mardi 27 août 2013

Pierre Ponsoye - L' Islam et le Graal - Étude sur l’ésotérisme du Parzival de Wolfram von Eschenbach - I Kyot


 

La légende du Graal, la plus prestigieuse, peut-être, qui se soit jamais offerte à la pensée orante, est apparue à la fin du XIIe siècle d’une façon soudaine, tout en revendiquant une longue et secrète tradition. Trois romans en forment la première floraison, et, à bien des égards, la plus belle. Ce sont le Perceval li Gallois ou Conte del Graal, de Chrétien de Troyes, l’Estoire dou Graal de Robert de Boron, et le Parzival de Wolfram von Eschenbach. Leurs dates respectives d’apparition sont toujours matière à débat ; toutefois la plupart des commentateurs s’accordent sur l’antériorité du Perceval, qui serait ainsi, vers 1180, la première expression publique de la légende. L’oeuvre de Robert se situerait quelques années après, et celle de Wolfram entre 1200 et 1205.
 
De ces trois romans, l’un, celui de Chrétien, est demeuré inachevé et se tait sur les origines du Graal ; l’autre, celui de Robert, met en scène, sous le nom de Graal, le Vaisseau qui servit à l’institution de la Cène et où Joseph d’Arimathie recueillit le sang du Christ. Quant à Wolfram, voici ce qu’il rapporte :
 
« Kyot, le maître bien connu, trouva à Tolède, parmi les manuscrits abandonnés, la matière de cette aventure, notée en écriture arabe (in heidenischer schrifte dirre aventure gestifte). Il fallut d’abord qu’il apprît à discerner les caractères a, b, c (mais il n’essaya point de s’initier à la magie noire). Ce fut grand avantage pour lui d’avoir reçu le baptême, car autrement cette histoire fut demeurée inconnue. Il n’y a point en effet de païen assez sage pour nous révéler la nature du Graal et ses vertus secrètes.
 
« Un païen (« arabe », heiden), Flégétânis, avait acquis haut renom par son savoir. Ce grand physicien (physiôn, savant en sciences cosmologiques) était de la lignée de Salomon : ses parents appartenaient à une famille d’Israël en des temps très anciens où les hommes n’étaient pas encore protégés par le baptême contre les feux de l’enfer. C’est lui qui écrivit l’aventure du Graal. Flégétânis était né de père arabe. Il adorait un veau, en qui il voyait un dieu. Comment le diable peut-il se faire un jouet de personnes si sages ? Pourquoi Celui qui commande toutes choses et connaît toutes les merveilles n’a-t-il point délivré leur esprit de ces erreurs ?

« Le païen Flégétânis savait prédire le déclin de chaque étoile et le moment de son retour. Il savait combien de temps il faut à chacune d’elles pour revenir à son point de départ. C’est par la ronde des astres que sont réglées toutes choses sur terre. Le païen Flégétânis découvrit, en examinant les constellations, de profonds mystères dont il ne parlait qu’en tremblant. Il était, disait-il, un objet qui s’appelait le Graal. Il en avait clairement lu le nom dans les étoiles. Une troupe d’anges l’avait déposé sur terre puis s’était envolée bien au-delà des astres. Ces anges étaient trop purs pour demeurer ici-bas. Depuis lors, c’étaient des hommes devenus chrétiens par le baptême, et aussi purs que des anges, qui devaient en prendre soin. C’étaient toujours des hommes de haut mérite que l’on appelait à garder le Graal.


« Ainsi s’exprima Flégétânis. Kyot, le maître sage, chercha alors dans les livres latins où avait pu vivre un peuple assez pur et assez enclin à une vie de renoncement pour devenir le gardien du Graal. Il lut les chroniques des royaumes de Bretagne, de France et d’Irlande et de beaucoup d’autres encore, jusqu’à ce qu’il trouvât en Anjou ce qu’il cherchait. Il lut en des livres véridiques l’histoire de Mazadan. Il trouva notée toute la suite de ses descendants : il vit en un autre endroit comment Triturel et son fils Frimutel avaient transmis par héritage le Graal à Anfortas, qui avait pour soeur Herzloïde, et c’est avec celle-ci que Gahmuret avait engendré un fils qui est le héros de ce conte (7). »

