La légende du Graal, la plus prestigieuse, peut-être,
qui se soit jamais offerte à la pensée orante, est apparue à la fin du XIIe
siècle d’une façon soudaine, tout en revendiquant une longue et secrète
tradition. Trois romans en forment la première floraison, et, à bien des égards,
la plus belle. Ce sont le Perceval li Gallois ou Conte del Graal, de Chrétien
de Troyes, l’Estoire dou Graal de Robert de Boron, et le Parzival de Wolfram
von Eschenbach. Leurs dates respectives d’apparition sont toujours matière à
débat ; toutefois la plupart des commentateurs s’accordent sur l’antériorité du
Perceval, qui serait ainsi, vers 1180, la première expression publique de la
légende. L’oeuvre de Robert se situerait quelques années après, et celle de
Wolfram entre 1200 et 1205.
De ces trois romans, l’un, celui de Chrétien, est
demeuré inachevé et se tait sur les origines du Graal ; l’autre, celui de
Robert, met en scène, sous le nom de Graal, le Vaisseau qui servit à
l’institution de la Cène et où Joseph d’Arimathie recueillit le sang du Christ.
Quant à Wolfram, voici ce qu’il rapporte :
« Kyot, le maître bien connu, trouva
à Tolède, parmi les manuscrits abandonnés, la matière de cette aventure, notée
en écriture arabe (in heidenischer schrifte dirre aventure gestifte). Il fallut
d’abord qu’il apprît à discerner les caractères a, b, c (mais il n’essaya point
de s’initier à la magie noire). Ce fut grand avantage pour lui d’avoir reçu le
baptême, car autrement cette histoire fut demeurée inconnue. Il n’y a point en
effet de païen assez sage pour nous révéler la nature du Graal et ses vertus
secrètes.
« Un païen (« arabe », heiden), Flégétânis, avait acquis haut renom
par son savoir. Ce grand physicien (physiôn, savant en sciences cosmologiques)
était de la lignée de Salomon : ses parents appartenaient à une famille
d’Israël en des temps très anciens où les hommes n’étaient pas encore protégés
par le baptême contre les feux de l’enfer. C’est lui qui écrivit l’aventure du
Graal. Flégétânis était né de père arabe. Il adorait un veau, en qui il voyait
un dieu. Comment le diable peut-il se faire un jouet de personnes si sages ?
Pourquoi Celui qui commande toutes choses et connaît toutes les merveilles
n’a-t-il point délivré leur esprit de ces erreurs ?
« Le païen Flégétânis savait prédire le déclin de chaque étoile et le moment de son retour. Il savait combien de temps il faut à chacune d’elles pour revenir à son point de départ. C’est par la ronde des astres que sont réglées toutes choses sur terre. Le païen Flégétânis découvrit, en examinant les constellations, de profonds mystères dont il ne parlait qu’en tremblant. Il était, disait-il, un objet qui s’appelait le Graal. Il en avait clairement lu le nom dans les étoiles. Une troupe d’anges l’avait déposé sur terre puis s’était envolée bien au-delà des astres. Ces anges étaient trop purs pour demeurer ici-bas. Depuis lors, c’étaient des hommes devenus chrétiens par le baptême, et aussi purs que des anges, qui devaient en prendre soin. C’étaient toujours des hommes de haut mérite que l’on appelait à garder le Graal.
« Ainsi s’exprima Flégétânis. Kyot, le maître sage,
chercha alors dans les livres latins où avait pu vivre un peuple assez pur et
assez enclin à une vie de renoncement pour devenir le gardien du Graal. Il lut
les chroniques des royaumes de Bretagne, de France et d’Irlande et de beaucoup
d’autres encore, jusqu’à ce qu’il trouvât en Anjou ce qu’il cherchait. Il lut
en des livres véridiques l’histoire de Mazadan. Il trouva notée toute la suite
de ses descendants : il vit en un autre endroit comment Triturel et son fils
Frimutel avaient transmis par héritage le Graal à Anfortas, qui avait pour
soeur Herzloïde, et c’est avec celle-ci que Gahmuret avait engendré un fils qui
est le héros de ce conte (7). »
L’existence du Graal, son origine céleste et sa
présence sur terre à la garde de chrétiens « aussi purs que des anges », a donc
été révélée, selon Wolfram, par un sage païen, c’est-à-dire musulman, car c’est
sous ce vocable qu’étaient désignés communément les Musulmans au Moyen-Age, par
opposition aux Chrétiens et aux Juifs. Cette qualité, confirmée par le fait
qu’il était né de père arabe, donne un caractère particulier à l’ascendance
israélite qui lui est reconnue d’autre part : le rattachement de celle-ci à la
lignée de Salomon en fait en réalité une filiation de sagesse prophétique,
c’est-à-dire ici ésotérique. Salomon est en effet vénéré en Islam comme un grand
prophète, et l’ésotérisme islamique le considère comme le type exemplaire d’une
certaine voie spirituelle, à laquelle se rattachent spécialement les sciences
du domaine cosmique, celles précisément qu’évoque, dans l’acception médiévale,
le mot de « physicien » employé à propos de Flégétânis (8). Il est, d’autre
