dimanche 21 octobre 2012

Le véritable maître - Cheikh Al Alawi






Sagesse céleste Traité de soufisme Al-Mawâdd al-ghaythiyya an-nâshi'a 'an al-hikam al-ghawthiyya, Cheikh al-'Alawî p129 à 131


42. Le véritable maître, c’est celui qui te forme par sa façon d’être, t’éduque par son simple silence, et dont l’illumination éclaire ton intérieur.

L’auteur en vient maintenant à définir ce qu’est ce « maître » auquel on doit s’en remettre pour suivre la voie. Il montre que c’est grâce à son caractère et à sa façon d’être qu’il fait progresser l’aspirant d’état en état, et non à force de discours recherchés. Seul son état peut influer sur l’état de l’aspirant, qui s’éduque alors grâce aux qualités du maître. Silencieux, assis, endormi, éveillé ou en quelque autre situation que ce soit, l’envoyé d’Allâh était toujours une source d’enseignement pour ses compagnons. Ceux qui suivent vraiment sa voie sont pareils : ce sont leurs états qu’ils communiquent à leurs disciples. Voilà pourquoi l’auteur dit que le véritable maître est celui dont l’effet bénéfique se voit sur toi, aspirant, celui qui te forme par sa façon d’être et non par ses discours, qui t’éduque par son simple silence et dont l’illumination éclaire ton intérieure qui est la sienne, connaissance qui agit tellement sur toi que tu deviens comme sa réplique et que tout ce qu’il porte en lui se manifeste en toi. Un soufi vint voir Junayd et, s’étonnant de voir à quel point le comportement de ses disciples était empreint de respect et d’éducation, lui dit :
- Comme tu éduques bien tes disciples, Junayd !
- Par Allâh, je ne les ai pas éduqués, mais c’est leur réalité intérieure qui se manifeste ainsi à l’extérieur, répondit ce dernier.
Selon un soufi, la tortue elle-même éduque sa progéniture d’un simple regard, alors comment le maître parfait ne pourrait-il pas en faire autant avec ses fils spirituels ? Bien au contraire ! C’est même l’une de ses caractéristiques. Voici ce que dit Abû l-‘Abbâs al-Mursî à ce sujet :

« Il me suffit d’un seul regard pour combler mon disciple spirituellement. »
Abû l-Hasan al-Shâdhilî dit un jour :
« Qu’ai-je à faire des ignorants ? Par Allâh, j’ai fréquenté des gens auxquels il suffisait de regarder un arbre desséché pour qu’il produise immédiatement des fruits ! »
Nous-même avons rencontré une de ces personnes dont parle ici l’imam. Quand notre maître, Sîdî Muhammad al-Bûzîdî, prenait quelqu’un pour disciple, il le comblait. Lorsque nous connûmes, nous n’avions aucune aptitude pour la voie, en dehors d’un certain amour pour ses gens. Or, en très peu de jours, nous obtînmes une station spirituelle impossible à décrire, alors même que rien ne nous prédisposait à cela. Une fois, je lui ai dit :
« Merci pour ce que tu nous as donné, et qu’Allâh te récompense ! Nous ne le méritons pas. »
A quoi il a répondu :
« Merci à toi d’être venu à nous. Par Allâh, si nous rencontrions un homme ne sachant même pas dire correctement le témoignage de foi, nous lui apprendrions ce que nous vous avons appris sans même y faire attention ! »
On raconte qu’un voleur pénétra de nuit dans la demeure de Râbi‘a l-‘Adawiyya. Il chercha partout mais ne put trouver qu’une cruche. Il allait donc sortir lorsque Râbi‘a l’interpella :
« - Eh toi ! Si tu es malin, ne pars pas sans rien ! »
- Et que pourrais-je emmener ? Il n’y a rien !
- Il y a cette cruche, là ; prends-la donc, puis fais tes ablutions et une prière de deux rak‘as !
Le voleur suivit son conseil. Alors qu’il était en prière, Râbi‘a leva les yeux vers le ciel et dit :
« Ô mon Seigneur et Maître ! Ce serviteur est venu chez moi et n’y a rien trouvé. Tu l’as Toi-même amené devant Ta porte, alors ne le prive pas de Ta grâce et de Ta récompense ! »
Lorsqu’il eut terminé sa prière, cela lui parut agréable, et il continua donc à prier pendant toute la nuit. Lorsque l’aube approcha, Râbi‘a entra dans la pièce où il s’était isolé et le trouva prosterné, en train de se blâmer lui-même en ces termes :
Lorsque mon Seigneur me dira :
« N’as-tu pas honte de Me désobéir,
De cacher aux créatures tes péchés
Tout en venant à Moi révolté ? »
Que pourrais-je alors Lui dire,
Quand Il me blâmera et me rejettera ?

« Mon ami, as-tu passé une bonne nuit ? » lui demanda Râbi‘a .
- Très bien, en compagnie de mon Maître, en toute humilité et indigence. Il m’a guéri, a accepté mes excuses, m’a pardonné mes péchés et fait atteindre mon but.
Il s’en fut alors droit devant lui, perdu en Allâh. Râbi‘a leva les yeux vers le ciel et dit :
« Ô mon Seigneur et Maître ! Cet homme est resté devant Ta porte pendant une heure, et Tu l’as accepté. Moi, depuis que je Te connais, je me tiens devant Toi : m’accepteras-Tu ? »
 
- Râbi‘a c’est pour toi que Nous l’avons accepté et c’est grâce à toi que Nous l’avons rapproché, lui répondit une voix en elle-même.
Bien des histoires semblables circulent parmi les soufis. Elles ont toutes le même sens, à savoir qu’un véritable maître, pour eux, doit disposer d’une force de résolution et d’une énergie spirituelle telles qu’elles lui permettent de transformer ses disciples, pour peu qu’ils aient vraiment faim de spiritualité et qu’ils lui obéissent. Sinon, c’est qu’il n’est maître spirituel que sur le papier.


 


 
Sagesse céleste Traité de soufisme Al-Mawâdd al-ghaythiyya an-nâshi'a 'an al-hikam al-ghawthiyya, Cheikh al-'Alawî p129 à 131

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