Traduit par Titus Burckhardt
Lettre 48
Un
des nobles (shorafâ) de Fès, un des grands seigneurs de la ville, me
gourmanda vivement, en pleine assemblée de frères,
alors que j'étais assis devant lui sans mot dire. Il déversait son fiel sur
moi, tandis que je ne parlais ni ne répondais.
Lorsqu'un assez long temps s'était écoulé ainsi sans que je ne lui aie répondu,
il me dit brusquement:
"Parles
donc, car je te parle!" Sur quoi je lui dis: "J'ai connu de vrais nobles
qui m'ont pris comme maître, et Dieu les en
récompensa."
- "Comment cela?" me dit-il. Je lui dis: "Si
je parlais avec toi, pendant que tu es porté à la dispute, j'aurais
peur de tomber dans le même travers. Or si nous commençons tous les deux à nous
disputer, quel bien en récolterons
nous? Par Dieu, je ne vois aucun bien à ce que ma colère se mêle avec la
tienne".
Alors il me dit avec force
et vivacité: "C'est ainsi que les gens m'ont parlé de toi, disant que tu
étais un grand savant." Il regretta ce qu'il
avait
dit de mal de moi et m'en demanda instamment pardon. A partir de ce moment, il
eut pour moi un grand amour.
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