part, le constructeur du Temple, auquel se rattachent les deux grands courants
traditionnels occidentaux des confréries de bâtisseurs et des milites Templi
Salomonis, ou Templiers. En Flégétânis se trouvent donc attestés expressément,
à la fois la source islamique de la notion du Graal, ou plutôt, peut-être, de
sa prise de conscience, et le lien de cette source avec la tradition ésotérique
dont se réclamait d’autre part l’Ordre du Temple. L’imputation d’idolâtrie, ne
doit pas, à cet égard, donner le change : elle se juge par le contexte, et
Wolfram souligne d’ailleurs lui-même la contradiction qu’elle comporte :
Flégétânis ne pouvait, à la fois, adorer un veau et être parvenu à un degré de
connaissance spirituelle, qui lui permît, à lui seul entre tous, « païens » ou
chrétiens, de sonder les mystères célestes pour y lire le nom du Graal,
c’est-à-dire de découvrir et de reconnaître, au ciel de la contemplation, une
pure essence métaphysique. On sait d’ailleurs que les Musulmans étaient, dans
leur ensemble, et contre l’évidence, l’objet d’accusations semblables. Qu’il ne
s’agisse là, de la part de Wolfram, que d’une précaution - à vrai dire assez
apparente - pour protéger contre l’incompréhension hostile du vulgaire le
secret de transmission qu’il avait à révéler, on en jugera d’après le passage
suivant du Zohar, où l’on pourra voir en outre que, par la bouche de
Flégétânis, c’étaient bien les deux sagesses ésotériques fraternelles du
Judaïsme et de l’Islam qui s’exprimaient : « Dans toute l’étendue du ciel dont
la circonférence entoure le monde, il y a des figures et des signes au moyen
desquels nous pouvons découvrir les secrets et les mystères les plus profonds.
Ces figures sont formées par les constellations et les étoiles, qui sont pour
le Sage un sujet de contemplation, une source de mystérieuses jouissances. Ces
formes brillantes sont celles des lettres avec lesquelles Dieu a créé le Ciel
et la Terre ; elles forment son Nom mystérieux et saint (9). »
Mais si cette
imputation est dénuée de substance, elle n’est peut-être pas dépourvue
d’explication. Elle semble, en effet, pouvoir être mise en rapport avec le
symbolisme du Trône divin et avec l’histoire de l’adoration du Veau par le
peuple d’Israël. Le Veau (Ijl) est une figuration du Taureau (Thawr), lequel
est, avec l’Homme, le Lion, et l’Aigle, l’un des quatre « animaux » porteurs du
Trône, qui sont en réalité des « anges » (Mala’ïkah). Mohyiddin dit à son sujet
que « c’est celui qu’avait vu le Sâmiri (Samaritain), et il s’imagine que
c’était le dieu de Moïse, et en conséquence il fabriqua pour son peuple le Veau
en disant : « Ceci est votre dieu et celui de Moïse » (Cor., XX, 90).
Il est admis, depuis Hagen, que Flégétânis est en
réalité le titre d’un livre arabe, Felek-Thâni. S’agissant d’un enseignement
traditionnel secret, le mot peut, à la vérité, désigner un livre et un homme,
ou, plus vraisemblablement, l’organisation dont ce livre ou cet homme était
l’interprète. On remarquera d’ailleurs que, bien qu’ayant fait allusion à un
manuscrit, Wolfram parle de Flégétânis comme d’un homme vivant, et rapporte ses
paroles comme un enseignement oral. L’important n’est donc pas de savoir s’il
s’agit d’un livre ou d’un homme, mais bien de savoir si Flégétânis est,
authentiquement, la transcription de l’arabe Felek-Thâni, qui se traduit par «
deuxième sphère » ou « deuxième ciel planétaire ». La chose est, en tout cas,
admise aujourd’hui par la plupart des commentateurs. Les considérations qui
vont suivre feront apparaître la portée de cette identification.
L’une des plus hautes catégories initiatiques se
l’Islam est constituée par les Abdâl (« Solitaires », sing. Badal). « Les
Abdâl, dit Moyiddîn Ibn Arabî, sont sept, jamais plus ni moins. Par eux, Allâh
veille sur les sept climats terrestres. Dans chaque climat il y a un Badal qui
le gouverne (10). » Chacun de ces climats correspond respectivement à l’un des
sept cieux planétaires, et le Badal qui le gouverne est le représentant sur
terre du Pôle (Qutb) du ciel correspondant.
La deuxième sphère planétaire est
le ciel de Mercure. Le pôle de ce ciel étant Seyidnâ Aïssa (Jésus), son
représentant sur terre (dans le sixième climat) aura, dans le cadre de l’Islam,
une fonction plus particulièrement christique, et en affinité spéciale avec le
Christianisme.
Il est dit d’autre part que le Badal représentant le Pôle du
ciel de Mercure possède en propre, parmi d’autres sciences, celle de l’art
d’écrire (ilmu-l-Kitâbah), car c’est du ciel de Mercure (El-Katib) que vient
l’inspiration aux prédicateurs et aux écrivains, tandis que les poètes, eux,
puisent aux influences spirituelles du ciel de Vénus (Zahrah). Remarquons à ce
propos qu’au sens arabe du terme un ouvrage comme le Parzival n’est pas un
poème, mais un récit.
