al-Hassan ibn Mes’oud
el-Yousi (1040-1102/1630-1691)
Ici
un extrait tiré de la biographique du sheikh Abou Ali al-Hassan ibn Mes’oud
el-Yousi (1040-1102 h / 1630-1691) dans Nachr el Mathani : Li-ahl el-qarn
el-hâdî-achar wa-thânî, ouvrage de Mohammed ibn et Tayyib el-Qâdiri (1124-1187
h/ 1712-1773) traduit et annoté par Si Abderrahmane Buret.
Dans les Mouhâdarât, il s'exprime ainsi :
« Il me
vient à l'idée une pensée sur laquelle je voudrais attirer l'attention et plus
particulièrement sur un point, car la développer entièrement serait trop long.
La voici :
après notre Maître à la connaissance précise, fidèle à la Sounna, Aboû
'AbdiIlâh ibn Nâçir (que Dieu soit satisfait de lui !) nous nous sommes
toujours efforcés d'être utiles aux gens en leur enseignant les préceptes
religieux dont ils avaient besoin, les awrad surérogatoires, et les adhkâr qui
leur étaient nécessaires pour arriver à la vie future, pour manifester leur
amour de Dieu et s'approcher de lui. Nous agissions ainsi dans un but de
fraternité, pour aider nos frères à être bons et sincères, et non pas en
qualité de cheikh ; dans le but d'enseigner et d'indiquer la bonne voie, non
dans celui d'éduquer.
Ensuite, il continue à développer cette
pensée, suivant son habitude, pour conseiller et donner à réfléchir.
Un de mes amis me rapporta qu'il avait eu une
controverse avec un Qadi qui enseignait. Ce Qadi lui avait parlé de moi, et,
paraît-il, lui avait dit comme voulant lui suggérer un conseil : « Qu'est-ce
qui a poussé un tel à enseigner les awrad ? Avez-vous jamais vu un Moûrîd
remplissant les conditions pour le faire ? » Lorsqu'il m'eut rapporté ces
paroles, je lui déclarai: « Pour ma part, je n'ai jamais vu un moûrid
remplissant, et comment en verrais-je, a moins que Dieu ne supplée à notre
insuffisance par sa puissance. »
Publié par Sidi Mohammed Hâshim
Mohammed
el-Mahdî ibn Ahmed el-Fâsî (/1624-1698)
Ici un
résumé inédit d’un extrait de la partie finale du commentaire de Cheikh Hamdoûn
ibn el-Hâjj du Murchîd el-Mu’în qui est lui-même un commentaire du
"réalisé et très savant Sidi Mohammed ibn Ahmed el-Fâsî du texte sur les
sciences religieuses d’Abd l-Wâhid ibn ‘Âchir" (Matn Ibn ’Âchir) :
1.Il est
toujours préférable pour le murîd de chercher un Maître de « bon conseil »,
capable de montrer au disciple les défauts dont il ne peut prendre conscience
seul.
2.En cas
d’impossibilité de trouver un tel Maître, le murîd pourra tirer profit de la
compagnie d’un frère pieux qui le conseillera de manière analogue.
3.Quand une
telle compagnie n’est pas possible, le murîd peut alors se mêler aux gens, si
l’on entend par là ceux qui ne sont pas nécessairement ses amis et qui, en tant
que tels lui feront plus facilement encore état de ses défauts que de ses
qualités.
4.Si un tel
cas n’est pas réalisable, il est conseillé au murîd d’essayer de tirer profit
de la lecture de livres généraux de Maîtres de la Voie tels qu’el-Muhâssabî ou
Ghazâlî (acquisition de la science théorique).
5.Existe
encore l’assistance aux assemblées de science, de hadîth et de taçawwuf .
6.A la suite
directe de l’exposé de ces cinq modalités d’enseignement spirituels, l’auteur
fait enfin une mention particulière, et comme détachée d’elles, d’une sixième
qui est la pratique de la prière sur le Prophète -qu’Allah prie sur lui et le
salue.
