dimanche 10 novembre 2013

Sur la Fraternité des Chevaliers du divin Paraclet


 

 
Louis Charbonneau-Lassay se trouva recueillir le dépôt d’une « société mystique », dont les origines remontent au 15e siècle : L’Estoile internelle. -   Elle incorporera plus tard une autre société : La  Fraternité des Chevaliers du divin Paraclet. Ainsi affirme-t-il dans Le Bestiaire du Christ : « J’aurai l’occasion de citer plusieurs fois dans la suite de cet ouvrage, l’un de ces groupements secrets du Moyen-Âge qui s’est conservé jusqu’à nous, L’Estoile internelle, lequel possède des archives très anciennes, notamment un recueil de symboles, datant de la fin du XVe siècle ; il m’a été exceptionnellement communiqué par ce groupe même, pour le présent travail, après la publication de plusieurs chapitres dans l’ancienne revue  Regnabit ».

Cette société présentait, à l’époque où il en aura connaissance, dans les années 30, des documents suffisamment complets pour envisager la possibilité d’une initiation chrétienne :  « J’ai été plusieurs fois obligé déjà, pour être sincère et moins incomplet, de faire allusion à ces groupements mystiques et secrets du Moyen-Âge peu connus, comme, par exemple, à la Fede Santa, dont Dante paraît avoir été l’un des chefs, et qui était « une sorte de tiers-ordre de filiation templière », certains, parmi ces groupements hermétiques étaient en parfait accord avec la plus strict orthodoxie, tout en détenant parfois pour eux des secrets séculaires étrangement troublants ; c’est le cas de l’Estoile Internelle qui n’a jamais compté plus de douze membres, et qui existe encore avec les manuscrits originaux du XVe siècle, de ses écrits constitutifs et de doctrine mystique ».  René Guénon lui-même avait répondu « d’une manière favorable quant au caractère orthodoxe et sain de cette organisation », toutefois, la trace de cette organisation se perd rapidement après la mort de Louis Charbonneau-Lassay – et on sait que Guénon lui-même en conclura que les possibilités d’initiation chrétienne étaient désormais totalement exclues en Occident, du moins dans des conditions « habituelles et régulières ».

