mardi 24 juillet 2012

Ibn 'Arabi - Observe les oeuvres obligatoires





(Cheikh Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Kitâb al-wasâyâ, traduit de l’arabe par Mohamed al-Fateh : Paroles en Or, édition Iqra).


Observe fidèlement ce que Dieu t’a prescrit comme obligations selon les modalités qu’Il t’a ordonné de respecter. Lorsque tu observes parfaitement l’accomplissement de tes obligations – et l’accomplissement parfait est une obligation pour toi – tu peux te consacrer alors, dans l’intervalle entre deux obligations, aux oeuvres surérogatoires sans limitation quant à leur nombre. Surtout ne sous estime aucune de tes oeuvres, car Dieu ne l’a pas méprisée au moment de la créer et de l’existencier. Il ne t’a confié aucun ordre sans lui accorder du soin et de la considération en te le confiant, même s’il y a auprès de Lui un ordre plus important sur le plan hiérarchique. En effet, tu es le lieu d’inhérence pour l’existence de ce qu’Il t’a chargé d’accomplir dans la mesure où cette charge ne concerne que les actes de ceux qui ont reçu cette obligation. Ainsi cette charge se rapporte à celui qui l’assume sous le rapport de son acte et non sous le rapport de son entité concrète.


Sache que lorsque tu observes fidèlement les oeuvres obligatoires, tu te rapproches de Dieu par ce qui Lui est le plus agréable, parmi les choses qui rapprochent de Lui. Une fois que tu assumes cette qualité, tu deviens l’ouïe de Dieu et Sa vue : Il n’entend et ne voit que par toi. C’est que la Main de Dieu est ta main : « Ceux qui te prêtent un serment d’allégeance ne font que prêter serment à Dieu. La Main de Dieu est posée sur leurs mains. » (Coran, 48/10) ; et leurs mains1 - en tant que la Main de Dieu – sont sur leurs mains – en tant que leurs mains -. C’est qu’il s’agit d’un serment d’allégeance où Dieu est l’Agent. Donc leurs mains sont la Main de Dieu ; c’est à travers leurs mains que Dieu a prêté serment d’allégeance et ce sont eux qui reçoivent l’allégeance. Et toutes les causes représentent la main de Dieu qui a le pouvoir effectif d’existencier les causes. Cela constitue, d’ailleurs, l’amour grandiose à propos duquel aucun Texte scripturaire aussi clair n’a été mentionné comme dans le cas des oeuvres surérogatoires. C’est que l’observance régulière et fidèle des oeuvres surérogatoires implique un amour divin parfaitement confirmé du fait que Dieu est l’ouïe du serviteur et sa vue, à l’inverse de ce qu’il en est dans l’amour de l’accomplissement des oeuvres obligatoires. En effet dans les oeuvres obligatoires réside la servitude par nécessité qui est la source et le fondement, et dans les ramifications – à savoir les oeuvres surérogatoires – réside la servitude facultative où Dieu est ton ouïe et ta vue.


D’ailleurs, on a appelé ces oeuvres surérogatoires (nawafil) parce qu’ils sont un plus et un excédent, de la même manière que tu es, de par ton origine, un plus dans l’Existence, car Dieu était alors que tu n’étais pas. Ensuite tu es venu à l’être et l’existence instaurée augmenta. Tu es donc un nafl (supplémentaire, surérogatoire) dans l’Existence de Dieu. Il te faut donc une oeuvre appelée nafl (surérogatoire), ce qui constitue ton origine. Et il faut une oeuvre appelée obligation qui représente l’existence, et ceci fait partie de l’Existence de Dieu.


Ainsi, en accomplissant ce qui est obligatoire, tu es à Lui ; et en observant ce qui est surérogatoire, tu es à toi. Or Son amour pour toi sous le rapport où tu es à Lui est plus intense et immense que Son amour pour toi sous le rapport où tu es à toi. Du reste, on rapporte dans une Tradition authentique que Dieu – qu’Il soit éxalté – dit : « Jamais Mon serviteur ne s’est rapproché de Moi par quelque chose qui M’est plus agréable que ce que Je lui ai prescrit. Et Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par les oeuvres surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime. Et lorsque Je l’aime Je suis son ouïe par laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il saisit et son pied avec lequel il marche. Et s’il M’adresse ses demandes, Je le comble ; et s’il implore Ma protection, Je le protège. Et je n’ai jamais hésité devant une chose que Je fais comme lors de Mon hésitation devant l’âme de Mon serviteur croyant : il déteste la mort et Moi Je déteste lui faire du mal ». Considère donc le fruit de l’amour divin et attache-toi à accomplir ce qui fonde l’existence de cet amour. Or l’oeuvre surérogatoire n’est fondée que si elle est observée après l’accomplissement de l’oeuvre obligatoire. Puis l’oeuvre surérogatoire comporte en elle-même des obligations et des actes surérogatoires. Et les obligations qu’elle comporte parachèvent les oeuvres prescrites. Il est rapporté dans le hadith authentique que Dieu – qu’Il soit exalté – dit : « Regardez si Mon serviteur a accompli sa prière parfaitement ou imparfaitement ». Si elle est complète, on l’inscrit en sa faveur comme parfaite ; si elle est imparfaite Dieu dit : « regardez si Mon serviteur a des oeuvres surérogatoires ». S’il en a, Dieu – qu’Il soit exalté – dit : « Parachevez pour Mon serviteur son oeuvre obligatoire grâce à son oeuvre surérogatoire ». Puis on applique ce principe à toutes les oeuvres. Cela dit, les oeuvres surérogatoires ne le sont que si elles ont leur fondement dans les oeuvres obligatoires. Quant à ce qui n’a pas de fondement dans les oeuvres obligatoires, cela relève de la constitution d’une forme d’adoration indépendante que

les savants exotériques appellent innovation. Dieu – qu’Il soit exalté – dit : « Et la vie monastique qu’ils ont inventée. » (Coran, 57/27), et l’Envoyé de Dieu l’a appelée « une bonne conduite » dont celui qui l’a instaurée aura la rétribution conséquente ainsi que la rétribution de celui qui la pratiquera, jusqu’au Jour de la Résurrection, sans que rien ne soit retranché de leurs rétributions respectives.

Comme l’oeuvre surérogatoire ne renferme pas assez de puissance pour couvrir ce que couvre l’oeuvre obligatoire, on a institué au sein de ce qui est nafl (surérogatoire) des obligations pour que les obligations soient réparées par les obligations en vertu du fondement commun, comme dans la prière surérogatoire. Ensuite ces oeuvres surérogatoires comportent des obligations, comme le dhikr, le ruku‘ (Inclinaison) (Ali : « génuflexion » est le fait de plier les genoux, or on les plie pas lors de l’inclination, mais seulement lors de la prosternation) et le sujud (Prosternation) bien qu’elles soient fondamentalement surérogatoires. Et ces actes et paroles à travers le dhikr, le ruku‘ et le sujud constituent des obligations au sein de ces oeuvres surérogatoires.

1 Il s’agit là des mains des Prophètes et de leurs successeurs qui sont les savants religieux bien guidés.


(Cheikh Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Kitâb al-wasâyâ, traduit de l’arabe par Mohamed al-Fateh : Paroles en Or, édition Iqra).

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