L’existence du Graal, son origine céleste et sa présence sur terre à la garde de chrétiens « aussi purs que des anges », a donc été révélée, selon Wolfram, par un sage païen, c’est-à-dire musulman, car c’est sous ce vocable qu’étaient désignés communément les Musulmans au Moyen-Age, par opposition aux Chrétiens et aux Juifs. Cette qualité, confirmée par le fait qu’il était né de père arabe, donne un caractère particulier à l’ascendance israélite qui lui est reconnue d’autre part : le rattachement de celle-ci à la lignée de Salomon en fait en réalité une filiation de sagesse prophétique, c’est-à-dire ici ésotérique. Salomon est en effet vénéré en Islam comme un grand prophète, et l’ésotérisme islamique le considère comme le type exemplaire d’une certaine voie spirituelle, à laquelle se rattachent spécialement les sciences du domaine cosmique, celles précisément qu’évoque, dans l’acception médiévale, le mot de « physicien » employé à propos de Flégétânis (8). Il est, d’autre part, le constructeur du Temple, auquel se rattachent les deux grands courants traditionnels occidentaux des confréries de bâtisseurs et des milites Templi Salomonis, ou Templiers. En Flégétânis se trouvent donc attestés expressément, à la fois la source islamique de la notion du Graal, ou plutôt, peut-être, de sa prise de conscience, et le lien de cette source avec la tradition ésotérique dont se réclamait d’autre part l’Ordre du Temple. L’imputation d’idolâtrie, ne doit pas, à cet égard, donner le change : elle se juge par le contexte, et Wolfram souligne d’ailleurs lui-même la contradiction qu’elle comporte : Flégétânis ne pouvait, à la fois, adorer un veau et être parvenu à un degré de connaissance spirituelle, qui lui permît, à lui seul entre tous, « païens » ou chrétiens, de sonder les mystères célestes pour y lire le nom du Graal, c’est-à-dire de découvrir et de reconnaître, au ciel de la contemplation, une pure essence métaphysique. On sait d’ailleurs que les Musulmans étaient, dans leur ensemble, et contre l’évidence, l’objet d’accusations semblables. Qu’il ne s’agisse là, de la part de Wolfram, que d’une précaution - à vrai dire assez apparente - pour protéger contre l’incompréhension hostile du vulgaire le secret de transmission qu’il avait à révéler, on en jugera d’après le passage suivant du Zohar, où l’on pourra voir en outre que, par la bouche de Flégétânis, c’étaient bien les deux sagesses ésotériques fraternelles du Judaïsme et de l’Islam qui s’exprimaient : « Dans toute l’étendue du ciel dont la circonférence entoure le monde, il y a des figures et des signes au moyen desquels nous pouvons découvrir les secrets et les mystères les plus profonds. Ces figures sont formées par les constellations et les étoiles, qui sont pour le Sage un sujet de contemplation, une source de mystérieuses jouissances. Ces formes brillantes sont celles des lettres avec lesquelles Dieu a créé le Ciel et la Terre ; elles forment son Nom mystérieux et saint (9). »
 
Mais si cette imputation est dénuée de substance, elle n’est peut-être pas dépourvue d’explication. Elle semble, en effet, pouvoir être mise en rapport avec le symbolisme du Trône divin et avec l’histoire de l’adoration du Veau par le peuple d’Israël. Le Veau (Ijl) est une figuration du Taureau (Thawr), lequel est, avec l’Homme, le Lion, et l’Aigle, l’un des quatre « animaux » porteurs du Trône, qui sont en réalité des « anges » (Mala’ïkah). Mohyiddin dit à son sujet que « c’est celui qu’avait vu le Sâmiri (Samaritain), et il s’imagine que c’était le dieu de Moïse, et en conséquence il fabriqua pour son peuple le Veau en disant : « Ceci est votre dieu et celui de Moïse » (Cor., XX, 90).

Il est admis, depuis Hagen, que Flégétânis est en réalité le titre d’un livre arabe, Felek-Thâni. S’agissant d’un enseignement traditionnel secret, le mot peut, à la vérité, désigner un livre et un homme, ou, plus vraisemblablement, l’organisation dont ce livre ou cet homme était l’interprète. On remarquera d’ailleurs que, bien qu’ayant fait allusion à un manuscrit, Wolfram parle de Flégétânis comme d’un homme vivant, et rapporte ses paroles comme un enseignement oral. L’important n’est donc pas de savoir s’il s’agit d’un livre ou d’un homme, mais bien de savoir si Flégétânis est, authentiquement, la transcription de l’arabe Felek-Thâni, qui se traduit par « deuxième sphère » ou « deuxième ciel planétaire ». La chose est, en tout cas, admise aujourd’hui par la plupart des commentateurs. Les considérations qui vont suivre feront apparaître la portée de cette identification.

L’une des plus hautes catégories initiatiques se l’Islam est constituée par les AbdâlSolitaires », sing. Badal). « Les Abdâl, dit Moyiddîn Ibn Arabî, sont sept, jamais plus ni moins. Par eux, Allâh veille sur les sept climats terrestres. Dans chaque climat il y a un Badal qui le gouverne (10). » Chacun de ces climats correspond respectivement à l’un des sept cieux planétaires, et le Badal qui le gouverne est le représentant sur terre du Pôle (Qutb) du ciel correspondant.
 
La deuxième sphère planétaire est le ciel de Mercure. Le pôle de ce ciel étant Seyidnâ Aïssa (Jésus), son représentant sur terre (dans le sixième climat) aura, dans le cadre de l’Islam, une fonction plus particulièrement christique, et en affinité spéciale avec le Christianisme.
 