Lettre de Marcel Clavelle (Jean Reyor) sur la Confrérie du Paraclet
[…] J’en viens tout de suite à la question qui vous intéresse plus particulièrement, je veux dire à l’organisation chrétienne à laquelle j’ai fait allusion dans ma précédente lettre et au sujet de laquelle vous avez, je crois, écrit dernièrement à M. Guénon, à la fois en votre nom et au nom de Mme la Comtesse Humnicka. Le plus simple est que je reprenne les choses par le commencement, c’est-à-dire en remontant à l’époque déjà lointaine où j’ai eu connaissance de cette possibilité d’initiation. Vers l’année 1932, je fus frappé par des allusions faites par M. Charbonneau-Lassay dans plusieurs de ses articles à des organisations chrétiennes fermées dont l’enseignement lui avait permis de mieux comprendre la signification de certains symboles chrétiens. Comme M. Charbonneau-Lassay avait personnellement connu M. Guénon, il me fut assez facile d’entrer en relations avec lui (je veux dire avec M. Charbonneau-Lassay), et je me permis de l’interroger sur les dites organisations. M. Charbonneau-Lassay me parla seulement, tout d’abord, d’une seule organisation, l’Estoile Internelle dont il avait vu les documents originaux remontant au XVème siècle. Cette organisation, depuis cette époque tout au moins, n’avait jamais comporté que 12 membres se recrutant par cooptation, c’est-à-dire qu’il s’agissait d’une Organisation vis-à-vis de laquelle on ne pouvait pas faire acte de postulant. Chaque membre se choisissait un successeur, qui prenait sa place lors de sa mort. M. Charbonneau-Lassay se défendait d’être membre de cette organisation et affirmait qu’on l’avait seulement autorisé à compulser les archives. L’existence de l’Estoile Internelle ne fournissait aucune solution au problème du rattachement initiatique pour des Catholiques mais j’avais l’impression que M. Charbonneau-Lassay tenait certaines choses en réserve. J’entretins pendant plusieurs années des relations assez suivies avec M. Charbonneau-Lassay et j’eus même l’occasion de lui rendre quelques services pour ses travaux. Nos relations devinrent à la longue plus intimes, et comme je revenais sans cesse sur cette impossibilité pour des Chrétiens de trouver une initiation dans leur propre tradition, il finit par me révéler qu’il y avait, en effet, autre chose. Depuis le XVème siècle également, il existait des documents sur une organisation appelée “Fraternité des Chevaliers du Divin Paraclet”, dont le nombre de membres n’était pas limité. En 1668, cette organisation, qui florissait particulièrement dans l’Ile de France, la Beauce, le Maine, l’Anjou et le Poitou, se trouvait réduite à un petit nombre de membres qui, pour des raisons qui nous sont inconnues, ne désiraient pas faire de nouveaux initiés. Il se trouvait alors que le Chevalier-Maître de la Fraternité du Paraclet était, en même temps, un des 12 membres de l’Estoile Internelle. Il fut décidé que la Fraternité du Paraclet serait mise en sommeil, et ses archives confiées à l’Estoile Internelle. Toutefois, pour assurer la continuité de la transmission de cette forme d’initiation, il fut convenu qu’à chaque génération, plusieurs des membres de l’Estoile Internelle recevraient l’investiture de la Chevalerie du Paraclet, afin qu’on puisse, dans la suite des temps, si on le jugeait opportun, réveiller cette Fraternité, dans laquelle l’initiation peut être transmise d’homme à homme, et n’est pas collective. Deux siècles passèrent dans cette situation. La Révolution Française faillit amener l’extinction de la chaîne par la mort de la plupart des membres de l’Estoile Internelle, mais un des survivants, âgé de plus de 80 ans, put quand même, avant de mourir, assurer la transmission des deux organisations. Dans la seconde moitié du XIXème siècle, les chefs de l’Estoile Internelle tentèrent, à diverses reprises, de réveiller la Fraternité du Paraclet, mais se heurtèrent, à chaque fois, aux scrupules, d’ailleurs injustifiés des Catholiques qu’ils avaient pressentis, et qui craignaient de s’engager dans une voie qui leur paraissait susceptible de n’être pas approuvée par les Autorités Ecclésiastiques. Le choses restèrent en l’état jusqu’en 1925, époque où un vieil archiprêtre de la cathédrale de Poitiers, que M. Charbonneau-Lassay connaissait depuis de longues années, lui révéla l’existence des deux organisations dont il était alors le chef et il proposa à M. Charbonneau-Lassay de lui transmettre l’initiation du Paraclet, sous l’engagement de reconstituer cette organisation s’il en apercevait la possibilité. Au moment où M. Charbonneau-Lassay me fit cette confidence, rien n’avait encore été fait dans ce sens. M. Charbonneau-Lassay s’était bien ouvert à ce sujet à l’un de ses amis, qui était, je crois, un homme tout à fait remarquable, le Comte Palud du Bellay, mais la mort de celui-ci, survenue en 1929, était venue tout arrêter. Je dois dire que je trouvais M. Charbonneau-Lassay fort hésitant, et, pour le décider à tenter ce réveil, je dus lui apprendre que certains de ceux qui suivaient René Guénon et qui recherchaient une initiation s’étaient décidés à entrer en Islam, faute de trouver quelque chose du côté chrétien. M. Charbonneau me demanda alors si je connaissais des personnes sûres qui seraient intéressées à la reconstitution de cette fraternité. Je lui dis que c’était mon cas et celui d’un de mes amis, pour commencer. C’est ainsi qu’en septembre 1938, je reçus l’investiture du Paraclet, et présentai à M. Charbonneau-Lassay celui qui devait devenir son successeur. J’avais reçu également de M. Charbonneau-Lassay le pouvoir de transmettre à mon tour, et nous fîmes quelques initiations au cours de l’année 1939.
Il faut, ici, que j’ouvre une parenthèse. J’avais communiqué à M. Guénon toutes les indications nécessaires pour qu’il puisse se faire une idée de la nature exacte de la transmission du Paraclet. M. Guénon conclut d’une manière favorable quant au caractère orthodoxe et sain de cette organisation, mais nous dûmes constater que, dans l’état où les choses étaient présentées par M. Charbonneau-Lassay, il y avait de graves lacunes, en ce sens qu’on ne trouvait pas trace d’une méthode quelconque et qu’il ressortait des documents eux-mêmes que certaines choses avaient été perdues en cours de route. De sorte qu’à l’examen, il apparaissait que la survivance de cette organisation présentait moins d’intérêt qu’on eût pu le croire tout d’abord. Devant cette situation, et sur le conseil de M. Guénon, je me décidai, ayant l’impression d’avoir tenté tout ce qu’on pouvait tenter du côté chrétien, à passer en Islam où je reçus la Barakah en 1943. Par une bizarrerie dont les causes me sont demeurées inconnues, c’est seulement quelques mois avant sa mort que M. Charbonneau-Lassay devait transmettre à celui qui est devenu son successeur, un complément qui, s’il ne constitue pas une méthode complète et détaillée, constitue du moins un élément de méthode très appréciable.
Précisément parce qu’il ne s’agit que d’un élément de méthode, il aurait été possible de procéder à un développement par analogie avec certaines méthodes islamiques et mon appartenance aux deux formes aurait pû apparaître comme une circonstance providentielle à cet égard. Mais je me suis heurté là à la susceptibilité du successeur de Charbonneau-Lassay et de son adjoint. D’autre part, il me semble qu’on aurait eu avantage à recourir sur certains points aux connaissances de M. Guénon, alors qu’on s’est plutôt efforcé de le tenir à l’écart, oubliant, plus ou moins volontairement, que c’était à lui, en dernière analyse, qu’on était redevable du réveil de l’organisation. Mais tout ceci n’entame assurément en rien l’authenticité et l’orthodoxie de l’organisation en question, et d’ailleurs, s’il en était autrement je ne vous en aurais même pas parlé.
A l’heure actuelle, même pour les personnes qui habitent en France, l’accès de l’organisation est fort difficile et les rattachements extrêmement rares. La raison en est d’ailleurs très légitime, en ce sens que l’état de santé du Chevalier-Maître lui interdit toute activité et que celle de son adjoint est extrêmement réduite par suite de ses conditions d’existence et de sa situation de famille. Comme on ne veut pas rattacher des postulants et les abandonner a eux-mêmes, faute d’avoir le temps de s’en occuper, on a préféré les suspendre à peu près entièrement. Il n’est pas absolument exclu que cette situation se modifie et certains membres de l’organisation souhaiteraient que je la reprenne en mains (M. Guénon n’estime pas incompatible l’exercice de fonctions dans plusieurs initiations différentes) mais cela est encore bien vague.



