samedi 17 novembre 2012

La difficulté de trouver un Maître d'éducation spirituelle (Cheikh al murrabî) – Constatations et moyens de remplacement des Maîtres selon leur temps et leur autorité propre


 
 
 
 
Il y a  sur la toile des travaux qui méritent qu’on s’y attarde, surtout quand elles sont le fruit de longues heures de travail et de motivation et provenant de sources authentiques, ce qui devient rare  à notre époque.

Les Forums des Fuqara contribuent à cette inversion de tendance. Un membre de ce forum, « hznt », a eu l’inspiration d’ouvrir une discussion d’un intérêt particulier, sur les moyens de remplacement pour un candidat au taçawwuf n’arrivant pas à trouver de Maître éducateur , Cheikh almurrabî, et les constatations à travers les siècles de Maîtres de la Voie reconnus .

Nous avons repris le fruit du travail des généreux contributeurs faqirilallah, Mohammed Hâshim et   'Abdoun da'if et avons précisé leur pseudo pour chaque apport publié .

Félicitations et bonne continuation pour ce site et ses humbles participants, et qu’Allâh continue à les illuminer pour le bénéfice des plus nombreux , amîne !

 

Trouver un cheikh "éducateur" (cheikh murabbî) est une chose particulièrement difficile de nos jours.

Les termes de "cheikh" et de "murrabî" semblent être utilisés, actuellement, de manière si excessive et dans bien des situations tellement différentes les unes des autres que l'on peut se demander, finalement, de quoi l'on parle exactement, tant on a l'impression, un peu trop souvent que les turûq sont présentées comme étant presque toutes remplies de Maîtres éducateurs parfaitement réalisés et en pleine possession de leur fonction. (Sommes-nous donc dans la perfection, la richesse et l'abondance (spirituelles, bien sûr) des premiers temps de l'Islam et du Taçawwuf pour dire de telles choses ou plutôt dans ceux de la pauvreté, de l'illusion et de la mascarade, à 14 siècles de là ?

Voici donc la liste chronologique des Maîtres qui se sont prononcés (chacun à sa mesure, chacun en son temps et chacun selon son autorité propre)

 - sur la dégénérescence progressive du Taçawwuf ,

- sur la raréfaction ou la disparition présente ou future des Maîtres éducateurs et

- sur les moyens de progression dans la réalisation initiatique effective (sulûk), à pouvoir mettre en oeuvre régulièrement dans ce cas.

Publié par faqirilallah

Abû Mûsâ, neveu et disciple d'Abû Yazîd al-Bistâmî (/874)

Hakim Tirmidhî (310/922)

Quelques citations extraites de l'article intitulé "Les Maîtres spirituels en Islam" de Michel Chodkiewicz.

Au III°/IX° siècle le neveu et disciple d'Abû Yazîd al-Bistâmî, Abû Mûsâ, annonce à ses proches qu'il emportera dans sa tombe une grande partie de l'enseignement qu'il a reçu car il n'a trouvé personne capable de le transmettre [note : A.R. Badawî, Shatahât al-sûfiyya]. Quant à Hakim Tirmidhî (ob. 310/922), c'est en vain, affirme-t-il à la même époque, qu'il a cherché un Maître dans sa ville natale de Tirmidh [note : Tirmidhî, Buduww al-sha'n] Publié par faqirilallah

Ghazalî, Hujjatu-l-Islâm (/1111)

 le texte présenté se base sur les deux traductions disponibles respectivement aux éditions du Cerf et chez Al-Burâq sous les titres de « Maladies de l’âme et maîtrise du cœur » et « L’éducation de l’âme » ainsi que sur le texte arabe proposé par Dar aç-çaffah (Casablanca).

Voici un enseignement de plus à ce sujet, tiré de l' Ihya ‘ulûm ed-Dîn (livre XXII) : « De la voie par laquelle l’homme connaît les défauts de son âme

Sache que, lorsque Allah, Exalté et Magnifié soit-il, veut du bien à quelqu'un, il lui ouvre les yeux sur les défauts de son âme (nafs) [ …] S'il connaît les défauts, il lui est possible de les soigner. Mais la plupart des gens ignorent leurs propres défauts. Ils voient la paille dans l'oeil de leur frère et ne voient pas la poutre dans leur oeil, à eux.

Pour celui qui veut connaître ses défauts, il existe quatre méthodes :

1. La première consiste à se confier à un cheikh clairvoyant (baçîr) connaissant les défauts les défauts de l’âme et capable de scruter jusqu'aux plus secrètes des infirmités, à l'investir juge de son âme (yahkimu-hu fi nafsi-hi) et suivre ses indications dans cette lutte [intérieure] (mujahâdithi). C'est le cas du disciple avec son cheikh et de l'élève avec son professeur (ustâdh). Ce dernier, tout comme le cheikh , fait connaître à l'élève les défauts dont il est affligé, ainsi que la méthode à suivre pour les traiter. Mais ceci existe rarement à notre époque.

2. La deuxième méthode consiste a demander à un ami-sincère (çadîqan), clairvoyant (baçîr) et attaché à la religion (mutadayyin), puis à l'investir surveillant de son âme (fayançibu-hu raqîban ‘alâ nafsi-hi) , pour qu’il remarque ses états (ahwâlu-hu) et ses actes (af’âlu-hu) afin qu'il l'avertisse de tout ce qui est détestable dans ses comportements (akhlâq), ses actes et ses défauts, cachés et apparents. C'est ainsi que faisaient les hommes intelligents, de mêmeque les notables parmi les chefs religieux [ …] Cependant, cela s'avère aussi être rare. En effet, peu nombreux sont, parmi les amis, ceux qui n'usent pas de flatterie, qui font connaître les défauts, ou qui ne sont pas jaloux, de sorte qu'ils ne font rien de plus que leur strict devoir […]Ainsi donc, le désir des hommes soucieux de religion consistait à se faire informer de leurs défauts par autrui. Quant à nous, et les gens qui sont comme nous, nous en sommes arrivés au point que les personnes que nous détestons le plus sont celles qui nous donnent des conseils etqui nous font connaître nos défauts. Peu s'en faut que cela ne soit révélateur de la faiblesse de notre foi. […]

 3. La troisième méthode consiste à acquérir la connaissance de nos défauts en tirant profit de [ce qui en est révélé par] la langue des ennemis, car l'oeil de leur courroux révèle nos méchancetés et il se peut que l'homme ait davantage intérêt à écouter un ennemi haineux, qui lui signale ses défauts, plutôt qu'un flatteur, qui lui fait des compliments et des éloges et lui cache ses défauts. Mais la nature est ainsi faite qu'elle considère l'ennemi comme un menteur et attribue ses paroles à la jalousie. Toutefois, l'homme clairvoyant ne manque pas de bénéficier des paroles de ses ennemis, car c'est nécessairement que ses défauts sont exprimés par leurs propos.