Il est dit enfin que les Abdâl sont « connaisseurs de ce
qu’Allâh a déposé dans les Planètes comme ordre des choses et secrets, à savoir
dans leurs mouvements et leurs positions dans les demeures célestes ».
On retrouve là les trois caractéristiques principales
de Flégétânis, qui peuvent expliquer pourquoi Wolfram le considère comme un
être vivant : ses qualités d’astronome, de narrateur, et l’orientation «
christique » de son activité intellectuelle. Ajoutons encore que, si, comme on
l’a vu plus haut, Flégétânis était plus particulièrement consacré au Taureau,
l’un des quatre porteurs du Trône, on pourrait voir là, finalement, sa mise en
correspondance avec l’un des quatre Piliers du Monde (Awtâd) qui constituent
une catégorie initiatique supérieure à celle des Abdâl, parmi lesquels ils sont
choisis. Sa caractéristique « christique » ne s’en trouverait pas éliminée,
mais au contraire confirmée d’une façon spéciale au contraire confirmée d’une
façon spéciale par le fait que l’un des Awtâd reposant sur le coeur de Aïssa,
les trois autres reposant sur le coeur d’Adam, d’Ibrahîm et de Mohammed.
Pour bien comprendre la signification de ces données,
il est nécessaire de les situer dans la conception générale de l’Islam comme
synthèse de la Prophétie universelle, du fait qu’il est la dernière des
prophéties légiférantes avant la fin des temps. Le prophète Mohammed est
lui-même le « Sceau de la Prophétie », et il a reçu de Dieu les Sommes des
Paroles (Jawâmi’u-l-Kalim), c’est-à-dire, « selon une acception de cette expression,
dit Michel Vâlsan, les essences des Verbes prophétiques révélés antérieurement
(11) ». C’est à ce titre, et de par cette disposition providentielle, que
l’Islam, comme on a pu le voir, comporte dans son économie une typologie et des
moyens spirituels en correspondance spéciale avec les autres formes
traditionnelles, qui entrent ainsi, avec leurs fondateurs dans un Ordre
islamique transcendant et total couvrant tout le cycle humain. Et c’est là ce
qui, entre toutes ces formes, le qualifie légitimement comme médiateur
universel.
Cette doctrine a été particulièrement illustrée par Mohyiddîn Ibn
Arabî dans Fuçuç el-Hikam (les « Chatons de la Sagesse »). Dans ce livre,
offert en louange à « Celui qui fait descendre les Sagesses sur les Coeurs des
Verbes » (autrement dit des Prophètes), le Sheikh el-Akbar (« le plus grand des
Maîtres ») représente chacune de ces Sagesses spécifiques par un chaton ou
pierre précieuse portant gravé le Sceau divin et descendant du Ciel pour
s’enchâsser dans son réceptacle prédestiné, le Coeur du Prophète considéré : «
Le chaton de chaque Sagesse est, dit-il, le Verbe même qui est attaché à
celle-ci. » Commentant ce passage Michel Vâlsan dit que « les différents Verbes
(personnifiés par les Prophètes) sont ainsi, au fond, eux-mêmes ces chatons,
ces Pierres célestes gravées des Empreintes des la Royauté divine, et
descendues pour être enchâssées dans la condition humaine et pour marquer ainsi
les caractères particuliers des cycles qui leur correspondent ». Il va sans
dire que leur participation à l’Ordre transcendant islamique n’exclut nullement
leur universalité ni le caractère de totalité prophétique qu’elles gardent dans
leurs perspectives propres.
Parmi ces Pierres, il en est une qui nous intéresse
particulièrement ici: c'est la Pierre de Celui qui est connu en Islam comme le
« Sceau de la Sainteté universelle » (Khatamu-l-Wilâyati-l-Ammah), ou comme le
« Sceau de la Sainteté des Envoyés et des Prophètes », et qui est Seyidnâ
Aïssa, Jésus. Peut-on douter que ce soit là cette Pierre dont Flégétânis avait
« clairement lu le nom dans les étoiles »? S'il l'y avait lu, c'est parce que
ce Nom fait partie intégrante du Ciel spirituel de l'Islam.
Mais Flégétânis savait aussi, et apprit à Kyot,
l'existence actuelle de cette Pierre sur terre, à la garde d'une Chevalerie «
célestielle », inconnue de l'Occident, bien que chrétienne, ce qui est une
première indication de rapports secrets sur le plan ésotérique dont on verra
d'autres exemples, à commencer par le voyage du sage Maître de Tolède.
Il est
permis de voir dans ce rapprochement symbolique une véritable solution de cette
question spéciale, car il rend compte de tous les traits principaux de
l'épisode de Tolède: d'abord le fait que Flégétânis fournit le principe de
l'Aventure et la notion de la présence terrestre du Graal, mais non pas la Voie
technique pour l'atteindre, car, étant une Voie chrétienne, c'est à un Maître
chrétien qu'il appartient de la retracer. Ensuite le fait que Kyot reconnaît,
dans sa réalité transcendantale, et au delà des différences des formes
religieuses, l'Objet même de sa propre Quête. Enfin ce fait majeur, et selon
nous décisif, que sous sa forme de Pierre céleste, le Graal de Wolfram trouve
un correspondant islamique direct, avec une doctrine exactement parallèle -
dont on trouvera plus loin d'autres aspects - et, dans le même temps, offre un
contraste, autrement inexplicable, avec le symbolisme du Saint Vaisseau.