Publié par
faqirilallah
Imâm Abd Allâh Ibn `Alawî Ibn
Mohammad al-Haddâd (1044-1132/1634-1720)
Voici un
texte qui concerne la difficulté de trouver un cheikh d'éducation spirituelle
et sa "presque disparition" en Occident.
Il ne va pas
dans un sens différent des précédents et c’est un témoignage à la fois réaliste
et vivant de la manière selon laquelle on peut envisager, malgré les conditions
actuelles, le travail initiatique et l’enseignement spirituel dans une
perspective régulière.
Il figure en
annexe du « Livre des convenances du disciple » de l’Imâm el-Haddâd traduit de
l’arabe par Omar Van Den Broek (Editions Al-Bouraq).
« La méthode
des « gens de la main droite »
Le Coran
répartit les êtres humains en trois catégories : les rapprochés, qui
comprennent les prophètes et les saints, les Compagnons de la main droite – la
main droite marquant la direction du paradis -, ceux qui sont destinés au
paradis sans être ni prophètes ni saints, qui vont des vertueux jusqu’aux
croyants ordinaires et pécheurs, et les Compagnons de la main gauche, la
direction de la gauche étant celle de l’enfer (sourate 56). Ces derniers sont les
incroyants de toutes sortes.
Les soufis
ont utilisé cette terminologie pour mettre à part ceux qui suivent sérieusement
un chemin spirituel : ils sont intégrés aux rapprochés, même s’ils n’ont pas
atteint leur degré spirituel. Ceux qui n’ont pas une telle inclination mais
sont cependant croyants – ils obéissent à la plupart des injonctions divines,
quoique avec moins de sincérité et d’enthousiasme, et évitent la plupart de Ses
interdits, quoique de façon moins attentive que ceux qui voyagent sur le chemin
– sont les Compagnons de la main droite. À l’époque de l’imâm al-Haddâd, la
méthode classique des soufis demandant au disciple une obéissance totale au
maître, afin de faciliter sa guidance le long du chemin, de gagner du temps et
de permettre les ouvertures spirituelles, avait commencé à devenir
impraticable, car les disciples capables de supporter une formation aussi dure
étaient rares. L’imâm al-Haddâd commença sa vie en voyageant sur le chemin
classique pour évoluer peu à peu, comme maître, et formuler une méthode plus
aisée, plus adaptée à la fin des temps. Le seul point encore mentionné dans ce
traité qui appartienne à l’ancienne méthode est l’obligation de s’en remettre
au shaykh pour toutes ses affaires, ce que l’imâm al-Haddâd, peu de temps après,
déclara ne plus être une exigence. Une autre raison pour adoucir cette
condition tient à ce que les maîtres méritant d’être obéis de cette manière
sont devenus de plus en plus rares jusqu’à notre époque où, en particulier en
Occident, ils ont presque disparu.
«
Livre des convenances du disciple » de l’Imâm el-Haddâd traduit de l’arabe par
Omar Van Den Broek (Editions Al-Bouraq).
