(Cheikh Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Kitâb al-wasâyâ, traduit de l’arabe par Mohamed al-Fateh : Paroles en Or, édition Iqra).
Tu
dois aussi attentivement considérer tes paroles comme tu considères
tes actes et tes oeuvres,
car elles relèvent de l’ensemble de ton oeuvre. C’est pourquoi
on a dit : « Celui qui considère
ses paroles comme relevant de son oeuvre parle peu ».
Sache
aussi que Dieu tient compte des paroles de Ses serviteurs, car Dieu
surveille la langue
de chaque locuteur. Ainsi, ce que Dieu t’a interdit d’articuler,
ne l’articule pas, même si
tu n’y crois pas, car Il t’interrogera à son sujet. On nous a
rapporté que l’ange scribe n’inscrit
pas contre le serviteur ce qu’il fait tant qu’il ne l’exprime
pas. En effet Dieu – qu’Il soit exalté
– a dit : « L’homme
ne prononce aucune parole sans savoir auprès de lui un observateur
prêt à l’inscrire. »
(Coran, 50/18), c'est-à-dire l’ange qui recense contre toi tes propres
paroles. Dieu – qu’Il soit exalté – dit : « Alors
que des gardiens veillent sur vous : de
nobles scribes qui savent ce que vous faites »
(Coran, 82/10-12). Or tes paroles relèvent
de tes oeuvres. Regarde La Parole de Dieu – qu’Il soit exalté -
: « Ne dites pas
de ceux
qui sont tués dans le chemin de Dieu : « Ils sont morts ! »
(Coran, 2/154). Il t’interdit
de parler ainsi, car Dieu a démenti ceux qui ont proféré ce genre
de propos. En effet, Dieu
dit au sujet de ces gens considérés comme morts qu’ils sont
vivants auprès de leur Seigneur
et qu’ils reçoivent leurs subsistances. Ne vois-tu pas que Dieu –
qu’Il soit exalté –
dit
: « Ne crois
surtout pas que ceux qui sont tués dans le chemin de Dieu sont
morts. Ils
sont vivants auprès de leur Seigneur »
(Coran, 3/169). Il a dit également : « Dieu n’aime
pas que l’on profère des paroles méchantes »
(Coran, 4/148). Il a dit aussi : « La plupart
de leurs entretiens ne comporte rien de bon »
(Coran, 4/114), ce qui relève des paroles
et des propos échangés. Donc, lorsque tu parles, n’évoque que de
ce que Dieu te permet
d’évoquer. Du reste, l’Envoyé de Dieu
ne plaisantait
qu’en ne disant que la vérité.
Attache-toi
donc à dire la vérité qui satisfait Dieu et sache que toute vérité
qu’on profère ne satisfait
pas forcément Dieu. En effet, la calomnie est un mensonge et la
médisance est une vérité,
mais elles ne satisfont pas Dieu, car on nous a interdit de calomnier
ou de médire de quelqu’un.
Parmi la considération des paroles de Dieu, il y a ce qu’on nous a
rapporté dans le sahih de
Muslim (Recueil du Hadith authentique) à propos de la pluie du ciel,
que Dieu qu’Il
soit exalté et magnifié – a dit : « Parmi Mes serviteurs, il y a
celui qui croit en Moi et celui
qui mécroit. Celui qui dit : nous avons eu la pluie grâce aux
conditions atmosphériques provoquées
par tel ou tel élément mécroit à Mon égard et croit aux astres.
Quant à celui qui dit
: nous avons eu la pluie grâce à Dieu et à Sa miséricorde, il
croit en Moi et mécroit aux astres
». Il a donc considéré les propos de ceux qui ont parlé. C’est
ainsi qu’Abu Hurayra disait
lorsqu’il pleuvait : « Nous avons eu la pluie grâce au don du fath (l’ouverture)
», puis il récitait
le verset suivant : « Ce
que Dieu, de Sa miséricorde, accorde par ouverture (yaftaHu)
aux serviteurs, nul ne peut le retenir »
(Coran, 35/2). Et même si tu croyais que c’est
Dieu qui a institué les causes secondes, les a établies et en a
répandu l’habitude, indiquant
qu’Il fait les choses à ce niveau, et non que c’est par
habitude, et non que c’est par habitude
qu’Il les fait, malgré tout cela, ne profère pas ce que Dieu t’a
interdit de dire ou d’exprimer,
car de même qu’Il t’a interdit certaines choses, de même Il t’a
interdit de parler ainsi,
même si c’est la vérité.1
Regarde
combien est Parfaite La Parole de Dieu – qu’Il soit exalté et
magnifié – lorsqu’Il dit : « Il
croit en Moi et mécroit aux astres ; il mécroit à Mon égard et
croit aux astres ».
En effet,
plus le serviteur exprime la Faveur de Dieu, plus il occulte l’astre
dans la mesure où il ne
mentionne pas son nom. Et celui qui prône l’astre occulte Dieu,
même s’il croit que c’est Lui
l’Agent qui fait descendre la pluie et qu’il omet de prononcer
Son Nom. Ainsi, Dieu a usé du
terme indiquant l’impiété (al-kufr)
qui désigne l’occultation. Garde-toi donc de formuler expressément
l’invocation de la pluie, en considérant cette dernière comme
étant causée par les
seules conditions atmosphériques. Il convient pour toi d’y croire,
car ta croyance, si tu as la
foi, c’est que Dieu a institué ces conditions comme des preuves
ordinaires – et toute chose
ordinaire peut se transformer en quelque chose d’extraordinaire
-.Fais attention donc aux
périls des habitudes et qu’elles ne te détournent pas des bornes
que Dieu a indiquées pour
toi. Tu ne dois pas les dépasser, car Il ne les a définies qu’après
les avoir considérées.
Et
ceci en toute chose. Il est rapporté dans une Tradition authentique
: « Il arrive à
l’homme de
proférer une parole qui courrouce Dieu sans croire qu’elle
atteindrait ce qu’elle atteindrait,
et il chute à cause d’elle durant soixante-dix ans en Enfer. Il
arrive aussi à l’homme
de prononcer un mot qui apporte l’Agrément de Dieu sans croire
qu’il atteindrait
ce qu’il atteindrait, et on l’élève à cause de ce mot
jusqu’aux cimes du Paradis ». Ne prononce
donc que ce qui satisfait Dieu, non ce qui Le courrouce contre toi.
Mais
tu ne peux parvenir à cela qu’en connaissant ce qu’Il a défini
pour toi à propos de ce que
tu dois dire. Il faut savoir que c’est un chapitre qui négligé
par les hommes. L’Envoyé de Dieu
a dit : «
Qu’est-ce qui
fait tomber les hommes face contre terre en Enfer si ce n’est
ce que leurs langues récoltent ? ».
De même, le sage a dit : « Rien ne mérite plus d’être
enfermé que la langue ». En effet Dieu l’a placée derrière deux
portes : les lèvres et les
dents. Pourtant elle redouble d’indiscrétion et force les portes.
1 - « De
la vérité » : partiellement, car évoquer les causes créées
par Dieu est certes une vérité partielle,
mais la vérité complète est de mentionner leur Créateur.
(Cheikh Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Kitâb al-wasâyâ, traduit de l’arabe par Mohamed al-Fateh : Paroles en Or, édition Iqra).
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