Il est dit d’autre part que le Badal représentant le Pôle du ciel de Mercure possède en propre, parmi d’autres sciences, celle de l’art d’écrire (ilmu-l-Kitâbah), car c’est du ciel de Mercure (El-Katib) que vient l’inspiration aux prédicateurs et aux écrivains, tandis que les poètes, eux, puisent aux influences spirituelles du ciel de Vénus (Zahrah). Remarquons à ce propos qu’au sens arabe du terme un ouvrage comme le Parzival n’est pas un poème, mais un récit.
 
Il est dit enfin que les Abdâl sont « connaisseurs de ce qu’Allâh a déposé dans les Planètes comme ordre des choses et secrets, à savoir dans leurs mouvements et leurs positions dans les demeures célestes ».

On retrouve là les trois caractéristiques principales de Flégétânis, qui peuvent expliquer pourquoi Wolfram le considère comme un être vivant : ses qualités d’astronome, de narrateur, et l’orientation « christique » de son activité intellectuelle. Ajoutons encore que, si, comme on l’a vu plus haut, Flégétânis était plus particulièrement consacré au Taureau, l’un des quatre porteurs du Trône, on pourrait voir là, finalement, sa mise en correspondance avec l’un des quatre Piliers du Monde (Awtâd) qui constituent une catégorie initiatique supérieure à celle des Abdâl, parmi lesquels ils sont choisis. Sa caractéristique « christique » ne s’en trouverait pas éliminée, mais au contraire confirmée d’une façon spéciale au contraire confirmée d’une façon spéciale par le fait que l’un des Awtâd reposant sur le coeur de Aïssa, les trois autres reposant sur le coeur d’Adam, d’Ibrahîm et de Mohammed.

Pour bien comprendre la signification de ces données, il est nécessaire de les situer dans la conception générale de l’Islam comme synthèse de la Prophétie universelle, du fait qu’il est la dernière des prophéties légiférantes avant la fin des temps. Le prophète Mohammed est lui-même le « Sceau de la Prophétie », et il a reçu de Dieu les Sommes des Paroles (Jawâmi’u-l-Kalim), c’est-à-dire, « selon une acception de cette expression, dit Michel Vâlsan, les essences des Verbes prophétiques révélés antérieurement (11) ». C’est à ce titre, et de par cette disposition providentielle, que l’Islam, comme on a pu le voir, comporte dans son économie une typologie et des moyens spirituels en correspondance spéciale avec les autres formes traditionnelles, qui entrent ainsi, avec leurs fondateurs dans un Ordre islamique transcendant et total couvrant tout le cycle humain. Et c’est là ce qui, entre toutes ces formes, le qualifie légitimement comme médiateur universel.
 
Cette doctrine a été particulièrement illustrée par Mohyiddîn Ibn Arabî dans Fuçuç el-Hikam (les « Chatons de la Sagesse »). Dans ce livre, offert en louange à « Celui qui fait descendre les Sagesses sur les Coeurs des Verbes » (autrement dit des Prophètes), le Sheikh el-Akbar (« le plus grand des Maîtres ») représente chacune de ces Sagesses spécifiques par un chaton ou pierre précieuse portant gravé le Sceau divin et descendant du Ciel pour s’enchâsser dans son réceptacle prédestiné, le Coeur du Prophète considéré : « Le chaton de chaque Sagesse est, dit-il, le Verbe même qui est attaché à celle-ci. » Commentant ce passage Michel Vâlsan dit que « les différents Verbes (personnifiés par les Prophètes) sont ainsi, au fond, eux-mêmes ces chatons, ces Pierres célestes gravées des Empreintes des la Royauté divine, et descendues pour être enchâssées dans la condition humaine et pour marquer ainsi les caractères particuliers des cycles qui leur correspondent ». Il va sans dire que leur participation à l’Ordre transcendant islamique n’exclut nullement leur universalité ni le caractère de totalité prophétique qu’elles gardent dans leurs perspectives propres.
 
Parmi ces Pierres, il en est une qui nous intéresse particulièrement ici: c'est la Pierre de Celui qui est connu en Islam comme le « Sceau de la Sainteté universelle » (Khatamu-l-Wilâyati-l-Ammah), ou comme le « Sceau de la Sainteté des Envoyés et des Prophètes », et qui est Seyidnâ Aïssa, Jésus. Peut-on douter que ce soit là cette Pierre dont Flégétânis avait « clairement lu le nom dans les étoiles »? S'il l'y avait lu, c'est parce que ce Nom fait partie intégrante du Ciel spirituel de l'Islam.