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faqirilallah
Abd ar-Rahmân Ibn Mustafâ al `Aydarûs
(1135-1192 / 1722-1778) (Tariqa Ba 'alawiyya)
« Dans Taqrîb al wusûl bi-tashîl al wusûl li
ma`rifa ar-Rabb wa ar-Rasûl [de l'imâm Dahlân], Sîdî `Abd ar-Rahmân Ibn Mustafâ
al `Aydarûs (1135-1192 / 1722-1778) (Tariqa Ba 'alawiyya) , qui résida en Egypte a dit dans son
commentaire de la Prière (salât) de Sîdî Ahmad al Badawî, ainsi que son ouvrage
intitulé Mir`ât ash-shumûs fî manâqib âl al-`Ayadarûs :
« On
manquera d’éducateurs spirituels vers la fin des temps. Et seule la Prière sur
le Prophète (sallallâhu `alayhi wa sallam) permettra, tant en état de sommeil
qu’en état de veille, d’accéder à Allâh (qu’Il soit exalté !). Toute pratique
comporte des aspects qu’on admet et qu’on rejette, sauf la prière sur le
Prophète (sallallâhu `alayhi wa sallam). Cette prière est toujours acceptée
parce qu’étant tout à l’honneur du Prophète (sallallâhu `alayhi wa sallam). Les
docteurs sont unanimes sur ce point. On avait demandé à Muhammad ibn Nâsir
(qu’Allâh l’agrée) quel était le wird à pratiquer et qui pouvait tenir lieu de
tous les autres awrâd, et être utile à celui qui, le trouvant dans un ouvrage,
et à défaut d’autre chose, et vu le caractère corrompu de notre temps et la
duperie courante, se mettrait à le réciter. Il répondit que c’est effectivement
la prière sur le Prophète (sallallâhu `alayhi wa sallam) et les Musabbi`ât al
`ashr qui lui serait utile dans une telle situation. La pratique continuelle
des Musabbi`ât peut remplacer tous les autres awrâd.’ »
Pour ceux
que cela intéresse, Muhammad (ou Mahammad) ibn Nâsir al-Dur'î (1085/1670)est le
fondateur de la branche Nassiriyyah de la tarîqa Châdhiliyyah et le maître du
Cheikh al-Yûsî déjà cité. Il est aussi le père du Cheikh Ahmad auteur du
célèbre do'a naçirî.
On peut le
considérer comme une autorité majeure du taçawwuf maghrébin.
'abdoun
da'if
Quelques
passages des lettres de Moulay l- 'Arabî ad-Darqawî.
254e lettre
: « Soyez témoins, mes frères, que j 'ai finalement accepté la parole suivante
de l'éminent Maître Abû l- 'Abbâs Sîdî Ahmad Zarrûq ai-Fâsî : « Pas de Shaykh
après cette barbe », après l'avoir repoussée et prise en aversion pendant plus
de 50 ans. Je n'aimais pas l'entendre, mais j'ai fini par comprendre son
véritable sens - louange et grâce à Dieu ! Elle signifie – et Dieu est plus
savant- que lorsqu'il vit se multiplier les gens à prétentions spirituelles et
les vit se déclarer Shaykh, sans que personne parmi eux ne sache ce qu'est le
degré du Shaykh ni même celui du disciple, son coeur se serra, ses idées se
crispèrent, et c'est alors qu'il eut ce mot . .»
255e lettre
: « Si vous m'écoutez et me suivez, je ne laisserai dans votre esprit ni nausée
ni confusion ni étourdissement ; vous serez vos propres Shaykhs et les Shaykhs
des autres, et aucun de vos contemporains ne vous sera nécessaire. Chaque fois
que vous aurez besoin de quelque chose, c’est en vous que vous le trouverez:
Dieu est garant de nos dires.»
262e lettre
: « Et si cela ne s'opposait aux paroles des Maîtres de la Voie, qui ont dit
des choses telles que: "Celui qui n'a pas de Shaykh, c' est Satan son
Shaykh"; "Celui qui n'a pas de Shaykh n'a pas de direction
(qibla)"; "Celui qui n'a pas de Maître ne vaut rien. Supprimer les
moyens intermédiaires conduit à la perdition, mais leur attribuer le résultat
est une aberration", nous dirions que la prière dispense du Shaykh. Il en
va de même pour la lecture du Coran, la répétition de "Pas de divinité si
ce n'est Dieu" et la prière sur l' Envoyé. Tout cela nous dispense du
Shaykh, surtout si nous évitons ce qui ne nous regarde pas, ce qui est pour
nous sans intérêt, et que nous comptons sur notre Seigneur et non sur nos actes
... »
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faqirilallah
Ahmed Zaynî Dahlân al-Makki
ash-Shafi'i (1304/1886)
Cheikh Zeini
Dahlân dans son Taqrib el-wuçûl donne
une information spécifique de ce que peut être l'enseignement "fî âkhir
al-azmân" (sic), "à la fin des temps" :
La prière
sur le Prophète(saw) est utile quelle que soit la formule employée
et il n’y a rien de plus utile à l’illumination des coeurs et à l’arrivée des
mouridîn à Allâh qu’elle, car celui qui est persévérant dans la prière sur le
Prophète(saw) obtient de nombreuses
lumières et, par son influence spirituelle, parvient au Prophète (saw) ou bien est réuni avec quelqu’un qui le fait
parvenir à lui, particulièrement si cela est pratiqué avec rectitude (istiqâma)
et particulièrement à la fin des temps (âkhir al-azmân) au moment de
l’appauvrissement en Maîtres spirituels (qillatou-l-Mourshidîn) et de la
confusion des choses (iltibas el-oumoûr) chez les gens. Qui donc veut guider
les créatures et leur enseigner, prescrive aux gens, du commun comme de
l’élite, la demande de pardon (istighfâr) et la prière sur le Prophète (saw).