 4. La quatrième méthode consiste à fréquenter les autres humains, puis à se demander compte, à soi-même, de tout ce que l'on aura remarqué de blâmable chez eux, et à se l'attribuer.

 En effet, tout croyant est le miroir de son semblable: il considère que les défauts des autres sont ses propres défauts et il sait que les tempéraments sont, tous, proches les uns des autres dans la poursuite de leur passion. Ce par quoi l'un de ses pairs se caractérise, un autre n'en est pas exempt dans sa racine, ou pour une part plus ou moins importante. Qu'il examine donc son âme et qu'il la purifie de tout ce qu'il réprouve chez les autres. Cela pourrait te suffire comme méthode d'éducation. Si tous les humains abandonnaient ce qu'ils détestent chez les autres, ils pourraient se passer d'éducateur.

Voila donc autant de solutions [hîl] pour ceux qui ne disposent pas d’un cheikh avisé et intelligent, clairvoyant dans le domaine des défauts de l'âme, bienveillant et bon conseiller en matière de religion, bref, un cheikh qui, ayant achevé sa propre formation, est occupé à former les serviteurs de Allah et à les conseiller. Quant à celui qui a découvert un tel cheikh , il a trouvé son médecin. Qu'il s'attache donc à lui, car c'est lui qui le délivrera de ses maladies spirituelles et le sauvera de la perdition dont il est menacé. »

* le texte présenté se base sur les deux traductions disponibles respectivement aux éditions du Cerf et chez Al-Burâq sous les titres de « Maladies de l’âme et maîtrise du cœur » et « L’éducation de l’âme » ainsi que sur le texte arabe proposé par Dar aç-çaffah (Casablanca).

Publié par Sidi 'Abdoun da'if

Mohammed Abu-l-'Abbâs Al-Hadramî (787/1372)

Cheikh Ahmed Zarrûq dans la conclusion de ses Qawâ'id et-Taçawwuf

 « Notre Cheikh Abu al-‘Abbas al-Hadramî a dit : « L’enseignement spirituel conventionnel (bi-l-içtilâh) a cessé [lit. a été enlevée]. Ne subsiste que le profit par l’aspiration (himma) et l’état (hâl) spirituels. Suivez-donc le Livre et la pratique prophétique, ni plus ni moins. »

ce que l'on rapporte aussi de lui :


 Le Cheikh Zarrûq a également dit (et il se peut que cela provienne de son Cheikh / el-Hadramî) : « J’ai vu les portes d’Allah en train d’être fermées. Ne restaient ouvertes que les portes de la prière sur l’Envoyé d’Allah, qu’Allah prie sur lui et le salue. »
Publié par faqirilallah


Baha al-Dîn Naqshaband (/1318-1389)

Voici une parole du Cheikh Baha al-Dîn Naqshaband (fondateur de la voie Naqshabandiyya, mort en 1389) :

 « Nous n’acceptons pas tout le monde […] et ce n’est qu’avec difficulté que nous acceptons quelqu’un de nouveau. Les conditions de l’acceptation, telle qu’elles devraient être fermement imposées, sont difficiles à remplir. Ou bien un disciple capable se présente et il n’y a pas de Maître compétent, ou bien le Maître est là mais il n’y a pas de disciple possédant les capacités requises ».

(cité in Djélâl Salik « La voie Naqshabandi » Dervy – 2005
Publié par faqirilallah
 

Ibn Abbad al-Rundi (/1333 - 1390)

Ibn Abbad al-Rundi (1333–1390) disait dans ses rasa'il es-soughra à propos du maître d'éducation (sheikh al-tarbiya) qu'il "était difficile à trouver de nos jours et plus précieux que le soufre rouge", avant de poursuivre en donnant des indications à la personne qui voudrait avancer dans la Voie dans ces circonstances.

Publié par Sidi Mohammed Hâshim

Abd er-Rahmân ibn Mustafâ el-'Idrûs

Le cheikh en- Nabbahânî dans son Sa'âdatu-d-dârayn cite l'avis que rapporte le Cheikh Ahmed Dhalân (notamment auteur d'une réfutation du point de vue des wahâbî pour avoir été témoin de leur arrivée en Arabie) dans son Taqrîb el-uçûl fî tashîl el-wuçûl li-ma'rifati-r-Rabb subhâna-Hu wa ta'âlâ wa er-Rasûl de Sidi Abd er-Rahmân ibn Mustafâ el-'Idrûs , mentionné lui-même dans son livre appelé Mir'ât ech-chumûs fî manâqib Al el-'îdrûs :

les Maîtres spirituels éducateurs (el-Murabbûn) disparaîtront à la fin des temps (yadimu el-murabbûn fî âkhir ez-zaman -sauf erreur de lecture-), au point qu'il arrivera (wa yaçîr) que ne fera plus parvenir à Allah ta'âlâ que la prière sur le Prophète (saw), en état de sommeil ou à l'état de veille (...)

Publié par faqirilallah

Ahmed Zarrûq el-Burnûsî (846 - 899/1442-1494)

Parmi les règles citées par Sheikh Zarrûq dans son livre Qawâ`id At-Tasawwuf (Les règles du tasawwuf) figure le besoin d’un maître pour l’aspirant. Il dit à ce sujet : « La piété ne nécessite pas un maître car elle est claire. » Il dit également : « Le livre suffit à la promotion du doué mais ce dernier n’est pas à l’abri de sa propre bêtise. » L’essentiel est donc la capacité de l’individu à apprendre, suivie du cheminement à la lumière de la science… Tel est le minimum qu’Allâh exige de Ses serviteurs. Ceci peut se vérifier chez un individu capable d’apprendre et de comprendre par des lectures personnelles dans les ouvrages reconnus et authentifiés, tout comme il peut puiser auprès d’un savant pratiquant, fût-il communément qualifié de soufi ou non

Le cheikh Aboû-l-'Abbâs Zarroûq racontait qu'il avait entendu dire par son maître Aboû-l-'Abbâs Ahmed ibn 'Oqba el-Hadramî : « Si vous recherchiez depuis l'extrémité de l'Orient jusqu'au bout de l'Occident un moûrîd loyal et sincère dans toutes les circonstances, vous ne le trouveriez pas. Comment trouveriez-vous donc un Gnostique parfait ? »

Cependant l'imperfection du siècle et des hommes de ce temps ne peut avoir pour conséquence la cessation des règles, de la Religion, ni des bons conseils. Cette défectuosité s'est attachée à la religion, aux intelligences, au temps, à l'imâmat suprême, a l’imâmat de prière ainsi qu’à la distribution des conseils et à beaucoup d'autres choses. C'est l'effet de la destinée annoncée par le Prophète sincère et véridique (que Dieu répande sur lui ses bénédictions et ses grâces !) avant que cette prédiction ne fût enregistrée dans de nombreux hadith .