Mais Flégétânis savait aussi, et apprit à Kyot, l'existence actuelle de cette Pierre sur terre, à la garde d'une Chevalerie « célestielle », inconnue de l'Occident, bien que chrétienne, ce qui est une première indication de rapports secrets sur le plan ésotérique dont on verra d'autres exemples, à commencer par le voyage du sage Maître de Tolède.
 
Il est permis de voir dans ce rapprochement symbolique une véritable solution de cette question spéciale, car il rend compte de tous les traits principaux de l'épisode de Tolède: d'abord le fait que Flégétânis fournit le principe de l'Aventure et la notion de la présence terrestre du Graal, mais non pas la Voie technique pour l'atteindre, car, étant une Voie chrétienne, c'est à un Maître chrétien qu'il appartient de la retracer. Ensuite le fait que Kyot reconnaît, dans sa réalité transcendantale, et au delà des différences des formes religieuses, l'Objet même de sa propre Quête. Enfin ce fait majeur, et selon nous décisif, que sous sa forme de Pierre céleste, le Graal de Wolfram trouve un correspondant islamique direct, avec une doctrine exactement parallèle - dont on trouvera plus loin d'autres aspects - et, dans le même temps, offre un contraste, autrement inexplicable, avec le symbolisme du Saint Vaisseau.
 
Quant à Kyot, dont la personnalité énigmatique a donné lieu à tant de controverses, les données traditionnelles permettent, semble-t-il, de se faire de lui et de son rôle une idée assez précise. On sait d'abord que son existence même a été contestée, du fait, surtout, que l'on n'a retrouvé aucun texte ni aucune mention d'un poète provençal de ce nom, et que, d'autre part, le thème du Parzival est si étroitement apparenté à celui du Perceval li Gallois que certains commentateurs ont voulu considérer le premier comme simplement repris et développé du second. On s'est étonné aussi que ce Provençal portât un nom français du Nord et parlât en français.

Ces arguments ne tiennent guère, à notre avis, contre les éléments de preuve inverses. Le nom de Kyot est vraisemblablement un pseudonyme, et son origine nordique n'a pas empêché Wolfram de le donner à un roi de Catalogne. Quant à l'emploi du français, il n'est pas plus étonnant de la part d'un Provençal lettré que, par exemple, de celle du poète italien Brunetto Latini, qui s'en est expliqué dans un texte célèbre. S'il est exact, d'autre part, que les deux oeuvres offrent d'étroites similitudes jusque dans les détails, elles montrent seulement que Wolfram a connu le texte de Chrétien et l'a utilisé sur le plan littéraire, car elles accompagnent des différences de forme et de fond suffisantes pour exclure que celui-ci ait été sa seule ou même sa principale source. Ainsi des lieux ou des personnages de première importance, que Chrétien désigne sans les nommer, ont un nom chez Wolfram, et le plus souvent d'origine française ou provençale, tels le Château du Graal (Montsalvage), l'ermite (Trévrizent), le Roi pêcheur (Anfortas), la Vierge du Graal (Repanse de Joye); d'autres portent un nom différent (Condwiramour au lieu de Blauchefleur) et d'autres n'existent pas chez Chrétien (Feirefiz, Gahmurel). La langue même du Parzival présente, outre un immense vocabulaire d'origine latine et française qui déborde largement celui, plus élégant et plus sobre, mais moins riche, du Champenois, des traces philologiques certaines d'attaches provençales, relevées il y a déjà longtemps, auxquelles, il faut ajouter des notions de terminologie scientifique arabe, les unes et les autres parfaitement étrangères au texte de Chrétien (12). Quant au fond, il existe d'importantes différences d'expression, de mise en valeur et d'intention symbolique dont nous aurons à reparler; rappelons ici que la concordance entre les deux ouvrages ne couvre qu'une partie du Parzival: ses deux premiers et ses quatre derniers livres ne doivent rien à son confrère français, sans que le développement général du récit montre pour autant la moindre discontinuité ou la moindre rupture de niveau.
 
Telles sont les principales données d'ordre littéraire qui inclinent aujourd'hui la plupart des commentateurs à admettre l'existence d'une source française et provençale distincte de Chrétien, conformément d'ailleurs au témoignage réitéré de l'auteur. Mais ce qui, pour nous, est plus décisif encore, c'est que, si la question de source peut se poser du point de vue de la mise en oeuvre littéraire, elle ne se pose pas du point de vue doctrinal. Comme on le verra, le Parzival offre, dans son ensemble et de façon homogène, l'exposé en mode symbolique d'une doctrine métaphysique et initiatique que Wolfram ne devait évidemment pas à Chrétien et que pourtant, il ne pouvait qu'avoir reçue. Cela seul suffit à prouver, à la fois sa liberté intellectuelle à l'égard de ce dernier, et sa dépendance envers un maître dont la personnalité et la fonction se situaient sur un tout autre plan. Ajoutons que, pour nous, le libre et fervent aveu de cette dépendance n'est pas la moindre preuve de sa véracité.

