samedi 20 octobre 2012

Ibn Arabi - Prenez garde aux droits des hommes






(Cheikh Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Kitâb al-wasâyâ, traduit de l’arabe par Mohamed al-Fateh : Paroles en Or, édition Iqra).

Prenez garde à l’injustice envers les hommes, car elle se transformera en ténèbres au Jour de la Résurrection. Etre injuste envers les hommes, c’est les priver des droits que Dieu t’impose de t’acquitter envers eux. Cela peut être en fonction de l’état dans lequel se trouve l’homme, selon ce que tu vois chez lui comme indigence, alors que toi tu es en mesure de satisfaire son besoin et de combler sa nécessité. Tu dois savoir dans ce cas qu’il a un droit du fait de son état sur tes biens. En effet Dieu ne t’a dévoilé son état que pour que tu lui remettes son droit, sans quoi tu seras responsable. Si tu ne possèdes pas le moyen de satisfaire son besoin, sache alors que Dieu ne t’a pas dévoilé son état inutilement.

Sache donc qu’Il veut de toi que tu l’aides par une bonne parole auprès de celui dont tu sais qu’il peut satisfaire son besoin. Si tu ne le fais pas, tu dois au moins faire une invocation en sa faveur. Mais cela ne doit être effectué qu’après avoir déployé l’effort et désespéré de tes possibilités au point de n’avoir plus à lui offrir que les invocations en sa faveur. C’est que, plus tu omets cet aspect des choses, plus tu fais partie de ceux qui ont été injustes envers l’homme qui se trouve dans cet état. Tout ceci si cet homme dans le besoin meurt à cause de l’insatisfaction de son besoin. S’il n’en meurt pas et qu’un autre parmi les croyants satisfait son besoin, ce frère dans la Foi t’a déchargé de cette réclamation sans que tu t’en rendes compte. C’est que le croyant est le frère du croyant, il ne le lâche pas et ne lui fais pas du tort. Les choses sont ainsi même si le donateur n’a pas conscience de cela, et c’est ainsi que Dieu l’agrée. Aussi, lorsque tu donnes, à un mendiant dans le besoin, envisage, en le faisant, de remplacer ton frère, le premier croyant qui l’a privé en préférant ainsi lui témoigner de l’affection à travers ce bien qu’il a laissé pour toi afin que tu l’atteignes, car si ton frère avait donné à ce mendiant, ce dernier s’en serait contenté et tu ne serais plus en mesure d’obtenir ce bien. Voilà l’intention qui commande le don des gens qui possèdent la connaissance spirituelle (al-‘arifun) en faveur des mendiants nécessiteux, en fonction de leurs états et de leurs paroles : « Quant au mendiant, ne le repousse pas » (Coran, 93/10), qu’il s’agisse de don matériel ou moral. En effet la science et le profit qu’on en tire relèvent de ce chapitre. C’est ainsi que l’égaré demande la guidance, l’affamé la nourriture, l’homme nu le vêtement qui cache sa nudité et le protège du froid et de la chaleur et, le malfaiteur qui sait que tu peux le sanctionner te demande de pardonner son forfait. Guide donc l’égaré, nourris l’affamé, abreuve l’assoiffé, revêt celui qui est nu et sache que tu es indigent par rapport à tout ce dont on est indigent à ton égard et que Dieu est Riche par rapport aux habitants des mondes. Malgré cela Il exauce leurs invocations, satisfait leurs besoins et leur enjoint de Lui adresser leurs demandes pour repousser les nuisances chez eux et leur apporter les profits. Il t’incombe donc de traiter de la sorte les serviteurs de Dieu en raison de ta dépendance à l’égard de Dieu dans tout ceci.


Muslim rapporte dans son recueil de hadith authentique (as-sahih), d’après Abdullah Ibn Abdurrahman Ibn Bahram ad-Darimi, d’après Marwan Ibn Muhammad ad-Dimashqi, d’après Sa’id Ibn Abdul’aziz, d’après Rabi’a Ibn Yazid, d’après Abu Idriss al-Khawalani, d’après Abu Dharr – que Dieu soit satisfait d’eux-, d’après le Prophète qui rapporte que Dieu- qu’Il soit béni et exalté – dit :
« Ô Mes serviteurs ! Je Me suis interdit l’injustice à Moi-Même et je l’ai rendue illicite entre vous. Ne soyez pas donc injustes les uns envers les autres.
Ô Mes serviteurs ! Vous êtes égarés sauf celui que Je guide, aussi demandez-Moi de vous guider et Je vous guiderai !
Ô Mes serviteurs ! Vous êtes tous des affamés sauf celui que Je nourris, demandez- Moi donc de vous nourrir et Je vous nourrirai !
Ô Mes serviteurs, vous êtes tous nus sauf celui que J’ai revêtu, demandez-Moi donc de vous revêtir et Je le ferai !
Ô Mes serviteurs ! Vous péchez de jour comme de nuit et Moi Je pardonne tous les péchés, demandez-Moi pardon et Je vous pardonnerai ! ».

Or Dieu t’accorde tout ceci sans que tu Lui adresses une demande à ce sujet. Malgré cela, Il t’ordonne de Lui adresser tes demandes pour te donner par exaucement de ta demande, afin qu’Il te fasse voir Sa providence à ton égard dans la mesure où Il agrée ta demande.