C'est à cette prophétie que font allusion les vers suivants :

"Voici le temps que nous redoutions ::: annoncé par les paroles de Ka’b et d'Ibn Mas'oûd ; S'il dure sans qu'apparaisse aucun changement ::: on ne pleurera plus les morts, on ne se réjouira plus à l'occasion d'une naissance...

 « Hélas ! Pût-il avoir duré ce temps ! Le nôtre ne fait qu'empirer et le bien recule sans cesse, et il en sera ainsi jusqu'à la fin des temps. Mais chacun considère l'époque où il vit. La volonté de Dieu s'accomplit, mais la Religion subsiste et la Vérité demeure manifeste en attendant que vienne l'ordre de Dieu. O donneur de conseils ! Les obligations qui nous incombent, à toi incombent aussi. Ta réponse est la nôtre. Tu t'es proposé d'enseigner : as-tu trouvé un disciple digne de t'entendre ? Remplis tu toi-même les conditions exigées d un Maître ? Ou sont le maître et le disciple remplissant extérieurement et intérieurement les conditions requises ? Enseigne donc, sinon, l'esprit de ton disciple éventuel restera troublé. Et pourtant, comment serait-il licite que tu enseignes puisque les conditions stipulées ne sont pas remplies...

 « Le Prophète (que Dieu répande sur lui ses bénédictions et sa grâce) a dit ceci : « Ne communiquez la science qu'à ceux qui en sont dignes, autrement vous la trahiriez. » [Ce moûrîd] peut objecter qu'entre deux maux il choisit le moindre ou que sa science ne peut être acquise par des être indignes, ou tout autre argument analogue : Voilà qui ressemble beaucoup à notre réponse. Que Dieu nous aide, nous accorde son pardon et nous couvre de sa miséricorde « Il a le pouvoir de le faire. »

Publié par Mohammed Hâshim

Alî b. Maymûn (mort à Damas en 917/1511)

Citations extraites de l'article intitulé "Les Maîtres spirituels en Islam" de Michel Chodkiewicz

Natif du Maroc (...) 'Alî b. Maymûn, mort à Damas en 917/1511, dresse lui aussi un sévère réquisitoire. Dans sa Risâlat al-ikhwân [note : Ms BN 1372 ff. 1-85], il déclare que le vrai murabbî, l'instructeur spirituel qui se conforme aux exigences de la Voie mohammadienne, est absent du Maghreb depuis lontemps (fol. 7a.). Mais la situation, selon lui, est pire en Orient : les "maîtres" qu'on y rencontre sont des dajjâlûn, des imposteurs (fol. 54b). Au cours de ses voyages, il n'a rencontré, assure-t-il, qu'une seule exception, un Shaykh de Nefzâwa, en Tunisie, qu'il a connu en 902/1497 et auprès duquel il a passé quatre mois (ff. 9a, 22b). Un peu plus tard, l'égyptien Sha'rânî (ob. 973/1565) critique lui aussi les prétentions de shuyûkh de son pays qui, à les en croire, auraient atteint la qutbiyya, le plus haut degré de la hiérarchie initiatique [note : Sha'rânî, Latâ'if al-minan].

Publié par faqirilallah

'Alî al-Khawwâç (939/1532)

Citations extraites de l'article intitulé "Les Maîtres spirituels en Islam" de Michel Chodkiewicz

Plus loin, il cite 'Alî al-Khawwâç, un saint ummî, "illettré", un idiotia dont la science confond les doctes, selon qui "le vrai maître et le vrai disciple sont plus rares à notre époque que le soufre rouge" [note : Sha'rânî, op. c., II, p. 73].

Abd el-Wahhâb Charani (973/1565)

Cheikh Abd el-Wahhâb Charani 

Ce texte figure en préambule de l’exposé des âdâb de la Voie (Lawâqîh el-anwâr el-qudussiyah) et constitue, à ce titre, une indication significative de l’esprit dans lequel l’auteur synthétise et transmets ces aspects importants de la Voie.

« Nous avons suivi, grâce à Allah, un groupe de Maîtres de la Voie au début de ce siècle (le 10° de l’Hégire). Ils étaient à un stade si important de progression en ce qui concerne les œuvres d’adoration et de dévotion, le scrupule et la crainte, leur capacité à abstenir leurs sens extérieurs et intérieurs des péchés, qu’on ne pouvait trouver aucun d’eux en train de faire quoi que ce soit qui aurait pu être noté par l’ « écrivain de gauche ».

 Les actions de chaque être, bonnes et mauvaises, sont inscrites par deux anges, se trouvant respectivement au-dessus de ses épaules droite et gauche. Publié par faqirilallah

« Ils représentaient à la fois la défense et la respectabilité de la Voie. Les princes et les rois venaient bénéficier de leur influence spirituelle (barakah) et embrassaient la plante de leurs pieds, tant ils leur reconnaissaient de qualités. Lorsqu’ils s’en furent partis, le caractère sacré de la Voie déclina ainsi que ceux qui en faisaient partie. Les gens furent enclins à se moquer de l’un d’eux, disant entre eux : » Savez-vous ce qui est arrivé ? L’autre, là, s’est fait Cheikh ! » tant ils n’acceptaient pas ce à quoi il prétendait et voyant à quel point il aimait ce bas-monde et ses désirs, la jouissance intarissable qu’il nourrissait pour les vêtements, les mariages et leurs conquêtes. Si bien que j’en vins à interroger un certain commerçant : « Pourquoi ne te réunis-tu pas avec le Cheikh Untel ? » Il répondit : « Si lui est un Cheikh , j’en suis un autre ! Il aime ce bas-monde comme moi, court après lui comme je le fais et même pire encore puisqu’il est allé jusqu’à voyager à l’étranger pour cela alors que moi je ne l’ai pas fait ! Peut-être profite-t-il de ce bas monde grâce à sa « piété », ce que moi je ne fais pas ; je vaux mieux que lui » J’ai voulu lui répondre mais j’ai vu que les apparences me donneraient tort ! »

 J’ai vu de mes propres yeux le Sultân el-Ghoûrî embrasser la main de Sidi Mohammed ibn Annân ; j’ai vu le Sultân Toumân Bey, qui lui succéda, embrasser la plante de ses pieds. Je suis allé une fois chez Sidi le Cheikh Aboû-l-Hasan el-Ghamrî chez le Sultân el-Ghoûrî intercéder pour quelqu’un. Il se leva pour accueillir le Cheikh à bras ouverts et dit : « Tu m’as honoré aujourd’hui car mon royaume tout entier et moi-même ne pourront jamais ni récompenser ni honorer ta Voie ! »

Le dernier des Maîtres que nous avons connus et suivis, Sidî le Maître Alî el-Monçafî (.) (mort en premier Joumâdâ 930), l’organisation de la Voie au Caire et en ses alentours dégénéra et beaucoup s’établirent dans la maîtrise spirituelle par leur propre fait et sans aucune autorisation de leurs Maîtres : il n’y a de force et de puissance qu’en Allah, l’Elevé, l’Immense !