Pour ce qui est de l'anonymat de ce maître, voilà sous le pseudonyme de Kyot, il ne peut étonner que ceux qui ne voient dans la légende du Graal qu'une fiction d'invention individuelle et d'intention « édifiante ». Ceux-là devront s'étonner aussi que le Moyen-Âge ait vu fleurir tant de traditions, orales ou écrites, d'auteurs inconnus ou rapportées à des éponymes symboliques tels que Merlin, et de constater, pour le Graal comme pour tous les autres thèmes légendaires, qu'aucun des « éditeurs » connus n'en ait revendiqué la paternité, mais que tous, au contraire, se soient expressément référés à une tradition antécédente, sur laquelle ils restent d'ailleurs extrêmement discrets quand ils ne disent pas l'avoir reçue par des voies plus ou moins miraculeuses. A une époque pour qui il n'y avait de valeur que dans la vérité, et pour qui il n'y avait de vérité que divine, donc révélée et transmise, une prétention à l'originalité eût été le meilleur moyen de ruiner son propre crédit. Wolfram ne se targue que d'être fidèle au « droit récit » (die rehten maere), et Chrétien, le premier en date de ces éditeurs, loin de se flatter de la moindre invention, ne prétend à rien d'autre qu'à
 
rimoyer le meilleur conte
Qui soit conté en cour royal.
C'est le grand Conte del Graal
Dont le comte bailla le Livre.
 
De ce Livre mystérieux, Hélinand, dès 1205, disait n'avoir pu trouver trace. On n'a pas trouvé trace non plus du « grand Livre » où, selon Robert de Boron,
 
... les estoires sont escrites,
Par les granz clerz faites et dites.
Là sont li grant secré escrit
Qu'on nomme le Graal et dit (13).


Quant à celui du Grand Saint-Graal, du cycle dit de Map, son auteur anonyme dit l'avoir reçu du Ciel, des mains d'un ange.


On aperçoit dès lors qu'il n'est pas nécessaire que Kyot ait écrit pour être invoqué comme une autorité - le contraire serait plus vrai, peut-être -, et que cette autorité n'est pas en réalité celle d'un homme en tant que tel, si grand qu'il soit, mais celle d'une tradition véridique.


Faute de pouvoir comprendre l'esprit traditionnel et de concevoir la nature de ces moyens et la portée de ses intentions, la critique moderne reste perplexe devant des faits dont la signification s'impose dès que l'on a reconnu, d'une part l'origine supra-humaine et par là l'universalité, le caractère sacré et la vertu opérative du symbolisme transmis par toutes les Traditions révélées, d'autre part l'existence, au centre de celles-ci, pour autant qu'elles sont intactes, d'un Mystère de Connaissance qui n'est autre que celui, métaphysiquement nécessaire, de la Présence divine en leur coeur même. C'est ce Mystère, conservé et transmis par voie initiatique, qui s'est manifesté avec le Graal de façon soudaine à la fin du XIIe siècle. La doctrine du Graal n'est que la doctrine de ce Mystère en termes chrétiens. Que l'on considère l'unité fondamentale du thème malgré la diversité d'origine et de nature des éléments qu'il intègre, la fertilité indéfinie de ses expressions symboliques, l'accord profond et la cohérence organique des multiples versions dispersées dans l'espace et dans le temps, et l'on reconnaîtra qu'un principe d'identité et de rectitude se cache au centre de cette floraison prodigieuse et s'y affirme avec l'autorité d'une révélation. Pour en discerner la véritable nature, il fallait d'autres clefs que celles dont dispose l'exégèse littéraire ou religieuse. Si l'on possède, de nos jours, à ce sujet quelque lumière, c'est à une oeuvre admirable de science doctrinale, de puissance et de pureté intellectuelles qu'on le doit: celle du regretté René Guénon. Nous aurons fréquemment, au cours de cette étude, à nous référer à ses travaux, qui ont renouvelé la question du Graal parmi bien d'autres. Mais nous renverrons, dès à présent, à ceux qui, d'une façon générale, traitent des questions touchant à notre propos, notamment celle de l'initiation et de la transmission initiatique, celle des Centres spirituels, celle de la nature du Graal (14). Les paroles de Robert de Boron sont, au demeurant, assez claires pour qui a la moindre notion de l'ésotérisme traditionnel: le Livre « où sont les grands secrets écrits » est un corps d'enseignements sacré et réservé à la garde de « grands clercs », qui jusqu'alors n'avait fait l'objet que d'une transmission orale comme Robert le précise ailleurs:

Unques retreite esté n'avait

La grant Estoire dou Graal

Par nul homme qui fust mortal (15).