On sait qu'en termes de fin des temps le
Cheikh Dahlân était particulièrement édifié puisque, en fonction à Médine lors
de l'arrivée au pouvoir de nos "frères du Nejd", il a assisté aux
désastres qui furent commis sur place alors et fut l'auteur d'une réfutation
mémorable de leurs thèses dévoyées.
Quand le
Maître murchîd manque (= est absent, fuqida), les adhkâr prophétiques rapportés
du Prophète (saw) sont préférables (afdal) à d'autres (min ghayri-hâ). Parmi
eux, suffit le wird el-Latîf du Pôle el-Haddâd, car les adhkâr qui y figurent
sont les adhkâr fondamentaux (ummahât el-adhkâr) traditionnellement transmis
(el- m'athûrah), ainsi que (wa kadhâ yakfî-h) la lecture du Coran et la prière
sur le Prophète (saw).
Il
est vrai qu'il ressort de ce passage une certaine indétermination. On ne sait
pas, en effet, si cette recommandation concernant le wird en question (qui
n'est pas appelé hizb) concerne celui qui est rattaché à une tarîqah et qui n'a
pas de cheikh ou celui qui n'est pas rattaché.
Mais
enfin, on voit qu'en dehors des recommandation en définitive générales et
élémentaires qui concernent l'usage des adhkâr dans un cadre initiatique, il y
a certainement lieu de faire preuve d'une intelligence particulière, ou plutôt
de tenir compte de l'intelligence du temps qu'ont eue avant nous des autorités
qui, parce qu'elles sont régulières mais surtout contemporaines, expriment
ainsi les particularités des temps lesquels nous vivons.
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par faqirilallah
Ahmad Mashhûr al-Haddâd (/1911-1995)
En 1411 H.,
Habîb Ahmad Mashhûr al-Haddâd, que Dieu soit satisfait de lui, assistait à un
rassemblement à l’occasion de l’anniversaire de la mort de l’imâm al-Haddâd. Il
consacra son propos de ce jour-là à expliquer la méthode pratiquée depuis
l’époque de l’imâm, toujours pratiquée de nos jours. Il mentionna les maîtres
d’antan, comme le shaykh ‘Abd al-Qâdir al-Jilânî, le shaykh Ahmad al-Rifâ’î et
d’autres, et indiqua que leur méthode imposait à leurs disciples de manger peu,
de parler peu, de dormir peu et de se mêler le moins possible aux autres gens.