 Sache mon frère que tout ce que je mentionne dans cet épître des qualités des murîdîn n’est qu’une goutte dans la mer ! Quiconque y regardera y trouvera exposé ce qui le concerne sous le rapport du comportement spirituel.

 S’il s’en trouve dépourvu qu’il prenne la méthode qui consiste à acquérir, par le travail spirituel, les états correspondants entre les mains d’un Maître de bon conseil (naçiha). Mais s’il se trouve avec quelqu’un qui s’est établi frauduleusement dans la maîtrise, qu’il s’en écarte, pour son bien propre et celui de ses frères, car celui qui s’installe dans la fonction de maîtrise sans détenir d’autorisation, égare et est égaré !

 On remarquera ici que le critère indiqué est d’ordre fonctionnel, sans référence à l’acquisition de qualités spirituelles personnelles. Publié par faqirilallah

 Nous ne mentionnerons rien de relatif à ceux qui appartiennent à la Perfection spirituelle dans cette épître, en considération de l’élévation et de la rareté de ce qu’elle constitue et de celles de ceux qui s’en sont revêtus. C’est pourquoi nous ne mentionnerons que ce qui a uniquement rapport avec les muridîn*…

 
* Cette dernière dénomination est très majoritairement employée par l’auteur dans cet ouvrage pour désigner tout être concerné par la Voie initiatique. Il n’apparaît pas que la distinction entre murîd, pour désigner le postulant à l’initiation, et faqîr, pour désigner celui qui l’a reçue, soit à aucun moment en usage, même si l’on peut, à l’occasion, voir les deux termes employés, semble-t-il indifféremment.

… car c’est la Voie qui est suivie actuellement (maslûkah). Qui même parmi nous maintenant, est capable d’atteindre l’état (la station) du murîd ?

 Et la Gloire est à Allah, Seigneur des Mondes ! »  Publié par faqirilallah

Ici  un texte extrait du troisième tome de "Ifhâm al-Munkir al-Jânî" Réduction au silence du dénégateur d'El Hadji Malick Sy (1815 - 1922), édité chez Al Bouraq, dont il constitue le troisième chapitre ; y figurent, de surcroit, deux avis de l'Imâm Charani -qu'Allah soit satisfait d'eux tous !

L’éducation spirituelle

Exposé sur l’éducation spirituelle par le dessein (himma) qui est la base et la méthode par laquelle Mohammad (saw) avait éduqué ses compagnons.

Dans la conclusion de Qawâ’id at-taçawwuf de notre maître Zarrûq, notre maître Abû al-‘Abbas al-Hadrami a dit que l’éducation spirituelle par « içtilâh » (convention) n’existe plus. On ne peut plus tirer profit que de l’éducation par la « himma » (dessein) et du « hâl» (état mystique). Conformez-vous alors au Coran et à la Sunna sans plus ni moins. Il en est de même pour le comportement à adopter vis-à-vis de Dieu, de l’âme et des hommes.

 L’attitude à observer envers Dieu tourne autour de trois points :

1 - S’acquitter des obligations

 2 – Eviter les interdits

 3 – S’en remettre aux décrets de Dieu.

 Quant à l’attitude à prendre vis-à-vis de l’âme, elle consiste aussi en trois points :

 1 – Être impartial ;

 2 – Ne pas innocenter l’âme à tout prix ;

 3 – Se prémunir contre ses travers dans l’acquisition, la cession, les propos, l’abord et la préparation.

 Pour ce qui est des rapports à entretenir avec les hommes, il s’articule autour de trois points :

 1 – Leur donner ce qui est leur dû

 2 – Se désintéresser de leurs biens ;

 3 – Eviter de leur causer des ressentiments, sauf s’il s’agit d’une vérité à dire ou à pratiquer obligatoirement ». Fin de citation.

Publié par faqirilallah

Ahmad Shihâb ad-Dîn al-Qalyûbî (1069/1659) - Auteur des Nawādir

Voyons maintenant un passage de Sa'âdatu-d-dârayn du cheikh en-Nabbahânî , et plus précisément d'une partie de la 11° question à propos de savoir si la prière sur le Prophète(saw)   est nécessairement acceptée ou pas (maqbûlah mutlaqan aw lâ), figurant au début de l'ouvrage.

Après y avoir donné l'avis de plusieurs autorités du Taçawwuf, l'auteur rapporte l'avis que donne le Cheikh égyptien el-Qalyûbî  dans la préface de son livre de prières sur le Prophète(saw)   :

en résumé, c'est la plus aisée des oeuvres d'adoration et la plus proche vers le Roi Majestueux (aqrabu-hâ ilâ el-Malik el-Jalîl). Elle est acceptée de chacun en chaque situation (...)
Publié par faqirilallah

Abou Ali al-Hassan ibn Mes’oud el-Yousi (1040-1102/1630-1691)

Ici un extrait tiré de la biographique du sheikh Abou Ali al-Hassan ibn Mes’oud el-Yousi (1040-1102 h / 1630-1691) dans Nachr el Mathani : Li-ahl el-qarn el-hâdî-achar wa-thânî, ouvrage de Mohammed ibn et Tayyib el-Qâdiri (1124-1187 h/ 1712-1773) traduit et annoté par Si Abderrahmane Buret.

 Dans les Mouhâdarât, il s'exprime ainsi :

« Il me vient à l'idée une pensée sur laquelle je voudrais attirer l'attention et plus particulièrement sur un point, car la développer entièrement serait trop long.

