samedi 17 septembre 2011

Futuhat 50 : égarement des çûfiyya ; position des juristes et des hommes de loi par rapport à ceux-ci



Dans toute l’existence, il n’y a donc que Dieu ! Et il n’est que Dieu qui connaisse Dieu ! C’est à partir de cette vérité que certains ont proféré : « Je suis Dieu ! » ou que certains de nos pieux prédécesseurs comme Abû Yazîd (al-Bistâmî) se sont exclamés : « Gloire à Moi ! » Tels sont les extraits de leurs propositions (« scandaleuses ») – que Dieu soit satisfait d’eux. Celui d’entre les deux catégories qui est parvenu à la perplexité est parvenu au but, si ce n’est qu’en ce jour nos compagnons sont extrêmement dépités de ne pouvoir se laisser aller en parlant de Dieu – exalté soit-Il comme il le faudrait – et comme l’avaient fait les prophètes avant eux. Et qu’y a-t-il de plus extraordinaire que ces théophanies ?
Seul, le manque d’honnêteté des auditeurs, juristes et gouvernants confondus, les ont empêchés de s’exprimer au sujet de Dieu comme les prophètes et les Livres révélés l’avaient fait avant eux. Ceux-ci s’empressent en effet de taxer de mécréance tous ceux qui emploient des expressions semblables à celles des prophètes au sujet de Dieu. Ils ont négligé, ces juristes, le sens de ce verset : Vous avez dans l’Envoyé de Dieu un bel exemple (Cor.33.21) ou encore de cet autre que Dieu adressa au Prophète – sur lui la grâce et la paix : Ces prophètes sont ceux que Dieu a guidés : conforme-toi à leur guidance (Cor.6.90).
Les juristes ont fermé cette porte à cause de ceux qui avaient des prétentions injustifiées en la matière et ils ont fort bien fait ! Les hommes sincères n’auront pas à en pâtir car s’exprimer sur un tel sujet n’est pas une nécessité absolue et les propos exprimés par le Prophète à ce sujet leurs suffisent amplement ; ils s’apaisent en rapportant ces paroles qui traitent de l’étonnement, de la joie, du rire, du sourire, de la descente, de la compagnie, de l’amour, de la passion et autres attitudes semblables attribuées à Dieu. Autant d’expressions qui, si elles avaient été prononcées par un seul saint lui auraient valu d’être taxé de mécréant ou même tué. La plupart des exotéristes sont privés de cette science offerte au goût et à la soif (litt : boisson). Par envie, ils reprochent de tels aphorismes aux connaissants alors que, si de telles qualifications eussent été impossibles, Dieu ne se les seraient pas appliqués à Lui-même. La jalousie les empêche de reconnaître que leurs objections sont autant de réfutations du Livre de Dieu, et comme une mise en tutelle de la Miséricorde divine qui ne saurait (selon eux) s’étendre à certains serviteurs (en particulier). La plupart des ignorants suivent les juristes en ce sens par esprit d’imitation, ou plutôt (pour être juste) nous dirons que, par une faveur de Dieu, c’est une minorité d’entre eux qui les suit.
Quand aux dirigeants, la plupart d’entre eux ne parviennent pas à la contemplation de telles réalités, occupés qu’ils sont par leurs fonctions ; aussi soutiennent-ils les savants exotéristes dans leurs accusations à l’exception d’un petit nombre d’entre eux qui se rendent bien compte de l’attrait qu’exercent les biens de ce monde sur ces savants alors qu’eux-mêmes s’en passent aisément, ainsi que leur amour du pouvoir et de la gloire et des accommodements irréguliers qu’ils prennent avec la Loi pour satisfaire les objectifs de ces souverains.
Seuls les savants qui tirent leur science de Dieu (litt. : les savants par Dieu) demeurent avec eux sous le joug de l’impuissance et de l’angoisse, tel ce prophète que son peuple traitait de menteur et qui ne convainquit aucun d’entre eux. Le Prophète lui-même – sur lui la grâce et la paix – se fit protéger par sa garde jusqu’à ce que Dieu révèle : C’est Dieu qui te protègera des hommes (Cor.5.67). Considère ce que doit endurer celui qui tire sa science de Dieu ! Gloire à Celui qui a voilé leur intuition au point qu’ils se sont soumis, qu’ils s’en sont remis et qu’ils ont cru à cela même qui fait l’objet de leurs dénégations. Que Dieu nous mette au nombre de ceux qui ont connu les hommes grâce à (litt : par) Dieu et non de ceux qui ont connu Dieu à travers (litt : par) les hommes.
Et la louange revient à Dieu, le Seigneur des mondes (Cor.1.1) et Dieu dit la Vérité et c’est Lui qui conduit sur la (bonne) Voie (Cor.33.4).
(Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Extraits du Chap.50 des Futûhât : De la connaissance des hommes de la perplexité et de l’impuissance ; traduit par A.Penot)

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