Articles et Comptes Rendus, Tome 1, René Guénon, éd. Editions Traditionnelles, 2000

 Octobre 1938

 – Dans le Rayonnement Intellectuel (n° de janvier-mars), M. L. Charbonneau-Lassay consacre un article au Saint Graal, aux origines celtiques et aux développements chrétiens de sa légende, et aux figurations de la coupe en rapport avec le sang du Christ. Il rapproche la pierre rouge placée dans une coupe, insigne principal de la mystérieuse organisation de l’Estoile Internelle, de la pierre qui est le Graal pour Wolfram d’Eschenbach, et que celui-ci appelle Lapsit exillis, étrange expression que certains interprètent par « pierre tombée du ciel », ce qui évoque l’émeraude tombée du front de Lucifer, mais peut aussi, ajouterons-nous, avoir quelque rapport avec les « pierres noires ». D’autre part, nous citerons ces quelques lignes qui soulèvent une question fort intéressante, quoique sans doute bien difficile à résoudre complètement : « Certains regardent la légende du Graal comme une sorte de prophétie, ou de thème à clef, se rapportant à un corps d’enseignement oral, hautement traditionnel et aujourd’hui secret, qui reparaît par intermittence dans le monde religieux, gardé, dit-on, par des dépositaires d’élite providentiellement favorisés en vue de cette mission…
L’enseignement oral dont il est ici question aurait fleuri dès les premiers siècles chrétiens et serait tombé presque en oubli peu après la paix de Constantin, en 311, et jusqu’à la brève renaissance carolingienne, après laquelle il aurait subi une nouvelle éclipse durant le Xe siècle ; mais pendant le XIe et le XIIe – le “cycle de l’Idée pure” – son influence sur de hauts esprits aurait été considérable, jusqu’à ce que, sous le règne de saint Louis, il disparaisse de nouveau… Énigme historique, si l’on veut, dont on ne doit parler qu’avec réserve ». – Dans le numéro d’avril-juin, il étudie les vases de Jérusalem, de Gênes et de Valence, qui furent considérés comme ayant servi à la Cène, et qui jouèrent ainsi en quelque sorte un rôle de « substituts » du Saint Graal, bien que, en réalité, celui-ci ait été évidemment bien autre chose qu’une coupe matérielle.


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