La voici : après notre Maître à la connaissance précise, fidèle à la Sounna, Aboû 'AbdiIlâh ibn Nâçir (que Dieu soit satisfait de lui !) nous nous sommes toujours efforcés d'être utiles aux gens en leur enseignant les préceptes religieux dont ils avaient besoin, les awrad surérogatoires, et les adhkâr qui leur étaient nécessaires pour arriver à la vie future, pour manifester leur amour de Dieu et s'approcher de lui. Nous agissions ainsi dans un but de fraternité, pour aider nos frères à être bons et sincères, et non pas en qualité de cheikh ; dans le but d'enseigner et d'indiquer la bonne voie, non dans celui d'éduquer.

 Ensuite, il continue à développer cette pensée, suivant son habitude, pour conseiller et donner à réfléchir.

 Un de mes amis me rapporta qu'il avait eu une controverse avec un Qadi qui enseignait. Ce Qadi lui avait parlé de moi, et, paraît-il, lui avait dit comme voulant lui suggérer un conseil : « Qu'est-ce qui a poussé un tel à enseigner les awrad ? Avez-vous jamais vu un Moûrîd remplissant les conditions pour le faire ? » Lorsqu'il m'eut rapporté ces paroles, je lui déclarai: « Pour ma part, je n'ai jamais vu un moûrid remplissant, et comment en verrais-je, a moins que Dieu ne supplée à notre insuffisance par sa puissance. »

Publié par Sidi Mohammed Hâshim

Mohammed el-Mahdî ibn Ahmed el-Fâsî (/1624-1698)

Ici un résumé inédit d’un extrait de la partie finale du commentaire de Cheikh Hamdoûn ibn el-Hâjj du Murchîd el-Mu’în qui est lui-même un commentaire du "réalisé et très savant Sidi Mohammed ibn Ahmed el-Fâsî du texte sur les sciences religieuses d’Abd l-Wâhid ibn ‘Âchir" (Matn Ibn ’Âchir) :

1.Il est toujours préférable pour le murîd de chercher un Maître de « bon conseil », capable de montrer au disciple les défauts dont il ne peut prendre conscience seul.

2.En cas d’impossibilité de trouver un tel Maître, le murîd pourra tirer profit de la compagnie d’un frère pieux qui le conseillera de manière analogue.

3.Quand une telle compagnie n’est pas possible, le murîd peut alors se mêler aux gens, si l’on entend par là ceux qui ne sont pas nécessairement ses amis et qui, en tant que tels lui feront plus facilement encore état de ses défauts que de ses qualités.

4.Si un tel cas n’est pas réalisable, il est conseillé au murîd d’essayer de tirer profit de la lecture de livres généraux de Maîtres de la Voie tels qu’el-Muhâssabî ou Ghazâlî (acquisition de la science théorique).

5.Existe encore l’assistance aux assemblées de science, de hadîth et de taçawwuf .

6.A la suite directe de l’exposé de ces cinq modalités d’enseignement spirituels, l’auteur fait enfin une mention particulière, et comme détachée d’elles, d’une sixième qui est la pratique de la prière sur le Prophète -qu’Allah prie sur lui et le salue.

Publié par faqirilallah

Imâm Abd Allâh Ibn `Alawî Ibn Mohammad al-Haddâd (1044-1132/1634-1720)

Voici un texte qui concerne la difficulté de trouver un cheikh d'éducation spirituelle et sa "presque disparition" en Occident.

Il ne va pas dans un sens différent des précédents et c’est un témoignage à la fois réaliste et vivant de la manière selon laquelle on peut envisager, malgré les conditions actuelles, le travail initiatique et l’enseignement spirituel dans une perspective régulière.

Il figure en annexe du « Livre des convenances du disciple » de l’Imâm el-Haddâd traduit de l’arabe par Omar Van Den Broek (Editions Al-Bouraq).

« La méthode des « gens de la main droite »

Le Coran répartit les êtres humains en trois catégories : les rapprochés, qui comprennent les prophètes et les saints, les Compagnons de la main droite – la main droite marquant la direction du paradis -, ceux qui sont destinés au paradis sans être ni prophètes ni saints, qui vont des vertueux jusqu’aux croyants ordinaires et pécheurs, et les Compagnons de la main gauche, la direction de la gauche étant celle de l’enfer (sourate 56). Ces derniers sont les incroyants de toutes sortes.

Les soufis ont utilisé cette terminologie pour mettre à part ceux qui suivent sérieusement un chemin spirituel : ils sont intégrés aux rapprochés, même s’ils n’ont pas atteint leur degré spirituel. Ceux qui n’ont pas une telle inclination mais sont cependant croyants – ils obéissent à la plupart des injonctions divines, quoique avec moins de sincérité et d’enthousiasme, et évitent la plupart de Ses interdits, quoique de façon moins attentive que ceux qui voyagent sur le chemin – sont les Compagnons de la main droite. À l’époque de l’imâm al-Haddâd, la méthode classique des soufis demandant au disciple une obéissance totale au maître, afin de faciliter sa guidance le long du chemin, de gagner du temps et de permettre les ouvertures spirituelles, avait commencé à devenir impraticable, car les disciples capables de supporter une formation aussi dure étaient rares. L’imâm al-Haddâd commença sa vie en voyageant sur le chemin classique pour évoluer peu à peu, comme maître, et formuler une méthode plus aisée, plus adaptée à la fin des temps. Le seul point encore mentionné dans ce traité qui appartienne à l’ancienne méthode est l’obligation de s’en remettre au shaykh pour toutes ses affaires, ce que l’imâm al-Haddâd, peu de temps après, déclara ne plus être une exigence. Une autre raison pour adoucir cette condition tient à ce que les maîtres méritant d’être obéis de cette manière sont devenus de plus en plus rares jusqu’à notre époque où, en particulier en Occident, ils ont presque disparu.

« Livre des convenances du disciple » de l’Imâm el-Haddâd traduit de l’arabe par Omar Van Den Broek (Editions Al-Bouraq).

