lundi 20 juin 2011

De Notre Attitude Envers Les Autres du Cheikh Al Alawi


La grandeur d'âme (futuwwa) c'est de voir les bons aspects des serviteurs et non leurs mauvais côtés.

C'est avoir le coeur pur que de voir les bons aspects des créatures et non leurs mauvais côtés. Les connaissant n'ont pas tous le même degré en cela, et l'on peut distinguer trois conceptions, qui relèvent toutes cependant, malgré leurs différences, de la grandeur d'âme.

Au niveau de l'aspirant, la grandeur d'âme consiste à ne voir que les Actes de la réalité divine en faisant abstraction des créatures. Si l'aspirant réalise ce degré, il ne verra rien de mauvais dans les créatures, car il perdra conscience de leur acte en contemplant Celui qui en est l'auteur, c'est-à-dire la réalité divine. Même si les actes sont multiples, Celui qui en est l'auteur, Lui, ne l'est pas. Dans l'un de ses poèmes, le sultan des amoureux, après avoir parlé de la manifestation des actes, de leurs différences et opposition – comme l'obéissance et la transgression, l'associationnisme et la foi, la réussite et l'échec, ou l'existence simultanée de toutes les formes d'opposition – dit à ce sujet :

Tout ce qui apparaît dans la durée,
Considère-le comme réuni en un instant originel ;
Tout ce que tu vois n'est qu'un acte unique,
Mais vu au travers du voile qui recouvre les âmes.
Lorsque le voile s'en va, tu ne vois rien d'autre que Lui,
Et il ne reste aucune ambiguïté quant aux formes extérieures.
Tu réalises au moment du dévoilement que c'est par Sa Lumière,
Que tu as été guidé dans l'obscurité vers Ses actes.

D'où le dicton : « Qui regarde les créatures par l'oeil de la réalisation les excuse ; qui les regarde par l'oeil de la législation les accable ». Celui qui cherche Dieu doit avoir deux points de vue : il voit les créatures du point de vue de la réalité spirituelle, mais adopte celui de la législation pour s'analyser lui-même, afin de respecter les convenances divines.

On dit également que « la langue du connaissant est pur effort, et son coeur pur amour », du fait qu'il n'a pas conscience des actes des créatures, ne contemplant que leur Auteur. Pour voir la beauté des créatures, l'aspirant doit atteindre au préalable le stade de l'extinction des actes, ceux-ci étant entachés de transgression de son point de vue. C'est seulement une fois atteint ce stade qu'il goûtera cette réalité, reconduira les choses à leurs principes et rendra les Actes à leur Agent : il ne verra alors certainement que la beauté en toute chose.

Même si l'aspirant n'a pas atteint ce degré, il lui faut tout de même s'abstenir de s'intéresser aux défauts des autres, car il est mieux placé que quiconque pour savoir que les siens sont bien plus nombreux, s'il est vraiment objectif. S'il s'occupait de juger ses propres actions, de la première à la dernière, il trouverait certainement de quoi s'occuper et oublierait les défauts des autres. Sidi 'Abd al-Rahman al-Majdhub disait :

Comment critiquer chez les autres
Ce qu'eux-mêmes critiquent en moi.
Le défaut que je vois chez les autres,
Eux-même le voient en moi.

Il disait aussi : « Lorsqu'un home désigne de l'index quelqu'un d'autre, il y a trois doigts de sa main qui le désigne lui ». sans le voile protecteur de Dieu, tout le monde serait couvert de honte :

Si Dieu dévoilait aux autres tes vices,
Les gens verraient des choses incroyables à ton sujet.


Hikam n°44 – La lumière de l'aspirant rayonne par la familiarité et la sollicitude dont il fait preuve à l'égard des indigents (Fuqara')

Cette qualité n'est pas propre à l'aspirant ; elle est la caractéristique du croyant, dont le comportement vise à mettre à l'aise tous les gens et non à les brutaliser. L'aspirant doit cependant aller encore plus loin dans ce sens, compte tenu de la haute valeur de ce qu'il recherche, en faisant tout ce qu'il peut pour les créatures. On a dit en ce sens : « Parmi vous, ceux qui ont le meilleur comportement avec Dieu sont ceux qui se comportent le mieux avec Ses créatures ». [...]

Fais attention, mon frère, à ne jamais mépriser qui que ce soit parmi les gens nécessiteux et les faibles, car ils représentent quelque chose d'important pour Dieu. Traite-les bien et fais ce que tu peux pour eux en leur témoignant toujours de la sollicitude et en les traitant amicalement : fais ce que tu peux pour les égayer, de quelque manière que ce soit.

L'un de nos frères, quand il venait nous rendre visite, voyait les pauvres et les faibles se réunir autour de lui dès qu'il arrivait. Il se montrait familier avec eux, restait avec eux, leur témoignait de la sollicitude et leur rendait service autant qu'il pouvait. En particulier, il leur donnait à manger toutes sortes de plats qu'il ne préparait pour personne d'autre. Un jour, je lui dit : « Pourquoi ne pas leur donner un seul plat bien garni avec de la viande ? Ils n'ont pas besoin d'une telle variété de mets, et cela sera beaucoup plus facile pour toi ». Il me répondit : « Mon frère, si ces pauvres gens ne trouvent pas ces mets chez moi, chez qui donc y goûteront-ils ? Je vois bien qu'ils ne mangent pas chez les autres ce qu'ils mangent chez moi ».

Cette manière qu'il avait de très bien traiter les faibles me parut étonnante. Il adoptait toujours le comportement le plus familier pour les mettre à l'aise. Un jour notamment, alors que les disciples étaient réunis, il y avait là quelqu'un qui détonnait et restait seul à l'écart. Une fois que nous eûmes terminé les invocations, il l'appela et le fit approcher, puis l'invita à s'exprimer. L'homme se mit alors à réciter ce genre de poésies qui n'ont aucun sens et ne sont d'aucun profit ; nous l'écoutâmes malgré tout jusqu'au bout, et notre frère fit encore après cela assaut de politesse à son égard. Je lui demandais après quoi il avait agi ainsi ; « Si je n'avais pas fais preuve d'amabilité avec lui, me répondit-il, l'amenant à dire ce qu'il avait envie de dire, il se serait couché le coeur gros. Or, je voulais qu'il soit content comme tous les autres frères ». Je reconnus qu'il s'agissait là d'un excellent comportement, et Dieu aime ceux dont le comportement est excellent (3, 134).

C'est ainsi que doit agir le croyant.

aux éditions La Caravane sous le titre de « Sagesse Céleste – Traité de Soufisme »

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