lundi 20 juin 2011

De la manifestation de l'Unicité divine du Cheikh Al Alawi


De la manifestation de l'Unicité divine
(dhuhûr al- tawhîd )
et de la disparition des limitations de l'existence conditionnée
(ibtâl al-taqyîd)
128 - Lorsque la réalité divine se manifeste, il ne reste rien d'autre.
La réalité divine (al-Haqq), c'est Dieu (Allâh), qui "ne coexiste avec rien" [1].

Lorsqu'Il Se manifeste au connaissant, en Son Essence et par l'ensemble de Ses attributs, d'une manifestation qui implique anéantissement et disparition, ce dernier ne voit plus que Lui. Mais lorsque son Seigneur Se manifesta à la montagne, Il la mit en miettes et Moïse tomba foudroyé (7, 143). Voilà pourquoi l'on dit que "lorsque le principiel et le contingent se rencontrent, celui-ci disparaît tandis que celui-là demeure". Nous lançons contre l'illusion la réalité, qui l'écrase, et voilà que l'illusion disparaît (2, 18). Il arrive que Dieu Se manifeste au connaissant d'une façon ineffable, seulement compréhensible intérieurement, et c'est alors que se produisent l'extinction, l'anéantissement et la disparition. C'est ce que les soufis appellent la pulvérisation (sahq) et l'annihilation (mahq).

Quelqu'un a dit :

Ma montagne est devenue poussière,
Par crainte révérentielle de Cleui qui S'y est manifesté.
Est apparu alors un secret bien caché,
Que seul peut comprendre un être qui m'est similaire.


Un autre a écrit :

Tu T'es manifesté en tout bien clairement,
Et pourtant rien de plus invisible que Toi.
En toute chose, je Te vois, vraiment !
Sans doute ni discussion, quant à moi.


Rien ne peut coexister avec la réalité divine, car tout le reste n'est qu'une pure illusion dénuée d'être. Pour les connaissant, l'altérité est semblable au Phénix, dont on a entendu parlé mais qu'on n'a jamais vu. Voilà pourquoi un soufi disait : "Si on m'imposait de voir autre chose que Dieu, je ne le pourrais pas". "S'il doit y avoir quelque chose, ce n'est qu'une sorte de poussière dans l'athmosphère, et si tu y regardes de plus près, tu verras qu'il n'y a rien" [2].

Mon maître, Sîdî l-Buzîdî, racontait ceci : "Une fois, j'étais en train de réciter le Coran en compagnie d'un groupe de frères, en présence de notre maître, Sîdî Muhammad Ibn Qaddûr. Lorsque nous arrivâmes à Sa Parole : Il est le Premier et le Dernier, l'Extérieur et l'Intérieur (57, 3), un de ceux qui était là se leva et dit :

- Un oeil qui voit autre chose que Dieu mérite la cécité !

Les disciples cessèrent alors de réciter le Coran et commencèrent à invoquer Dieu ".

L'un d'eux a écrit ces vers :

Tu T'es manifesté et ne t'es caché à personne,
Sauf à l'aveugle congénital, incapable de voir la lune.
Mais Tu T'es également occulté, Te voilant par cette manifestation même.
Comment connaître Celui qui Se cache dans Sa splendeur même ?


Un autre disait :

Les connaissants se sont éteints à eux-mêmes,
Et ne contemplent rien d'autre que le Fier, l'Exalté.
Ils constatent qu'en réalité tout le reste est éphémère,
Qu'il s'agisse de présent, de futur ou de passé.

Dieu a dit : Toute chose périt sauf Sa Face (28, 88). C'est la vérité même, et l'altérité périt aussi bien aujourd'hui qu'hier ou que demain. Voilà pourquoi lorsque la réalité divine se manifeste au connaissant, il ne lui reste plus rien à contempler ou à constater d'autre que Lui, car plus rien d'autre n'existe en réalité.
Sache que la manifestation de la réalité divine n'est en fait précédée d'aucune occultation. Comment en irait-il autrement puisqu'Il est l'Intérieur et l'Extérieur ? Quand les gens de Dieu parlent de cette "manifestation", ils veulent simplement dire que le connaissant devient conscient de ce qui est. Voilà pourquoi l'on dit : "Arriver à Lui, cela signifie arriver à Le connaître" [3].
Se manifester ? Mais aurait-Il donc disparu ? Être présent ? Mais serait-Il donc parti ? Ibn `Atâ' Allâh dit dans ses Aphorismes : "Par quoi la réalité divine se voilerait-elle ? En réalité, Elle Se manifeste dans cela même qui Lui sert de voile et S'y trouve bien présente".
Les premiers aphorismes de son livre traitent d'ailleurs abondamment de ce sujet, et tu peux t'y référer si tu veux. Cette notion constitue une halte (mahatt) pour les connaissants, et l'on a composé beaucoup de livres et de poèmes à ce sujet, mais tout cela n'exprime qu'une faible partie de la réalité.
Même s'ils avaient disposé d'autant d'encre que l'océan bouillonnant (52, 6) peut en contenir, ils auraient épuisé leur encre avant d'épuiser les possibilités d'expression de la manifestation divine [4].


Notes :

[1] Wa lâ shay' ma`ahu ; allusion au célèbre hadith : "Dieu était et il n'y avait rien avec Lui".

[2] Commentaire de l'Imam Shâdhilî

[3] Hikma d'Ibn `Atâ' Allâh.

[4] Allusion à Cor. (18, 109).

Al-Mawâdd al-Ghaythiyya an-Nâshi'a
'an al-Hikam al-Ghawthiyya
(Sagese Céleste - Traité de Soufisme)

Shaykh Ahmad Ibn Mustafa al-'Alawi
Introduction, Traduction de l'arabe et notes :
M. Chabry & J. Gonzalez

Édition La Caravane

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