Publié par faqirilallah

Abd ar-Rahmân Ibn Mustafâ al `Aydarûs (1135-1192 / 1722-1778) (Tariqa Ba 'alawiyya)

 « Dans Taqrîb al wusûl bi-tashîl al wusûl li ma`rifa ar-Rabb wa ar-Rasûl [de l'imâm Dahlân], Sîdî `Abd ar-Rahmân Ibn Mustafâ al `Aydarûs (1135-1192 / 1722-1778) (Tariqa Ba 'alawiyya)  , qui résida en Egypte a dit dans son commentaire de la Prière (salât) de Sîdî Ahmad al Badawî, ainsi que son ouvrage intitulé Mir`ât ash-shumûs fî manâqib âl al-`Ayadarûs :

« On manquera d’éducateurs spirituels vers la fin des temps. Et seule la Prière sur le Prophète (sallallâhu `alayhi wa sallam) permettra, tant en état de sommeil qu’en état de veille, d’accéder à Allâh (qu’Il soit exalté !). Toute pratique comporte des aspects qu’on admet et qu’on rejette, sauf la prière sur le Prophète (sallallâhu `alayhi wa sallam). Cette prière est toujours acceptée parce qu’étant tout à l’honneur du Prophète (sallallâhu `alayhi wa sallam). Les docteurs sont unanimes sur ce point. On avait demandé à Muhammad ibn Nâsir (qu’Allâh l’agrée) quel était le wird à pratiquer et qui pouvait tenir lieu de tous les autres awrâd, et être utile à celui qui, le trouvant dans un ouvrage, et à défaut d’autre chose, et vu le caractère corrompu de notre temps et la duperie courante, se mettrait à le réciter. Il répondit que c’est effectivement la prière sur le Prophète (sallallâhu `alayhi wa sallam) et les Musabbi`ât al `ashr qui lui serait utile dans une telle situation. La pratique continuelle des Musabbi`ât peut remplacer tous les autres awrâd.’ »

Pour ceux que cela intéresse, Muhammad (ou Mahammad) ibn Nâsir al-Dur'î (1085/1670)est le fondateur de la branche Nassiriyyah de la tarîqa Châdhiliyyah et le maître du Cheikh al-Yûsî déjà cité. Il est aussi le père du Cheikh Ahmad auteur du célèbre do'a naçirî.

On peut le considérer comme une autorité majeure du taçawwuf maghrébin.

'abdoun da'if

 
Moulay l- 'Arabî ad-Darqawî (/1760-1823)

Quelques passages des lettres de Moulay l- 'Arabî ad-Darqawî.

254e lettre : « Soyez témoins, mes frères, que j 'ai finalement accepté la parole suivante de l'éminent Maître Abû l- 'Abbâs Sîdî Ahmad Zarrûq ai-Fâsî : « Pas de Shaykh après cette barbe », après l'avoir repoussée et prise en aversion pendant plus de 50 ans. Je n'aimais pas l'entendre, mais j'ai fini par comprendre son véritable sens - louange et grâce à Dieu ! Elle signifie – et Dieu est plus savant- que lorsqu'il vit se multiplier les gens à prétentions spirituelles et les vit se déclarer Shaykh, sans que personne parmi eux ne sache ce qu'est le degré du Shaykh ni même celui du disciple, son coeur se serra, ses idées se crispèrent, et c'est alors qu'il eut ce mot . .»

255e lettre : « Si vous m'écoutez et me suivez, je ne laisserai dans votre esprit ni nausée ni confusion ni étourdissement ; vous serez vos propres Shaykhs et les Shaykhs des autres, et aucun de vos contemporains ne vous sera nécessaire. Chaque fois que vous aurez besoin de quelque chose, c’est en vous que vous le trouverez: Dieu est garant de nos dires.»

262e lettre : « Et si cela ne s'opposait aux paroles des Maîtres de la Voie, qui ont dit des choses telles que: "Celui qui n'a pas de Shaykh, c' est Satan son Shaykh"; "Celui qui n'a pas de Shaykh n'a pas de direction (qibla)"; "Celui qui n'a pas de Maître ne vaut rien. Supprimer les moyens intermédiaires conduit à la perdition, mais leur attribuer le résultat est une aberration", nous dirions que la prière dispense du Shaykh. Il en va de même pour la lecture du Coran, la répétition de "Pas de divinité si ce n'est Dieu" et la prière sur l' Envoyé. Tout cela nous dispense du Shaykh, surtout si nous évitons ce qui ne nous regarde pas, ce qui est pour nous sans intérêt, et que nous comptons sur notre Seigneur et non sur nos actes ... »

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Ahmed Zaynî Dahlân al-Makki ash-Shafi'i (1304/1886)

Cheikh Zeini Dahlân dans  son Taqrib el-wuçûl donne une information spécifique de ce que peut être l'enseignement "fî âkhir al-azmân" (sic), "à la fin des temps" :

La prière sur le Prophète(saw)   est utile quelle que soit la formule employée et il n’y a rien de plus utile à l’illumination des coeurs et à l’arrivée des mouridîn à Allâh qu’elle, car celui qui est persévérant dans la prière sur le Prophète(saw)  obtient de nombreuses lumières et, par son influence spirituelle, parvient au Prophète (saw)  ou bien est réuni avec quelqu’un qui le fait parvenir à lui, particulièrement si cela est pratiqué avec rectitude (istiqâma) et particulièrement à la fin des temps (âkhir al-azmân) au moment de l’appauvrissement en Maîtres spirituels (qillatou-l-Mourshidîn) et de la confusion des choses (iltibas el-oumoûr) chez les gens. Qui donc veut guider les créatures et leur enseigner, prescrive aux gens, du commun comme de l’élite, la demande de pardon (istighfâr) et la prière sur le Prophète (saw).
 On sait qu'en termes de fin des temps le Cheikh Dahlân était particulièrement édifié puisque, en fonction à Médine lors de l'arrivée au pouvoir de nos "frères du Nejd", il a assisté aux désastres qui furent commis sur place alors et fut l'auteur d'une réfutation mémorable de leurs thèses dévoyées.
Quand le Maître murchîd manque (= est absent, fuqida), les adhkâr prophétiques rapportés du Prophète (saw) sont préférables (afdal) à d'autres (min ghayri-hâ). Parmi eux, suffit le wird el-Latîf du Pôle el-Haddâd, car les adhkâr qui y figurent sont les adhkâr fondamentaux (ummahât el-adhkâr) traditionnellement transmis (el- m'athûrah), ainsi que (wa kadhâ yakfî-h) la lecture du Coran et la prière sur le Prophète (saw).

Il est vrai qu'il ressort de ce passage une certaine indétermination. On ne sait pas, en effet, si cette recommandation concernant le wird en question (qui n'est pas appelé hizb) concerne celui qui est rattaché à une tarîqah et qui n'a pas de cheikh ou celui qui n'est pas rattaché.

Mais enfin, on voit qu'en dehors des recommandation en définitive générales et élémentaires qui concernent l'usage des adhkâr dans un cadre initiatique, il y a certainement lieu de faire preuve d'une intelligence particulière, ou plutôt de tenir compte de l'intelligence du temps qu'ont eue avant nous des autorités qui, parce qu'elles sont régulières mais surtout contemporaines, expriment ainsi les particularités des temps lesquels nous vivons.