Puis il remarqua que même à cette époque ceux qui vivaient complètement selon
ce modèle étaient rares, et que leur exigence de voir le disciple se soumettre
sans condition à eux était difficile même alors, pour devenir de nos jours
entièrement impossible, sauf dans des circonstances très rares et
exceptionnelles. Il parla de notre temps d’un ton sarcastique, utilisant les
mots même que son ancêtre l’imâm utilisait, l’appelant ce merveilleux temps
béni, le temps de la sédition généralisée, de la tromperie, de l’absurde, des
idées carrément destructrices et des innovations condamnables. Il dit que la
méthode des gens de la main droite est une méthode simple. Elle signifie
accomplir toute obligation et toute sunna que Dieu vous a prescrites, parcourir
le chemin de la taqwâ de son mieux, rester en compagnie de gens de bien et
avancer avec eux, car on fait partie des gens qu’on aime. Quand on se comporte
comme ils le font, on devient un des Compagnons de la main droite et on rejoint
les gens de la tarîqa. Être l’un d’eux est un bienfait suffisant. Ceux qui
obéissent à Dieu et au Messager seront avec ceux que Dieu a comblés de
bienfaits, les prophètes, les véridiques, les martyrs et les saints. Ceux-là
sont les meilleurs compagnons ! * Habîb Ahmad affirmait ensuite que la plupart
des pratiques antérieures d’autodiscipline avait été remplacée par le rappel
constant de Dieu, et il recommandait en particulier les rappels de l’imam
al-Haddâd, à savoir al- Wird al-Latîf et al-Râtib. Enfin il dit quelques mots
de l’ijâza, la permission ou l’autorisation d’utiliser ces invocations, et
d’autres, transmises de maître à successeur et de maître à disciple, pour faire
que l’utilisation de ces invocations soit plus fructueuse.
_____________________
* Coran 4 : 69. »
«
Livre des convenances du disciple » de l’Imâm el-Haddâd traduit de l’arabe par
Omar Van Den Broek (Editions Al-Bouraq).
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Mohammed el-Hâchimî (/1961)
A propos de
l’importance du Maître et de ce que peut faire le murîd lorsqu’il n’en trouve
pas, voici ce qu’expose le cheikh Mohammed al-Hâchimî (décédé en 1961) dans son
Échiquier des Gnostiques (Shatranj el-‘Arifin)1 :
«Pour le voyage, ô mon frère, il te faut le
secours d’un shaykh vivant, gnostique, sincère, de bon conseil, possédant une
science authentique, une intuition (dhawq-goût) sans mélange, une haute
aspiration et un état spirituel agréé, ayant lui-même suivi la voie sous la
direction de guides spirituels et reçu son éducation spirituelle (adab) de gens
bien éduqués, connaissant les chemins, ceci pour qu’il te protège contre les
périls de ta route, t’apprenne à te concentrer sur Dieu et à fuir ce qui n’est
pas Lui, t’accompagne jusqu’à ce que tu parviennes à Dieu, t’apprenne à
reconnaître les fautes auxquelles t’expose ton âme, te fasse connaître la Bonté
(ihsan) de Dieu envers toi ; car lorsque tu Le connaîtras, tu L’aimeras, et
lorsque tu L’aimeras tu Lui consacreras tes efforts. Si tu fais cet effort Il
te conduira dans Sa Voie et te choisira pour te mettre en Sa Présence. Le
Très-Haut a dit : «Ceux qui ont lutté pour Nous, Nous les conduisons sur nos
chemins» (Coran, XXIX, 69). La compagnie d’un shaykh et son exemple sont
obligatoires (wajib). La source de cette obligation est cette parole du
Très-Haut : «Et suis le chemin de celui qui est revenu à Moi » (Coran, XXXI,
15), ainsi que cette autre parole : « Ô vous qui croyez, soyez pieux envers
Dieu et soyez avec les sincères! » (IX, 120). C’est aussi une condition du
shaykh qu’il ait reçu d’un maître parfait, doué d’une clairvoyance efficace,
l’autorisation d’instruire ses semblables. On ne dit pas où se trouve celui qui
possède ces qualités. Mais nous répétons ce qu’a dit l’auteur des Lata’if
al-Minan (Les Subtilités des Bienfaits) :
« Tu ne manqueras pas de rencontrer des
guides, mais tu manqueras peut-être de sincérité dans ta quête ; fais un effort
sincère et tu trouveras un murshid ! ».
En vérité le Secret divin est dans la
sincérité de la quête : combien de merveilles ont été vues de Ses compagnons!
Il est aussi dit dans Lata’if al-Minan : « Il te faut rendre exemple seulement
sur un saint homme (wali) vers qui Dieu t’a conduit pour te faire connaître les
grâces spéciales qu’il a déposées en lui, que Dieu a dépouillé à tes yeux de
son aspect humain en te mettant en présence de ses grâces spéciales, à qui, de
ce fait, tu as remis le soin de te guider et qui a parcouru en ta compagnie le
sentier de la rectitude».
