lundi 25 février 2013

Lettres d'un maître soufi - Le sheikh Al-'Arabi Ad-Darqâwî - Traduit par Titus Burckhardt - Lettre 41 - Qui n'est pas marqué par le dépouillement de sa volonté, qu'il n'espère pas de sentir l'odeur du faqr








Traduit par Titus Burckhardt

Lettre 41



Ecoute ô faqir cette histoire et retiens-la, ne l'oublie pas et raconte-la à ton heure à tes frères dans la voie.

La voici: je recevais un groupe de visiteurs, des frères qui, avant cette visite, m'avaient pris pour leur maitre dans la voie. Ils venaient de la ville de Taza (que Dieu la protège de toute calamité). Or deux de ces hommes me dirent: "Nous avons l'intention de passer par la ville de Fès (que Dieu la garde)." Je leur répondis: "Non, retournez avec vos frères, c'est mieux et plus sûr; il y a une bénédiction dans le fait de rester unis." Alors ils me dirent: "Nous voulons acheter un petit seau là-bas."

Je leur répondis: "Maintenant c'est l'heure du pèlerinage, et c'est lui qui détermine votre chemin; vous y trouverez ce qui vaut des seaux, des bocaux, des marmites et bien d'autres choses encore." Ils me demandèrent:

"Dieu est-Il en cause?"

"Il n'y a pas de doute, je leur dis, que vous devez vous dépouiller de toute volonté propre, car remettre sa volonté au maître spirituel c'est en réalité la remettre à Dieu, et c'est en cela que l'élection suprême consiste. Le maître sublime,le saint Abû Ja'far al-Haddâd, qui fut le maître de Junayd même, a dit: 'Pendant quarante ans j 'ai désiré de désirer quelque chose pour que je me prive de ce que je désire; or, je n'ai rien trouvé que je désire.' Un autre maître dit:

'Jamais Dieu ne m'a placé dans un état que j'eusse détesté, ni transféré dans un état que j'abhorre.'

Et le maître sublime Seyyidî ash-Sherîshî dit dans sa Zâiya: 'Qui n'est pas marqué par le dépouillement de sa volonté, qu'il n'espère pas de sentir l'odeur du faqr.1

Après tout cela je leur dis: "Quelqu'un a beaucoup insisté pour que je lui donne le wîrd 2 Or dès que je le lui ai donné, il me dit: 'Je veux retourner dans mon pays, ou aller dans tel pays.' Je lui répondis: 'Aussitôt arrivé aussitôt parti! Cela pouvait se passer ainsi avant que tu ne m'as pris pour maître; maintenant c'est moi qui choisis pour toi et non pas toi qui choisis pour toi-même...'"

I Al-faqr, la pauvreté spirituelle considérée ici comme la qualité par excellence du contemplatif.

2 Al-wird, l'ensemble des formules sacrées que le maître spirituel transmet au disciple avec son autorisation de les réciter.






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