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Ahmad Mashhûr al-Haddâd (/1911-1995)

En 1411 H., Habîb Ahmad Mashhûr al-Haddâd, que Dieu soit satisfait de lui, assistait à un rassemblement à l’occasion de l’anniversaire de la mort de l’imâm al-Haddâd. Il consacra son propos de ce jour-là à expliquer la méthode pratiquée depuis l’époque de l’imâm, toujours pratiquée de nos jours. Il mentionna les maîtres d’antan, comme le shaykh ‘Abd al-Qâdir al-Jilânî, le shaykh Ahmad al-Rifâ’î et d’autres, et indiqua que leur méthode imposait à leurs disciples de manger peu, de parler peu, de dormir peu et de se mêler le moins possible aux autres gens. Puis il remarqua que même à cette époque ceux qui vivaient complètement selon ce modèle étaient rares, et que leur exigence de voir le disciple se soumettre sans condition à eux était difficile même alors, pour devenir de nos jours entièrement impossible, sauf dans des circonstances très rares et exceptionnelles. Il parla de notre temps d’un ton sarcastique, utilisant les mots même que son ancêtre l’imâm utilisait, l’appelant ce merveilleux temps béni, le temps de la sédition généralisée, de la tromperie, de l’absurde, des idées carrément destructrices et des innovations condamnables. Il dit que la méthode des gens de la main droite est une méthode simple. Elle signifie accomplir toute obligation et toute sunna que Dieu vous a prescrites, parcourir le chemin de la taqwâ de son mieux, rester en compagnie de gens de bien et avancer avec eux, car on fait partie des gens qu’on aime. Quand on se comporte comme ils le font, on devient un des Compagnons de la main droite et on rejoint les gens de la tarîqa. Être l’un d’eux est un bienfait suffisant. Ceux qui obéissent à Dieu et au Messager seront avec ceux que Dieu a comblés de bienfaits, les prophètes, les véridiques, les martyrs et les saints. Ceux-là sont les meilleurs compagnons ! * Habîb Ahmad affirmait ensuite que la plupart des pratiques antérieures d’autodiscipline avait été remplacée par le rappel constant de Dieu, et il recommandait en particulier les rappels de l’imam al-Haddâd, à savoir al- Wird al-Latîf et al-Râtib. Enfin il dit quelques mots de l’ijâza, la permission ou l’autorisation d’utiliser ces invocations, et d’autres, transmises de maître à successeur et de maître à disciple, pour faire que l’utilisation de ces invocations soit plus fructueuse.

 _____________________

 * Coran 4 : 69. »

« Livre des convenances du disciple » de l’Imâm el-Haddâd traduit de l’arabe par Omar Van Den Broek (Editions Al-Bouraq).

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Mohammed el-Hâchimî (/1961)

A propos de l’importance du Maître et de ce que peut faire le murîd lorsqu’il n’en trouve pas, voici ce qu’expose le cheikh Mohammed al-Hâchimî (décédé en 1961) dans son Échiquier des Gnostiques (Shatranj el-‘Arifin)1 :

 «Pour le voyage, ô mon frère, il te faut le secours d’un shaykh vivant, gnostique, sincère, de bon conseil, possédant une science authentique, une intuition (dhawq-goût) sans mélange, une haute aspiration et un état spirituel agréé, ayant lui-même suivi la voie sous la direction de guides spirituels et reçu son éducation spirituelle (adab) de gens bien éduqués, connaissant les chemins, ceci pour qu’il te protège contre les périls de ta route, t’apprenne à te concentrer sur Dieu et à fuir ce qui n’est pas Lui, t’accompagne jusqu’à ce que tu parviennes à Dieu, t’apprenne à reconnaître les fautes auxquelles t’expose ton âme, te fasse connaître la Bonté (ihsan) de Dieu envers toi ; car lorsque tu Le connaîtras, tu L’aimeras, et lorsque tu L’aimeras tu Lui consacreras tes efforts. Si tu fais cet effort Il te conduira dans Sa Voie et te choisira pour te mettre en Sa Présence. Le Très-Haut a dit : «Ceux qui ont lutté pour Nous, Nous les conduisons sur nos chemins» (Coran, XXIX, 69). La compagnie d’un shaykh et son exemple sont obligatoires (wajib). La source de cette obligation est cette parole du Très-Haut : «Et suis le chemin de celui qui est revenu à Moi » (Coran, XXXI, 15), ainsi que cette autre parole : « Ô vous qui croyez, soyez pieux envers Dieu et soyez avec les sincères! » (IX, 120). C’est aussi une condition du shaykh qu’il ait reçu d’un maître parfait, doué d’une clairvoyance efficace, l’autorisation d’instruire ses semblables. On ne dit pas où se trouve celui qui possède ces qualités. Mais nous répétons ce qu’a dit l’auteur des Lata’if al-Minan (Les Subtilités des Bienfaits) :

 « Tu ne manqueras pas de rencontrer des guides, mais tu manqueras peut-être de sincérité dans ta quête ; fais un effort sincère et tu trouveras un murshid ! ».

 En vérité le Secret divin est dans la sincérité de la quête : combien de merveilles ont été vues de Ses compagnons! Il est aussi dit dans Lata’if al-Minan : « Il te faut rendre exemple seulement sur un saint homme (wali) vers qui Dieu t’a conduit pour te faire connaître les grâces spéciales qu’il a déposées en lui, que Dieu a dépouillé à tes yeux de son aspect humain en te mettant en présence de ses grâces spéciales, à qui, de ce fait, tu as remis le soin de te guider et qui a parcouru en ta compagnie le sentier de la rectitude».

 «C’est le propre de l’aspirant (murid) que de chercher à connaître ses propres défauts. Cette préoccupation devient même son principal mobile d’action. Or, il lui est impossible de vraiment connaître par lui-même ses propres défauts (‘uyûb nafsihi) car l’homme ne se voit lui-même que par l’oeil de la perfection. Et, à supposer même qu’il trouve un défaut en son âme, il ne pourra pas s’en défaire par ses seuls moyens, ayant trop de pitié pour lui-même.

 1. Il lui faut donc quelqu’un qui l’assiste et le soigne, c’est-à-dire un shaykh. Car celui-ci est comme un médecin qui diagnostique les anomalies et les guérit.

2. Au cas où il n’aurait pas de shaykh pour le conseiller, qu’il prenne un frère vertueux (sâlih) et en fasse un compagnon qui veille sur ses états et ses actions ;

3. s’il ne trouve ni shaykh, ni frère, qu’il apprenne à connaître ses défauts auprès de ses ennemis. Comme l’ a dit Abû Hayyan:

« Mes ennemis me font une faveur et je leur suis redevable. Le Miséricordieux ne m’a pas privé d’ennemis. Ils ont recherché mes points faibles, et j’ai pu m’ en écarter. Ils m’ont jeté des défis et j’ai accédé à de hautes fonctions».

