Extrait de " Le Soufi marocain Ibn 'Ajîba et son Mi'râj. "
Traduction de Jean-Louis Michon.
Al Ghayra
La "jalousie", c'est répugner à voir son aimé auprès d'autrui : on rivalise d'efforts pour gagner la possession exclusive (hiyâza) de l'aimé.
Al Shiblî a dit : "Il y a deux sortes de jalousie : la jalousie humaine qui s'exerce vis-à-vis des personnes ('alâ' l-nufûs) et la jalousie divine qui s'exerce vis-à-vis des coeurs ('alâ' l-qulûb).".
Le sens de cette parole est que, par nature, l'homme répugne à voir l'être qu'il aime, son épouse par exemple, auprès d'un autre ; quant à Dieu (al-Haqq), Il déteste voir les coeurs de Ses amis (awlyâ') s'attacher à autre que Lui.
Comme le dit le Hadîth : "Personne n'est plus jaloux que Dieu ; c'est pourquoi il a défendu les souillures (al-fawâhish) extérieures eet intérieures".
Il n'y a, dans l'existence, que la jalousie divine, laquelle pénètre dans les lieux épiphaniques".
La jalousie qui s'exerce vis-à-vis des personnes (des âmes) est celle du vulgaire, qui est jaloux des atteintes à l'honneur du foyer ;
la jalousie vis-à-vis des coeurs est celle des gens d'élite ; ils sont jaloux que leur esprit ne se tourne vers autre chose que le Bien-Aimé ;
la jalousie vis-à-vis des esprits et du tréfonds des coeurs (arwâh, asrâr) est celle des élus de l'élite : ils sont jaloux que leur esprit ne se tourne vers autre chose que le Bien-Aimé et que l'Ami n'incline vers autrui.
Dans ce sens élévé (amr 'azîm), le serviteur a le droit d'être jaloux, comme l'a dit le poète :
"Si je ne rivalise pas d'amour à Ton égard et ne suis pas jaloux de Toi,
alors, dis-moi, à l'égard de qui rivaliserai-je?
Ne méprise pas mon âme, car Tu es son aimé
et chaque être désire son semblable."
Il se peut que Dieu soit jaloux de Ses amis et tire vengeance de ceux qui leur nuisent. C'est aussi un effet de Sa jalousie qu'Il ne les rend pas manifestes à tout le monde : Il les garde avec un soin jaloux et ne les fait rencontrer à ses créatures que sous le voile de l'incognito, car ils sont les fiancées de sa noble Présence ('arâ'is hadratih).
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