mardi 24 juillet 2012

Ibn 'Arabi - Prends garde à tes paroles







(Cheikh Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Kitâb al-wasâyâ, traduit de l’arabe par Mohamed al-Fateh : Paroles en Or, édition Iqra).


Tu dois aussi attentivement considérer tes paroles comme tu considères tes actes et tes oeuvres, car elles relèvent de l’ensemble de ton oeuvre. C’est pourquoi on a dit : « Celui qui considère ses paroles comme relevant de son oeuvre parle peu ».


Sache aussi que Dieu tient compte des paroles de Ses serviteurs, car Dieu surveille la langue de chaque locuteur. Ainsi, ce que Dieu t’a interdit d’articuler, ne l’articule pas, même si tu n’y crois pas, car Il t’interrogera à son sujet. On nous a rapporté que l’ange scribe n’inscrit pas contre le serviteur ce qu’il fait tant qu’il ne l’exprime pas. En effet Dieu – qu’Il soit exalté – a dit : « L’homme ne prononce aucune parole sans savoir auprès de lui un observateur prêt à l’inscrire. » (Coran, 50/18), c'est-à-dire l’ange qui recense contre toi tes propres paroles. Dieu – qu’Il soit exalté – dit : « Alors que des gardiens veillent sur vous : de nobles scribes qui savent ce que vous faites » (Coran, 82/10-12). Or tes paroles relèvent de tes oeuvres. Regarde La Parole de Dieu – qu’Il soit exalté - : « Ne dites pas de ceux qui sont tués dans le chemin de Dieu : « Ils sont morts ! » (Coran, 2/154). Il t’interdit de parler ainsi, car Dieu a démenti ceux qui ont proféré ce genre de propos. En effet, Dieu dit au sujet de ces gens considérés comme morts qu’ils sont vivants auprès de leur Seigneur et qu’ils reçoivent leurs subsistances. Ne vois-tu pas que Dieu – qu’Il soit exalté –

dit : « Ne crois surtout pas que ceux qui sont tués dans le chemin de Dieu sont morts. Ils sont vivants auprès de leur Seigneur » (Coran, 3/169). Il a dit également : « Dieu n’aime pas que l’on profère des paroles méchantes » (Coran, 4/148). Il a dit aussi : « La plupart de leurs entretiens ne comporte rien de bon » (Coran, 4/114), ce qui relève des paroles et des propos échangés. Donc, lorsque tu parles, n’évoque que de ce que Dieu te permet d’évoquer. Du reste, l’Envoyé de Dieu  ne plaisantait qu’en ne disant que la vérité.


Attache-toi donc à dire la vérité qui satisfait Dieu et sache que toute vérité qu’on profère ne satisfait pas forcément Dieu. En effet, la calomnie est un mensonge et la médisance est une vérité, mais elles ne satisfont pas Dieu, car on nous a interdit de calomnier ou de médire de quelqu’un. Parmi la considération des paroles de Dieu, il y a ce qu’on nous a rapporté dans le sahih de Muslim (Recueil du Hadith authentique) à propos de la pluie du ciel, que Dieu qu’Il soit exalté et magnifié – a dit : « Parmi Mes serviteurs, il y a celui qui croit en Moi et celui qui mécroit. Celui qui dit : nous avons eu la pluie grâce aux conditions atmosphériques provoquées par tel ou tel élément mécroit à Mon égard et croit aux astres. Quant à celui qui dit : nous avons eu la pluie grâce à Dieu et à Sa miséricorde, il croit en Moi et mécroit aux astres ». Il a donc considéré les propos de ceux qui ont parlé. C’est ainsi qu’Abu Hurayra disait lorsqu’il pleuvait : « Nous avons eu la pluie grâce au don du fath (l’ouverture) », puis il récitait le verset suivant : « Ce que Dieu, de Sa miséricorde, accorde par ouverture (yaftaHu) aux serviteurs, nul ne peut le retenir » (Coran, 35/2). Et même si tu croyais que c’est Dieu qui a institué les causes secondes, les a établies et en a répandu l’habitude, indiquant qu’Il fait les choses à ce niveau, et non que c’est par habitude, et non que c’est par habitude qu’Il les fait, malgré tout cela, ne profère pas ce que Dieu t’a interdit de dire ou d’exprimer, car de même qu’Il t’a interdit certaines choses, de même Il t’a interdit de parler ainsi, même si c’est la vérité.1


Regarde combien est Parfaite La Parole de Dieu – qu’Il soit exalté et magnifié – lorsqu’Il dit : « Il croit en Moi et mécroit aux astres ; il mécroit à Mon égard et croit aux astres ». En effet, plus le serviteur exprime la Faveur de Dieu, plus il occulte l’astre dans la mesure où il ne mentionne pas son nom. Et celui qui prône l’astre occulte Dieu, même s’il croit que c’est Lui l’Agent qui fait descendre la pluie et qu’il omet de prononcer Son Nom. Ainsi, Dieu a usé du terme indiquant l’impiété (al-kufr) qui désigne l’occultation. Garde-toi donc de formuler expressément l’invocation de la pluie, en considérant cette dernière comme étant causée par les seules conditions atmosphériques. Il convient pour toi d’y croire, car ta croyance, si tu as la foi, c’est que Dieu a institué ces conditions comme des preuves ordinaires – et toute chose ordinaire peut se transformer en quelque chose d’extraordinaire -.Fais attention donc aux périls des habitudes et qu’elles ne te détournent pas des bornes que Dieu a indiquées pour toi. Tu ne dois pas les dépasser, car Il ne les a définies qu’après les avoir considérées.


Et ceci en toute chose. Il est rapporté dans une Tradition authentique : « Il arrive à l’homme de proférer une parole qui courrouce Dieu sans croire qu’elle atteindrait ce qu’elle atteindrait, et il chute à cause d’elle durant soixante-dix ans en Enfer. Il arrive aussi à l’homme de prononcer un mot qui apporte l’Agrément de Dieu sans croire qu’il atteindrait ce qu’il atteindrait, et on l’élève à cause de ce mot jusqu’aux cimes du Paradis ». Ne prononce donc que ce qui satisfait Dieu, non ce qui Le courrouce contre toi.


Mais tu ne peux parvenir à cela qu’en connaissant ce qu’Il a défini pour toi à propos de ce que tu dois dire. Il faut savoir que c’est un chapitre qui négligé par les hommes. L’Envoyé de Dieu  a dit : « Qu’est-ce qui fait tomber les hommes face contre terre en Enfer si ce n’est ce que leurs langues récoltent ? ». De même, le sage a dit : « Rien ne mérite plus d’être enfermé que la langue ». En effet Dieu l’a placée derrière deux portes : les lèvres et les dents. Pourtant elle redouble d’indiscrétion et force les portes.



1 - « De la vérité » : partiellement, car évoquer les causes créées par Dieu est certes une vérité partielle, mais la vérité complète est de mentionner leur Créateur.




(Cheikh Muhyî-d-Dîn Ibn Arabî, Kitâb al-wasâyâ, traduit de l’arabe par Mohamed al-Fateh : Paroles en Or, édition Iqra).

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