Quant
à Kyot, dont la personnalité énigmatique a donné lieu à tant de controverses,
les données traditionnelles permettent, semble-t-il, de se faire de lui et de
son rôle une idée assez précise. On sait d'abord que son existence même a été
contestée, du fait, surtout, que l'on n'a retrouvé aucun texte ni aucune
mention d'un poète provençal de ce nom, et que, d'autre part, le thème du
Parzival est si étroitement apparenté à celui du Perceval li Gallois que
certains commentateurs ont voulu considérer le premier comme simplement repris
et développé du second. On s'est étonné aussi que ce Provençal portât un nom
français du Nord et parlât en français.
Ces arguments ne tiennent guère, à notre avis, contre les
éléments de preuve inverses. Le nom de Kyot est vraisemblablement un
pseudonyme, et son origine nordique n'a pas empêché Wolfram de le donner à un
roi de Catalogne. Quant à l'emploi du français, il n'est pas plus étonnant de
la part d'un Provençal lettré que, par exemple, de celle du poète italien
Brunetto Latini, qui s'en est expliqué dans un texte célèbre. S'il est exact,
d'autre part, que les deux oeuvres offrent d'étroites similitudes jusque dans
les détails, elles montrent seulement que Wolfram a connu le texte de Chrétien
et l'a utilisé sur le plan littéraire, car elles accompagnent des différences
de forme et de fond suffisantes pour exclure que celui-ci ait été sa seule ou
même sa principale source. Ainsi des lieux ou des personnages de première importance,
que Chrétien désigne sans les nommer, ont un nom chez Wolfram, et le plus
souvent d'origine française ou provençale, tels le Château du Graal
(Montsalvage), l'ermite (Trévrizent), le Roi pêcheur (Anfortas), la Vierge du
Graal (Repanse de Joye); d'autres portent un nom différent (Condwiramour au
lieu de Blauchefleur) et d'autres n'existent pas chez Chrétien (Feirefiz,
Gahmurel). La langue même du Parzival présente, outre un immense vocabulaire
d'origine latine et française qui déborde largement celui, plus élégant et plus
sobre, mais moins riche, du Champenois, des traces philologiques certaines
d'attaches provençales, relevées il y a déjà longtemps, auxquelles, il faut
ajouter des notions de terminologie scientifique arabe, les unes et les autres parfaitement
étrangères au texte de Chrétien (12). Quant au fond, il existe d'importantes
différences d'expression, de mise en valeur et d'intention symbolique dont nous
aurons à reparler; rappelons ici que la concordance entre les deux ouvrages ne
couvre qu'une partie du Parzival: ses deux premiers et ses quatre derniers
livres ne doivent rien à son confrère français, sans que le développement
général du récit montre pour autant la moindre discontinuité ou la moindre
rupture de niveau.
Telles sont les principales données d'ordre littéraire qui
inclinent aujourd'hui la plupart des commentateurs à admettre l'existence d'une
source française et provençale distincte de Chrétien, conformément d'ailleurs
au témoignage réitéré de l'auteur. Mais ce qui, pour nous, est plus décisif
encore, c'est que, si la question de source peut se poser du point de vue de la
mise en oeuvre littéraire, elle ne se pose pas du point de vue doctrinal. Comme
on le verra, le Parzival offre, dans son ensemble et de façon homogène, l'exposé
en mode symbolique d'une doctrine métaphysique et initiatique que Wolfram ne
devait évidemment pas à Chrétien et que pourtant, il ne pouvait qu'avoir reçue.
Cela seul suffit à prouver, à la fois sa liberté intellectuelle à l'égard de ce
dernier, et sa dépendance envers un maître dont la personnalité et la fonction
se situaient sur un tout autre plan. Ajoutons que, pour nous, le libre et
fervent aveu de cette dépendance n'est pas la moindre preuve de sa véracité.
Pour ce qui est de l'anonymat de ce maître, voilà sous
le pseudonyme de Kyot, il ne peut étonner que ceux qui ne voient dans la
légende du Graal qu'une fiction d'invention individuelle et d'intention «
édifiante ». Ceux-là devront s'étonner aussi que le Moyen-Âge ait vu fleurir
tant de traditions, orales ou écrites, d'auteurs inconnus ou rapportées à des
éponymes symboliques tels que Merlin, et de constater, pour le Graal comme pour
tous les autres thèmes légendaires, qu'aucun des « éditeurs » connus n'en ait
revendiqué la paternité, mais que tous, au contraire, se soient expressément
référés à une tradition antécédente, sur laquelle ils restent d'ailleurs
extrêmement discrets quand ils ne disent pas l'avoir reçue par des voies plus
ou moins miraculeuses. A une époque pour qui il n'y avait de valeur que dans la
vérité, et pour qui il n'y avait de vérité que divine, donc révélée et
transmise, une prétention à l'originalité eût été le meilleur moyen de ruiner
son propre crédit. Wolfram ne se targue que d'être fidèle au « droit récit »
(die rehten maere), et Chrétien, le premier en date de ces éditeurs, loin de se
flatter de la moindre invention, ne prétend à rien d'autre qu'à
rimoyer le meilleur
conte
Qui soit conté en cour royal.