Pour revenir à Kyot, celui-ci, dit Wolfram, était provençal et parlati en français. Le mot Provence désignait au Moyen-Âge l'ancienne Provincia romaine. Elle comprenait la Septimanie et s'étendait jusqu'à Toulouse, couvrant une région qui fut longtemps sous la dépendance de l'Espagne musulmane et reçut fortement l'empreint de sa civilisation. Cette empreinte garda longtemps dans le peuple un caractère prestigieux. On attribuait aux Arabes, dit Fauriel, « tout ce qui offrait quelque chose de merveilleux, on supposait une industrie supérieure »: forteresses, tours, souterrains plus ou moins légendaires, armes, orfèvreries, étoffes, chevaux, etc. Ce caractère se retrouve, comme nous le verrons, fortement marqué dans le Parzival, et ce n'est pas en faveur de ses attaches provençales directes. Mais l'influence de l'Islam ne se limitait pas là. On la retrouve notamment dans le grand mouvement de l'Amour courtois, que l'on ne peut réellement comprendre si l'on en méconnaît la source ésotérique. S'il présente quelques différences avec son correspondant islamique, - différences sur lesquelles on a voulu s'appuyer pour contester leur communauté de nature et d'inspiration -, c'est d'abord parce que le second avait beaucoup moins besoin de cacher son caractère initiatique, et ensuite parce que les affinités spirituelles et l'accord intellectuel n'excluent ni l'indépendance de l'esprit, ni la liberté du génie de race, mais postulent par contre l'unité de doctrine. Or, c'est bien là ce que l'on constate, comme l'a très bien montré Fauriel: des génies différents interprétant une même théorie, une même vision spirituelle et intellectuelle de l'Amour.


Les relations de la Provence avec les Musulmans ne cessèrent d'ailleurs pas avec le départ de ces derniers. Soit par l'intermédiaire des maîtres juifs des écoles de la Septimanie, qui continuaient à représenter leur culture et leur intellectualité, soit directement avec les principautés musulmanes d'Espagne, ces relations se poursuivirent en fait pendant tout le Moyen-Âge.

Les contacts pris par Kyot dans ce pays avec les Musulmans sont d'autant plus plausibles qu'il en est des exemples célèbres (Gerbert d'Aurillac, qui, sous le nom de Sylvestre II, devait être le pape du Millénaire, Raymond Lulle, Brunetto Latini, etc.), et c'est bien là que K. Bartsch, l'un des plus avertis des commentateurs du Parzival, voyait, l'origine immédiate de la légende, où elle aurait été apportée d'Orient par les Arabes. Certaines versions donnent d'ailleurs la race élue dont descend Titurel, ancêtre de Parzival, comme originaire d'Asie. L'aïeul de Titurel est dit être passé en Europe sous Vespasien après s'être converti au Christianisme, et s'être établi au nord-est de l'Espagne, dont il soumit divers royaumes avec l'aide des Provençaux. Il n'est pas indifférent de noter d'autre part que les marches de Portugal et d'Espagne, ainsi que le Languedoc, furent les premiers pays d'Europe où s'installèrent les Templiers (16).


On accordera peut-être que tout cela donne un poids singulier au dire de Wolfram sur l'existence d'une tradition provençale originale du Graal et sur sa liaison avec l'Islam. Quant à la filiation du Parzival avec cette tradition, qu'il affirme également de façon positive, elle est appuyée par un certain nombre de faits: d'abord, comme on l'a vu, par des indices philologiques qui semblent assez décisifs; ensuite par d'assez nombreuses allusions relevées chez les Troubadours aux situations les plus typiques du texte de Wolfram; enfin par les caractères intrinsèques de celui-ci. André Moret écrit à ce sujet dans l'Introduction à son édition du Parzival: « ... les dernières investigations ont prouvé que, dans ce domaine encore (celui de la langue), Wolfram subit l'influence de modèles français. M. Ehrismann, en particulier, a montré que la manière obscure et tourmentée du style de Wolfram, tant critiquée par Gottfried, remonte en fait à l'hermétisme provençal du « trobar clus. » Plus loin, il ajoute: « Son style « obscur » n'est pas un signe d'impuissance, c'est la manifestation d'un art conscient... Le trobar clus est une poésie « fermée », une poésie d'initiés, qui part du principe que le lyrisme doit être un art réservé à un petit nombre d'adeptes »17. En fait s'il est parfaitement juste de parler ici de « poésie d'initiés », mais au sens authentique du terme, il est trop évident qu'il ne s'agit pas seulement de « lyrisme », même dans l'acception la plus étendue que l'on voudra donner à ce mot. Le seul examen des oeuvres en question, comme d'ailleurs des oeuvres « littéraires » du Moyen-Âge en général, suffit à montrer que ce caractère « fermé » ne tient pas à la forme mais au fond, et plus spécialement à la nature symbolique que lui impose la qualité de transcendance et d'ineffabilité des réalités qu'il a pour objet de transmettre.