Ceci constitue, d’ailleurs, une position meilleure par rapport à ce qu’Il t’a accordé. Il faut dire que si ta demande se fonde sur Son ordre, car Il sait, sur toi, que tu allais Lui adresser tes demandes, puisque ton indigence et ta demande sont inscrite dans ta nature de créature, afin que dans ta demande tu t’acquittes d’un devoir et que tu reçoive la récompense de celui qui obéis à l’Ordre de Dieu, ce qui rajoute un bien à ton bien. Il ne t’a donné cet ordre que par miséricorde pour toi, pour te faire parvenir un bien et t’indiquer que la satisfaction de ton besoin dépend de Lui et non pas de quelqu’un d’autre, car Il ne t’a crée que pour ’adorer, c'est-à-dire pour te soumettre à LuiDonc, ce que je t’ai recommandé consiste à t’arrêter devant les ordres et les interdits de Dieu et à comprendre cela à partir de Lui afin que tu sois de ceux qui savent ce que Dieu veut d’eux pour ce qui est de Ses ordres et de Ses interdits. Garde-toi donc d’être du nombre de ceux qui n’adressent pas leurs demandes à leur Seigneur. En effet, celui qui n’adresse pas ses demandes à son Seigneur L’accuse d’avarice ; ceci à l’encontre de tout le monde.
Aussi, si tu négliges ce que je t’ai recommandé, ne t’en prends qu’à toi-même, car si tu es ignorant, je t’ai initié ; si tu es insouciant et oublieux, je t’ai averti et je t’ai rappelé ; et si tu es croyant, sache que le rappel te profite. En effet j’ai respecté l’ordre de Dieu à travers ce que je t’ai rappelé, et le bénéfice que tu tires du rappel témoigne de ta foi. C’est que Dieu – qu’Il soit exalté et magnifié – a dit dans mon cas et le tien :
« Avertis les hommes car le Rappel est utile aux croyants » (Coran, 51/55). Si le rappel ne te profite pas, tu dois accuser ton âme quant à sa foi, car Dieu est Véridique et Il a indiqué que le Rappel est utile aux croyants.


La perfection de cette Tradition divine que nous mentionnons ici, c’est qu’après Sa parole « Je vous pardonnerai », Dieu dit : « Ô Mes serviteurs ! Vous ne pouvez atteindre la possibilité de Me nuire pour Me nuire et vous ne pouvez pas atteindre la possibilité de M’apporter profit pour M’être utiles ». Il est bien connu que Dieu – qu’Il soit glorifié – n’est sujet ni au dommage, ni au profit, car Il est transcendant par rapport aux mondes. Mais comme Il s’est placé Lui-même dans la position du serviteur à propos de ce que nous avons indiqué au sujet de la demande d’être nourri et abreuvé, Il nous a avertis de l’impuissance absolue d’atteindre la fin en matière de dommage ou de profit de la part des serviteurs à Son égard. En effet il est impossible d’atteindre cette finalité. De même Dieu a dit au sujet d’un groupe de gens qu’ils ont suivi ce qui Le courrouce, ce qui constitue manifestement un dommage dont Dieu indique qu’Il est totalement transcendant par rapport à lui. Il en va de même de celui qui accomplit une oeuvre qui procure l’agrément et la joie de Dieu, comme dans le cas du repentant, en ce sens que Dieu se réjouit de la repentance de Son serviteur.


En somme cette Tradition divine ressemble à un remède contre ce qui peut affecter, en matière de science sur Dieu, les âmes faibles qui n’ont aucune connaissance de ce que procure la Parole divine : « Rien ne Lui est semblable » (Coran, 42/11).


La perfection de cette Tradition divine c’est que Dieu dit ensuite :
« Ô Mes serviteurs ! Si vous avez tous, du premier au dernier, humains et djinns
confondus, le coeur de l’homme le plus pieux, cela n’ajoute rien à Mon royaume !
Ô Mes serviteurs ! Si vous avez tous, du premier au dernier, humains et djinns confondus, le coeur de l’homme le plus pervers, cela ne diminue en rien Mon royaume !
Ô Mes serviteurs ! Si vous vous mettiez tous, du premier au dernier, humains et djinns confondus, en un seul rang pour M’adresser vos demandes et que Je donne à chacun de vous ce qu’il demande, cela ne diminuerait pas ce que J’ai auprès de Moi, pas plus que l’épingle ne le ferait en s’introduisant dans l’océan ».

Tous ceci constitue un remède pour ce que nous avons indiqué sur les maux des âmes faibles. Recours donc, ô ami de Dieu, à ces remèdes !
Dieu dit ensuite à la fin de cette Tradition :
« Ce sont vos oeuvres que Je recense pour vous rémunérer ensuite. Que celui qui récolte du bien remercie Dieu, et que celui qui trouve autre chose ne s’en prenne qu’à lui-même ! ».

Ainsi donc, celui qui demande une chose s’humilie, et celui qui s’humilie devant quelqu’un d’autre en dehors de Dieu s’égare, se fait du tort à lui-même et ne suit pas la voie de la guidance pour son âme.
Telle est donc ma recommandation pour toi, respecte-la, et tel est mon conseil, suis-le. Du reste Dieu – qu’Il soit exalté – ne cesse, dans Son livre et par la bouche de Ses Messagers, d’adresser Ses commandements à Ses serviteurs. Ainsi, tout homme qui te fait des recommandations te procurant le bonheur, est un messager de Dieu pour toi.
Remercie-le donc auprès de ton Seigneur !


 

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