C'est le grand Conte del Graal
Dont le
comte bailla le Livre.
De ce Livre mystérieux, Hélinand, dès 1205, disait
n'avoir pu trouver trace. On n'a pas trouvé trace non plus du « grand Livre »
où, selon Robert de Boron,
... les estoires sont escrites,
Par les granz clerz
faites et dites.
Là sont li grant secré escrit
Qu'on nomme le Graal et dit (13). Quant à celui du Grand Saint-Graal, du cycle dit de Map, son auteur anonyme dit l'avoir reçu du Ciel, des mains d'un ange.
On aperçoit dès lors qu'il n'est pas nécessaire que Kyot ait écrit pour être invoqué comme une autorité - le contraire serait plus vrai, peut-être -, et que cette autorité n'est pas en réalité celle d'un homme en tant que tel, si grand qu'il soit, mais celle d'une tradition véridique.
Faute de pouvoir comprendre l'esprit traditionnel et de concevoir la nature de ces moyens et la portée de ses intentions, la critique moderne reste perplexe devant des faits dont la signification s'impose dès que l'on a reconnu, d'une part l'origine supra-humaine et par là l'universalité, le caractère sacré et la vertu opérative du symbolisme transmis par toutes les Traditions révélées, d'autre part l'existence, au centre de celles-ci, pour autant qu'elles sont intactes, d'un Mystère de Connaissance qui n'est autre que celui, métaphysiquement nécessaire, de la Présence divine en leur coeur même. C'est ce Mystère, conservé et transmis par voie initiatique, qui s'est manifesté avec le Graal de façon soudaine à la fin du XIIe siècle. La doctrine du Graal n'est que la doctrine de ce Mystère en termes chrétiens. Que l'on considère l'unité fondamentale du thème malgré la diversité d'origine et de nature des éléments qu'il intègre, la fertilité indéfinie de ses expressions symboliques, l'accord profond et la cohérence organique des multiples versions dispersées dans l'espace et dans le temps, et l'on reconnaîtra qu'un principe d'identité et de rectitude se cache au centre de cette floraison prodigieuse et s'y affirme avec l'autorité d'une révélation. Pour en discerner la véritable nature, il fallait d'autres clefs que celles dont dispose l'exégèse littéraire ou religieuse. Si l'on possède, de nos jours, à ce sujet quelque lumière, c'est à une oeuvre admirable de science doctrinale, de puissance et de pureté intellectuelles qu'on le doit: celle du regretté René Guénon. Nous aurons fréquemment, au cours de cette étude, à nous référer à ses travaux, qui ont renouvelé la question du Graal parmi bien d'autres. Mais nous renverrons, dès à présent, à ceux qui, d'une façon générale, traitent des questions touchant à notre propos, notamment celle de l'initiation et de la transmission initiatique, celle des Centres spirituels, celle de la nature du Graal (14). Les paroles de Robert de Boron sont, au demeurant, assez claires pour qui a la moindre notion de l'ésotérisme traditionnel: le Livre « où sont les grands secrets écrits » est un corps d'enseignements sacré et réservé à la garde de « grands clercs », qui jusqu'alors n'avait fait l'objet que d'une transmission orale comme Robert le précise ailleurs:
Unques retreite esté n'avait
La grant Estoire dou Graal
Par nul homme qui fust mortal (15).
Pour revenir à Kyot, celui-ci, dit Wolfram, était
provençal et parlati en français. Le mot Provence désignait au Moyen-Âge
l'ancienne Provincia romaine. Elle comprenait la Septimanie et s'étendait
jusqu'à Toulouse, couvrant une région qui fut longtemps sous la dépendance de
l'Espagne musulmane et reçut fortement l'empreint de sa civilisation. Cette
empreinte garda longtemps dans le peuple un caractère prestigieux. On
attribuait aux Arabes, dit Fauriel, « tout ce qui offrait quelque chose de
merveilleux, on supposait une industrie supérieure »: forteresses, tours,
souterrains plus ou moins légendaires, armes, orfèvreries, étoffes, chevaux,
etc. Ce caractère se retrouve, comme nous le verrons, fortement marqué dans le
Parzival, et ce n'est pas en faveur de ses attaches provençales directes. Mais
l'influence de l'Islam ne se limitait pas là. On la retrouve notamment dans le
grand mouvement de l'Amour courtois, que l'on ne peut réellement comprendre si l'on en méconnaît
la source ésotérique. S'il présente quelques différences avec son correspondant
islamique, - différences sur lesquelles on a voulu s'appuyer pour contester
leur communauté de nature et d'inspiration -, c'est d'abord parce que le second
avait beaucoup moins besoin de cacher son caractère initiatique, et ensuite
parce que les affinités spirituelles et l'accord intellectuel n'excluent ni
l'indépendance de l'esprit, ni la liberté du génie de race, mais postulent par
contre l'unité de doctrine. Or, c'est bien là ce que l'on constate, comme l'a
très bien montré Fauriel: des génies différents interprétant une même théorie,
une même vision spirituelle et intellectuelle de l'Amour.