Ces quelques données vont permettre de se faire une idée plus précise du personnage de Kyot. Wolfram l'appelle « le maître bien connu » (der meister wol bekant), le « sage maître », « la schianture » (le chanteur ou plutôt l'enchanteur). Il se réfère à lui comme à une autorité irréfragable, la seule qu'il convient d'invoquer à propos du Graal: « Kyot, dit-il, c'est le nom de l'enchanteur qui, parce qu'il était homme de grand art, s'appliqua à chanter et à conter, et le fit si bien que beaucoup de gens aujourd'hui encore lui doivent de grandes joies. Kyot est un Provençal qui trouva en des écrits arabes (heidenisch) les aventures de Parzival. Tout ce qu'il a conté en langue française, je veux, si je ne suis pas d'esprit trop débile, vous le redire en allemand18. » Dans un passage célèbre, à la fin du poème, il déclare: « Maître Chrétien de Troyes a conté cette histoire, mais en l'altérant; et Kyot, qui nous transmit le conte véritable (die rehten maere), s'en irrite à bon droit. Le Provençal nous dit, en conteur véridique, comment le fils d'Herzeloïde, héros prédestiné, devint roi du Graal après qu'Anfortas eut démérité. De Provence ce conte est venu, sous sa vraie forme, en pays allemand; il nous fait connaître le dénouement de l'aventure. Pour moi, Wolfram von Eschenbach, je ne veux rien rapporter de plus que ce que le maître provençal nous a conté. »


Ainsi Kyot est le premier et le seul authentique révélateur d'une part de la notion du Graal, de son histoire et de son existence actuelle sur terre, recueillie par lui en Espagne dans une tradition arabe; d'autre part de celle d'une lignée chrétienne gardienne du mystère, demeurée inconnue jusqu'à ce qu'il découvrît la trace dans les anciennes chroniques d'Anjou. Son titre de maître en fait un clerc; la nature de son enseignement démontre le caractère ésotérique de cette cléricature, confirmé d'ailleurs par son autre titre d'enchanteur, qui doit être rapproché de celui de Merlin, dont, comme l'a montré René Guénon, le nom cachait l'autorité spirituelle celtique. On doit noter que le mot "enchanteur" avait alors un sens technique que le mot savant équivalent « incantateur » ne fait que suggérer. L'allusion au refus de la Nigromanzi, à propos du « discernement des caractères », laisse entendre que celui-ci implique l'assimilation de sciences secrètes orthodoxes: il ne peut s'agir dès lors que de l'incantation initiatique véritable. Quant au baptême, qui permit à Kyot de pénétrer la nature du Graal et ses vertus secrètes, ce que nous dirons plus loin du baptême de Feirefiz permettra peut-être de comprendre de quoi il s'agit en réalité. Enfin, la distinction entre le « chant » et le « conte » paraît assez nettement évoquer la double fonction, sur le plan de la méthode et celui de la doctrine, du maître spirituel véritable, ce que semble confirmer la notion de « grand art », qui doit s'entendre dans un sens opératif et non pas « esthétique », et peut-être aussi ces « grandes joies » que beaucoup de gens lui devaient encore du temps de Wolfram.

Le vrai problème de Kyot n'est donc pas de savoir qui il était, mais quelle était l'autorité ésotérique à laquelle Wolfram attribue la découverte du Graal, d'après une source musulmane, l'indication de certains moyens techniques pour l'atteindre, voilés sous l'affabulation de la Quête, et, implicitement tout au moins, la jonction du thème du Graal à celui d'Arthur, avec tout ce que cela signifie quant à l'intégration chrétienne de l'héritage celtique.

Envers cette autorité, il ne perd aucune occasion de marquer sa dépendance et sa fidélité. Or Wolfram était chevalier, et très probablement affilié à l'Ordre du Temple, auquel il identifie ouvertement l'Ordre du Graal. Son oeuvre étant bien autre chose, comme on peut déjà s'en rendre compte, qu'une simple composition romanesque à thème religieux, il n'est guère probable qu'il en eût ainsi disposé sans l'aveu de la « sainte Maison ». Un fait pourrait le confirmer: c'est que la Maître mystérieux et pourtant « bien connu », non seulement est vivant du temps de Wolfram, puisqu'il connaît l'oeuvre de Chrétien et la juge, mais encore, comme en fait foi un autre passage (19), inspire et contrôle directement le travail de son disciple. Nous essaierons plus loin de discerner à quelles préoccupations pouvait répondre une telle publication.

Constatons pour l'instant que, si Kyot ne représente pas simplement l'autorité spirituelle du Temple, il devait avoir avec elle des rapports bien étroits.

A suivre ... 