4. Ou encore, qu’il apprenne à connaître ses défauts par la fréquentation des hommes car, de cette façon, il prend conscience de leurs vices et s’en écarte intérieurement puisque « le croyant est le miroir du croyant »,

5. ou enfin, qu’il les connaisse par la lecture assidûe des ouvrages des soufis, comme ceux de Muhasibi, Ghazzali, Sha’rani. Le très savant Ibn Zakrî (m. 1144/1731) a dit dans son commentaire des Hikam : « Cette méthode est aujourd’hui plus utile et efficace parce qu’à notre époque les individus ne suivent plus les bons conseillers et n’acceptent pas leurs conseils ». Du même ordre que la lecture d’une utilité équivalente est l’assistance aux séances l’instruction sur l’exégèse coranique (tafsîr), le hadîth et le taçawwuf

Ce sont là cinq moyens (de connaître ses propres défauts). Il en reste un sixième, à savoir : que celui qui ne trouve pas de shaykh pour l’instruire et le faire progresser s’adonne avec intensité à la prière sur le Prophète (saw)  car elle l’instruira, le fera progresser, l’affinera et le mènera au but ; ainsi l’ont rapporté le Shaykh Zarrûq (m.899 /1493) sous l’autorité de son propre shaykh Abû al-’Abbas al-Hadrami et le shaykh Sanûsi (1787-1859) sous l’autorité de plusieurs maîtres soufis»

Échiquier des Gnostiques (Shatranj el-‘Arifin), traduit par Jean-Louis Michon (Editions Archè)

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Sa’îd Hawwâ (/1935-1989)

Maintenant un texte du Tarbiyatunâ Rûyyiha du Cheikh Sa’îd Hawwâ, que nous faisons précéder par quelques mots d’Eric Geoffroy en guise de présentation de l’auteur :

 « La personnalité de Sa’îd Hawâ (m. 1984) mérite que l’on s’y intéresse tout particulièrement. Ce partisan déterminé de la lutte armée contre le régime syrien a été le disciple de plusieurs maîtres soufis, dont ‘Abd al-Qâdir Isa et Muhammad al-Hâshimî (m. 1961) ; il a même reçu d’eux l’autorisation (al-izn) de guider les novices sur la Voie initiatique. Les longues années qu’il a passées en prison ainsi que son exil n’ont pas entamé son enthousiasme pour le plaidoyer qu’il a mené en faveur d’un « soufisme salafî », selon son expression. Son ouvrage Tarbiyatunâ al-Rûhiyya constitue le premier tome d’une trilogie destinée à promouvoir un soufisme bien tempéré parmi les Frères musulmans ; l’auteur précise d’ailleurs en préambule qu’il avait prévu de lui donner pour titre Tasawwuf al-haraka al-islâmiyya al-mu’âsira (Le soufisme du mouvement islamique contemporain}, mais que diverses « circonstances » l’en ont empêché ».
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in « Soufisme, réformisme et pouvoir en Syrie contemporaine » – Eric Geoffroy
Texte du Cheikh Sa’îd Hawwâ (décédé en 1984)

 « Dans le passé, les juristes disaient : « Quiconque s’initie au fiqh sans s’initier au tasawwuf tombe dans la perversion. Et quiconque s’initie au tasawwuf sans s’initier au fiqh tombe dans l’hérésie. Quiconque allie les deux atteint la vérité. » Le tasawwuf est donc indispensable pour compléter le fiqh , et le fiqh est indispensable pour gouverner le tasawwuf et pour orienter et diriger les œuvres. Quiconque passe à côté de l’un de ces aspects aura manqué la moitié de l’affaire…Le tasawwuf et le fiqh sont deux sciences complémentaires, lorsqu’on les oppose telle est véritablement l’erreur, l’égarement, ou encore la déviance. Ce que l’on entend par opposition ici, c’est le fait que le soufi parte loin du fiqh , alors que le fiqh est son gouvernail, ou que le juriste s’écarte de l’application car telle est la corruption du coeur. Le juriste se doit de s’initier au tasawwuf de même que le soufi se doit de s’initier au fiqh , l’objectif étant que le savoir du juriste comprenne ce qui touche aux lois et également ce qui touche à la voie de la mise en oeuvre et de l’accomplissement, et que le savoir du soufi comprenne les lois qui lui sont nécessaires, et que tout ceci soit accompagné par une œuvre correcte à la lumière d’une science authentique.

C’est pourquoi les grands Imâms du cheminement spirituel, comme le Sheikh Ar-Rifâ`î, disent : « La finalité des savants et des soufis est la même. » Nous tenons ce propos ici parce que certains ignorants se réclamant du tasawwuf lancent à la figure de tout un chacun la phrase : « Quiconque n’a pas un maître, le diable est son maître. » Ce propos est tenu par un soufi ignorant appelant à son maître ignorant, comme il est tenu par un soufi ignorant appelant à son savantissime maître, et à tort lorsque le propos n’est pas placé à bon escient. Celui qui n’a pas de maître est l’individu ignorant qui ne s’instruit pas et refuse toute instruction. Un tel personnage a pour maître le diable. Quant à celui qui avance à la lumière de la science, ses guides sont la science et la loi.

Publié par faqirilallah

La constatation qu'il existe, à l'intérieur d'un processus de dégénérescence générale, des périodes de revivification est d'ailleurs, en elle-même, l'illustration du fait qu'il ne faudrait certainement pas donner aux affirmations (même les plus radicales) qui ont été citées précédemment une portée absolue : il s'agit certainement de données générales qui indiquent une tendance suffisamment forte pour avoir été exprimée sans équivoque par des autorités de la Voie, mais qui intègrent ainsi la possibilité de la persistance de situations relativement meilleures.

Avec toutes les réserves propres aux comparaisons, le trajet d'un ballon qui roule sur une pente sans rebondir n'est pas identique à celui du même ballon qui parcourt la même pente en rebondissant, bien que les points de départ et d'aboutissement soient identiques : le dernier présente ce qui pourra être décrit comme des phases de remontées relatives, mais dont le point culminant de chacune est néanmoins inférieur à celui du rebond précédent, conformément à son trajet général et sans dérogation ultime à celui-ci.

 On voit l'intérêt que peut présenter l’œuvre de René Guénon/Cheikh Abd el-Wâhid Yahyâ pour comprendre ce genre de choses, in châ Allah.  Publié par faqirilallah


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