samedi 24 mars 2012

Le Livre d'explication des merveilles du Coeur


Imâm Aboû Hamid Al-Ghazâlî



Sache que le cœur est la partie la plus noble de l’homme. Il connaît Dieu, œuvre pour Lui, chemine vers Lui, jouit de Sa proximité et du dévoilement de ce qu’Il a auprès de Lui. Les autres organes et membres sont ses suivants et ses domestiques dont le cœur se sert comme les rois se servent de leurs esclaves.
Celui qui connaît son cœur connaît son Seigneur. Mais la plupart des hommes ignorent leurs cœurs et leurs âmes. Et Dieu s’interpose entre l’individu et son cœur. Cette interposition consiste à le priver de la chance de Le connaître et d’être vigilant en Sa présence. Donc, la connaissance du cœur et de ses qualités constitue le principe de base de la foi et le fondement de la voie des cheminants.


Les accès d’Iblis au cœur de l’homme.
Sache qu’au regard de sa nature originelle, le cœur accepte la guidance et, qu’au regard de ce qui a été placé en lui comme désirs et passions, il est disposé à se détourner de cette bonne voie. Cette lutte en son sein ; entre le soldat des anges et celui des démons, est permanente, jusqu’à ce que le cœur s’ouvre à l’un d’eux pour lui permettre de s’y affermir et de s’enraciner. L’accès de l’autre s’effectue par subtilisation, conformément à la parole de Dieu :
« Contre le mal du tentateur qui si dérobe furtivement ». (Coran CXIV-4). En effet, lorsque Dieu est invoqué, le tentateur se dérobe et lorsque l’insouciance gagne, il se réjouit. C’est dire que rien n’expulse autant du cœur la cohorte des agents de Satan que l’invocation et la mention de Dieu, car ils ne peuvent faire face au dhikr. Sache également que le cœur s’apparente à un château fort et que Satan s’apparente à un ennemi qui veut entrer dans le château fort, s’en emparer et le dévaster. Or, on ne peut protéger le château fort qu’en surveillant ses accès et ses portes. De même, ne peut garder ses portes que celui qui les connaît, et on ne peut repousser le démon qu’en connaissant les accès de ce château fort.
Il faut savoir, à ce propose, que les accès et les portes par où le démon se faufile sont les qualités du serviteur qui sont nombreuses. Toutefois nous allons indiquer les portes principales, qui sont des passages que risque d’emprunter la cohorte de Satan.

Parmi ces grandes portes, il y a la jalousie et la cupidité. En effet, lorsque le serviteur convoite quelque chose, sa cupidité le rend aveugle et sourd et elle voile la lumière du discernement par laquelle il reconnaît les accès du démon. Il en va de même lorsqu’il est envieux, car le démon y trouve une bonne occasion pour embellir chez l’homme cupide tout ce qui le fait parvenir jusqu’à son plaisir, quand bien même ce serait répréhensible et pervers.

Parmi ces grandes portes, il y a aussi la colère, le désir et l’emportement. En effet, la colère est un monstre pour l’entendement et la raison. Or, lorsque les soldats de la raison faiblissent,l le démon lance son offensive et se joue de l’homme. On rapporte, à ce propos que Satan dit : Lorsque l’homme est solide, nous le retournons comme les enfants qui retournent la balle.
Parmi ses autres portes, il y a l’amour de l’ornement et de l’embellissement de la maison, des vêtements et les meubles. En effet, le démon ne cesse d’inviter l’homme à restaurer sa maison, à décorer ses plafonds et ses murs et à l’orner de meubles jusqu’à qu’il finisse sa vie dans cette besogne.
Parmi ses portes, il y a aussi la satiété, car elle renforce le désir et détourne de l’obéissance.

Parmi ses portes, il y a également la convoitise des gens. En effet, celui qui convoite quelque chose chez quelqu’un il ne cesse de le louer exagérément pour ce qu’il n’a pas, de l’amadouer sans lui recommander le bien et interdire le mal.

Parmi ses portes, il y a aussi l’empressement. Or le Prophète – Paix et Miséricorde sur lui - a dit :
« L’empressement procède du démon et la lenteur procède de Dieu ».
Parmi ses portes, il y a l’amour de l’argent. Lorsque cet amour possède le cœur, il le corrompt, l’oblige à rechercher l’argent par tous les moyens, le propulse dans l’avarice, l’intimide par la pauvreté et l’empêche de s’acquitter des droits exigibles.
Parmi ses portes, il y a aussi le fait de pousser les gens du commun à spéculer sur l’essence de Dieu, sur Ses Attributs et sur des questions inaccessibles à leurs esprits, ce qui les fait douter des principes fondamentaux de la foi.
Parmi ses portes, il y a aussi le fait de suspecter les musulmans, car celui qui juge un musulman par mauvaise suspicion le méprise, lâche sa langue contre lui et s’estime meilleur que lui. La suspicion est favorisée par la perversion de celui qui soupçonne, parce que le croyant recherche toujours des excuses pour le croyant et l’hypocrite cherche toujours les défauts.

Il convient donc, pour l’homme, de se prémunir des situations qui favorisent les accusations pour qu’on ne les soupçonne pas.

Voila quelques indications sur les accès du démon. Le remède contre ces fléaux consiste à boucher ces accès en purifiant le cœur des défauts. Nous aurons l’occasion, si Dieu le veut, de revenir plus en détail sur ces défauts.