Les relations de la Provence avec les Musulmans ne cessèrent d'ailleurs pas avec le départ de ces derniers. Soit par l'intermédiaire des maîtres juifs des écoles de la Septimanie, qui continuaient à représenter leur culture et leur intellectualité, soit directement avec les principautés musulmanes d'Espagne, ces relations se poursuivirent en fait pendant tout le Moyen-Âge.
Les relations de la Provence avec les Musulmans ne cessèrent d'ailleurs pas avec le départ de ces derniers. Soit par l'intermédiaire des maîtres juifs des écoles de la Septimanie, qui continuaient à représenter leur culture et leur intellectualité, soit directement avec les principautés musulmanes d'Espagne, ces relations se poursuivirent en fait pendant tout le Moyen-Âge.
Les contacts pris par Kyot dans ce pays avec les Musulmans sont d'autant plus plausibles qu'il en est des exemples célèbres (Gerbert d'Aurillac, qui, sous le nom de Sylvestre II, devait être le pape du Millénaire, Raymond Lulle, Brunetto Latini, etc.), et c'est bien là que K. Bartsch, l'un des plus avertis des commentateurs du Parzival, voyait, l'origine immédiate de la légende, où elle aurait été apportée d'Orient par les Arabes. Certaines versions donnent d'ailleurs la race élue dont descend Titurel, ancêtre de Parzival, comme originaire d'Asie. L'aïeul de Titurel est dit être passé en Europe sous Vespasien après s'être converti au Christianisme, et s'être établi au nord-est de l'Espagne, dont il soumit divers royaumes avec l'aide des Provençaux. Il n'est pas indifférent de noter d'autre part que les marches de Portugal et d'Espagne, ainsi que le Languedoc, furent les premiers pays d'Europe où s'installèrent les Templiers (16).
On accordera peut-être que tout cela donne un poids
singulier au dire de Wolfram sur l'existence d'une tradition provençale
originale du Graal et sur sa liaison avec l'Islam. Quant à la filiation du
Parzival avec cette tradition, qu'il affirme également de façon positive, elle
est appuyée par un certain nombre de faits: d'abord, comme on l'a vu, par des
indices philologiques qui semblent assez décisifs; ensuite par d'assez
nombreuses allusions relevées chez les Troubadours aux situations les plus
typiques du texte de Wolfram; enfin par les caractères intrinsèques de
celui-ci. André Moret écrit à ce sujet dans l'Introduction à son édition du
Parzival: « ... les dernières investigations ont prouvé que, dans ce domaine
encore (celui de la langue), Wolfram subit l'influence de modèles français. M.
Ehrismann, en particulier, a montré que la manière obscure et tourmentée du
style de Wolfram, tant critiquée par Gottfried, remonte en fait à l'hermétisme
provençal du « trobar clus. » Plus loin, il ajoute: « Son style « obscur »
n'est pas un signe d'impuissance, c'est la manifestation d'un art conscient...
Le trobar clus est une poésie « fermée », une poésie d'initiés, qui part du
principe que le lyrisme doit être un art réservé à un petit nombre d'adeptes »17.
En fait s'il est parfaitement juste de parler ici de « poésie d'initiés », mais
au sens authentique du terme, il est trop évident qu'il ne s'agit pas seulement
de « lyrisme », même dans l'acception la plus étendue que l'on voudra donner à
ce mot. Le seul examen des oeuvres en question, comme d'ailleurs des oeuvres «
littéraires » du Moyen-Âge en général, suffit à montrer que ce caractère «
fermé » ne tient pas à la forme mais au fond, et plus spécialement à la nature
symbolique que lui impose la qualité de transcendance et d'ineffabilité des
réalités qu'il a pour objet de transmettre.
Ces quelques données vont permettre de se faire une idée plus précise du personnage de Kyot. Wolfram l'appelle « le maître bien connu » (der meister wol bekant), le « sage maître », « la schianture » (le chanteur ou plutôt l'enchanteur). Il se réfère à lui comme à une autorité irréfragable, la seule qu'il convient d'invoquer à propos du Graal: « Kyot, dit-il, c'est le nom de l'enchanteur qui, parce qu'il était homme de grand art, s'appliqua à chanter et à conter, et le fit si bien que beaucoup de gens aujourd'hui encore lui doivent de grandes joies. Kyot est un Provençal qui trouva en des écrits arabes (heidenisch) les aventures de Parzival. Tout ce qu'il a conté en langue française, je veux, si je ne suis pas d'esprit trop débile, vous le redire en allemand18. » Dans un passage célèbre, à la fin du poème, il déclare: « Maître Chrétien de Troyes a conté cette histoire, mais en l'altérant; et Kyot, qui nous transmit le conte véritable (die rehten maere), s'en irrite à bon droit. Le Provençal nous dit, en conteur véridique, comment le fils d'Herzeloïde, héros prédestiné, devint roi du Graal après qu'Anfortas eut démérité. De Provence ce conte est venu, sous sa vraie forme, en pays allemand; il nous fait connaître le dénouement de l'aventure. Pour moi, Wolfram von Eschenbach, je ne veux rien rapporter de plus que ce que le maître provençal nous a conté. »
Ainsi Kyot est le premier et le seul authentique
révélateur d'une part de la notion du Graal, de son histoire et de son
existence actuelle sur terre, recueillie par lui en Espagne dans une tradition
arabe; d'autre part de celle d'une lignée chrétienne gardienne du mystère,
demeurée inconnue jusqu'à ce qu'il découvrît la trace dans les anciennes
chroniques d'Anjou. Son titre de maître en fait un clerc; la nature de son
enseignement démontre le caractère ésotérique de cette cléricature, confirmé
d'ailleurs par son autre titre d'enchanteur, qui doit être rapproché de celui
de Merlin, dont, comme l'a montré René Guénon, le nom cachait l'autorité
spirituelle celtique. On doit noter que le mot "enchanteur" avait
alors un sens technique que le mot savant équivalent « incantateur » ne fait
que suggérer. L'allusion au refus de la Nigromanzi, à propos du « discernement
des caractères », laisse entendre que celui-ci implique l'assimilation de
sciences secrètes orthodoxes: il ne peut s'agir dès lors que de l'incantation
initiatique véritable. Quant au baptême, qui permit à Kyot de pénétrer la
nature du Graal et ses vertus secrètes, ce que nous dirons plus loin du baptême
de Feirefiz permettra peut-être de comprendre de quoi il s'agit en réalité.
