Les groupes soufis se sont donc employés à obtenir quelque chose de ce qui avait été révélé au sujet de la Majesté divine par des « informations » (akhbâr) recueillis à la source. Ils se sont mis tout d’abord à purifier leurs cœurs à l’aide de litanies et de lecture coranique, en les empêchant (litt : en les vidant) de prêter attention aux créatures et en les exerçant au recueillement et à la vigilance. Le tout en maintenant une pureté extérieure dans le respect des limites imposées par la Loi : en préservant, par exemple, leur regard de ce que la Loi interdit de regarder ou en le posant au contraire sur ce qui peut donner matière à réflexion ; ils en ont fait autant pour l’ouïe, la parole, la main, le pied, le ventre et le sexe. Il n’est rien d’autre que ces sept (portes de perception), le cœur constituant la huitième (ou le sens interne).
L’homme de la Voie doit aussitôt cesser de réfléchir sur lui-même car cela dissipera ses soucis ; qu’il maintienne son cœur dans la vigilance à la porte de son Seigneur, peut-être Dieu daignera-t-il lui ouvrir. Il apprendra alors ce qu’il ignorait de l’enseignement des prophètes et des gens de Dieu, ce que la raison ne pouvait saisir par elle-même et dont elle contestait jusqu’à la possibilité.
Lorsque Dieu ouvre la porte à cet « homme de cœur », celui-ci reçoit une théophanie conforme à son statut. Et il attribue alors à Dieu des qualités (amran, litt. : « quelque chose ») qu’il n’aurait jamais osé Lui attribuer par le passé si ce n’est en le décrivant en fonction des informations divines qui lui étaient parvenues et qu’il recevaient en tant que simple transmetteur (muqallid, litt. : « imitateur »). Désormais il reçoit ces mêmes informations à la suite d’un dévoilement qui est conforme (aux textes) et qui corrobore ce que renferment les Livres révélés et ce qui nous a été transmis par les prophètes – sur eux la paix –
Auparavant il donnait à Dieu, en tant que croyant, un descriptif dont il ne réalisait pas la vraie signification et sans rien y ajouter. Désormais, à cause de la théophanie dont il a été l’objet, il Lui attribue personnellement, ces mêmes qualités grâce à une science certaine (muhaqqaqan) procédant de ce dévoilement, qualités dont il connaît maintenant la signification et la véritable nature.
(Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Extraits du Chap.50 des Futûhât : De la connaissance des hommes de la perplexité et de l’impuissance ; traduit par A.Penot)
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