Une fois que les racines de ces défauts sont extirpées du cœur, il ne reste plus pour Satan que des insufflations et des passages instables qu’empêchent la mention de Dieu et l’occupation du cœur par la piété.

Il faut dire que le démon est semblable à un chien affamé qui se rapproche de toi. Si tu n’a pas dans les mains un morceau de viande ou de pain il suffit pour le chasser que tu lui dises : Arrête-toi. Mais si tu as quelque chose dans les mains et qu’il est affamé, il ne s’en ira pas sur la simple ordre que tu lui donnes. Il en va de même du cœur dépourvu de nourriture pour le démon ; celui-ci le quitte dès que tu mentionnes Dieu. Quant au cœur dominé par le désir, le dhikr ne touche que ses alentours et ne parvient pas jusqu’à son noyau intime où le démon peut s’installer. Si tu veux une confirmation de tout cela, regarde bien ceci dans ta prière : Vois comment le démon parle à ton cœur en cet endroit en évoquant le marché, les affaires et tout ce qui se rapporte à la gestion des affaires du bas monde.

Sache également qu’on a pardonné à l’homme ce qu’il se dit en lui-même ainsi que ce que tu envisages de commettre sans aller jusqu’à l’acte. Or celui qui renonce à cela par crainte de Dieu son renoncement comptera comme une bonne action ; et s’il y renonce du fait d’un obstacle, nous espérons pour lui le pardon, sauf s’il s’agit d’une résolution car la résolution, de commettre un péché constitue elle-même un péché. On en a pour preuve la parole du Prophète – Paix et Miséricorde sur lui - :
« Lorsque deux musulmans s’affrontent l’épée à la main, celui qui est tué, et celui qui a tué, seront en enfer. On lui a demandé : pourquoi celui qui est tué ? Il a dit : Il tenait à tuer son compagnon ».
Du reste, comment ne pas s’en prendre à la détermination et à la résolution alors que les actes dépendent de tes intentions ? Est-ce que l’orgueil, la duplicité et la fatuité ne sont que des affects intérieurs ? Si un homme voit sur son lit une étrangère qu’il croit être sa femme, il ne commet pas de péchés s’il a des rapports avec elle, mais s’il voit son épouse et croit que c’est une étrangère, il commet un péché s’il a des rapports avec elle. C’est dire que tout cela dépend de la résolution du cœur.

L’attachement du cœur au bien
Il est rapporté, dans le hadith que le Prophète – Paix et Miséricorde sur lui - a dit : « O Toi qui retourne les cœurs, attache nos cœurs à Ta religion. O Toi qui oriente les cœurs, tourne notre cœur vers Ton obéissance ! ». Il est dit dans un autre hadith : « Le cœur est semblable à une plume dans un désert que le vent fait se retourner ».

Sache qu’il y a trois sortes de cœurs en matière d’attachement au bien et au mal et concernant leur hésitation.

Le premier cœur est un cœur rempli de crainte révérencielle, purifié par les exercices spirituels et épuré des mauvais caractères. Les idées du bien s’y déploient en puisant dans les trésors du mystère et il reçoit la guidance de la part du roi.

Le deuxième cœur est un cœur dépité, surchargé de désirs et de passions, souillé par les perversions et corrompu par le vice. Le pouvoir du démon s’y déploie avec force et affaiblit celui de la foi. Un tel cœur se remplit de la fumée du désir, s’obscurcit et devient comme un œil rempli de fumée qui ne peut plus voir. Les réprimandes et les exhortations deviennent inefficaces pour ce genre de cœur.

Le troisième cœur est un cœur où commencent à pointer les idées générées par le désir qui l’invitent au mal, mais il est rattrapé par les idées générées par la foi qui l’invitent au bien. Donnons pour illustrer ce cas l’image suivante : le démon lance une offensive contre la raison et renforce l’appel du désir en lui disant : Ne vois-tu pas comment un tel et un tel lâche les brides de leurs âmes charnelles, et il ne cesse ainsi d’évoquer les cas de plusieurs savants. L’âme incline alors vers le démon. A son tour, l’ange lance sa propre offensive en lui disant : Ceux qui ont péri ne sont-ils pas ceux qui ont oublié l’issue finale ? Ne sois pas dupé par l’insouciance des gens. Vois-tu, s’ils se mettent sous le soleil en plein soleil, alors que tu as une maison fraîche et ombrée, vas-tu te conformer à eux ou rechercher ton propre intérêt ? Comment peux-tu te mettre en désaccord avec eux à propos de la chaleur du soleil et ne pas leur manifester ton désaccord pour ce qui conduit en enfer ? L’âme incline alors vers ce que dit l’ange, puis elle sombre dans l’hésitation entre les deux parties adverses jusqu’à ce que le cœur soit dominé par ce qui lui convient. Ainsi, celui qui est créé pour le bien sera prédisposé pour lui :
« Dieu ouvre à la soumission le cœur de celui qu’Il veut diriger. Il resserre et oppresse le cœur de celui qu’Il veut égarer comme si celui-ci faisait un effort pour monter au ciel ». (VI-125).

Mon Dieu ! Accorde-nous la réussite pour accomplir ce que Tu aimes et Tu agrées !
     


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