Enfin, la distinction entre le « chant » et le « conte » paraît assez nettement
évoquer la double fonction, sur le plan de la méthode et celui de la doctrine,
du maître spirituel véritable, ce que semble confirmer la notion de « grand art
», qui doit s'entendre dans un sens opératif et non pas « esthétique », et
peut-être aussi ces « grandes joies » que beaucoup de gens lui devaient encore
du temps de Wolfram.
Le vrai problème de Kyot n'est donc pas de savoir qui il était, mais quelle était l'autorité ésotérique à laquelle Wolfram attribue la découverte du Graal, d'après une source musulmane, l'indication de certains moyens techniques pour l'atteindre, voilés sous l'affabulation de la Quête, et, implicitement tout au moins, la jonction du thème du Graal à celui d'Arthur, avec tout ce que cela signifie quant à l'intégration chrétienne de l'héritage celtique.
Le vrai problème de Kyot n'est donc pas de savoir qui il était, mais quelle était l'autorité ésotérique à laquelle Wolfram attribue la découverte du Graal, d'après une source musulmane, l'indication de certains moyens techniques pour l'atteindre, voilés sous l'affabulation de la Quête, et, implicitement tout au moins, la jonction du thème du Graal à celui d'Arthur, avec tout ce que cela signifie quant à l'intégration chrétienne de l'héritage celtique.
Envers cette autorité, il ne perd aucune occasion de
marquer sa dépendance et sa fidélité. Or Wolfram était chevalier, et très
probablement affilié à l'Ordre du Temple, auquel il identifie ouvertement
l'Ordre du Graal. Son oeuvre étant bien autre chose, comme on peut déjà s'en
rendre compte, qu'une simple composition romanesque à thème religieux, il n'est
guère probable qu'il en eût ainsi disposé sans l'aveu de la « sainte Maison ».
Un fait pourrait le confirmer: c'est que la Maître mystérieux et pourtant «
bien connu », non seulement est vivant du temps de Wolfram, puisqu'il connaît l'oeuvre
de Chrétien et la juge, mais encore, comme en fait foi un autre passage (19),
inspire et contrôle directement le travail de son disciple. Nous essaierons
plus loin de discerner à quelles préoccupations pouvait répondre une telle
publication.
Constatons pour l'instant que, si Kyot ne représente
pas simplement l'autorité spirituelle du Temple, il devait avoir avec elle des
rapports bien étroits.
7 Parzival, trad. E. Tonnelat, Aubier, Paris, 1934, t.
II, pp. 23-25. Nous suivrons généralement la traduction de Tonnelat. Notons dès
à présent que heiden, heidenisch, se traduit indifféremment par « païen » ou «
arabe ». Que la leçon « arabe » correspond bien au sens voulu par Wolfram est
prouvé par les passages où le terme est mis en rapport avec des mots transcris
littéralement de l’arabe, notamment celui où Cundrie donne en transcription les
noms arabes des planètes : Alkamer, Alkiter, Zval, etc. Cf. Tonnelat, t. II,
pp. 248-249.
8 V. par exemple le chapitre consacré à Salomon par Mohyiddîn Ibn Arabî dans ses Fuçûç el-Hikam, éd. partielle en français par T. Burckhardt sous le titre La Sagesse des Prophètes, Albin Michel, Paris, 1955, pp. 146-147.
8 V. par exemple le chapitre consacré à Salomon par Mohyiddîn Ibn Arabî dans ses Fuçûç el-Hikam, éd. partielle en français par T. Burckhardt sous le titre La Sagesse des Prophètes, Albin Michel, Paris, 1955, pp. 146-147.
9 Cité par Schütz, L’Esprit de Moïse, Nancy, 1860.
10 Mohyddîn Ibn Arabî, Futuhât el-Mekkiyah, ch. LXXIII. Cf. du même La parure des Abdâl, trad. par M. Vâlsan, Études Traditionnelles, Paris, 1951, p. 25.