«C’est le propre de l’aspirant (murid) que de
chercher à connaître ses propres défauts. Cette préoccupation devient même son
principal mobile d’action. Or, il lui est impossible de vraiment connaître par
lui-même ses propres défauts (‘uyûb nafsihi) car l’homme ne se voit lui-même
que par l’oeil de la perfection. Et, à supposer même qu’il trouve un défaut en
son âme, il ne pourra pas s’en défaire par ses seuls moyens, ayant trop de
pitié pour lui-même.
1. Il lui faut donc quelqu’un qui l’assiste et
le soigne, c’est-à-dire un shaykh. Car celui-ci est comme un médecin qui
diagnostique les anomalies et les guérit.
2. Au cas où
il n’aurait pas de shaykh pour le conseiller, qu’il prenne un frère vertueux
(sâlih) et en fasse un compagnon qui veille sur ses états et ses actions ;
3. s’il ne
trouve ni shaykh, ni frère, qu’il apprenne à connaître ses défauts auprès de
ses ennemis. Comme l’ a dit Abû Hayyan:
« Mes
ennemis me font une faveur et je leur suis redevable. Le Miséricordieux ne m’a
pas privé d’ennemis. Ils ont recherché mes points faibles, et j’ai pu m’ en
écarter. Ils m’ont jeté des défis et j’ai accédé à de hautes fonctions».
4. Ou
encore, qu’il apprenne à connaître ses défauts par la fréquentation des hommes
car, de cette façon, il prend conscience de leurs vices et s’en écarte
intérieurement puisque « le croyant est le miroir du croyant »,
5. ou enfin,
qu’il les connaisse par la lecture assidûe des ouvrages des soufis, comme ceux
de Muhasibi, Ghazzali, Sha’rani. Le très savant Ibn Zakrî (m. 1144/1731) a dit
dans son commentaire des Hikam : « Cette méthode est aujourd’hui plus utile et
efficace parce qu’à notre époque les individus ne suivent plus les bons
conseillers et n’acceptent pas leurs conseils ». Du même ordre que la lecture
d’une utilité équivalente est l’assistance aux séances l’instruction sur
l’exégèse coranique (tafsîr), le hadîth et le taçawwuf
Ce sont là
cinq moyens (de connaître ses propres défauts). Il en reste un sixième, à
savoir : que celui qui ne trouve pas de shaykh pour l’instruire et le faire
progresser s’adonne avec intensité à la prière sur le Prophète (saw) car elle l’instruira, le fera progresser,
l’affinera et le mènera au but ; ainsi l’ont rapporté le Shaykh Zarrûq (m.899
/1493) sous l’autorité de son propre shaykh Abû al-’Abbas al-Hadrami et le
shaykh Sanûsi (1787-1859) sous l’autorité de plusieurs maîtres soufis»
Échiquier
des Gnostiques (Shatranj el-‘Arifin), traduit par Jean-Louis Michon (Editions
Archè)
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par faqirilallah
Sa’îd Hawwâ (/1935-1989)
Maintenant
un texte du Tarbiyatunâ Rûyyiha du Cheikh Sa’îd Hawwâ, que nous faisons
précéder par quelques mots d’Eric Geoffroy en guise de présentation de l’auteur
:
« La personnalité de Sa’îd Hawâ (m. 1984)
mérite que l’on s’y intéresse tout particulièrement. Ce partisan déterminé de
la lutte armée contre le régime syrien a été le disciple de plusieurs maîtres
soufis, dont ‘Abd al-Qâdir Isa et Muhammad al-Hâshimî (m. 1961) ; il a même
reçu d’eux l’autorisation (al-izn) de guider les novices sur la Voie
initiatique. Les longues années qu’il a passées en prison ainsi que son exil
n’ont pas entamé son enthousiasme pour le plaidoyer qu’il a mené en faveur d’un
« soufisme salafî », selon son expression. Son ouvrage Tarbiyatunâ al-Rûhiyya
constitue le premier tome d’une trilogie destinée à promouvoir un soufisme bien
tempéré parmi les Frères musulmans ; l’auteur précise d’ailleurs en préambule
qu’il avait prévu de lui donner pour titre Tasawwuf al-haraka al-islâmiyya
al-mu’âsira (Le soufisme du mouvement islamique contemporain}, mais que
diverses « circonstances » l’en ont empêché ».