7 Parzival, trad. E. Tonnelat, Aubier, Paris, 1934, t. II, pp. 23-25. Nous suivrons généralement la traduction de Tonnelat. Notons dès à présent que heiden, heidenisch, se traduit indifféremment par « païen » ou « arabe ». Que la leçon « arabe » correspond bien au sens voulu par Wolfram est prouvé par les passages où le terme est mis en rapport avec des mots transcris littéralement de l’arabe, notamment celui où Cundrie donne en transcription les noms arabes des planètes : Alkamer, Alkiter, Zval, etc. Cf. Tonnelat, t. II, pp. 248-249.
8 V. par exemple le chapitre consacré à Salomon par Mohyiddîn Ibn Arabî dans ses Fuçûç el-Hikam, éd. partielle en français par T. Burckhardt sous le titre La Sagesse des Prophètes, Albin Michel, Paris, 1955, pp. 146-147.
9 Cité par Schütz, L’Esprit de Moïse, Nancy, 1860.
10 Mohyddîn Ibn Arabî, Futuhât el-Mekkiyah, ch. LXXIII. Cf. du même La parure des Abdâl, trad. par M. Vâlsan, Études Traditionnelles, Paris, 1951, p. 25.
11 Commentaire inédit sur les Fuçûç el-Hikam.
12 V. notament les travaux de Suchier et Wechssler. Résumé dans W. Staerk, Neber den Ursprung der Gral-legende (Tübingen, 1902), pp. 2 à 6. Le mot Graal est originaire du Midi. Cf. Littré: vieux français graalz, forme particulière du provençal grazal; ancien catalan grésal; ancien espagnol gréal, garral; bas-latin gradalis, gradalus, sorte de vase. - Certains noms propres ont été reconnus d'origine provençale: Montsalvage, Anfortas, Prienlascors, Libeals, etc. - A part une quantité de termes empruntés au vieux français et dérivés généralement du latin, on en relève un assez grand nombre d'origine spécifiquement provençale: agraz (prov. agras), galander (calandra), plialt (blial), ribbalt (ribalt), samît (samit), mâze (mezura), etc.
13 Robert de Boron, Le Roman de l'Estoire dou Graal, éd. W. A. Nitze, Paris, 1927, vv. 932-935.

14 Citons particulièrement Aperçus sur l'Initiation, Chacornac, Paris, 1946; Le Roi du Monde, ibid., 1950, 3e éd.; L'ésotérisme de Dante, ibid., 1949, 3e éd.; Autorité spirituelle et Pouvoir temporel, Véga, Paris, 1947, 2e éd., L'ésotérisme du Graal, in Lumière du Graal, op. cit.; Aperçus sur l'ésotérisme chrétien, Chacornac, Paris, 1954.
15 Robert de Boron, op. cit., vv. 3.492 à 3.494. Cette notion d'un enseignement secret transmis par voie orale et mis secondairement par écrit sous forme légendaire, est la seule qui rende compte des faits et donne l'explication de la contradiction apparente, qui a si fort étonné les commentateurs, entre les deux passages de l'Estoire dou Graal que nous avons cotés. L'emploi du mot « retraite » (retrahere) ne peut que la confirmer, de même que l'expression « nul homme qui fust mortal ». Celle-ci peut apparaître au lecteur non averti comme une sorte de pléonasme, alors qu'elle réfère, de façon tacite mais certaine, à des hommes (les « grands clercs ») qui échapperaient à cette condition. Or, précisément, les initiés à l'ésotérisme chrétien étaient appelés les « vivants », par opposition aux mortels profanes.

16 Dès 1128 ils reçoivent la place de Source au Portugal; en 1130 celle de Graňena dans le comté de Barcelone. La première Maison en deçà des Pyrénées est fondée en 1136 dans les États du comte de Foix. Et c'est après l'Assemblée générale de 1147 seulement qu'ils se répandent dans le reste de l'Europe.
Pour les rapports des Troubadours avec les Arabes, v. Fauriel, Histoire de la Poésie provençale, Paris, 1846; plus récemment, A. J. Denomy, Concerning the accessibility of arabic influences to the earliest provençal Troubadours, in Mediaeval Studies, Toronto, XV (1953), pp. 147-158.
17 Parzival, Morceaux choisis, introd., notes et gloss. par A. Moret, Aubier, Paris, 1943.
18 Tonnelat, op. cit., t. I, p. 364. La leçon « enchanteur » est celle de Tonnelat (id. Wilmotte). Même si l'on voulait rendre la schainture par « le chanteur », le mot ne pourrait avoir ici qu'un sens fort et très précis, de même que le mot Aventiure ne désigne rien moins que la Quête elle-même. L'hypothèse selon laquelle Kyot ne serait autre que Guyot de Provins est aujourd'hui abandonnée.

19 Parzival, 452, 29 sq. : « C'est de lui que Parzival va maintenant apprendre l'histoire secrète du Graal. Si quelqu'un m'a questionné à ce sujet auparavant, et s'est disputé avec moi dans l'espoir que je lui dirais ce qu'il en est, il n'y a gagné qu'un honteux échec. Kyot m'a prié de n'en rien révéler » (trad. M. A. Hatto).

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