11 Commentaire inédit sur les Fuçûç el-Hikam.
12 V. notament les travaux de Suchier et Wechssler. Résumé dans W. Staerk, Neber den Ursprung der Gral-legende (Tübingen, 1902), pp. 2 à 6. Le mot Graal est originaire du Midi. Cf. Littré: vieux français graalz, forme particulière du provençal grazal; ancien catalan grésal; ancien espagnol gréal, garral; bas-latin gradalis, gradalus, sorte de vase. - Certains noms propres ont été reconnus d'origine provençale: Montsalvage, Anfortas, Prienlascors, Libeals, etc. - A part une quantité de termes empruntés au vieux français et dérivés généralement du latin, on en relève un assez grand nombre d'origine spécifiquement provençale: agraz (prov. agras), galander (calandra), plialt (blial), ribbalt (ribalt), samît (samit), mâze (mezura), etc.
13 Robert de Boron, Le Roman de l'Estoire dou Graal,
éd. W. A. Nitze, Paris, 1927, vv. 932-935.10 Mohyddîn Ibn Arabî, Futuhât el-Mekkiyah, ch. LXXIII. Cf. du même La parure des Abdâl, trad. par M. Vâlsan, Études Traditionnelles, Paris, 1951, p. 25.
11 Commentaire inédit sur les Fuçûç el-Hikam.
12 V. notament les travaux de Suchier et Wechssler. Résumé dans W. Staerk, Neber den Ursprung der Gral-legende (Tübingen, 1902), pp. 2 à 6. Le mot Graal est originaire du Midi. Cf. Littré: vieux français graalz, forme particulière du provençal grazal; ancien catalan grésal; ancien espagnol gréal, garral; bas-latin gradalis, gradalus, sorte de vase. - Certains noms propres ont été reconnus d'origine provençale: Montsalvage, Anfortas, Prienlascors, Libeals, etc. - A part une quantité de termes empruntés au vieux français et dérivés généralement du latin, on en relève un assez grand nombre d'origine spécifiquement provençale: agraz (prov. agras), galander (calandra), plialt (blial), ribbalt (ribalt), samît (samit), mâze (mezura), etc.
14 Citons particulièrement Aperçus sur l'Initiation,
Chacornac, Paris, 1946; Le Roi du Monde, ibid., 1950, 3e éd.; L'ésotérisme de
Dante, ibid., 1949, 3e éd.; Autorité spirituelle et Pouvoir temporel, Véga,
Paris, 1947, 2e éd., L'ésotérisme du Graal, in Lumière du Graal, op. cit.;
Aperçus sur l'ésotérisme chrétien, Chacornac, Paris, 1954.
15 Robert de Boron, op. cit., vv. 3.492 à 3.494. Cette
notion d'un enseignement secret transmis par voie orale et mis secondairement
par écrit sous forme légendaire, est la seule qui rende compte des faits et
donne l'explication de la contradiction apparente, qui a si fort étonné les
commentateurs, entre les deux passages de l'Estoire dou Graal que nous avons
cotés. L'emploi du mot « retraite » (retrahere) ne peut que la confirmer, de
même que l'expression « nul homme qui fust mortal ». Celle-ci peut apparaître
au lecteur non averti comme une sorte de pléonasme, alors qu'elle réfère, de
façon tacite mais certaine, à des hommes (les « grands clercs ») qui
échapperaient à cette condition. Or, précisément, les initiés à l'ésotérisme
chrétien étaient appelés les « vivants », par opposition aux mortels profanes.
16 Dès 1128 ils reçoivent la place de Source au
Portugal; en 1130 celle de Graňena dans le comté de Barcelone. La première
Maison en deçà des Pyrénées est fondée en 1136 dans les États du comte de Foix.
Et c'est après l'Assemblée générale de 1147 seulement qu'ils se répandent dans
le reste de l'Europe.
Pour les rapports des Troubadours avec les Arabes, v. Fauriel, Histoire de la Poésie provençale, Paris, 1846; plus récemment, A. J. Denomy, Concerning the accessibility of arabic influences to the earliest provençal Troubadours, in Mediaeval Studies, Toronto, XV (1953), pp. 147-158.
17 Parzival, Morceaux choisis, introd., notes et gloss.
par A. Moret, Aubier, Paris, 1943.Pour les rapports des Troubadours avec les Arabes, v. Fauriel, Histoire de la Poésie provençale, Paris, 1846; plus récemment, A. J. Denomy, Concerning the accessibility of arabic influences to the earliest provençal Troubadours, in Mediaeval Studies, Toronto, XV (1953), pp. 147-158.
18 Tonnelat, op. cit., t. I, p. 364. La leçon « enchanteur » est celle de Tonnelat (id. Wilmotte). Même si l'on voulait rendre la schainture par « le chanteur », le mot ne pourrait avoir ici qu'un sens fort et très précis, de même que le mot Aventiure ne désigne rien moins que la Quête elle-même. L'hypothèse selon laquelle Kyot ne serait autre que Guyot de Provins est aujourd'hui abandonnée.
19 Parzival, 452, 29 sq. : « C'est de lui que Parzival
va maintenant apprendre l'histoire secrète du Graal. Si quelqu'un m'a
questionné à ce sujet auparavant, et s'est disputé avec moi dans l'espoir que
je lui dirais ce qu'il en est, il n'y a gagné qu'un honteux échec. Kyot m'a
prié de n'en rien révéler » (trad. M. A. Hatto).
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