in
« Soufisme, réformisme et pouvoir en Syrie contemporaine » – Eric Geoffroy
Texte du
Cheikh Sa’îd Hawwâ (décédé en 1984)
« Dans le passé, les juristes disaient : «
Quiconque s’initie au fiqh sans s’initier au tasawwuf tombe dans la perversion.
Et quiconque s’initie au tasawwuf sans s’initier au fiqh tombe dans l’hérésie.
Quiconque allie les deux atteint la vérité. » Le tasawwuf est donc
indispensable pour compléter le fiqh , et le fiqh est indispensable pour
gouverner le tasawwuf et pour orienter et diriger les œuvres. Quiconque passe à
côté de l’un de ces aspects aura manqué la moitié de l’affaire…Le tasawwuf et
le fiqh sont deux sciences complémentaires, lorsqu’on les oppose telle est
véritablement l’erreur, l’égarement, ou encore la déviance. Ce que l’on entend
par opposition ici, c’est le fait que le soufi parte loin du fiqh , alors que
le fiqh est son gouvernail, ou que le juriste s’écarte de l’application car
telle est la corruption du coeur. Le juriste se doit de s’initier au tasawwuf
de même que le soufi se doit de s’initier au fiqh , l’objectif étant que le
savoir du juriste comprenne ce qui touche aux lois et également ce qui touche à
la voie de la mise en oeuvre et de l’accomplissement, et que le savoir du soufi
comprenne les lois qui lui sont nécessaires, et que tout ceci soit accompagné
par une œuvre correcte à la lumière d’une science authentique.
C’est
pourquoi les grands Imâms du cheminement spirituel, comme le Sheikh Ar-Rifâ`î,
disent : « La finalité des savants et des soufis est la même. » Nous tenons ce
propos ici parce que certains ignorants se réclamant du tasawwuf lancent à la
figure de tout un chacun la phrase : « Quiconque n’a pas un maître, le diable
est son maître. » Ce propos est tenu par un soufi ignorant appelant à son
maître ignorant, comme il est tenu par un soufi ignorant appelant à son
savantissime maître, et à tort lorsque le propos n’est pas placé à bon escient.
Celui qui n’a pas de maître est l’individu ignorant qui ne s’instruit pas et
refuse toute instruction. Un tel personnage a pour maître le diable. Quant à
celui qui avance à la lumière de la science, ses guides sont la science et la
loi.
La
constatation qu'il existe, à l'intérieur d'un processus de dégénérescence
générale, des périodes de revivification est d'ailleurs, en elle-même,
l'illustration du fait qu'il ne faudrait certainement pas donner aux
affirmations (même les plus radicales) qui ont été citées précédemment une
portée absolue : il s'agit certainement de données générales qui indiquent une
tendance suffisamment forte pour avoir été exprimée sans équivoque par des
autorités de la Voie, mais qui intègrent ainsi la possibilité de la persistance
de situations relativement meilleures.
Avec
toutes les réserves propres aux comparaisons, le trajet d'un ballon qui roule
sur une pente sans rebondir n'est pas identique à celui du même ballon qui
parcourt la même pente en rebondissant, bien que les points de départ et
d'aboutissement soient identiques : le dernier présente ce qui pourra être
décrit comme des phases de remontées relatives, mais dont le point culminant de
chacune est néanmoins inférieur à celui du rebond précédent, conformément à son
trajet général et sans dérogation ultime à celui-ci.
On voit l'intérêt que peut présenter l’œuvre
de René Guénon/Cheikh Abd el-Wâhid Yahyâ pour comprendre ce genre de choses, in
châ Allah. Publié par faqirilallah
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