dimanche 21 octobre 2012

René Guénon Musulman: Conversion ou convergence?






Cheikh Abd al Wahid Pallavicini




Publié dans René Guénon (1886-1951). Colloque du Centenaire, Le Cercle de Lumière, 1993.


 « Pourtant la clef de la prétendue conversion de René Guénon du Christianisme à l’Islam doit être recherchée dans le dogme fondamental de toute l’œuvre guénonienne, cette conscience de l’unité des traditions dans la métaphysique qui “n’est ni orientale ni occidentale”, cette Vérité absolue d’où dérivent toutes les Révélations qui ont été données aux hommes par Dieu. Dieu étant cette Vérité absolue, n’étant ni Hindou, ni Chrétien, ni Musulman. » (p. 47)

Toutes les traditions sont les différents rayons de la même roue. Tous mênent au Centre.

« Nous ne pouvons pourtant pas oublier la collocation spatio-temporelle en laquelle Dieu nous a mis au moment de notre naissance, ni refuser la tradition dans laquelle nous sommes nés et dont nous portons en nous les signes de l’événement historique d’une irruption du sacré dans le monde, irruption dirigée vers la juridiction d’un certain peuple à un moment déterminé de l’histoire de l’humanité. » (p. 48)


Question: si René Guénon reconnaissait la validité de toutes les religions et aussi le fait qu’elles resteraient valables jusqu’à la fin des temps, pourquoi n’est-il pas resté chrétien et encore pourquoi a-t-il adhéré à l’Islam? Guénon avait répondu lui-même: « Nous répondrons que cela est dû surtout aux conditions de l’époque actuelle dans laquelle, d’une part, certaines traditions sont, en fait devenues incomplètes “par en haut”, c’est-à-dire quant à leur côté ésotérique, que leur représentants “officiels” en arrivent même parfois à nier plus ou moins formellement et d’autre part, il advient trop souvent qu’un être naît dans un milieu qui n’est pas celui qui leur convient réellement et qui peut permettre à ses possibilités de se développer d’une façon normale surtout dans l’ordre intellectuel et spirituel. »

Le fait qu’une tradition soit « incomplète par le haut » ne veut pas dire que l’Esprit se soit retiré d’elle, mais seulement qu’il n’y a plus ces supports structurels qui puissent faire bénéficier d’une transmission, d’une méthode et d’une maîtrise, les trois conditions que René Guénon s’attendait de toute organisation légitime.

« Mais au-delà du fait que Dieu rayonne du centre vers toute la circonférence, et qu’il garantisse à l’homme sont salut pour autant qu’il s’y maintienne, il se peut que “dans la présente phase du Kali-yuga il se produise des inconvénients inévitables” dit René Guénon, comme le fait que quelques-uns de ces rayons ne maintiennent pas la structure complète de la canalisation de la lumière qui pourrait nous guider jusqu’au centre-même.

En même temps, le fait d’être situé à un certain point de la circonférence, fait qu’un homme ne peut pas se passer des supports spirituels qu’il a dû recevoir avec sa naissance et dont il ne pourra pas refuser la présence dans son itinéraire vers Dieu. Voilà donc qu’il ne pourra accepter pour son chemin personnel qu’une voie complète qui inclut ces mêmes supports spirituels qui seront toujours présents en lui comme ils sont présents dans une tradition aussi valide que la sienne d’origine, mais postérieure à celle-ci. » (p. 50)

Sur l’adhésion de Guénon à l’Islam: « Il s’agit donc d’une adhésion qui ne tient pas seulement compte des possibilités initiatiques et des supports relatifs aux organisations ésotériques encore vivantes en Islam, mais encore du fait historique de l’avènement d’une nouvelle tradition, la dernière, qui englobe, sans l’opposer, la chrétienne en permettant l’attente du même événement eschatologique et en même temps la jonction avec la manifestation de la première Révélation. » (p. 51)

La soi-disante “conversion” de René Guénon ne doit pas être interprétée comme un refus de sa religion d’origine, mais comme une adhésion à celle qu’il appelait “La Tradition Primordiale”, en arabe “Din al-Quayyim” dans sa dernière expression.

« […] en effet pour nous est “muslim”, musulman, quiconque accepte vraiment la Révélation, le Messager et la Loi de la communauté à laquelle il appartient. » (p. 51)

« Ce fut en effet René Guénon qui essaya de trouver un remède aux défaillances des occidentaux modernes en leur parlant de la seule façon qu’ils pouvaient encore comprendre, dans l’espoir d’arriver ainsi à réveiller chez quelques-uns d’entre eux la conception d’une Réalité transcendante, l’intention d’une réalisation spirituelle, d’une gnosis, la connaissance possible seulement à travers l’adhésion à une tradition orthodoxe déterminée et la découverte des valeurs spirituelles et des fondamentales vertus humaines. » (p. 53)

René Guénon a été accusé de syncrétisme, d’apostasie et d’ésotérisme compris en forme occulte et magique, jusqu’au moment où, après avoir essayé de le dénigrer et après avoir opté pour une conjuration du silence, nous assistons maintenant à la tentative de ses ennemis, ceux-ci n’ayant pas pu le vaincre, d’essayer de l’intégrer dans leurs rangs.

Les rapports entre René Guénon et Louis Massignon n’étaient pas très heureux. Ce dernier avait fondé à Alexandrie une organisation syncrétiste, Ikwan as-safa, où les participants semblaient avoir oublié, les uns la prière “Notre Père”, les autres “Al-Fatiha”, pour inventer une nouvelle prière syncrétique. Guénon reconnaissait la validité des deux religions, mais ne les a pas mélangés.

Sur la liaison qui doit exister entre exotérisme et ésotérisme: « La garantie de l’ésotérisme ou plutôt d’une organisation ésotérique c’est l’exotérisme, dans toutes les traditions. Le yoga n’existe que s’il est fait par des hindous, le zen par les bouddhistes. Il n’y a pas d’hésychasme si ce n’est dans la tradition orthodoxe, fait par des moines orthodoxes, il n’y a pas de soufisme si ce n’est dans l’Islam. On ne peut séparer les deux choses comme on a tendance à le faire aujourd’hui: faire du yoga ou du zen sans être hindou ou bouddhiste, faire du soufisme sans être musulman. » (p. 59)

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