L'aigle de Justice (Gustave Doré)
Recueil, René Guénon, éd. Rose-cross Books, 2013
Source : http://www.index-rene-guenon.org/
p. 253 Quatrième partie La franc-maçonnerie
UN CÔTÉ PEU CONNU DE L’ŒUVRE DE DANTE1
On sait qu’il existe une médaille sur laquelle
l’effigie de Dante est accompagnée des lettres F. S. K. F. T. On a essayé de
donner de ces initiales des interprétations diverses, mais la plus
vraisemblable est la suivante, qui se rapproche beaucoup de celle qu’a indiquée
Aroux1, si elle ne lui est même tout à fait identique : « Fidei Sanctæ Kadosch,
Frater Templarius ». En effet, l’association « della Fede Santa », à laquelle
appartenait le poète, était un Tiers-Ordre de filiation Templière, et était
assez analogue, à cette époque, à ce que fut plus tard la « Fraternité de la
Rose-Croix ».
Au début de sa Divina Commedia, Dante raconte qu’il
descendit aux enfers le Vendredi-Saint de l’an 1300, à l’âge de Trente-Trois
ans ; c’est l’âge du Rose-Croix, qui reprend aussi ses Travaux, symboliquement,
le vendredi à trois heures après-midi, et qui, au cours de son initiation, doit
traverser d’abord la « Chambre Infernale ». Dante parcourut tous les cercles
infernaux en vingt-quatre heures, et atteignit alors le centre de la Terre,
qu’il traversa en contournant le corps de Lucifer.
[1] Publié dans la France Antimaçonnique,
le 5 oct. 1911, non signé. [N.d.É.]
[2] Dans un ouvrage intitulé Dante
hérétique et albigeois.
N’y aurait-il pas quelque rapport entre ce corps de
Lucifer, placé au centre de la Terre, c’est-à-dire au centre même de la
pesanteur, « symbolisant l’attrait inverse de la nature »1, et celui d’Hiram,
placé de même au centre de la « Chambre du Milieu », et qu’il faut aussi
franchir pour parvenir à la Maîtrise ? La connaissance de ce rapport mystérieux
ne pourrait-elle pas aider à découvrir la véritable signification de la lettre
G∴ ?
Nous rappellerons seulement d’autre part, sans y
insister, la Croix que vit Dante dans la Sphère de Mars, ainsi que l’Aigle dans
la Sphère de Jupiter et l’Échelle mystique dans celle de Saturne. Cette Croix
ne doit-elle pas être rapprochée de celle qui sert encore d’emblème à plusieurs
grades maçonniques, dont certaines légendes veulent rattacher l’origine aux
Croisades ? Quant aux deux autres symboles, il est trop facile d’y reconnaître
ceux du « Kadosch Templier » : on parvient au pied de l’Échelle mystique par la
« Justice » (Tsedakah), et à son sommet par la « Foi » (Emounah).
Ceux qui se livreraient à des recherches approfondies
sur ce côté trop peu connu de l’œuvre de Dante y feraient certainement de bien
curieuses découvertes. Une étude de ce genre pourrait peut-être intéresser MM.
Copin-Albancelli et Louis Dasté, qui se consacrent particulièrement à la
reconstitution de l’histoire des Sociétés secrètes en général, et à la
découverte des liens qui les unissent à travers le temps et l’espace ?
[1] Simon et Théophane, Les Enseignements
secrets de la Gnose, p. 42.
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